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Aie des yeux partout, ou loue-les [ft. Rosmunda]

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Un voleur peut en cacher un autre
- Vous avez raison. Si je lui en faisais la demande, elle pourrait croire que nous tentons de vous… arracher à elle.

Souffle Junia. L’idée semble l’amuser un rien.

- Il ne faudrait pas qu’elle s’attache trop à vous. J’ai connu une femme dans votre situation, très zélée… Et pourtant elle s’est laissé distraire de ses devoirs par des affaires matérielles.

L’inquisitrice doit vouloir signifier que la femme s’est absorbée dans des considérations romantiques ou charnelles, mais ne pas nommer la chose semble bien plus confortable pour Junia qui est de ce genre, très minoritaire, à penser qu’être inquisiteur revient pratiquement à formuler des vœux de mariage à l’Ordre. A moins que par « affaires matérielles », elle n’évoque de l’argent mais le début de sa phrase laisse peser un doute.

Elle-même est entrée tellement jeune dans les Ordres, vient d’une famille tellement prestigieuse, et a eu une position si rapidement, qu’elle est de toute façon totalement déconnectée des réalités matérielles les plus simples. Il serait abhorrant de l’imaginer nourrir une liaison avec qui que ce soit qui ne soit pas taillée exactement dans le même bois qu’elle – et encore.

Pour avoir supervisé des inquisiteurs revenus de missions jusque dans l’Alliance, et donc parfois profondément perturbés par ce qu’ils ont vu, elle doit pourtant savoir comme le jeu de la proximité, qu’elle soit romantique ou amicale, est souvent jouée dans le métier. Et cela lui tire un petit sourire de suffisance, comme si, évidemment, Junia était bien supérieure à toutes ces choses-là.

- Nous ferons en sorte de ne pas brouiller votre admirable travail tout en gardant cette missionnaire à une distance raisonnable. Du temps parmi nous ne pourra que vous être bénéfique. Je réfléchirai à une bonne façon de procéder. Nous en parlerons.

Junia s’exprime comme si Juliette allait mettre ses griffes d’affreuse missionnaire sur l’esprit du pauvre Vaast et lui faire tourner la tête. Plutôt ironique. Quant au « nous », difficile de deviner avec qui elle va s’entretenir à ce sujet.

- Volontiers.

Elle fait avec son éternel sourire au sujet de la prière. Elle accompagne Vaast et s’agenouille puis regarde son comparse. Elle met de nouveau ses bras, paumes vers le ciel, de chaque côté de son corps.

- Menez.

C’est une proposition et un ordre à la fois. Elle doit sûrement être très intéressée par le genre de prière que Vaast va prononcer.


Le fait que Rosmunda procède avec calme et méthode malgré le bruit de l’inquisiteur qui passe dans le couloir lui vaut justement de ne pas être repérée. Elle ne tire pas de couinement ou de grincement à la commode, et ainsi Antonius semble se désintéresser totalement de l’endroit où elle se trouve, et de ce qu’elle peut bien fabriquer. Il retourne au réfectoire.

Quant à la jeune domestique, elle se retrouve face à un autre problème : il faut probablement donner un coup bien sec au tiroir pour qu’il se ferme tout à fait. Ou était-il vraiment entièrement clos quand elle est entrée ? Pas tout à fait, il restait peut-être un centimètre de bâillement, tant les courroies sont mal huilées…

Et le bureau ? Est-il tout à fait dans le même état qu’à l’entrée de Rosmunda dans la pièce ? Ses à-coups dans le tiroir pour l’ouvrir n’ont rien fait tomber ? Une plume s’est un peu déportée sur la droite par rapport à ses camarades… Et l’encrier n’a-t-il pas légèrement tressauté ?

Ces considérations, si la domestique se les pose, ou quoi qu’elle puisse se dire, sont interrompues brutalement par Antonius. Il pénètre dans la bibliothèque qui se trouve juste avant le bureau et se racle amplement la gorge.

- Euh… Mademoiselle…

Il fait. Il ne semble pas avoir être là pour la prendre sur le fait. Au contraire, il regarde Rosmunda et ne surveille pas la pièce pour voir ce qu’elle y trafique.

- J’ai renversé ma soupe dans le réfectoire. Vous pourriez… Vous en charger, s'il vous plaît ?

Il demande, ce qui est étrange : il ne mangeait pas de soupe tout à l’heure. Est-il allé s’en servir un bol ? Mais il n'y a eu aucun bruit de chute ou de vaisselle renversée...

