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[Mission] Portés disparus

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A bord d'un navire naute, en vue de l'île
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Ce matin-là, Almas avait annoncé avec fierté à ses supérieurs que le problème de la source allait enfin être résolu grâce à lui.

Certes, c’était s’avancer un peu. Mais Hikmet grandissait presque à vue d’œil et avait besoin d’eau. Almas n’avait aucun doute là-dessus : la personne qui apporterait la solution sur un plateau d’argent gagnerait en influence. Et pour un ingénieur qui cherchait à sortir de l’ombre de son mentor, c’était une occasion à saisir.

Le génie d’Almas avait consisté à obtenir l’autorisation de coller des affiches, en vérité. Il y expliquait avoir besoin d’aventuriers intrépides et intelligents pour partir à la recherche d’une source mystérieuse : autant vendre un peu l’affaire. Il n’avait pas manqué de préciser qu’une belle somme attendait ceux qui reviendraient victorieux.

Car là se situait le vrai souci, et il ne l’avait pas caché aux volontaires : partir, c’était simple. Il leur avait même fourni une belle carte. Mais revenir, c’était une autre paire de manches. Les trois éclaireurs envoyés voilà deux semaines étaient toujours portés disparus, et deux d’entre eux étaient pourtant armés. Avaient-ils rencontré quelque monstre étrange ? S’étaient-ils disputés avec des Natifs, avaient-ils été pris en embuscade ? Ou bien avaient-ils été engloutis par l’épaisse végétation ? Almas n’en avait aucune idée. Il ne se souciait que d’une chose : que l’expédition, cette fois, fonctionne.

Il espérait avoir dégoté des perles rares. Dilay comme Constantin lui avaient donné l’impression d’être dégourdis, en tout cas. Il avait insisté pour que les deux volontaires partent ensemble : hors de question d’envoyer une personne seule explorer les bois où la source était censée se trouver.

Il leur avait promis d’aligner les pièces d’or si la carte revenait pourvue d’une belle croix rouge à l’endroit où la source se trouvait, avec un bonus si on lui expliquait ce qu’étaient devenus les éclaireurs. Après tout, ce n’était pas son argent.

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C’était à peu près par hasard que Constantin s’était retrouvé nez-à-nez avec une des affiches placardés un peu partout dans Hikmet par Almas. Si sa première réaction ne fût qu’un haussement de sourcils sceptique, un instant de réflexion lui suffit pour être intrigué par l’annonce. S’il fallait définir pour quelles raisons il était intéressés, il s’agirait des suivantes : premièrement une bonne réputation était toujours un avantage conséquent, quelque soit son métier. Deuxièmement, il résidait à Hikmet, et il avait une certaine passion pour ne pas subir un rationnement en eau. Et troisièmement, bien évidemment, cela casserait la monotonie de son quotidien. Une petite aventure qui lui ferait quitter quelque peu la ville, voilà ce dont il avait besoin ! Et puis c’était une mission d’intérêt public, son travail n’en pâtirait pas tant que ça. Voilà tout ce dont avait besoin Constantin pour se montrer volontaire pour trouver cette fameuse source.


Bien évidemment, lorsque Almas avait annoncé que les précédentes expéditions pour trouver cette mystérieuse source s’étaient toutes soldés par des échecs, la prudence semblait davantage de mise. Qui pouvait bien savoir quel sinistre sort avait pu frapper les éclaireurs après tout ? Quelle tragédie, des hommes armés et expérimentés disparaissant d’un claquement de doigt. C’en était presque décourageant. Presque.


Par chance, et par précaution sans doutes, Constantin n’était pas le seul à s’aventurer dans cette forêt labyrinthique. Après tout les derniers à l’avoir fait ne donnaient plus aucun signe de vie, ç’aurait été bien maladroit d’envoyer une nouvelle fois quelqu’un seul afin qu’il disparaisse à son tour. Non, la prudence, et l’envie de trouver cette fameuse source avait fait qu’ils étaient deux à partir en expédition. Et peut-être seraient-ils deux à se perdre aussi ! Qui pouvait savoir ?


Bon, Constantin ne connaissait pas vraiment sa comparse, mais c’était avec un optimisme prudent qu’il envisageait cette mission. Qui pouvait bien savoir de quoi l’avenir était fait après tout ? Il n’avait aucune idée de ses compétences, mais si elle avait répondu à l’annonce -ou que quelqu’un l’avait persuadé de le faire- c’était bon signe, n’est-ce pas ?


Et parce que partir préparé était plus sûr, c’est avec un pistolet à silex et un sabre pendouillant à sa ceinture -et dont sa maîtrise était loin d’être parfaite- qu’il partait, ainsi qu’avec une besace contenant de la nourriture, et une gourde d’eau. Le strict nécessaire.


Son pas était calme et nonchalant alors qu’il approchaient tout deux de la forêt dans laquelle se trouvait la source, et il ne semblait pas si pressé que ça d’y rentrer. Mais c’était se méprendre, ses yeux virevoltaient d’un coin à l’autre de la dense végétation en face d’eux, et il se demandait bien à quel point cette forêt leur donnerait du fil à retordre. Mais rien de bien insurmontable.


« Ainsi donc, nous voici devant la fameuse forêt... » Tout en prononçant l’évident, il posa la main sur son chapeau à plume, comme pour le remettre en place, « Eh bien, nous allons voir à quelle point la fortune sourit aux audacieux, si elle leur sourit bien sûr. » Il laissa glisser un léger rire en secouant sa tête, avant de regarder Dilay tout en arquant un sourcil, « Il va falloir prendre assez rapidement des points de repères, nous ne voulons pas disparaître comme les pauvres hères qui nous ont précédés, n’est-ce pas ? »

Il balaya d’un geste du bras exagérément vaste l’étendu boisée qui se présentait devant eux. Incorrigible et horriblement théâtral devant l’inconnu. C’était tout lui.

« Et sur ces paroles d’un optimisme manifeste, et si nous nous mettions à l’œuvre ? »
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Mission

Portés disparus

Feat Constantin


Il était rare que Dilay soit à Hikmet mais il fallait bien que quelqu’un aille rendre la liasse de feuillets d’observations au laboratoire de la ville et c’est elle qui parle le plus vite. Plus rare encore qu’elle s’arrête pour regarder une affiche qui collée où que ce soit dans les ruelles. Elle se fichait bien des alchimistes à la petite semaine qui tentaient d’attirer le chaland en vendant une potion de soin soi-disant un peu plus efficace que leur concurrent. On tapait dans un bord de trottoir dans le coin et une dizaine de chercheurs assoiffés de reconnaissance en sortaient.

Le nouvel employeur de Dilay a tout à fait l’air d’être de ce genre. La mathématicienne a regardé sa carte plus qu’elle ne l’a regardé lui pendant qu’il leur présentait, à elle et au type qui a postulé en même temps, les termes de la mission.
Ça ne plaisait pas trop à Dilay que des gens aient déjà tenté leur chance et n’en soient jamais revenus. Les militaires de l’Alliance du Pont ne sont pas des quilles, loin de là, et s’ils étaient de la Garde c’est tout pareil.
Dilay a une raison bien spécifique pour vouloir participer à une mission d’intérêt public : Mitra lui a confié l’existence de costumes de contrebande, des déguisements pour ressembler à un thélémite et Dilay a fichtrement envie de s’en procurer. Cela lui rendrait, à elle comme à Vaast, la vie moins difficile. Or, il faut

Mais pour toutes ces belles intentions, ce qui intéresse surtout Dilay c’est tout de même la somme alléchante proposée aux aventuriers qui réussiraient à trouver la source. Elle a insisté auprès du type – Almas ? – pour que la récompense soit à la hauteur de l’effort engagé. Si elle se retrouve avec une armée de Natifs aux trousses, il faut que ça en vaille la peine.
De l’avis de Dilay, ce ne sont probablement pas eux les responsables. Ce doit être la faune. Elle est soulagée de ne pas se diriger vers la région où elle a croisé le Natif rouquin particulièrement inamical. Ses menaces de guerre à venir la font encore grincer des dents.

