[Event] Dansez les yeux fermés
Mieux vaut rester au centre de la scène. Là, un énorme feu de joie a été installé par les villageois de Vígnámrí. Il répand une chaleur tiède et son crépitement est accompagné du bruit encore timide des conversations.
L’ordre est clair : neutralité. La tension n’est pour autant pas entièrement dissipée. A la surprise de beaucoup, des membres du village de Village de Vighulgsob sont là. On les compte sur les doigts d’une main, plus étranges que tous les autres avec leurs familiers qui sont restés sous le couvert des arbres mais semblent observer les évènements avec autant d’acuité que leurs maîtres.
Les convives n’osent pas encore se mêler de façon homogène. Les Natifs de Vígnámrí sont en plein préparatifs. Ils ont chassé pour leurs hôtes, en une quantité que certains clans trouveraient déraisonnable, et mettent le gibier sur de grands pics pour le faire rôtir. D’autres de leur peuple leur prêtent main fort et, une tâche rouge qui détonne dans l’ensemble, l’envoyé de Thélème est venu en renfort également. Il a même fait apporter des mets de sa patrie pour les faire goûter aux locaux.
Les deux organisateurs de la soirée, l’une membre de la Congrégation et l’autre villageois de Vígnámrí, discutent à portée de la chaleur des flammes.
La diplomate de l’Alliance demeure un peu plus en retrait. Elle observe pour le moment un Natif jouer de la flûte, tandis qu’un autre l’accompagne au tambour.
Elle, comme les autres, ont exhorté les membres de leur faction à s’avancer dans la lumière des flammes, à entrer dans la danse. A profiter. C’est une fête, pardi !
A une fête, il faut prendre du bon temps.
Les PNJs importants
Odran – Natifs : Odran a longuement parlé avec Maeva pour tout mettre en place. Il est ravi de son idée déplacer cette petite fête lors d’un équinoxe : il espère ainsi concilier les traditions de son peuple et l’envie des étrangers d’établir des liens avec eux. Il souhaite avant tout démontrer aux siens que les renaigse ont un bon côté et qu’il a raison de vouloir leur tendre la main. Une fois ses preuves faites, il en est sûr, on lui confiera un rôle important.
Darya – Alliance du Pont : Loin de se préoccuper des petites intrigues des Académies de l’Alliance, Darya n’est pas au nombre de la population savante de sa faction. Engagée dans la branche logistique de l’armée du Pont, elle fait tout pour en défendre les intérêts économiques. C’est pourtant une pacifique paraît-il ; on ne la dit pas en faveur d’une prolongation de la guerre ouverte entre l’Alliance et Thélème. Son conflit, elle le veut commercial. Certains membres de la Congrégation l’ont à l’œil parce qu’elle s’est évertuée à leur dérober de fructueux contrats ces dernières années. Ceux qui la connaissent la respectent malgré tout. S’il y a de l’honneur chez les politiciens et les magouilleurs, Darya l’incarne.
Elle a accepté l’invitation de Maeva d’Ortian qu’il lui a envoyé nommément et a fait passer le mot de sa présence à cette fête dans Hikmet. Malgré la relation précaire des deux factions, Darya espère qu’il n’est pas encore trop tard pour corriger le tir entre l’Alliance du Pont et les Natifs.
Frère Ariel - Thélème : Créature politique, Ariel a longtemps été missionnaire à Peren dans la Congrégation Marchande et cela se sent. Il a davantage les manières raffinées – et un tantinet sournoises – d’un homme du cru et répugne aux méthodes de certains de ses collègues. Ses façons sont irréconciliables avec celles des inquisiteurs les plus zélés mais ne vont pas tout à fait avec celles des autres Missionnaires non plus. Car Ariel a amplement pu voir le reste du monde, et trouve ses pairs incroyablement maladroits, peu ouverts sur les façons des autres. Lui, il éprouve une curiosité sincère envers les Natifs et juge qu’un grand discours sur sa foi ne va pas les convertir. A la place, il s’efforce de montrer ce qu’il considère comme les avantages du mode de vie des continentaux : grandes villes de pierres, navires qui fendent les flots, fruits exotiques, soieries et histoires de terres dont les habitants de Teer Fradee peuvent à peine rêver…
Il a accepté l’invitation de Maeva d’Ortian à la surprise de personne et, en tant que voix de Thélème durant cette fête, il a demandé à tous ceux qui l’accompagnent de se montrer sous leur meilleur jour. Beaux vêtements, cadeaux pour les Natifs… Ariel est décidé à plaire.