Quand Rosmunda s’éloignera, elle pourra voir qu’Antonius ne la suit pas et reste dans le bureau. En fait, si elle tend l’oreille, elle pourra même percevoir un petit bruit de grincement… Le même tiroir qu’elle a ouvert. Et dans la salle à manger, elle trouvera une grosse flaque de soupe, laissée pêle-mêle. C’est donc la journée des distractions organisées – ou l’occasion qui fait le larron puisque la très sévère Junia est absorbée par Vaast alors qu’elle aurait probablement veillé au grain en temps normal.

Antonis veut-il aussi voir son dossier ? Ou autre chose dans le tiroir ? Il n’y a plus qu’à espérer qu’il soit aussi précautionneux que Rosmunda et ne l’accuse pas à sa place si on découvre que quelque chose a été déplacé…


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Quel était le danger, aux yeux de Junia ? Qu’il s’attache à Juliette ou qu’elle s’attache à lui ? Peut-être les deux. Il faillit répondre que Juliette pouvait bien s’attacher, que ça augmenterait ses chances de réussite, mais le sourire suffisant de l’inquisitrice le fit changer d’avis. Il allait plutôt jouer sur son orgueil.

-Je vous fais confiance, ma sœur.

Il y avait comme du soulagement dans sa voix. Enfin, il pouvait s’en remettre à quelqu’un de compétent ! Ah, que n’avait-il eu plus tôt une épaule sur laquelle se reposer !

Il opina et s’agenouilla à côté de Junia devant l’autel. Il ne s’autorisa qu’un bref instant de réflexion ; allait-il choisir une prière générique ? Non, il valait mieux donner du grain à moudre à Junia.

Vaast inspira profondément et se lança dans une prière pour les âmes des morts.

Ce n’était pas un choix fréquent pour l’office matinal, ce qui devrait intéresser l’inquisitrice. Il était donc encore en deuil… Qui pleurait-il ? Pensait-il aux soldats morts ? Pensait-il à Hannie ?

Cette hypothèse, qu’il formulait uniquement pour se mettre à la place de Junia, lui fit un pincement au cœur. Il décida de lui dédier le reste de la prière, qui durait de longues minutes. Il se releva même à la fin pour rallumer une bougie éteinte sur l’autel. La plus petite.

-Tu sais que ça fait quatre jours que tu n’as pas souri ?
-Je ne savais pas que mes sourires étaient contrôlés.
On est au camp, assis sur nos lits de fortune. Je n’ai aucune idée de l’heure. C’est la nuit. On a brûlé des corps dans la journée et l’odeur ne veut pas partir de mes narines.
-Allez, souris, insiste Hannie.
-Donne-moi une bonne raison de le faire.
-Nos frères sont auprès du Lumineux.
Je la regarde sans rien dire. Voilà que j’ai honte, maintenant, en plus du reste, parce que ça ne me fait pas sourire. J’ai envie de pleurer.
Hannie se lève malgré sa jambe blessée. Elle s’assied à côté de moi et m’enlace. Elle sent la poussière.
-Essayons autre chose.
-Tu ne veux pas plutôt laisser tomber ?
Elle ricane. A-t-elle jamais laissé tomber quoi que ce soit ?
-Tu te souviens de la fois où j’ai coupé les bougies pour faire croire qu’elles avaient fondu ?
-Oui. C’était mal fait.
Ce qui me vaut un coup de coude dans les côtes. Je souris, mais Hannie n’a plus la force de crier victoire. Elle se contente de ne pas me lâcher.


Vaast toucha son épaule d'une main, comme s'il en effleurait une autre qui serait posée là.

Et puis, il inspira et se tourna vers Junia.

-Merci de m’avoir accompagné. Avez-vous besoin de quelque chose avant que je ne parte ?

De Hannie, son esprit passa à Rosmunda. Il commençait à sérieusement s’inquiéter. Avait-elle réussi ? Echoué ? Trouvé quelque chose de si compromettant qu’elle en était restée figée d’horreur ?

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Bien. Me voilà sortie d’affaire, que je me dis. J’ai fait le plus difficile en tout cas ! Mais voilà qu’en me relevant, j’entends la voix du Monsieur dans mon dos, celui qui mangeait au réfectoire. Je sens mon cœur louper un battement, mais je m’attendais à ce qu’il vienne quand même, pis il a une voix toute basse, toute penaude ! Quelque chose me dit qu’il vient pas m’accuser de quoique ce soit. Je me retourne, chiffon dans la main, et arbore mon sourire le plus sincère.

- Oui Monsieur ? Que puis-je pour vous ?

Certes, un peu de sueur doit perler sur mon front, mais c’est le lot de tous les travailleurs ! Ce grand dadais m’explique qu’il a renversé sa soupe sur le sol du réfectoire ! Vraiment ? Mais je n’ai rien entendu, et le Lumineux sait que j’avais les oreilles aussi alertes qu’un mulot des champs ! Buarf, c’est pas important. J’ai terminé mon œuvre officieuse, il était désormais temps de m’atteler à l’officielle. Mes excuses Monsieur Vaast, mais si je pars d’ici sans avoir rien nettoyé, d’une ma conscience professionnelle me tourmenterait bien fort, pis y’aurait rien de plus suspect.