La voilà en route avec la carte, un compas à la main pour se guider sur le papier. Dilay porte sa veste matelassée, ses guêtres renforcées. Elle a un chapeau aux tons sobres vissé sur le crâne, son tromblon à la ceinture et son fusil muni de sa billonnette accroché en bandoulière autour de son torse. Elle ne s’est encombrée que du strict minimum et d’un nombre important de balles. Au cas où. Pas de quoi se payer une bonne potion de soin. Tant pis. Dilay n’a jamais été du genre prudente, surtout contre de l’argent.

Durant la première partie du trajet, la mathématicienne n’adresse pas la parole à son comparse. Il a une drôle de dégaine, pour un membre de l’Alliance du Pont. Elle le jugerait de la Congrégation, et ses manières quand il finit par s’exprimer…
Dilay l’observe de derrière ses lunettes. Bien plus sobre qu’il ne l’est, elle parle sans prendre de gants ou sans articuler beaucoup.

- F-Faites une encoche dans les troncs.

Propose Dilay en désignant le sabre de l’homme du menton avant de regarder à nouveau la carte, puis d’adresse une œillade à la forêt. La végétation ressemble à un mur infranchissable. Dilay inspire, ses poumons se remplissent de l’odeur de l’humus. Il a plu récemment.

- Je suppose que faut juste remonter le cours d’eau.

Elle plante la carte sous le nez de son interlocuteur. Le filet hésitant d’une rivière est annoté, sans qu’on sache où elle commence. Son embouchure est la seule chose sûre, quant aux résurgences qu’on a croisé dans les bois ? Impossible de dire si elles sont d’une même source, différents bras, ou des cours d’eau complètement différents. Même si la zone sera probablement humide près du ruisseau, le sol mou, c’est la façon la plus logique de retrouver la source…

Non ?
Dilay aurait probablement dû être plus attentives à ses cours de géographie à l’Académie. Mais, ce qui est sûre, c’est que l’eau leur fera un point de repères. Quitte à ne rien trouver autant ne pas bêtement se perdre et ne jamais retrouver la sortie de l’impénétrable bosquet.
Après un haussement d’épaule, Dilay replie la carte et s’engage sous le couvert des arbres. Elle est habituée à cheminer en silence mais l’atmosphère paraît moins lourde en discutant alors elle lance :

- V-Vous avez l’habitude des missions comme ça ?

Si on l’a envoyée avec un bleu, ce sera bien sa veine…
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Faire une encoche dans les troncs était en effet un moyen simple et efficace pour créer eux-mêmes des points de repères, et surtout qui ne prenaient pas trop longtemps à faire. Il nota mentalement de faire une encoche assez régulièrement, il aurait été terrible qu’ils perdent tout deux leur chemin dans cette végétation labyrinthique. Et il avait tout de même envie de retourner chez lui après qu’ils aient trouvé cette fameuse source. Ce serait un comble qu’ils découvrent ou se trouvait la source, mais qu’ils soient incapable de revenir sur leurs pas ensuite.


A la mention du cours d’eau, les yeux de Constantin se rivèrent sur la carte que leur avait confié Almas auparavant. Il observait les contours cartographiés qui se troublaient et disparaissaient pour indiquer une zone inconnu, en l’occurrence la forêt et la source d’eau. La rivière semblait être leur meilleure piste pour le moment, et si cette piste ne donnait rien… Eh bien ils seraient forcés d’aviser et de revenir sur leurs pas, ou de déterminer une autre marche à suivre. Tant qu’ils n’étaient pas dans une situation critique ils avaient toujours des options, après tout.


Alors que Dilay s’engageait déjà dans la végétation, Constantin haussa les épaules avant de suivre sa comparse d’un pas plus énergique qu’auparavant. Après tout il faudrait une bonne petite dose de réactivité si jamais quelque chose de sinistre arrivait sans crier gare, et il fallait toujours parer à toute éventualité. Ceci dit, ils ne risquaient pas forcément grand-chose dans cette partie de la forêt… n’est-ce pas ?


Alors qu’il gravait déjà une encoche sur l’un des arbres qu’ils croisaient, Constantin arqua un sourcil avant de faire face à sa comparse. Il faisait preuve d’une perplexité manifeste devant la question qu’elle venait de lui poser. S’il avait l’habitude des missions de ce genre ? La vérité était non, mais il fallait un début à tout, n’est-ce pas ? Et s’il manquait d’expérience, il ne manquait pas d’astuce ou d’ingéniosité. En tout cas c’est ce qu’il se plaisait à se dire. Avant de répondre à la question de Dilay, Constantin se para d’un léger sourire un tantinet moqueur :


« Nous en sommes déjà à questionner mes compétences et mon expérience ? C’est que j’en serai presque blessé. Mais n’est-ce pas une question légitime après tout, alors que ceux qui nous ont précédés ont disparus dans cette même forêt ? Risquer votre vie avec un parfait inconnu n’est pas des plus rassurant après tout. Alors pour répondre très simplement à votre question, non je n’ai pas l’habitude de vadrouiller en pleine forêt pour trouver une source d’eau qui échappe aux cartographes. »


Une manière extrêmement alambiquée pour répondre simplement non à une question fort simple, mais Constantin ne pouvait pas s’en empêcher, parfois c’était même plus fort que lui. Il ne fallait évidemment pas aimer le silence et se plaindre qu’il monopolise parfois la conversation, ça pouvait être d’un éreintant parfois, mais il y prenait un plaisir coupable, surtout quand ses comparses étaient beaucoup plus droit au but que lui. La traversée risquait d’être animée.


Mais il y avait quelque chose qui le chiffonnait avec l’accent de Dilay, il était assez particulier pour un membre de l’Alliance, et quelque chose qui lui rappelait beaucoup la Congrégation. Il jeta un regard remplit de curiosité dirigé vers sa comparse, et haussa un sourcil. Et étant donné que la traversée serait sans doute longue, autant combler le vide autant que faire se peut.


« Je sais que ce ne sont pas mes affaires, et que c’est fort discourtois de poser la question à quelqu’un que je viens de rencontrer, mais je ne peux m’empêcher de remarquer votre accent. Je suis assez curieux à vraie dire, d’où pouvez vous bien venir ? Bien sûr, vous n’êtes pas obligée de répondre à cette question, je m’en voudrais terriblement d’empiéter sur votre vie privée. »
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Portés disparus

Feat Constantin


Dilay décroche son fusil et l’empoigne. Il n’est pas chargé : elle se sert de la baïonnette pour se frayer un chemin quand c’est nécessaire. Elle, elle avance sans peur, sans même une pointe d’appréhension. Pas son genre de s’inquiéter du danger avant qu’il ne soit sur elle – pourquoi souffrir deux fois, en avance et quand le moment d’avoir vraiment mal arrivera ?
Cela ne l’empêche pas de ratisser la zone d’un regard attentif. Parfois, elle abaisse légèrement ses lunettes. Si elle voit mieux de près avec les binocles sur le nez, elles limitent sa vision de loin. De toute façon, on n’a pas un beau panorama sous le couvert des arbres.

Dilay tire des bruits de succion à la terre moite quand elle en avance, parfois plus laborieusement si la boue lui monte au-dessus de la cheville.
Le type à ses côtes fait ses encoches. C’est très bien. Pendant ce temps, Dilay se charge de jouer aux éclaireurs sans jamais marcher d’un pas qui pourrait semer son comparse.
Elle décoche un bref regard au type quand il se met à baragouiner. Les sourcils légèrement haussé, Dilay reporte son attention devant elle tout en l’écoutant.
« Ça aurait été plus vite de répondre « non ». » manque-t-elle de répliquer, mais elle se contente de rouler des épaules puis de lancer :

- E-Entrainement martial ?

Si le type est de ces aventuriers auto proclamés qui n’ont jamais fait leurs armes qu’avec les professeurs que leur payaient leurs parents – ou pire, dans des clubs amateurs d’escrime ou de tir – alors…
Leur employeur n’a pas précisé qu’il fallait revenir tous les deux en vie. Et peut-être que ça fera une plus grosse prime à Dilay.
Que l’idée lui vienne met mal à l’aise la mathématicienne. Elle n’a pas envie de penser comme ça, elle ne s’imagine pas laisser quelqu’un dans un pétrin mortel si elle a la possibilité d’y faire quelque chose. Il faudrait vraiment, vraiment que les choses dégénèrent.
La question du type fait marquer une pause à Dilay. Elle reprend vite la marche mais lui décoche une œillade, un sourire narquois aux coins des lèvres

- J-Je suis d’une contrée mer-merveilleuse et lointaine. Plus lointaine que celle-ci. Vous connaitriez pas.