HRP
Vous pouvez vous adresser aux PNJ tout votre saoul. N’hésitez pas à interagir, ils sont accessibles.
Vous pouvez également entreprendre les actions que vous désirez vis-à-vis de l’évent : décider que votre personnage va aider à l’organisation ou chercher la bagarre ? Ce que vous choisirez de faire pourra entraîner des répercussions sur la réputation de votre personnage auprès des différentes factions.
Bon jeu !
Sabimewen avait fait un long chemin pour arriver jusqu'au village de Vígnámrí. Mais selon lui, toute cette énergie dépensée en valait largement la peine. L'idée d'une fête rassemblant les peuples de Tír Fradí, le tout dans le plus grand respect, provoquait chez le chasseur un certain enthousiasme. Il avait été parmi les premiers de son Clan à accepter l'invitation. On le savait curieux des renaígse et plutôt amical à leur encontre, mais il était en réalité un parfait idéaliste, aimant croire qu'une cohabitation pacifique pouvait exister.
Cependant, malgré tous ses espoirs, une pointe d'inquiétude persistait. Est-ce que tout allait se dérouler aussi bien ? Tant de factions aux affinités si différentes et complexes réuni au même endroit... A bien y réfléchir, le pari était risqué. Sabi se jura alors de tout faire pour préserver la paix entre son peuple et les autres.
Le chasseur s'avança vers le feu de joie. Il avait revêtu sur ses épaules une belle fourrure de vaileg blanc, qu'il réservait aux événements importants. Elle lui donnait une fière allure, du moins, du point de vue d'un natif. Il avait taillé proprement sa barbe et ses longs cheveux bruns étaient coiffés de tresses entremêlant des anneaux cuivrés et des plumes de corbeaux. Sa mère l'avait longuement admiré avant qu'il ne parte et elle l'avait trouvé magnifique -comme n'importe quelle mère regardant son enfant, sans doute.
Sabi alla d'abord saluer Odran, ils avaient déjà eu l'occasion de se croiser quelques fois, notamment lors des Grandes Chasses, et il le remercia d'avoir pris le temps d'organiser tout ça. Il remercia également, mais d'une manière moins familière, la femme qui se trouvait à côté et qui avait aussi sa part de mérite.
Le chasseur se dirigea ensuite vers la viande en train de rôtir. Elle dégageait une odeur délicieuse et il avait terriblement faim après avoir voyagé toute la journée.
Dansez
les yeux fermés
Feat presque tous les copains
Personne ne l’a vu venir quand Dilay a levé la main pour annoncer qu’elle participerait à la fête. L’invitation était au nom d’Hassan, son mentor, et quand il l’a lu devant tous les membres de l’expédition, les chercheurs se sont regardés en silence. Basir a grimacé, horrifié à l’idée de passer une soirée en compagnie de thélémite. Mitra était plus enthousiaste, personne n’a trop rien dit sûrement parce qu’on pensait que ce serait elle qui se proposerait.
Elle l’a fait trop tard. Ou alors elle ne voulait pas. Dilay l’aurait bien prise avec elle, mais voilà : elle voulait y aller seule parce qu’elle, elle s’en fiche de représente l’Alliance du Pont. Ce qu’elle veut, c’est voir des gens importants, leur parler, et peut-être s’en faire des contacts.
Alors, elle a levé la main. Et toutes les pairs d’yeux se sont posés sur elle. Dilay ne s’est pas démontée pour autant. Elle n’a pas eu à arguer longtemps, elle s’apprêtait à défendre son cas, à asséner qu’elle était un bon choix puisqu’elle a habité à Sérène aussi longtemps qu’elle a habité dans l’Alliance du Pont, qu’elle connaît les embrouilles des gens du cru.
Ça n’a pas été nécessaire. Il a semblé à Dilay qu’Hassan était soulagé. Craignait-il d’y aller lui-même ?
Durant la journée qui précédait la fête, elle a écouté les conseils du vieil homme. Conserver son sang-froid. Sourire. Ecouter plutôt que de parler. Pas comme si Dilay s’était soudainement transformée en pipelette durant la nuit qu’elle a eu blanche.