- Oh ! Ne vous en faites pas, je m’en charge !

J’affiche un air entendu, comme une sœur qui accepte de couvrir les bêtises de son ainé, mais je ne pense pas qu’il soit sensible à de telles détails. Je repose mon chiffon dans le panier à ménage que j’avais posé dans la pièce et j’attrape un seau en bois et une vieille serpillère. Une grosse bouteille en verre brun affiche « vinaigre » sur son étiquette. J’en verse une bonne louche et demi au fond du seau avant de remplir le reste avec de l’eau froide. L’eau chaude c’est mieux, mais on est pas chez De Vegni ici, on en prépare pas une marmite rien que pour le ménage.

Je débarque donc avec mon bazar dans le réfectoire et effectivement, une vaste flaque de soupe est étalée par terre. Ça disperse une bonne odeur dans la pièce, c’est sûr ! Mais regardez-moi ce foutoir. Par chance, c’est pas une soupe du genre velouté, bien épaisse et casse-pied à nettoyer. Non, c’est la soupe type bouillon avec de la viande et des légumes qui marinent dedans. Donc après avoir tout ramassé, ce sera moins pénible à essuyer à la serpillère.

Je m’attelle donc à ma tâche et voilà pas que j’entends… le tiroir ? Du bureau à côté ? Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là ? Oh non, je ne peux pas aller voir ! Je n’ai plus le temps et si je le prends sur le fait il va le prendre très mal et risque de m’accuser ! Non non, Ros, tu dois être plus maligne que ça. Oh… je sais ! Quand je redescendrai retrouver Junia et Monsieur, je signalerai que j’ai nettoyé la maladresse de son collègue, comme ça s’il est parti fricoter avec les dossiers, comme je l’ai fait, elle pourra nourrir des soupçons sur lui. Aller, je termine rapidos de débarrasser les divers aliments renversés par terre et je serpille la soupe plus vite que la musique, en en profitant pour nettoyer le reste du réfectoire. Le travail serait bâclé, mais tant pis.

Je ressors ensuite avec mon seau et nettoie en quatrième vitesse le sol du couloir et celui de la chambre. Je fais ça en quelques minutes ! C’est ça d’être une professionnelle. Puis je laisse reposer la serpillère et le seau dans un coin et je m’apprête à descendre les escaliers. Si jamais l’autre maladroit me demande ce que je fais, je lui dirais ça « Vu que j’avais la serpillère en main j’en ai profité pour passer un coup un peu partout. Cela écourte le ménage, mais si l’on accepte de m’engager je pourrais faire tout ce qu’il faut les jours suivants ! »

Toujours assurer ses arrières, ma fille. Toujours.
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Junia semble transportée par les mots de Vaast. Visiblement, il a bien choisi. Les yeux entrouverts, elle fixe le visage d’or de Saint Matheus sans rien dire. Peut-être l’inquisiteur a même réussi à toucher quelque chose l’inquisitrice.

Après tout, on n’effectué pas son travail sans avoir vu une mort ou deux. Ou plus. Avant d’être à ce poste, Junia l’a mérité – tout du moins aux yeux de son Ordre. Elle a tenu la garde dans un dispensaire qui soignait les malades de la malichor sur une zone particulièrement ravagée par la maladie. On murmure que son décharnement serait dû à un régime particulièrement strict qu’elle suit depuis pour s’empêcher de tomber malade, selon elle du moins.

Elle a le regard un peu trouble quand elle Vaast s’arrête de parler. Elle lui fait un de ses nouveaux grands sourires. Elle a le tact de ne pas lui demander à qui il pensait en adressant ces mots au Dieu soleil.

- Que vous reveniez visiter vos frères et sœurs, voilà tout ce que je demande de vous. Je lirai aussi votre pli avec attention.

Elle le soulève entre ses longs doigts.

Rosmunda peut dévaler les marches à ce moment.
Après s’être acquittée de son devoir, elle aura pu repasser dans le couloir et donc devant le bureau où Antonius s’est empressé de venir sur le seuil.

- Bonne journée mademoiselle ! Très bon travail ! Au plaisir !

Il lui aura lancé d’une voix aimable. Une tempe palpite à son front, seul signe évident de l’adrénaline qui parcourt son corps. Il est nerveux. Impossible de voir derrière lui l’état du bureau – s’il s’est montré moins précautionneux que Rosmunda on pourrait tout de même accuser la jeune domestique. Mais peut-être a-t-il eu à cœur d’être aussi discret qu’elle. Pour un inquisiteur, il semble moins bien résister au stress. Il lui a directement adressé la parole, pour apaiser davantage sa nervosité à lui qu’autre chose.