Affabule-t-elle d’un ton goguenard, parce que son interlocuteur n’a pas l’air désolé du tout d’empiéter sur sa vie privée.

- Et vous ? Congrégation ?

D’habitude, elle ne pourrait pas écouter quelqu’un en lui donnant sa pleine attention sans le regarder. Elle s’appuie encore trop sur la lecture labiale. Mais, dans le cas de son comparse, il parle d’une façon si maniérée que son articulation permet à Dilay de bien percuter ce qu’il raconte.
Et puis vu toutes les fioritures si elle en perd une miette, ce sera sûrement d’une partie pas très importante.

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D'inquiétantes traces
Pour qui n’avait pas l’habitude de se promener dans les luxuriantes forêts de Teer Fradee, il pouvait être difficile de repérer des empreintes - et encore plus de déterminer si elles étaient banales ou non.

Ci et là, il était possible de dénicher de modestes témoignages du passage d’animaux. Mais près du cours d’eau que les deux volontaires remontaient, les témoignages n’avaient plus rien de modeste. On aurait pu croire aux marques laissées par le passage d’un homme - mais alors un homme dont les pieds malformés auraient fait le triple de la taille normale, et de même pour son poids.

Quelle que soit la chose à l’origine des marques au bord de l’eau, elle semblait absente des parages immédiats. Le calme n’était troublé que par le gazouillis des oiseaux.

Suivre les traces géantes risquait néanmoins de mener Constantin et Dilay à passer une journée plus mouvementée que prévu… mais aussi à un fusil, déchargé et tordu en deux, inexplicablement jeté en plein milieu du ruisseau. Comme une étrange pierre brillant au soleil.

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La question de Dilay concernant un possible entraînement martial de Constantin était logique et légitime, et beaucoup auraient pensé que la réponse à cette question serait une nouvelle fois un « non » enrobé de fioritures. Mais il n’en était rien, car Constantin avait bel et bien subit un entraînement martial avec ses tuteurs, lors de sa jeunesse. Des compétences qui lui ont bien servit lorsqu’il avait décidé de changer de vie et de partir à Hikmet. Vivre au jour le jour n’avait rien de confortable ou de reposant, et bien plus d’une fois son pistolet l’avait sauvé d’un sort funeste, car c’est avec ce prodigieux outil que Constantin avait le plus d’acuité. Sa maîtrise du sabre était acceptable, loin d’être parfaite, et sa présence servait plus à décourager d’éventuels ennuis de pointer leur nez qu’autre chose.


« Vous pourrez constater que ma visée n’a rien d’hésitant, si jamais nous avons des ennuis en tout cas. Vous pouvez légèrement douter de mon sabre, mais ma visée m’a sauvé plus d’une fois, vous pouvez me croire. » plaçait-il d’un ton bien moins désinvolte que d’accoutumé, son sourire se figeant pendant quelque secondes avec de s’élargir de nouveau comme si de rien ne s’était passé.


Bien sûr, qu’il puisse leur arriver quelque chose pendant cette expédition était possible, voir même probable. Constantin n’oubliait pas que des hommes et des femmes avec de l’expérience avaient essayé de compléter la même tâche qu’eux, et qu’ils avaient tout bonnement disparu. Malgré tout il conservait son optimisme prudent, il ne servait à rien de broyer du noir et de psychoter sur moult possibilités qui pourraient ne même pas se produire. Ce serait terriblement contre-productif, et instillerait le pernicieux poison du doute dans leur esprit.


Aussi, lorsque Dilay répondit enfin à sa question sur son origine, Constantin ne pût s’empêcher de ricaner et de secouer légèrement la tête. Voilà qui était bien répondu, un moyen efficace pour lui rabattre son caquet, et magistralement servit. Il était un perdant gracieux cela dit, et accepta cette réponse comme signe que cette question empiétait bien trop sur la vie privée de sa comparse. Pas qu’il s’en sentait terriblement navré, après tout il lui avait donné l’occasion de refuser de répondre, et elle l’avait fait de la plus divertissante des manières possible.


Il était presque tenté de répondre dans la même veine qu’elle à la question que Dilay lui posait désormais, mais ce serait un tantinet trop mesquin de sa part. Ainsi il y répondit d’une manière très simple. A sa propre manière bien sûr.

« La Congrégation ? Mais quelle drôle d’idée ! Je me demande bien ce qui a pu me trahir... » Disait-il l’air faussement outré avec un léger sourire moqueur, « Mais oui, je viens bien de la Congrégation Marchande, de Sérène, plus précisément. »

Ce n’était pas comme s’il gardait ses origines secrète après tout, tout chez lui criait qu’il venait de la Congrégation. Alors le dire à haute voix n’avait pas grande importance, autre que de confirmer ce fait.

Leur chemin à travers la forêt continuait sans perturbation, pour le moment du moins. Car bientôt ils se trouvèrent face à une scène des plus troublantes. Des traces de pas bien plus qu’inhabituelle et sinistres longeaient ce ruisseau qu’ils remontaient. Et plus inquiétant encore, la carcasse d’un fusil gisait en plein milieu du cours d’eau, tordu et abandonné. Aucune trace de celui qui aurait pu le brandir, laissant encore son sort inconnu, même s’il faisait peu de doutes qu’il devait lui-même reposer dans un sombre recoins de la forêt. Les traces de pas elle, étaient probablement la source de leurs inquiétudes. Malformées, grotesques et gigantesques, elles n’auguraient certainement rien de bon, et encourageaient d’autant plus la prudence.

« Eh bien, cela nous donne déjà une idée de ce qui a pu arriver aux éclaireurs. Raison de plus pour être prudents.»
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Feat Constantin


Bon. Le type sait se battre, c’est déjà ça.

- V-Votre nom ?

Peut-être qu’il l’a déjà dit et que Dilay ne s’en souvient pas. Tant pis.
Elle esquisse un sourire quand son camarade évoque Sérène.

- La meilleure.

Elle approuve car pour elle il n’existe pas d’endroit plus agréable dans tout Gacane. Au moins, si le temps se fait long, ça fera un sujet de conversation !
L’enthousiasme momentané de Dilay est douché par leur découverte. Là, sur les berges limoneuses se trouvent des sortes de… traces ?

La mathématicienne n’arrive pas à croire qu’une créature pourrait laisser une piste de cette taille. Il faudrait qu’elle soit gigantesque. Dilay tourne son regard vers là où sont partis les pas. Plus absurde encore, la végétation semble relativement épargnée.
Dilay dégaine son compas pour mesurer la taille des traces puis, après s’être redressée, elle plante ses yeux dans ceux de Constantin, le ton grave.

- L-Le truc qui a laissé ça doit faire au moins deux mètres.

Elle désigne du menton le pistolet de son interlocuteur.

- Pas sûre que ça suffise.

Elle touche sa propre arme pour indiquer que celle-là non plus risque de ne pas être assez. La piste n’est pas difficile à suivre au moins, mais Dilay hésite. Elles remontent pourtant par le bord de l’eau, autant dire la direction qu’ils doivent emprunter.
Elle soupire, fait une marque sur la carte à l’endroit où elle pense se trouver à l’aide de la pointe du compas.

- M-Marquez bien les alentours.

Elle conseille au type. S’ils ne trouvent rien, ils pourront au moins toucher quelque chose pour la découverte d’un site pareil. L’existence d’une bête de ce gabarit devrait probablement intéresser les chercheurs.

Dilay tapote son oreille pour signaler à son camarade de bien écouter les alentours. Elle-même n’a pas l’ouïe fine, c’est peu de le dire, mais elle suppose que tout de même, la créature qui a laissé cette piste-là doit s’entendre de loin…
Elle reprend la route après avoir bu un peu et grignote un morceau de pain sur le chemin tout en cheminant juste à côté des traces monumentales dont certaines se remplissent d’eau comme de petites flaques.
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Constantin traça un symbole différent sur l’un des nombreux arbres autours d’eux, afin d’indiquer la proximité de l’étrange créature qui avait pu laisser de pareilles traces. Cela n’avait absolument rien de rassurant, et le pire était le calme apparent de la forêt. Etait-ce naturel, ou était-ce tout simplement le calme avant la tempête ? Mieux valait se préparer au pire, afin d’éviter qu’un sort funeste ne s’abatte sur eux.