Elle a eu tout le temps de penser à sa décision, de la regretter. Elle ne se sentait pas prête du tout à approcher les nobles de la Congrégation, elle n’en avait ni l’envie, et peut-être même pas le courage.
Il fallait bien. Malgré sa peur, malgré tout. Et puis elle se souvient bien de sa rencontre avec le Natif rouquin, de ses menaces, des corps volés…
Si la guerre couve sur Teer Fradee, Dilay veut le savoir parce qu’elle ne compte pas rester dans le coin pour découvrir si l’île peut devenir encore plus boueuse que le front.
Bien sûr, puisque Dilay est envoyée par le groupe de rechercher entier comme leur tribu pour la fête, il fallait qu’elle présente bien. Cette négociation-là a été plus âpre : l’envie de porter un kaftan ne lui manquait pas mais c’était comme débarquer avec un étendard de l’Alliance du Pont, trop reconnaissable. Elle ne comptait pas se présenter à cette femme qui a écrit la lettre, Darya, une fois arrivée. Non, elle dirait qu’elle s’appelait Alix de Courcelles si on lui demandait – et qui le ferait ? Qui allait bien s’enquérir de la raison de sa présence ?
Finalement, Dilay obtient d’acheter une chemise neuve, sombre pour ne pas trop attirer l’attention contrairement à sa palette habituelle. Des braies, et, pour couper la poire en deux, un voilage doré autour des reins. Mitra l’aide à couper ses cheveux au-dessus de son menton, bien plus régulièrement que ses coiffures folâtres habituelles, et puis les mèches sont ramenées vers l’arrière avec un peu de laque pour les faire briller.
Dilay a tout le temps envie de les tripoter sur le chemin. Elle n’est pas habituée à la sensation, et le poids de son tromblon lui manque. Elle engloutit seule le chemin qui sépare Whenshaganaw de Glendgnamvar et guette aux alentours pour une bête qui ne vient heureusement pas.
Dilay est là tôt, alors elle reste en marge un moment, observe les Natifs installer les bûches – qui ressemblent à de petits troncs – pour le feu et leur fait des sourires maladroits quand ils lui adressent des saluts. La clairière se peuple peu à peu, alors que Dilay est posée sur un rocher, les yeux fixés sur les énormes os de baleines qui émergent dans le lointain, vers la partie centrale du village.
Comme souvent, être là, dehors, lui donne de drôles de nœuds au ventre et, une fois, elle sursaute, sûre d’avoir entendu un murmure dans les frondaisons. Elle n’a pas le temps de s’en préoccuper bien longtemps : plus le soleil décroit, plus il fait froid. Dilay ne s’est pas assez couverte et, peut-être parce qu’il la prend en pitié en la voyant tortiller ses mains frigorifiées, elle arrive à troquer une de ses six décorations d’oreille contre une capeline de fourrure auprès d’une Natif.
Alors qu’elle se dirige vers le jeu de joie y étendre ses doigts bleuis, Dilay retrousse les narines, happée par un fumet caractéristique. De la nourriture gratuite !
Avec ses talons, elle atteint le mètre quatre-vingts. Elle songe à baisser la tête pour ne pas attirer l’attention mais ça serait encore plus suspect alors elle se contente de suivre son nez qui frétille.
A la lueur des flammes, les nombreux bijoux qui décorent le visage de Dilay se parent de reflets semblables à ceux de ses yeux. Elle ne porte pas ses lunettes et ce n’est pas ça qui l’empêche de venir proposer un coup de main aux Natifs, dans l’espoir de pouvoir se servir dans les premiers dans la pitance promise. Il y a un type en rouge qui les aide déjà. Dilay reconnaît un peu tard un thélémite, et même si elle ne lui adresse pas la parole, la voilà qui achemine des plateaux de gâteaux tout droits venus de San-Matheus côte à côte avec un prêtre.
Ah. Hassan a aussi précisé « ne t’approche pas de Thélème » dans ses recommandations mais de l’avis de Dilay, c’est déjà trop tard. Depuis quelques temps.