Mais, après que Rosmunda ait reposé tout le matériel de ménage, elle est libre de partir sans que personne ne l’en empêche. De retour au rez-de-chaussée elle trouvera Junia et Vaast comme elle les a laissés, plus proches cependant de la statue de Saint Matheus.

Junia adresse un sourire à Rosmunda en la voyant revenir.

- Je vais devoir vous fouiller, ma sœur. Vous comprenez sûrement.

Souffle l’inquisitrice. Ce ne semble pas être une requête. Ses mains ne s’attardent heureusement pas, et son toucher est léger comme celui d’une plume. Il ne va qu’aux endroits les plus évidents : les poches sur les hanches, d’éventuelles sur le torse, et Junia demande à Rosmunda de relever ses jupes pour qu’elle puisse voir le haut de ses chaussures. Une fois l’inquisitrice satisfaite, elle demande à la jeune domestique de lui fournir un nom et une adresse pour qu’elle puisse la recontacter dusse le travail l’avoir satisfait.

- Merci pour votre labeur. Le Lumineux vous garde aujourd’hui. Frère Vaast… Au plaisir.

Quand Rosmunda et Vaast passent la porte ils peuvent entendre un bruit sourd par les fins carreaux du bureau qui donne sur la rue. Quelque chose y est tombé, quelque chose de lourd.

Dehors, les ouvriers qui construisent l’arche se sont accordé une pause et boivent à l’ombre d’un porche.  Tout est tranquille, la place bruisse de vie, alors que les quartiers des inquisiteurs étaient l’incarnation du solennel.


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Junia ne lui posa aucune question, ne posa sur lui aucun regard perçant. Pour un peu, elle semblait même quelque peu émue.

Entrapercevoir cela fit retenir son souffle à Vaast. Tout à coup, l’inquisitrice n’était plus à craindre. Elle n’était qu’une femme, que sa sœur, qu’une des rares personnes en ce monde qui pouvait comprendre ce qu’il avait traversé et pourquoi il ne dormait pas la nuit. Quand Vaast la regarda, il aurait tout aussi bien pu lui tendre la main.

Et puis l’instant passa. Il se rappela ce qu’il faisait ici et pourquoi il le faisait. Il détourna les yeux.

-Je n’oublierai pas, sœur Junia.

Quant à s’il reviendrait vraiment avec régularité, ça restait à voir.

Quand Rosmunda revint enfin, il adressa une prière silencieuse à l’Illuminé. Il se félicita d’avoir ordonné à la domestique de ne rien emporter avec elle, mais demeura quand même nerveux tout le temps que dura la fouille.

Il salua Junia avant de sortir et prit soin de marcher au large de Rosmunda comme s’il la connaissait mal. Il se contenta d'un coup d'œil pour tenter d'évaluer la situation : avait-elle réussi ? Allait-elle bien ?

Une fois les portes fermées derrière eux, il ouvrit la bouche pour lui proposer de se retrouver ailleurs pour discuter ; mais le bruit soudain le fit tressaillir.

Vaast hésita une brève seconde. Pas plus.

-Je reviens, souffla-t-il.

Il allongea le pas et marcha en direction du bruit. Quelque chose était-il tombé ? Avait-on carrément fait passer un objet par la fenêtre ? Devait-il revenir à l’intérieur pour vérifier que tout allait bien à l’étage ?

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En descendant les marches, je retrouve Monsieur et Junia qui me dévisagent, rien de bien méchant, mais la situation me fait afficher un sourire contrit. Allez savoir de quoi ils ont parlé, ce qu’ils ont pu entendre, ce qu’ils ont pu penser de moi pendant tout ce temps. Je dois prendre mon mal en patience et attendre que l’on sorte d’ici avec Monsieur. Mais Madame ne semble pas afficher de mine trop préoccupée, ou masquant une possible préoccupation. Cela me rassure.

Une fois en bas, elle m’annonce devoir me fouiller. Je soupire intérieurement, Monsieur a bien fait de me préciser qu’il ne fallait rien prendre. Sinon j’aurai très mal fini. Je la laisse tâter mes poches, rougissant un peu quand elle me demande de relever légèrement mes jupes. Vaast est présent, tout de même ! Mais elle ne semble rien trouver, le contraire m’aurait étonné, et me laisse partir. Elle me demande simplement un nom pour pouvoir me recontacter en cas de besoin. Je dois avouer que j’hésite entre donner un faux nom, ou le mien. S’il s’avérait qu’on m’accuse, Monsieur Vaast aurait des soucis et donner une fausse identité ne ferait que les conforter en ce sens. Non, je vais donner mon vrai nom, en plus l’autre inquisiteur là-haut m’a semblé fouiller, aucune envie d’être accusée à sa place !