Lorsque Dilay lui indiqua qu’elle doutait que leurs armes à feu puisse avoir un quelconque effet sur la créature qui avait laissé les traces, Constatin se contenta de hocher les épaules d’un air impuissant, avant de jeter un coup d’œil critique à son propre pistolet à silex.


« J’en doutes très fortement, vu l'état du fusil dans le ruisseau. Ce serait une brindille que ça ne ferait pas grande différence.»



Ils ne savaient même pas à quoi ils pourraient bien faire face, mais il semblait que la fuite serait toute indiquée si jamais ils tombaient dessus. Il fallait être attentif et tendre l’oreille, se laisser surprendre pourrait très bien être leur première et dernière erreur. Restait à espérer que cette créature était aussi bruyante qu’elle devait être massive, à moins qu’il s’agisse d’une chose particulièrement retorse, ils devraient se rendre compte bien vite de sa présence… non ?


Voilà qui lui donnait particulièrement envie de fumer, un moyen rapide et efficace pour se décontracter et être paré à faire face à n’importe quoi. Mais Constantin se retint, cette récompense viendrait plus tard, et il préférait éviter de laisser une trace odorante de leur passage, qu’importe si elle disparaissait vite, si la chose qui avait laissé des empreintes pouvait remarquer cette odeur, ce serait sa faute à lui.


Mais assez pensé à d’aussi sinistre possibilité, rester prudent et psychoter étaient deux choses bien différentes. Et l’esprit de Constantin revenait lentement à la discussion qu’il avait avec sa comparse avant qu’ils ne tombent sur les traces de pas gigantesque qu’ils suivaient toujours.


« Aaah Sérène, le joyaux de la Congrégation Marchande… Mais j’y pense, vous y êtes vous déjà rendue ? Vous avez l’air d’en savoir un peu sur la ville… Oh, et puis ça n’a pas vraiment d’importance, n’est-ce pas ? Un joyaux, aussi magnifique qu’il puisse être, possède toujours quelques impuretés. »
 Il disait ça d’un ton presque cynique, et levait légèrement les yeux au ciel, gravant une nouvelle marque sur un arbre en passant, « Cela vaut pour n’importe quel endroit ceci dit, là ou il y a des hauts, il y a toujours des bas. »
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Feat Constantin


Au moment où Constantin remarque le fusil, Dilay pénètre dans le ruisseau. Heureusement que ses bottes sont hautes, l’eau ne s’infiltre pas par-dessus. Elle patauge un peu et saisit l’arme brisée avant de la ramener à son partenaire.
Elle la fait tourner entre ses mains.

- I-Il est vide.

Elle remarque, avant d’aviser Constantin. Brindille, c’est une bonne analogie. L’arme semble avoir été brisée avec autant de considération que s’il s’agissait d’un jouet.

- C-Cherchez pour des traces humaines.

Conseille-t-elle. Peut-être qu’à partir de là ils vont retrouver la trace de leurs disparus.
Dilay continue de tenir la carcasse du fusil alors qu’elle avance dans la boue. Elle le déchambre, puis regarde le canon, tapote du bout de l’index le point de cassure.
Visiblement, elle cherche à comprendre où la pression a été exercée pour produire un tel effet.

Peut-être qu’il y a eu une erreur de fabrication – une balle s’est coincée, elle a fait exploser la chambre, tente de raisonner Dilay. Ce serait une meilleure explication que de conclure que Teer Fradee possède quelque chose – ou quelqu’un – capable de tordre les fusils de rien de moins que l’Alliance du Pont. Ceux-là même qui leur garantissent une supériorité face à Thélème.

- S-Si même la magie arrive pas à faire ça…

Maugrée Dilay avant de sangler le fusil cassé à son harnachement. Elle connaît trop bien les scientifiques : ils voudront voir ça. C’est aussi une preuve que Constantin et elle ont cherché pour de vrai.

Le terrain difficile met à rude épreuve l’endurance. Sont-ils en train de monter ? De descendre ? Difficile à dire avec la densité de la forêt, tout semble pareil et en même temps on ne s’y fait aucun point de repère. Dilay qui ouvre la marche prend garde de ne pas rabattre de branche dans le visage de Constantin.

- Trouvez un gros caillou.

Elle propose à Constantin. S’ils devaient croiser la bestiole, charger le tromblon avec plusieurs projectiles fera une grosse détonation. Dilay ajoute :

- Z-Z’avez pas de bombe sur vous ?

Ce serait mieux que tout mais ça ferait probablement un bruit du tonnerre s’ils devaient l’utiliser. Dilay se demande si la chose qu’ils talonnent vit en meute. Ce serait bien leur veine…

A la question de Constantin Dilay parvient tout de même à sourire.

- J-J’ai passé plus de 10 ans à Sérène. C’est le plus bel endroit du monde.

Elle adresse un regard désabusé à son comparse malgré son rictus :

- Qu’est ce qui a pas d’im-impureté sur Gacane ?

Elle hausse ensuite les épaules. Ils auraient bien besoin d’un haut, d’un bon gros haut, qui rende le boulot tout facile : pouf, la source juste devant leurs yeux au prochain arbre. Mais non. Il y a toujours un tronc derrière le premier, et encore un après. Dilay n’a aucune idée du temps qui s’est écoulé.
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Une voix entre les arbres
L’arme récupérée par Dilay semble avoir été compressée. Peut-être que l’étrange chose qui a laissé toutes ces empreintes a marché dessus - ou bien qu’un rocher l’a brutalement écrasée. En tout cas, entre la déformation et le bain que le fusil a pris malgré lui, il n’est plus près de tirer quoi que ce soit.

A mesure que le duo progresse, les oreilles les plus affûtées pourront enfin saisir autre chose que le joyeux babillage des oiseaux dans les branches. Loin devant, à peut-être cent cinquante mètres, une exclamation a échappé à quelqu’un. Sans doute les deux volontaires de l’Alliance ont-ils été repérés.

Il est difficile de distinguer la silhouette de l’intrus entre les troncs. Par chance, la personne est habillée de couleurs vives - du bleu et du rouge. C’est une bonne chose, car la repérer à l’ouïe devient difficile. Elle ne fait que peu de bruit en marchant, à croire que ses pieds ne se posent que sur de la mousse. Elle aussi suit le cours de la rivière ; quoiqu’elle continue d’avancer, rien n’indique qu’elle ne se soit mise à courir ou tente de se cacher. Peut-être attend-elle une réaction… ou avance-t-elle vers un terrain plus favorable à la discussion - ou à l’affrontement.

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Le découverte du fusil tordu avait quelque peu refroidi et tendu l’atmosphère. D’un danger potentiel survenait un danger probable, un danger mortel. La technologie de l’Alliance du Pont avait quelque chose de remarquable, un assemblage concret de composants, tout droit sorti des esprits les plus brillants de l’Alliance du Pont. Et ce même témoignage d’astuce, de génie et de progrès était désormais tordu comme une vulgaire brindille, un symbole pitoyable qui gisait au milieu d’un ruisseau. Certains auraient pu dire qu’il s’agissait d’une victoire de la nature même du monde sur l’esprit humain, Constantin lui, aurait d’avantage préféré le qualifier d’effrayant témoignage, il préférait ne pas penser à ce qui avait pu arriver aux éclaireurs qui les avait précédé. Si quelqu’un, ou quelque chose avait pu tordre un fusil de cette manière, que pouvait-il bien arriver aux être de chair bien plus vulnérable qu’ils étaient ? Une pensée bien morbide.


Sur les instructions de sa camarade d’infortune, Constantin ramassait diverses pierres pouvant servir de projectile dans le tromblon de Dilai. Si besoin, lui-même ferait la distraction toute désignée. S’il fallait en arriver là en tout cas. Un moyen de diversion approprié pour laisser à sa comparse le temps de faire feu, si cela avait une quelconque utilité. Le fusil qu’ils avaient trouvé était une preuve assez éloquente de l’efficacité de la technologie en ce lieu. Leur survie en cas d’affrontement semblait terriblement mince, la fuite était toujours une option, mais serait-elle vraiment efficace contre un ennemi qui connaissait mieux ces bois qu’eux ?