Je ne m’y suis pas trompée. J’ai passé l’après-midi à seconder une Elena toute guillerette qui avait rapidement pris le temps de m’expliquer la raison de tous ces préparatifs : on va à une fête, qu’elle me dit. Oui, elle me parle de fête. Non pas que j’aime pas ça, mais je ne vois pas très bien où qu’on voudra de deux aubergistes et… je réalise. Des jours que j’en entends parler, mais ça peut pas être ça, oh que non. C’est pas une fête, ce que j’ai entendu, c’est le plus gros évènement jamais vu sur cette île. Ça peut pas être ça ! Bah figurez-vous que si, c’est bien ça ! Oh je me souviens encore de ma réaction, j’avais un panier de courges dans les bras.
- M’enfin, me dit pas qu’on va chez les Natifs ? A la grande fête organisée par… oh je ne sais plus qui…
- Maeva d’Ortian, ma fille ! Tu ferais mieux de retenir son nom, pas savoir comment s’appelle notre hôte ça fait mauvais genre, qu’elle me répond, prête à me tirer les oreilles.
- Je sais bien, patronne, mais comment t’as réussi à nous faire entrer là-bas, vindieu ?
- Héhé, figure-toi que ta vieille patronne a ses contacts, tout de même ! Plus sérieusement, j’étais en ville y’a une semaine, comme tu le sais, je te passe les détails, mais je me retrouve à causer avec la femme de Maeva, un garçon tout à fait charmante, quoiqu’un peu jeune. C’est là que j’ai entendu parler de cette fête. Et tu me connais, je suis curieuse, donc j’aborde la question ! Là elle me regarde, m’explique que oui ça se passera dans tel village au nom, oh, long comme le bras, pis elle me demande ce que je fais. J’ose pas trop dire, je suis qu’une aubergiste et elle, ah la la, une femme du monde ! Mais je m’y risque. Et là, un marmot qui essaye de me sucrer une banane ? T’y crois ça ? J’te dis pas comment il doit avoir les fesses qui font mal en ce moment-même ! M’enfin, où j’en étais moi ? Ah oui…
M’enfin on est invitées quoi. Pas pour rien non plus, pour ça qu’on a embarqué tout ce bazar, on doit le donner à ceux qui s’occupent du repas. « C’est comme l’effort de guerre ! » qu’elle m’a dit l’ancienne. M’enfin, l’effort de guerre c’est surtout moi qui le fait, j’ai presque tout rempli le chariot à moi toute seule et là c’est moi qui conduit l’attelage pendant que madame roupille à côté dis-donc ! Heureusement, à l’arrière y’a le petit Thadeus, le marmot qui a voulu voler un fruit à Elena et qui nous a cassé les oreilles pour venir, en promettant qu’il nous aiderait à décharger le chariot pour se racheter. J’y crois, tiens, la moitié des paniers sont plus lourds que lui, le pauvre. Mais au moins, j’ai quelqu’un à qui causer !
Si je dilue autant le sujet c’est pour éviter de parler de choses fâcheuses. Mais la vérité est là : je ne sais pas conduire un attelage. J’ai beaucoup de cordes à mon arc, mais ça, je sais pas faire ! Disons que les chevaux, aussi gentils soient-ils, quand on les pousse pas un peu ils sont pas au mieux de leur capacité, donc on avance lentement et on risque le retard. Avec peine, j’arrive enfin à la Grande Route menant vers l’intérieur de l’île où, visiblement, je suis pas la seule à vouloir me rendre à cette fête qui me donne l’impression d’avoir convié toute la ville !
Je vous l’ai dit, j’ai été honnête, je ne sais pas conduire un attelage. Même si on avance lentement, ce n’est pas très dommageable quand on est sur une petite route de campagne où on est le seul chariot qui roule, ça l’est plus quand on est au milieu de toute une file qui essaye de se rendre le plus vite possible au plus grand évènement de l’année. J’ai honte, si vous saviez, j’ai honte… Derrière moi ça hurle d’aller plus vite, mais j’arrive pas à raisonner les chevaux qui font un peu ce qu’ils veulent, et pas moyen de me doubler pour ces pauvres gens que j’importune ! Le gamin à l’arrière rigole, je lui demande d’arrêter sinon je le lance en dehors du chariot, mais mon souci n’est pas réglé ! Alors je me résous à réveiller la vieille Elena qui, un peu paniquée, me demande ce qu’il se passe et pourquoi ça crie derrière. Je lui explique et le reste du voyage s’est composé de elle qui me râle dessus en conduisant l’attelage et de moi, rouge de honte, qui aimerait se réfugier au fond des bois qu’on a traversé jusqu’au village.