- Rosmunda Fornaro, Madame. N’hésitez pas à me recontacter si vous avez été satisfaite. Oh, j’oubliais, je n’ai pas fait tout ce que je voulais, mais le sol avait un besoin urgent d’être nettoyé en priorité car votre compagnon a fait tomber un plein bol de soupe sur le sol. Mais si vous me rappelez je pourrais véritablement récurer ce lieu de fond en comble ! Que j'annonce sur ton d'inoccente campagnarde.

Et voilà, je ne fais que dire la vérité. Il n’y a pas meilleur mensonge que celui enrobé par de véritables faits ! Oh, ma pauvre fille, écoute-toi un peu. Est-ce que ta mère, ta sœur seraient fières de toi en voyant tes tristes magouilles ? Je prierai longuement une fois rentrée, en espérant que le Lumineux me pardonnera. Je pourrais même passer à l’église de San-Matheus, tiens…

J’emboîte finalement le pas de Vaast, sans trop remarquer qu’il est un peu éloigné de moi. Une fois la porte refermée, nous descendons les quelques marches pour nous retrouver de nouveau en pleine lumière. Y’a pas à dire, San Matheus est construite bien plus basse que Nouvelle-Sérène, j’ai l’impression que le soleil nous assommera où que nous allions. Mais ce soleil, c’est surtout celui de la liberté. J’ai réussi ! J’ai obtenu les informations voulues et je m’en suis sortie !

Pis soudain, un gros bruit venant de l’étage du bâtiment. Je tourne la tête, lève les yeux, on dirait que ça vient du bureau. Non, ne me dites pas que ça vient du bureau ! Qu’est-ce qu’il fait ce… ce sacripant d’inquisiteur ! Il ne me fera pas avoir des problèmes. Je m’apprête à tourner les talons, parce que ça n’a aucune raison de me concerner et voilà Vaast qui s’éloigne, qui se rapproche de l’Ordo Luminis pour enquêter sur ce bruit ! J’étais prête à le tirer par le bras pour qu’on s’en aille, mais qui me dit que Junia ne nous regarde pas par une fenêtre, quelque part. Agis naturellement, Ros. Je m’approche de lui.

- Un problème ? Que je dis un peu fort à destination d’éventuels indiscrets.

Les mains jointes, j’espère que Vaast tournera la tête vers moi, que je puisse, en un coup de menton, lui signifier qu’il nous faut partir, que je lui expliquerai ! Mon visage ne pourrait pas plus traduire l’urgence de nous en aller. Certes, j’ai fait mon possible pour qu’on ne risque rien, mais il pense vraiment que s’inquiéter du moindre bruit à l’étage ne pourra pas être mal interprété ? Nous devons partir, nous éloigner, et là nous parlerons ! Monsieur Vaast, je vous en prie, réceptionnez mon message !
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La fenêtre est close, rien n’a été lancé par le carreau, ce qui est d’autant plus le signe que ce qui a dû tomber en haut était lourd car on l’a entendu depuis la rue. On ne voit rien par la fenêtre aux pieds des quartiers de l’Ordo Luminis, il faut prendre du recul pour cela, et même alors, les reflets pourraient empêcher de sonder correctement ce qu’il y a de l’autre côté de la vitre.
Le bruit ne se reproduit pas.

Un ouvrier de construction ricane quand Rosmunda parle. Il tousse même un peu en expirant une grosse bouffée de fumée et lance à sa collège :

- Antonius va encore passer un sale quart d’heure.

Ladite collègue a un sourire partagé entre la pitié et l’amusement.
Les fraques dudit Antonius doivent être connues si les ouvriers alentours du bâtiment en ont eu vent.

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Vaast avait presque atteint la façade, mais il n’alla pas plus loin. Il n’y avait rien sur les pavés ; quelle que soit la chose qui avait fait ce bruit, elle était à l’intérieur. Et dans ce cas, à moins que Junia ne soit sourde…

Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

La première chose qu’il vit fut le visage de Rosmunda. Elle aurait tout aussi bien pu brandir un panneau “allons-nous-en”. De toute évidence, elle n’avait pas passé la meilleure heure de sa vie et avait hâte que ce soit terminé.

La deuxième fut les ouvriers. Antonius, disaient-ils. Vaast ne connaissait pas d’inquisiteur de ce nom, mais il venait probablement de fournir une distraction à Junia.

Vaast haussa les épaules et revint en arrière. S’il avait été seul, peut-être serait-il revenu ; ça aurait été tout naturel. Mais il ne l’était pas.

-Vous ne connaissez pas bien la ville, je crois ? Lança-t-il à Rosmunda comme s’ils ne se connaissaient pas. Je vous raccompagne à la taverne. Ce n’est pas très loin.