A la question de Dilai sur les bombes, Constantin souffla légèrement. Il n’en avait aucune sur lui. Ce qu’il avait sur lui en revanche, c’était de la poudre. Beaucoup de poudre. Compter sur une arme à feu avait ses avantages, même lorsqu’elle était cruellement inefficace. Une détonation en revanche, pouvait peut-être servir leur dessein en cas de fuite inopiné.


« Je n’ai pas de bombe, mais de la poudre ça je n’en manque pas. »


Il traça un nouveau symbole sur l’un des troncs qu’ils croisèrent. Bien que le danger était présent, il n’était pas encore à proximité, et il ne fallait pas oublier la raison de leur visite : trouver cette maudite source d’eau pour Hikmet, et revenir en vie pour rapporter l’information. Plus facile à dire qu’à faire, et plus optimiste que réaliste dans les conditions actuelles. Constantin aurait bien mâchonné le bout de sa pipe en bois s’il en avait eût l’occasion.


Même s’il semblait bien inutile, la main de Constantin reposait constamment sur son pistolet, prêt à être dégainé au moindre danger. Il restait alerte alors qu’il s’enfonçaient dans la végétation, progressant entre les branches et les herbes hautes. Plus d’une fois il faillit se prendre une branche en pleine figure. Si Dilai avait fait moins attention, il aurait probablement pesté de frustration face aux assauts répétés de cette végétation particulièrement imposante.


Alors qu’il scrutait les différents coins de sa vision directe, quelque chose capta son attention. Quelque chose qui faisait cruellement contraste dans cette forêt. Quelque chose dont les contours restaient troubles au loin. Quelque chose qui bougeait.


Constantin tapota avec urgence l’épaule de Dilay, avant de déglutir et de se raidir un peu. Il chuchota avec rapidité, évitant les fioritures inutiles qu’il se plaisait à placer dans chacune de ses interventions.


« Nous ne sommes pas seuls. Quelque chose bouge là-bas. »


Sa main agrippa son pistolet. Il ne ferait rien de stupide pour l’instant, mais il ne resterait pas à ne rien faire si jamais il fallait agir.
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Portés disparus

Feat Constantin


Dilay coule des regards aux pierres que Constantin ramasse. Elle en choisit trois qu’elle glisse dans sa besace, à portée de main.

Ce sont davantage les gestes de Constantin qui alertent Dilay que ses chuchotis. Elle lui coule un regard un peu agacé à cause du sentiment qu’on vient de lui souffler dans les oreilles sans avoir entendu grand-chose mais, très vite, elle braque son regard dans la direction que son comparse indique et s’arrête.

Les épaules de Dilay se détendent. Ce n’est qu’une personne, de taille humaine, pas haute de trois mètres avec des pieds géants.

Les Natifs ne possèdent pas de fusil, encore moins de poudre. Ils ont des arcs mais Dilay doute qu’on puisse la viser avec une flèche à travers les arbres. Quoi que. Il faudra rester près des troncs, louvoyer.

Et si ce n’est pas un Natif ? Ce n’est probablement pas un thélémite à en juger par les couleurs que la silhouette porte. Elles sont trop vives. Peut-être un des éclaireurs disparus ?

- O-On cherche deux éclaireurs ! Paix ! On est de l’Alliance ! Lions !


Lance Dilay, alternance de phrases pauvres en mots mais très articulées et d’autres plus étoffées, toutes dites d’une voix forte, selon l’origine de son interlocuteur. « Lions », c’est comme ça que les appelait le Natif rouquin croisé quelques semaines plus tôt.

- I-Il a quelque chose dans le coin. Méchant.

Est-ce que la silhouette l’a entendu ? Elle est peut-être déjà trop loin pour ça. Dilay s’adresse à Constantin :

- S-Si c’est un Natif on tire pas. Si on tire et que son clan entend on a aucune chance.

Ça et puis Dilay n’a pas envie d’avoir du sang sur les mains pour une raison aussi stupide que d’avoir perdu ses nerfs. Elle est là pour une paie facile pas pour des dilemmes moraux.

- Calme.

Elle intime. Ils sont effrayés à cause des traces mais selon toute vraisemblance, la silhouette n’en est pas à l’origine. La mathématicienne mime un geste pour indiquer que la silhouette est de petit gabarit avant de désigner les empruntes, comme pour faire une comparaison évidente.

S’il s’agit d’un Natif… C’est leur île. Dilay ne trouverait pas étrange de croiser des habitants de Sérène dans les champs alentours ou des membres de l’Alliance du Pont près d’un point d’eau dans les steppes. Elle n’a pas encore trop compris ce que les Natifs traficotaient à passer autant de temps dehors mais peut-être que ce n’est qu’un… cueilleur de champignons ?

- S’il est d’ici, sait peut-être où est la source.

Résonne Dilay à voix haute. Elle soupire. Est-ce que ce serait vraiment une bonne chose ? Le dernier Natif qu’elle a croisé en pleine nature ne voulait même pas partager un petit bout d’obsidienne.

La mathématicienne sangle son fusil dans son dos et reprend la marche. Elle retire ses lunettes et glisse une main dans sa poche, là où les cailloux pèsent.
S’il faut qu’elle en lance un en pleine face de quelqu’un parce qu’une approche amicale a été rejetée, elle le fera.
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Constantin observa avec perplexité Dilay annoncer l’objet de leur présence à la silhouette qui était encore bien lointaine pour le moment. Qui sait, peut-être cette personne avait une ouïe particulièrement fine ? S’il s’agissait d’un natif, Constantin doutait qu’ils reçoivent tout deux une aide précieuse. Ce n’était pas qu’il était défaitiste, mais le passif qu’avait l’Alliance du Pont avec les natifs n’avaient rien d’encourageant pour la discussion. Enfin, tomber sur une perle rare était toujours une possibilité, et ils le découvriraient bien assez tôt. Restait à savoir quelles intentions cette personne avait. Et si elle était seul. S’ils se retrouvaient encerclés, cela réduirait drastiquement leurs marge de manœuvre.


Un léger rire passa par ses lèvres lorsque Dilay l’intima au calme, et sa main s’éloigna de son pistolet avant qu’il ne hausse les épaules d’une manière théâtrale. Ils auraient de la chance s’il s’agissait d’un natif et qu’il leur adresse la parole, ou encore qu’il daigne les renseigner. Quant à savoir ou se trouvait la source… Eh bien ils pouvaient toujours continuer à chercher. En portant de telles couleurs, Constantin doutait fortement qu’il s’agissait d’un éclaireur, il serait beaucoup trop voyant, autant installer une cible directement dans son dos, ça aurait fait à peu près le même effet. A croire qu’il aurait supplié de se faire prendre pour cible ou de se faire remarquer. Non, non, ce n’était probablement pas l’un des éclaireurs qui avaient disparus. Ou Constantin se trompait, ce qui était encore une fois une possibilité.


En tout cas la silhouette était beaucoup trop petite pour laisser de telles traces dans le sol, et Constantin préférait encore que cette chose, quelle qu’elle soit, soit bien loin de la où ils se trouvaient actuellement. Néanmoins, mieux valait être préparé, et il réfléchissait déjà à un usage qu’il pourrait faire de la poudre qu’il transportait avec lui. Hors utilisation de son pistolet, bien sûr.


Il remit en place son chapeau machinalement, plus par habitude ou par tic que par nécessité, continuant de suivre Dilay et de marquer un tronc d’arbre alors qu’ils passaient à côté.

« S’il est d’ici, nous verrons bien assez tôt ce qu’il en est. » Ajouta t-il à la remarque de sa comparse.

Ce qui était sûr, c’est que cette petite expédition allait probablement être mouvementée.
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Brogan
Difficile de dire si la silhouette a compris les mots de Dilay, mais elle les a manifestement entendus : elle s’arrête net.

Il ne faut pas plus d’une minute au duo pour la rejoindre. Ils peuvent alors découvrir le faciès du mystérieux voyageur, engoncé dans de confortables vêtements qui le désignent d’office comme une personne issue du peuple Natif. Quelques ornements en bois décorent son cou.

Il s’agit d’une femme. Ses yeux légèrement bridés ressortent au milieu de la peinture bleue qui couvre la moitié supérieure de son visage. Elle doit avoir une trentaine d’années ; même si elle se tient droit, ses mains tripotent nerveusement sa longue natte noire.