Village dont je saurais toujours pas prononcer le nom, mais en fin d’après-midi on y arrive ! C’est encore les préparatifs et me voilà en train de tout décharger pour me faire pardonner d’avoir créé un embouteillage sur la route. La patronne, elle, est partie discuter de ci de là, pour se faire des contacts sûrement. La chance, j’aimerai bien moi aussi tisser des liens avec tous ces grands personnages, mais je suis bloquée près du chariot à refiler tout notre matériel aux Natifs. On parle pas leur langue, ce qui est un sentiment très étrange, je vous le dis tout net. En plus, c’est la première fois que je suis au milieu d’eux. J’en ai croisé de temps en temps, mais je suis jamais allée dans un village à eux. Une partie de moi à peur de ce qui peut se passer, mais vu le nombre qu’on est je me dis que ça devrait aller. Mais loin de moi l’envie d’interagir plus avec eux…
Le marmot m’aide bien, finalement. Il a plus de force que ce que j’imaginais, vu sa taille, et au moins lui je peux lui parler à loisir. Même si on se comprend pas trop, les Natifs ont l’air contents de ce qu’on ramène, mais je ne pense pas qu’ils voudront nous le rendre à la fin de la fête. Encore quelque chose qui contrariera Elena… Après un moment qui m’a semblé interminable, on a enfin fini de vider le chariot. Moi et Thadeus on se regarde alors en se demandant : qu’est-ce qu’on fait ? J’ai déjà été à des fêtes, pour sûr, mais j’étais souvent là pour travailler, j’avais un boulot à faire. Là, bah… rien. « Profite », m’a dit ma patronne, mais je sais pas faire ça moi.
Alors je me suis assise sur le chariot vide, avec Thadeus à côté. Il transpirait pas mal et avait sa tignasse brune suffisamment longue pour que ça se voit. Il avait des marques sur la peau du visage, une vieille maladie ou bien on l’a frappé, je saurais pas dire. Par contre il gardait toujours le sourire, mais pas un sourire avenant, un sourire de petit malicieux là ! Il me faisait rire, ce sacripant ! Un peu plus tard on entend une sonnerie. Le repas est prêt. On sent l’odeur d’ici, vu qu’on est juste à côté des « cuisines », ça sent rudement bon et m’est avis que si je peux juste passer cette étrange et impromptue soirée à me remplir la panse, j’en serais déjà contente !
Et encore, le chemin ce n'est même pas le pire, en passant par les bois le natif évite au moins d'être en contact avec les renaigse et leurs complaisants. Ce que ça peut l'énerver de voir autant de ses compatriotes tendre ouvertement leur bras à ces étrangers qui ne leur veulent que du mal et les déposséder de leurs terres. Ce sera le moment idéal pour le voir.
Cuán espère aussi que tout ceci n'est pas une ruse des Lions pour disperser les forces de son village. Au plus vite tout ceci sera fini, au mieux ce sera.
Il voyage léger, avec sa mauvaise humeur comme seul bagage. Le natif n'amènera rien d'autre à la fête. Il a malgré tout avec lui son ancienne hache, qu'il déposera un peu avant d'arriver à destination.
Cuán peste et se reprend :
- Bon. J'espère qu'il y aura quelques personnes dignes de confiance au moins. Mais je n'y crois pas. Bienheureux sont ceux qui restent chez eux ces jours-ci.
Arrivé aux alentours du village de Vígnámrí, Cuán dépose sa hache, cachée au sol dans un petit buisson, lui même près d'un arbre. Il n'aime pas s'en séparer mais c'est la règle. Il a l'impression d'être le dernier arrivé mais s'en fiche. Il rejoint expressément les autres personnes de son village et n'ose pas se mêler aux autres convives, qu'il observe longuement.
Dansez les yeux fermésFeat many people
-On ne vous a pas appris à sourire, frère Vaast ?
-C’était en option. J’ai préféré apprendre à faire la moue vingt-quatre d’heures d’affilée.