Le début du trajet fut en effet celui pour rejoindre la taverne du Denier, mais à mi-chemin, il bifurqua vers le quartier que certains nommaient “populaire” et que d’autres appelaient “pauvre”. Même quand ils traversèrent une ruelle déserte, il ne dit pas un mot à la domestique ; il ne lui parla de nouveau que quand ils furent devant chez lui.

-Après vous.

Il avait été si préoccupé par tout le reste qu’il n’avait pas eu le temps d’être nerveux à propos des résultats, mais maintenant… Voilà qu'il se montrait sec. Il n'était pourtant pas dans son intérêt de s'aliéner la femme par manque de civilités, aussi résolut-il de faire encore un effort.

Il déverrouilla la porte et la fit entrer. Sans perdre de temps, il alla à la cuisine pour récupérer un grand verre d’eau et le tendit à Rosmunda. Après seulement il s’assit.

-Racontez-moi tout, dit-il en se penchant vers elle. J’espère que ça n’a pas été une trop grande épreuve.

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Enfin, voilà qu’il se retourne et, je pense, qu’il voit dans mes yeux à quel point c’est important de ne pas prêter trop attention à ce qu’il se passe là-haut. Si Antonius s’attire des ennuis, mieux vaut ne pas lui donner une excuse de me faire porter le chapeau ! Je me ressaisis donc au plus vite puis lui emboîte le pas pour enfin quitter cet affreux endroit et pouvoir respirer dans un endroit calme. Monsieur propose d’ailleurs de me raccompagner à la taverne, ce que je trouve bien aimable !

On passe donc devant le groupe d’ouvrier et je ne peux m’empêcher de glisser un œil vers eux. Ont-ils compris quelque chose ? Ai-je été trop insistante auprès de Vaast pour que ce soit normal ? Mais ils n’ont pas l’air de trop se préoccuper de moi, mais je ne peux m’empêcher de tourner la tête, sentant le rouge me monter aux joues, quand la jeune femme du groupe se met à me regarder. Par la Lumière, que j’en fais des bêtises maintenant qu’on est dehors ! Mais ce n’est pas grave, enfin c’est moins grave ! Déjà, je vois mal des ouvriers traverser la rue pour informer l’inquisitrice que, eh, cette bonne femme, elle a rougi quand on l’a regardé. Et de deux… c’est la faute de l’ouvrière, d’abord !

On remonte donc les rues de San Matheus d’un pas tranquille. Je répète sans arrêt dans ma tête, comme une litanie de prêtre, les choses que j’ai vu sur les documents pour m’en souvenir. Plus on s’éloigne du siège de l’inquisition, plus je sens mes épaules qui se détendent ! Mais arrivés à un croisement reconnaissable à sa fontaine, voilà qu’on bifurque à droite au lieu de prendre à gauche pour se diriger vers la taverne où je réside. Tiens, où m’emmène-t-il ce Monsieur ? Je n’ai pas le temps de trop m’en inquiéter car, rapidement, on arrive devant sa reconnaissable maison. Je me demande bien pourquoi il nous ramène ici, probablement pour ne pas parler devant trop d’oreilles indiscrètes à la taverne. Lorsqu’il me demande d’entrer, je le sens un peu froid ce qui me ramène immédiatement sur terre : tout n’est pas encore réglé pour autant. D’ailleurs, si les informations que j’ai récupérées ne lui font pas plaisir, peut-être qu’il ne me paiera pas, ou pire, qu’il me dénoncera !

J’entre donc, un peu à reculons, dans sa maison et la pénombre d’une demeure laissée vide au matin ne m’aide pas à me sentir plus en sécurité. Je prends donc place sur le siège que j’ai occupé la veille et je le vois revenir avec un verre d’eau qui m’est destiné. Je ne peux m’empêcher de lui montrer ma gratitude avec un sourire, et lorsque je me mets à boire je me rends compte d’à quel point j’ai soif et j’avale presque le tout.

- Merci beaucoup, Monsieur.

Puis il s’assoit face à moi et me demande comment tout ceci s’est déroulé.

- Ça a été, oui. L’inquisiteur Antonius m’a posé un problème. J’ai le sentiment qu’il voulait, lui aussi, fouiller dans le bureau de Madame Junia, donc il a fait en sorte de m’éloigner de celui-ci. J’ai juste peur qu’il fasse porter le chapeau à la ménagère si jamais Madame se rend compte de quelque chose…

Une préoccupation que j’ai, mais en vérité je ne le pense ni assez malhonnête, ni assez malin pour y penser. Et puis de ce que les ouvriers ont raconté ce n’est pas la première fois qu’il fait des siennes.