-Beurd tír to mad.

Son ton est paisible. Elle observe les deux étrangers avec ce qui semble être un mélange de curiosité et d’appréhension. Elle laisse à peine s’écouler trois secondes avant d’ajouter :

-Je suis Brogan. Je parle votre langue.

Et de fait, elle semble la parler couramment, malgré son fort accent.

-Vous ne devriez pas aller plus loin. Cherchez-vous quelque chose ?

Ni son ton ni son expression ne varient ; il est ardu de deviner si sa mise en garde se veut amicale ou menaçante.

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Portés disparus

Feat Constantin


Dilay fait face à la native. Elle a un petit geste du menton pour saluer, désigner qu’elle entend ce qu’on lui dit mais guère plus.

La mathématicienne n’est pas douée pour parler avec les Natifs de l’île. Ils ont trop d’accent, et elle aussi ne parle pas d’une façon facile à comprendre pour eux. Enfin, elle se sent toujours bêtement mal à l’aise en leur présence. Elle ne peut pas toujours définir pourquoi. Elle ne les trouve pas stupides comme d’autres continentaux. Elle a simplement le sentiment de se heurter à un mur.

Dilay n’aime pas ça. Elle a essayé d’en gravir trop dans sa vie, ceux qui l’empêchaient de communiquer avec le reste du monde. Elle ne voit pas ce que lui apporterait le fait d’essayer d’abattre celui-ci.
Elle ne va pas rester sur Teer Fradee longtemps. Elle se le dit, pour la centième, la millième fois.

- Y-Y-Ya un truc dans les parages.

Maugrée la mathématicienne.

- J-Je surveille.

Sur ces mots, Dilay glisse un regard à Constantin. C’est lui qui semble avoir le verbe facile et la prose agile. Que sa langue bien pendue serve à quelque chose ! Ce n’est certainement pas dans les cordes de la mathématicienne de faire amie-amie avec qui que ce soit ! Elle évite les missions qui demandent de parlementer – les sources n’ont pas besoin qu’on les convainque, elles !
« Vous ne devriez pas aller plus loin » a dit la femme. Dilay scrute les environs et un bref frisson remonte le long de son échine. La façon dont la native le formulait, on aurait dit qu’il s’agissait d’un avertissement d’une chose fort peu auspicieuse.

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Au regard que Dalai glisse à Constantin, ce dernier se rend compte bien vite qu’elle attend que ce soit lui qui fasse la conversation. Ce n’était pas pour lui déplaire, mais il était question d’une native, et même s’il avait la verve facile et la langue bien pendu, il doutait toujours très fortement d’être celui le plus à même de communiquer avec eux efficacement. Toujours était-il qu’il n’avait pas vraiment d’autres choix, après tout s’il refusait d’essayer de parlementer, non seulement n’y avait-il plus personne d’autre pour le faire à sa place, mais un natif en cache toujours dix autres. Autant essayer de s’en sortir avec diplomatie et tact. Même s’il pouvait déjà, et indubitablement dire, et sans la moindre trace d’hésitation qu’il n’avait strictement aucune connaissance sur le langage des natifs, et qu’il s’agissait d’un sacré coup du sort qu’ils tombaient sur une qui puisse parler la leur.


Heureusement pour lui, il comprenait bien les accents, il les imitait bien aussi lorsqu’il essayait de les imiter. Un frein de moins à la communication, s’il s’agissait d’une occasion ordinaire, hors cette situation n’avait rien d’ordinaire pour Constantin, et il sentait toujours un brin de tension. C’est dans ce genre de situation qu’on aurait pu croire avec certitude qu’il brillait le plus, et ce n’était pas complètement faux. Mais cela toutefois un léger effet sur lui-même : il parlait encore plus que d’habitude.


Il effectua une légère courbette, et s’attendait déjà à voir Dilay lever les yeux au ciel. Lorsqu’il se redressa, il porta la main à son chapeau à plume, comme pour le maintenir en place, avant de s’adresser à la native devant lui :


« Je suis Constantin, c’est un véritable et distinct plaisir de faire votre rencontre en ce lieu. Même si je dois avouer qu’elle ne se déroule pas dans les circonstances les plus idéales, mais ainsi va la vie. » Il haussa un peu les épaules avant de reprendre, « Puisque vous le demandez, nous sommes à la recherche de deux choses, la première est la principale raison de notre présence ici. Nous cherchons une source d’eau qui n’a pas encore été cartographiée. La deuxième est légèrement différente, nous ne cherchons pas quelque chose, nous cherchons quelques personnes. Des personnes qui nous ont précédés ici, et qui ont malencontreusement disparus. Alors je m’interroge… Se pourrait-il que leur disparition soit liée à la raison pour laquelle nous ne devrions pas avancer plus avant ? » Il levait déjà légèrement les bras en l’air alors qu’il terminait sa phrase, « Bien sûr, je n’oserai jamais dire qu’il s’agit de votre faute, ou de la faute des vôtres. Après tout il semble qu’il y ait quelque chose de particulièrement dangereux qui rôde par ici, quelque chose qui laisse… des traces assez remarquable. Peut-être savez vous quelque chose à ce propos ? Ou peut-être que non. Hm ? »
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Négociations
Brogan commence par détailler Dilay, mais son attention est vite captée par la courbette de Constantin et son chapeau à plumes. La Native fronce rapidement les sourcils - mais c’est peut-être juste parce qu’elle a du mal à suivre le verbiage alambiqué de l’homme.

Finalement, elle inspire profondément.

-Oui. Des gens sont déjà venus qui n’auraient pas dû.

Le regard de la femme tombe sur le fusil tordu, ses lèvres se pincent.

-Ce que vous appelez “truc qui rôde” et “quelque chose de dangereux” est un Nadáig.

Quand bien même le mot serait étranger à Dilay et Constantin, difficile de rater le respect avec lequel Brogan le prononce.

-Il protège la source que vous recherchez. Elle se trouve dans un lieu sacré où les renaígse ne peuvent pas s’installer.

La Native commence à s’agiter ; elle écarte les mains, lâchant sa natte. Sa voix se fait plus expressive, comme si elle souhaitait réellement convaincre ses interlocuteurs.

-Ceux qui vous ont précédés se moquaient de respecter cet endroit. Ils en sont morts. Je ne leur souhaitais aucun mal, pas plus qu’à vous. Mais vous ne pourrez pas venir vous installer là à moins de provoquer un combat. Je vous en prie, renoncez et dites aux vôtres de ne plus essayer de s’emparer de cette eau. L’île est généreuse. D’autres sources existent. Elles seraient suffisantes pour subvenir aux besoins de plusieurs villages…

Brogan s’interrompt, et son expression se fait amère.

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Feat Constantin


Dilay tique aux maniérismes de Constantin mais, comme dit, elle continue de surveiller les alentours. Un instant, la mathématicienne craint que la native n’y comprenne rien. Dilay elle-même en a les oreilles rebattues, difficile de garder son attention sur le flot ineterrompu qui s’échappe des lèvres du juriste.
Finalement il s’arrête. Et c’est à la native de parler. Dilay lui jette un œil à l’évocation de la mort des éclaireurs.

- C-C’est vous les avez tués ou le…

Dilay désigne les traces. Elle ne s’essaie pas à buter sur le mot qu’elle n’a pas bien entendu de toute façon. Son ton n’est pas accusateur, son visage est fermé, blasé. Si c’est la native qui est directement responsable, ils vont avoir un problème. La famille des éclaireurs cherchera probablement un coupable.

- Y-Y reste les corps ? S-Si c’est une bête aussi co-colossale qui a fait ça ça pourrait intéresser des gens.

Remarque la mathématicienne. Pas que ça lui fasse plaisir. La manie que les savants ont de devoir tout essayer de comprendre… Dilay sait, au fond, elle a parfois le même désir mais cela vaut-il vraiment la peine de mettre ses mains voraces sur l’objet de sa fascination ? Toucher pour posséder. C’est ce qui a fait la perte du Continent.
Mais Dilay est réaliste avant tout.

- L-L’eau les intéressera da-davantage.  