Il aurait juré que Juliette avait souri.
-Arrêtez avec vos bêtises. Nous ne sommes pas ici pour nous disputer. Il est primordial de montrer que nous sommes unis.
Vaast fronça le nez. Quel intérêt de montrer aux Natifs que Thélème était une nation unie ? Ce n’était même pas vrai, mais ça, il n’était pas question de le faire remarquer : Juliette en aurait une attaque. Peut-être voulait-elle parler des autres factions… Se chamailler devant l’Alliance ferait mauvais genre, certes. Quant au reste du monde, on attirait moins bien les nouveaux croyants si on n’avait pas l’air irréprochable…
-Pourquoi m’avoir emmené moi, sœur Juliette ?
Il s’était posé la question tout au long du trajet. D’autres missionnaires auraient adoré cette occasion de faire leurs preuves. Il en avait entendu des débats sur les méthodes de frère Ariel… Plus d’un de ses pairs aurait voulu sauter sur l’occasion pour échanger avec lui et se faire bien voir de leur supérieure.
Comme Juliette ne répondait pas, Vaast tourna la tête vers elle. Elle était occupée à faire un signe de la main à quelqu’un qu’il ne connaissait pas, près du feu. Peut-être n’avait-elle pas envie de répondre à cette question tout de suite.
Cette soirée devait être importante pour elle. Elle s’était remarquablement apprêtée. Ses longs cheveux blonds, au lieu d’être cachés en chignon informe sous son chapeau, étaient nattés : une prouesse qui avait dû lui demander du temps. Juliette n’aimait pas perdre du temps avec son apparence, d’ordinaire. Si elle avait fait cet effort, ce n’était pas pour tout saboter en emmenant un ancien inquisiteur.
Vaast laissa soudain tomber ses réflexions. Il venait de voir passer une silhouette qui n’était pas sans lui rappeler Alix. Était-il possible qu’elle soit là ?
Dans un geste inconscient, il effleura le bijou qui ornait désormais une de ses oreilles.
-Vous auriez préféré ne pas venir ? finit par rétorquer sœur Juliette.
Vaast revint à elle et haussa un sourcil.
-Ce n’est pas ce que j’ai dit et vous le savez.
-Je vous ai emmené parce que vous êtes intelligent et capable au cas où les choses tournent au vinaigre.
Bien sûr. Ça aurait dû être limpide. Il était une arme qu’on embarquait pour se sentir plus en sécurité. Vaast ne répondit rien et croisa les bras en fixant le feu jusqu’à ne plus voir le visage de sa supérieure à la périphérie de sa vision.
Au moins, songea-t-il avec acrimonie, si les choses “tournaient au vinaigre”, le bûcher était déjà dressé.
Dansez
les yeux fermés
Feat presque tous les copains
La viande a encore besoin de cuisson, qu’on a dit à Dilay. Après avoir hissé une des broches en aidant un Natif qui lui arrivait à l’épaule, elle regarde la carcasse de cerf au-dessus des flammes.
Comme souvent ces derniers temps, la viande ne lui fait pas autant envie quand elle l’a devant elle que quand elle se l’imagine. Elle pousse un soupir tandis qu’un missionnaire s’approche d’elle.
Elle n’entend pas quand il l’interpelle, elle est dos à lui, il y a trop de bruit. Comme l’homme l’a confondu avec une native à cause de sa pelisse en fourrure, il lui tapote prudemment l’épaule, lance en articulant de façon excessive :
- Pardonnez-moi, désireriez-vous…
Dilay se retourne. Il s’interrompt, incapable de savoir à qui il a affaire.
Dilay est habillée tout de noir – comme une thélémite – elle porte une parure native, un voile et un pantalon à la coupe qui rappelle les vêtements du Pont, ainsi qu’une chemise et une paire de bottes indubitablement fabriquées dans la Congrégation.
Dilay, elle, voit le missionnaire un peu flou, de toute façon. Ce qu’elle repère en revanche, c’est qu’il tient une boîte contenant ce qui ressemble à des gâteaux. Il les lui tend d’une façon qui suggère qu’il voulait lui en offrir, probablement pour faire partager sa culture à des convives natifs.
- Pour moi ?