- Mais je ne m’inquiète pas trop. A part ça rien de particulier, j’ai pu voir le contenu de votre dossier dans l’un des tiroirs.

Je me penche vers lui et reste interdite un instant. Je n’ai toujours pas vu la moindre pièce de ce qu’il m’a promis contre ces informations. D’ordinaire, j’aime bien les avoir au moins sur la table pendant que je fais mon rapport ! Mais regardez-moi ce Monsieur, avec ces cicatrices de partout et son air de molosse. Je n’ai aucune envie qu’il s’énerve… Je pense que je n’ai pas le choix, je dois lui dire au risque qu’il m’arnaque et ne me paye pas.

- Bah… dans ce dossier on vous décrit comme ayant « perdu la flamme de la foi », qu’il faudrait vous la raviver, et un certain Dominus a demandé un rapport sur vous au bout de six mois de vie sur l’île. Je ne sais pas depuis quand vous êtes là, mais ça doit approcher. Sinon, vous auriez désobéi à un ordre d’un homme qui est mort aujourd’hui. Beaucoup de notes renvoient vers d’autres dossiers donc j’ai pas pu tout lire. Et je crois que c’est tout…

Je me sentais transpirante. Je venais vraiment d’espionner l’Ordo Luminis ? Par la Lumière, j’espère qu’Il me pardonnera et qu’il n’enverra pas ses serviteurs me retrouver… Maintenant que j’ai tout dévoilé, je me sens fatiguée d’un coup, comme si je venais de couper un arbre entier à la hache. Je pousse un long soupir, espérant très fort qu’il ne me demande pas autre chose. Mais je n’arrive pas à lever les yeux vers son visage pour y quérir un indice.
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A voir la vitesse à laquelle elle le descendait, le verre d’eau n’était pas superflu.

-Ah tiens… murmura simplement Vaast.

Le maladroit Antonius avait donc peut-être un objectif bien précis. Il en prit bonne note, mais il ne pouvait pas y réfléchir pour l’instant : il était trop concentré sur ce qui allait venir. Voilà que Rosmunda se taisait, qu’elle marquait un temps de silence, alors qu’il avait envie de crier : alors ?

Mais elle parla enfin, et les traits de Vaast se durcirent ; il se préparait à encaisser n’importe quoi.

“Perdu la flamme de la foi”. Ça, ce n’était pas surprenant. Il avait même perdu la flamme tout court depuis son retour du front. Il était logique que l’Ordo Luminis l’ait consigné quelque part.

Le coup du rapport, en revanche, il ne l’avait pas vu venir.

Ainsi, Domnius avait obtenu de l’inquisition qu’elle l’informe sur… quoi ? Sur son état ? Sur ses progrès ? S’il était inquiet à son sujet, pourquoi ne lui écrivait-il pas ? Et comment s’y était-il pris pour obtenir pareille faveur de l’Ordo Luminis ? Pourquoi voulait-il un rapport, d’ailleurs ? Qu’allait-il en faire ?

Vaast passa en revue toutes ces questions en un éclair. Elles s’évanouirent d’un coup dans sa tête quand la domestique ajouta qu’il avait désobéi aux ordres d’un homme mort.

Mort.

Maikel est mort.

L’inquisiteur s’affaissa dans son fauteuil. Il n’était pas inquiet ; il n’était pas non plus bouleversé. En fait il n’était rien du tout. C’était comme si la pression avait tant monté qu’elle avait fini par le rendre détaché de tout. Il se sentait engourdi.

Le silence qui s’installa dura quelques secondes. Vaast finit par ciller et se relever ; il ne pouvait pas rester là à attendre de ressentir quelque chose. Rosmunda guettait sans doute son paiement.

Il ouvrit sa besace et attrapa la bourse qu’il réservait à la domestique.

-Merci. Vous avez très bien agi, assura-t-il d'une voix posée. Tout le monde n'aurait pas réussi à mener à bien une tâche aussi délicate.

Il déposa l’or sur le bras du fauteuil afin qu’elle puisse s’en emparer. Si on comptait aussi la bourse précédente, elle avait maintenant de quoi se payer trois semaines de loyer dans une taverne du Denier. Vaast songea vaguement qu’il devrait peut-être faire venir ce qu’il avait à San-Aurelius ici. Ses économies ne lui serviraient pas à grand-chose coincées sur le continent.

-Je ne vous retiens pas davantage, Rosmunda. Vous devez avoir hâte de prendre un peu de repos.

Il assortit ces paroles réconfortantes d’un sourire. Tout ce qui comptait pour l’instant, c’était qu’il aille jusqu’au bout de son plan.

-Si jamais vous avez une question ou un problème, vous avez mon adresse.

Il valait bien mieux qu'il lui laisse entendre qu'il était redevable - il avait tout intérêt à ce que la domestique sache se taire, et il préférait utiliser cette méthode plutôt que des menaces. Le risque qu'elle aille tout raconter était alors trop grand.