La mathématicienne adresse un regard à Constantin puis à la native, espérant que le message a au moins été compris par le premier : s’il y a tant de sources, pourquoi ne pas leur en fournir la localisation d’une plus sûre ? De plusieurs même ! Cela leur ferait un beau pourboire et un carnet d’adresse rempli.
Et puis en échange…

- P-Peut-être qu’il entendront même pas parler du…

A nouveau Dilay désigne les traces.

- Quoi que ce soit.

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Les sourcils de Constantin se froncèrent légèrement alors que son sourire se figeait. Ses traits se firent plus sérieux, plus plus concentrés sur la tâche qui s’annonçait beaucoup plus ardue que prévue, voir même impossible à remplir. La gestuelle et le regard de la native en disait plus qu’un long discours, rester plus longtemps et persévérer sur leur chemin revenait à courtiser la mort. Alors que Dilay soulevait des points intéressant, Constantin sortit d’une de ses poches une pipe en bois qu’il remplit de quelques herbes avant de l’allumer et de la porter à ses lèvres. Il prit une grande inspiration avant d’expirer un léger rideau de fumée.

« Navré pour la fumée, j’en ai légèrement besoin. » Disait-il en regardant Brogan. Après avoir répété de longues inspirations et expirations, il se gratta pensivement la barbe en regardant la végétation autours de lui. Ça allait être compliqué, très compliqué. Il coula de nouveau un regard vers Brogan, pesant soigneusement ses mots. « Je m’excuse de mon ignorance, mais qu’est-ce qu’un… Nadaig ? Nadàig ? » Demandait-il, essayant de prononcer avec un succès mitigé la manière dont la native appelait le gardien. Il avait beau être doué avec les accents, il n’était pas spécialement satisfait.

Cela donnait matière à réflexion, ce… Nadàig protégeait la source qu’ils cherchaient, et avait déjà tué deux éclaireurs envoyé par l’Alliance. Être intrépide ne voulait pas dire que Constantin avait perdu toute raison, et il se doutait bien que tenter de combattre la chose qui protégeait cette source résulterait probablement en une mort douloureuse. Peut-être arriverait-il à cartographier l’endroit ou elle se trouvait s’ils essayaient, mais encore fallait-il réussir à rapporter l’information sans se faire prendre.

Expirant de nouveau un manteau de fumée, Constantin lança un regard interrogateur à Dilay lorsqu’elle mentionna les corps.

« Leurs familles voudront probablement les récupérer. »
 Remarqua t-il. A moins que les médecins ne s’en emparent avant.

Restait que malgré le problème évident qui s’annonçait devant eux, Hikmet avait toujours besoin d’une source d’eau. Si celle-ci n’était pas accessible, il devait y en avoir une autre qui doive être disponible.

Constantin nettoya le contenu de la pipe en bois, enlevant les herbes avant de regarder Brogan de nouveau.

« Vous avez besoin de cette source, je me trompe ? C’est pour ça qu’elle est protégée ? »
 Il semblait plus détendu et nonchalant que quelques minutes plus tôt, mais son regard indiquait qu’il n’avait pas oublié le sérieux de la situation. « Il n’y a pas d’intérêt à poursuivre un objectif inatteignable. Est-ce qu’il y a d’autres sources d’eau qui puissent être découvertes ? J’ai bien peur que si nous rentrons bredouille -ou même si nous ne rentrons pas- cela n’arrête pas d’autres de venir et de tenter leur chance. Cela vaudrait peut-être mieux pour tout le monde de trouver un autre angle de recherche. »

Et il n’avait pas spécialement l’envie d’être responsable de la mort de qui que ce soit. Si l’Alliance s’emparait de cette source, qui pouvait prédire combien perdrait la vie ? Un sacrifice acceptable pour certains, mais s’il était possible de l’éviter, autant éviter un pitoyable gâchis.
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La proposition
Brogan secoue la tête à la première question de Dilay, elle recule même d’un pas.

-J’ai dit que je ne leur voulais aucun mal ! Ils ont dû s’aventurer près de la source et attaquer le Nadáig… Mais il est aussi possible que le Nadáig ait attaqué le premier, ajoute-t-elle avec une franchise déconcertante. Il est toujours un peu dangereux de venir sur leur territoire, sauf pour les doneigada, bien sûr.

La voilà qui soupire, comme si elle pensait qu’essayer d’instruire des étrangers était une perte de temps. Elle essaie, pourtant, quoiqu’un peu laborieusement.

-Un Nadáig est une créature sacrée. Un des visages d’En on míl frichtimen. Parfois, nos doneigada, qui sont liés à Tír Fradí, sont appelés à prendre ce rôle… Le Nadáig qui vit près d’ici est mon ancêtre.

Elle ajoute sans plus regarder le duo, avec un tremblement dans la voix et un rythme plus précipité :

-Je sais que pour les renaígse, ce ne sont que de gigantesques monstres. Vous avez essayé d’en abattre un voilà trois lunes.

Brogan se détourne. Elle regarde au loin, entre les arbres, et s’essuie le nez comme pour se donner le temps de reprendre contenance. C’est plus calmement qu’elle reprend la parole.

-J’ignore où sont les corps, mais je comprends que vous souhaitiez les récupérer. Je peux les amener demain, à la lisière des bois.

La question de Constantin sur la source lui arrache un grognement.

-Nous ne prenons pas d’eau à cette source. Il s’agit d’un lieu sacré, répète-t-elle comme si elle doutait d'avoir bien prononcé le mot la première fois. Les autres sources dont je parle ne sont pas aussi abondantes, mais c’est à celles-ci qu’il faudra puiser.

Ce que laisse entendre Brogan n’est pas exactement une bonne nouvelle. S’il faut deux ou trois sources pour donner l’équivalent de ce que donnerait celle-ci, cela veut dire qu’il faudra doubler voire tripler les installations pour amener l’eau jusqu’à la ville… Ce qui coûtera plus cher à l’Alliance que de ramener une compagnie de Gardes pour tenter de s’en prendre au Nadáig.

-Je peux vous indiquer les autres points d’eau, reprend Brogan qui semble de nouveau désireuse de convaincre. Personne chez les Lions que j’aie connus n’a jamais accepté de nous écouter. Je veux bien croire que vous n’êtes pas tous semblables, mais il faut le montrer. Les belles paroles ne suffisent pas.

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Portés disparus

Feat Constantin


Dilay fronce le nez à cause de la fumée, son odorat sensible assaillit par l’odeur âcre qui s’échappe de la pipe de Constantin. S’il ne sait même pas contrôler ses nerfs sans ça… Elle émet un grognement.

La Native a peut-être affirmé qu’elle ne voulait aucun mal aux éclaireurs mais Dilay a envie de rétorquer qu’elle l’a déjà entendu des tas de fois le « je voulais pas, c’est parti tout seul ». Elle s’abstient de le lancer jugeant que ça n’apporterait rien au débat.
La mathématicienne tique. Tant de questions, si peu de temps. Elle a un mouvement brusque de l’épaule pour remettre son fusil en place.

- U-Une créature et votre ancêtre ?

Est-ce que c’est censé être une sorte de parabole ? Quelque chose de symbolique ? De religieux ? Ou est ce que cette femme vient vraiment d’insinuer que les natifs et les bêtes de l’île…

Non, elle a dit « appelé à prendre ce rôle ». Peut-être que c’est effectivement symbolique : un des leurs qui s’exile dans la nature, protège des lieux en particulier ? Dilay a vaguement lu des choses sur des sociétés qui, avant la moindre avancée technologique, devaient se départir de certains de leurs membres pour leur subsistance. Les laisser aller tenter leur chance ailleurs, faute de ressources.
Le truc c’est qu’un Natif ne laisserait pas des traces de cette taille, même grimé.  
Le reste des mots, Dilay les a déjà entendus. Doneigad, En on míl frichtimen, renaígse… Elle en saisit le sens général sans en connaître la traduction exacte.

- Non.

Fait Dilay, du tac au tac, quand Brogan propose d’acheminer les corps.

- Ou faudra pas qu’on vous voit.

Une Native chargé des dépouilles de deux membres de l’Alliance du Pont ? On la soupçonnerait sans une arrière-pensée. Il suffit d’un escadron en patrouille, d’une gâchette chatouilleuse…
Dilay tente de suivre, ses yeux font de Brogan aux alentours, puis des alentours à Brogan, à une vitesse qui donne le tournis.