Demande Dilay, sans gêne. L’homme répond :
- Ma foi, si vous le souhai…
Dilay tend déjà la main pour se servir sans avoir vraiment attendu la réponse. Le sous-texte de l’interaction lui échappe totalement, tout ce qu’elle voit, c’est de la nourriture gratuite qui vient à elle sans temps de cuisson. Alors qu’elle a enfourné un premier gâteau chargé de plus de beurre que ses artères ne devraient raisonnablement pouvoir supporter, le missionnaire achève :
- … tez.
Devant l’enthousiasme de son interlocutrice qui se ressert immédiatement, il se dandine légèrement, se racle la gorge. Il est heureusement sauvé par le mouvement en périphérie de la vision de Dilay qui, la bouche pleine, ne peut s’empêcher de suivre du regard la direction vers laquelle une personne vient d’agiter la main.
Elle a du mal à déglutir son sablé.
C’est Vaast. Vaast avec une femme. Et, évidemment, les jambes de Dilay se sont mises en mouvement avant que ses pensées n’aient embrayé. Elle s’approche de l’inquisiteur, laissant en plan le missionnaire non sans lui avoir lancé un bref « très bon », mais s’arrête bêtement parmi la foule à mi-chemin.
Qu’est-ce qu’elle fabrique ? Elle ne va pas aborder Vaast alors qu’il est avec… Qui que ça puisse être.
Dilay se surprend à s’assurer que ses mèches sont bien plaquées en arrière, découvrent son visage et la belle parure qui relie son nez à son oreille, la chaine truffée de pendants. Ses yeux or fardés de noir.
Est-ce qu’il l’a vu ? Est-il trop tard pour faire demi-tour ? Elle ne sait pas quelle réponse lui conviendrait le mieux.
Puis elle avait relue la lettre une deuxième fois, puis une troisième et son agacement cessa...elle était invitée pour faire la fête, non pas pour s'en occuper. En voilà une excellente nouvelle, enfin elle allait pouvoir se détendre dans une fête qui allait sûrement être une des plus grandes fêtes de tout Teer Fradee.
Elle était accompagnée d'Antonia lors de sa tournée des boutiques de Nouvelle-Sélène afin de trouver une tenue correct pour cette soirée. Elle aurait vraiment apprécié qu'elle l'accompagne mais malheureusement, Erika n'avait pas eu assez d'argument pour que la Garde accepte de donner sa soirée à son amie. Ils avaient déjà accepté de laisser partir Erika et Thomas, la patronne et son second. Elles passèrent l'après-midi entière ensemble afin de choisir ses vêtements. Son choix c'était porté sur une pantalon bleu nuit qui accompagnerait une de ses chemise blanches avec les ficelles aux couleurs de la congrégations. Elle avait également craqué sur une veste dans les tons de son pantalon qui arrivait juste au dessus de ses genoux. Avec son chapeau sur la tête, il sera impossible de manquer qu'elle vient de la Congrégation. Erika ne voulait pas particulièrement le montrer, mais elle devait bien avouer qu'elle était grande amatrice de cette mode.
Les derniers préparatifs avaient lieu dans sa chambre. Sa tenue était prête et son pantalon était accompagné d'une ceinture. Ses cheveux étaient, pour une fois, détachée et tombaient sur ses épaules. Elle portait des bottes en cuir sombre déjà bien usées par le temps mais qui était très confortable. Elle s'imagina quelques secondes en robe et celui lui suffit pour qu'elle rigole toute seule. Le jour où on verra Erika en robe, ce sera vraiment qu'il y a un soucis. Elle attrapa sa besace avec son nécessaire de dessin et de peinture. Si elle arrivait a se mettre en retrait, ce serait un excellent moment pour s’entraîner, à nouveau, à représenter des silhouettes.
Elle rejoignit Thomas aux portes de Nouvelle-Sérène. Elle aurait bien aimé apporté des mets de des boissons pour ce soir, mais la soirée organisée à la Taverne quelques soirs auparavant ne lui permettait d'écart pour le moment. Soit, elle se porterait volontaire pour aider. Peut être même qu'elle pourrait réussir a discuté pour d'éventuelle met et recette des natifs pour les rajouter dans sa taverne.