Vaast alla se poster près de la porte, prêt à l’ouvrir.

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Je dois avoir l’air fière tiens, la tête vers le sol comme si je venais d’avouer une bêtise ! Alors que je n’avais rien fait de plus que ce qu’on m’avait ordonné de faire. Pis, de ce que j’ai lu, ce sont pas des informations qui nuiront à qui que ce soit. Tout le monde devrait pouvoir satisfaire sa curiosité, comme ce monsieur, à propos de ce qu’on pense de lui ! Même si ces histoires de type mort, bah ça rend les choses un peu plus délicates, évidemment. Mais… je sais pas, j’ai l’impression que ce Monsieur n’est pas mauvais. Oui, ça ne fait que deux jours que je le côtoie, mais il m’a traité avec plus de respect que des gens que j’ai servi des années entières !

Alors, comme rassurée, je me risque à lever les yeux. Heureusement, je ne croise pas les siens, mais ce que je vois m’interpelle. Monsieur demeure là, enfoncé dans son fauteuil, les yeux perdus dans le vide comme si l’on venait de lui frapper fort la tête. Peut-être ai-je révélé quelque chose qui lui a déplu ? Enfin, ça n’est pas l’attitude d’un homme contrarié, mais abattu ! Qu’ai-je donc bien pu dire de si terrible ? Qu’il fait l’objet d’un rapport ? Je comprendrai tout à fait, personne n’aime apprendre qu’on l’espionne… Enfin je pense. Heureusement pour ma santé, ce n’est pas arrivé que l’on apprenne ainsi mon activité.

Mais le silence commence à s’allonger, et je ne sais plus où me mettre. Peut-être est-il déçu par mes découvertes ? Souhaite-t-il me réduire au silence car j’en sais trop ? Oh pitié, dites-moi quelque chose que je sache où me placer ! Mais enfin, il ouvre sa besace et en sort une bourse que je devine lourde au bruit qu’elle fait lorsqu’il la pose à côté de lui. Puis il me remercie, me complimente. Mes joues s’empourprent.

- Je… merci à vous de m’avoir engagée… J’espère vous avoir été utile.

J’hésite, puis je saisis finalement la bourse que je soupèse le plus élégamment possible. Son poids pourrait me provoquer un malaise, il s’y trouve beaucoup d’argent et je me vois mal rentrer ainsi à Nouvelle-Sérène, je risquerais des ennuis. Je vais devoir la dissimuler quelque part…

- Recontactez-moi s’ils vous faut quoique ce soit. Je ne suis pas utile que dans ce type de besogne.

Que je lui annonce avec un sourire contrit. Le Lumineux sait que, si possible, j’aimerai que la prochaine fois qu'il m'engage ce sera pour autre chose que le braquage du siècle. J’ai l’impression d’avoir évacué… beaucoup de choses, maintenant que je suis payée, beaucoup d’angoisse. Mais ce sera tout à fait parti une fois que j’aurai mis cet argent à l’abri. En attendant, j’ai hâte de prendre congé et de m’offrir un bon repas et un bon bain à l’auberge. Il me faudra bien ça pour détendre mon dos qui menace de se coincer tellement je suis tendue !

Je me lève pour échanger les dernières politesses d’usage avec Monsieur. Heureuse qu’il soit si satisfait de mon travail, mais je compte longuement prier pour m’éviter la juste colère du Lumineux. Mais est-ce une bonne idée de rester dans cette ville plus de quelques heures… De toute manière, si je pars maintenant je passerai la nuit dans le fiacre pour Nouvelle-Sérène et c’est une perspective qui ne me réjouit pas du tout. J’attendrai demain, donc, à mes risques et périls.

Monsieur me raccompagne à la porte et je ne peux me défaire d’une expression sincère de gratitude. Malgré toute la peur qui m’a étreinte, malgré les doutes sur la bonne morale de tout cela, malgré l’imprévu complet de cette mission, je lui suis reconnaissante. Son argent me servira bien, sans aucun doute. Il ouvre enfin la porte et m’encourage à le contacter si j’ai besoin de quoique ce soit. J’ai envie de glousser. Un membre de l’Ordo Luminis qui m’est redevable… C’est une situation dans laquelle je ne pensais pas finir en allant chercher cette fameuse lettre d’amour.

- Je note alors. Ce fut un plaisir, Monsieur. Je vous dis à bientôt.

Puis je tourne les talons et, le ventre criant famine, je ne me fais pas prier pour me diriger à grands pas vers l’auberge où je loge. Sans vraiment me retourner pour le « voir une dernière fois » car, il me l’a proposé lui-même, je pense que l’on se reverra bientôt.
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