- V-Vous voulez quoi ?

Elle demande un peu abruptement. Plusieurs sources, ça vaut peut-être même mieux qu’une seule abondante. Mais s’il faut passer par des négociations, Dilay n’a pas envie d’enchainer les courbettes. Elle lui proposerait bien de l’or mais déjà elle préfèrerait se couper la main que de donner une pièce à qui que ce soit quand elle peut *simplement* arpenter la forêt seule à la recherche des emplacements, et ensuite les Natifs n’ont généralement cure de ce genre de choses.

Dilay espère seulement que la requête de Brogan ne sera pas trop absurde, qu’ils ne vont pas devoir se « prouver » comme son groupe de recherche et elle ont dû le faire à leur arrivée dans le clan de Whenshaveye. Déjà à l’époque, la façon dont un des marqués avait noté l’agressivité de Dilay, son ton calme, supérieur et…

Le regarde de Dilay s’immobilise sur un tronc, se plisse.
Elle aurait juré avoir entendu quelque chose. Ces bois empirent la fébrilité qui la prend parfois depuis son arrivée sur l’île.
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Les sourcils de Constantin se haussèrent lorsque Brogan mentionna ce qui avait pu arriver aux éclaireurs. Mais les possibilités n’étaient malheureusement pas des faits, et il avait déjà entendu de nombreuses fois ce qui avait pu arriver à certaines personnes par « possibilité ». Il n’était pas juriste pour rien après tout. Malgré cela, mieux valait ne pas lancer un débat inutile, et garder le bénéfice du doute autant que faire ce peut. Personne n’aurait quoi que ce soit à gagner d’une rixe, autant rester civil et courtois.


Il courba légèrement la tête lorsque Brogan expliqua ce qu’était un Nadàig, ce qui amenait plus de questions que de réponses. Hormis à savoir qu’il s’agissait d’une créature, et une créature sacrée, en tout cas pour les natifs, cela ne l’avançait pas vraiment. Et elle leur disait que la même créature qui gardait la source d’eau tant convoitée de toute intrusion était son ancêtre ? Un visage d’En on mil frichtimen ? Les réponses de la native étaient loin de satisfaire la curiosité de Constantin, mais celui-ci s’en contenterait pour le moment. L’heure n’était malheureusement pas propice à ce genre de questions.


La question des corps des éclaireurs en revanche, était propice à être répondue. Constantin hocha la tête à la réponse de Dilay. Il était commandable de restituer les corps des éclaireurs à leurs famille, mais il doutait que le soldat moyen de l’Alliance du Pont fasse preuve d’une très grande ouverture d’esprit en voyant des natifs transporter des corps d’éclaireurs de leur faction. Une gâchette pouvait se presser si facilement sur un coup de sang.


« Ce que ma collègue veut dire, c’est que malheureusement peu de gens retiendraient leur main en voyant les vôtres transporter les corps des éclaireurs. Et nous ne voulons pas ajouter des corps supplémentaire au charnier, n’est-ce pas ? Votre proposition est louable, mais peu prudente. »


Ce qui méritait d’être parfois fait, n’était pas nécessairement ce qu’il fallait faire. Et les meilleures intentions du monde n’étaient parfois pas appropriées.


Restait toujours le problème de la source. Plusieurs sources présentaient nombre d’inconvénients : logistique, installation plus coûteuse, multiplication des installations. Mais cela avait tout de même un certain mérite : celui de ne pas associer la survie de la ville à une seule et unique source.


Mais il y avait un hic. La native « pouvait » leur montrer les sources d’eau. Pouvait. Tout comme elle pouvait ne pas le faire. Constantin se demandait bien par quel procédé tordu il leur faudrait prouver leur bonne foi. C’est pour cela qu’il n’ajouta aucun commentaire à la demande de Dilay. Puisque la native voulait des actes, et pas de belles paroles, il était inutile de s’épancher à l’en abreuver. Et perdre son temps n’était pas dans l’intérêt immédiat de Constantin.
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Le sceau
Brogan cille. Manifestement convaincue qu’on remet sa prononciation en cause, elle répète ses paroles mot pour mot en articulant du mieux qu’elle peut :

-Le Nadáig qui vit près d’ici est mon ancêtre.

Elle ouvre la bouche quand Dilay refuse tout net sa proposition, mais la referme quand Constantin reprend la parole. Elle l’écoute en se frottant la joue, puis fait la moue et hoche la tête.

Quand vient le moment de lui demander ce qu’elle veut, Brogan examine les deux voyageurs.

-Voilà une lune, d’autres que vous ont approché notre village. Ils disaient qu’ils voulaient nous étudier. Alors ils tournaient autour de nous avec leurs écorces comme si nous étions des bêtes qu’il fallait compter. Mon frère s’est disputé avec un de ces renaígse. Il leur a demandé de partir. Le renaígse a refusé. Il a frappé mon frère et lui a pris un objet. Il a ri et il est parti.

Brogan parle sans que sa voix ne varie, en faisant des pauses régulières, mais ses yeux se remplissent de larmes.

-Mon frère est voglendaig. Il a besoin de cet objet. C’est un sceau que lui a donné son maître. J’ai soigné sa joue et ses dents, mais je ne peux pas lui rendre le sceau. Vous, si. Je vous montrerai alors les trois sources près de votre énorme ville.

Elle ajoute en agitant les mains pour illustrer ses propos :

-Le renaígse est brun, maigre, avec des lunettes. Il disait s’appeler Almas.

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Portés disparus

Feat Constantin


Dilay hausse les épaules. Le répéter ne va pas lui faire percuter plus facilement ce que la femme entend par là. Aux oreilles de la mathématicienne, ça n’a toujours aucun sens.

Avec une attention rare Dilay écoute la requête de la Native. Elle renifle. Donc, Almas a assez de force dans ses petits poings de petit savant pour savoir donner un coup ? Dilay en ricanerait presque.

Presque.

Il est donc allé faire du repérage – peut-être même qu’il a vu les traces de ses yeux. Ça expliquerait pourquoi il n’a pas pris ses deux jambes en parfait état de marche pour aller lui-même trouver la source. Et puis quoi, un mercenaire mort, ça ne vient pas réclamer sa paie, il n’a qu’à en envoyer encore et encore jusqu’à ce qu’un revienne avec la croix sur la carte.

- T-Tu crois que le bureau du gouverneur nous paierait plus cher pour trois sources ?

Demande Dilay à Constantin au lieu de répondre directement à leur interlocutrice. Elle passe au tutoiement sans vraiment y prendre garde, pas habituée à continuer de vouvoyer qui que ce soit.
Ils pourraient prétendre être rentrés bredouilles et filer voir les services administratifs de la ville pour faire connaître leurs trois étonnantes découvertes. C’était le jeu : ils avaient pris les risques, ils méritaient la reconnaissance. Pas Almas.

Dilay tourne sur ses talons pour faire face à Brogan. Elle ouvre la bouche pour lui assurer qu’ils vont se charger de l’affaire et ajouter qu’elle peut délivrer son poing dans le visage d’Almas à l’emplacement exact où le frère a été blessé.
Dilay s’abstient. Elle grommelle avant de soupirer.
Il faut qu’elle soit prudente même si ses phalanges la titillent – si c’était son propre frère… - il en va de la réputation de son mentor. Et de sa paie. Pas d’excès de zèle.

La mathématicienne fait un signe du menton à Constantin pour lui indiquer qu’elle est d’accord avec les termes de la Native, qu’il n’a qu’à conclure la négoce s’il l’est aussi. Une ébauche de plan commence même à se former à toute allure dans l’esprit de Dilay. Elle tapote du pied en rythme dans la boue. Elle déclare d’un coup :

- A-Amenez les corps. Où on se re-retrouvera pour vous donner le sceau. Pas là où les autres Lions peuvent vous voir. On les rendra nous-même.

Ce sera lourd de transporter trois cadavres mais voilà : s’ils veulent couper l’herbe sous le pied d’Almas, il faut qu’ils lèchent leurs images. Quoi de mieux que des citoyens engagés qui rapportent les fiers soldats ayant fait leur devoir ?  
C’étaient peut-être des mercenaires. Qu’importe. S’ils étaient de la Garde, c’est encore plus personnel pour Dilay.
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