Sur le trajet, qu'ils faisaient accompagné de plusieurs autres personnes, on ne manqua pas de lui faire part des rumeurs qu'on entendaient à son propos sur le contrat de Blaise de Vegni, comme quoi elle aurait aidé quelqu'un de l'Alliance à voler le contrat. Erika niait et après plusieurs piques bien placé, les discussions revenaient à la normale et on spéculait sur le déroulement de la soirée. Erika ne manqua pas d'admirer les paysages de l'île qui la fascinait. Elle avait déjà fait le trajet entre Nouvelle-Sérène et Hikmet et elle ne s'en lassait pas.
Le petit groupe arriva ni trop tôt, ni trop tard. Le soleil venait à peine de disparaître. Il y avait déjà beaucoup de monde en place, mais on continuait d'arriver ci et là.
A peine arriver, Erika était déjà lancé à parler avec toutes les personnes qu'elle connaissait et seulement quelques minutes suivant son arrivé, elle était déja au milieu d'un groupe, à parler et rire. Elle aimait faire bonne impression et avant d'aller vers des gens d'autres horizons - en évitant un maximum les thélémites, mais elle serait bien obligé d'adresser la parole à quelques un - elle voulait d'abord saluer tout ceux qu'elle connaissait.
Lorsque l'odeur de la viande leur vint aux narines, le groupe poussa en cœur un "Ah" de contentement. Erika ria à gorge déployé et entraîna tout le groupe qui se faisait bien entendre au milieu de toute celle foule.
Quand elle cessa de rire, elle secoua la tête et aperçue du coin de l’œil une silouhette qu’elle était sure de connaître. Elle s’y attarda quelques instants et sourit en reconnaissant cette personne.
- Alix !
Elle l’avait dit tellement fort qu’il était impossible de ne pas l’entendre. Elle s’excuse auprès des personnes avec qui elle était et se dirigea vers elle, un grand sourire affiché sur son visage.
- Alix, ma belle Alix ! Ça me fait plaisir de te voir ici, comment vas tu ?
Elle tendit sa main en posant l’autre sur l’épaule de son interlocutrice. Si déjà dans sa taverne Érika semblait un peu trop amical pour leur relation naissante, en dehors, c’était presque pire.
Dansez
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Feat presque tous les copains
Erika. Impossible de rater sa voix à réveiller les morts. Dilay signe vers Vaast en ramenant deux de ses doigts vers sa bouche. Puis elle désigne la lisière des bois avant de se retourner promptement pour accueillir la tenancière qui vient à grands pas vers elle.
Avec un peu de chance, l’inquisiteur a compris le salut et la proposition : se retrouver plus tard, une fois la fête finie, pour discuter en paix. Si c’est une vraie fête, elle devrait atteindre un point où il reste encore des trainards trop saouls pour avoir l’énergie de partir mais tellement assommés qu’ils ne sont pas bruyants. Ce sera l’heure idéale pour une réunion, quand toute l’action se sera calmée. Avant cela, si la femme aux côtés de Vaast est quelqu’un d’important, Dilay risquerait d’attirer une attention non désirée… Pour le moment.
Mieux vaut ne pas aborder les contacts de Vaast d’une façon cavalière. S’il a des gens dont la compagnie peut intéresser Dilay, il lui conseillera. Ce n’est pas une opportunité perdue ; la mathématicienne aura toutes les occasions d’en rediscuter avec l’inquisiteur.
Ils vont se revoir. Bientôt. Cette idée la fait sourire, et son expression s’agrandit quand elle lui attrape la main pour la serrer. La familiarité d’Erika n’effraie pas Dilay, elle préfère l’approche franche à des courbettes.
- Q-Quelle vue !
Taquine Dilay en s’écartant légèrement pour observer Erika tout son saoul. Elle manque de rentrer dans quelqu’un se faisait, mais se contente d’adresser au malheureux un regard indifférent tandis qu’il se frotte l’épaule.
Dilay écarte les mains face à Erika qui a visiblement sorti ses plus beaux autours du placard.
- Ça va. Et toi ?
Fait la mathématicienne, bien plus sobre, avant de demander :
- T-Tu fais des affaires ce soir ?
La tenancière va-t-elle s’occuper du service ou est-elle là pour une tout autre raison ? Peut-être la même chose que Dilay : des opportunités. Dans tous les cas…
- T-T’as des gens intéressants à présenter ?
Autant ne pas tourner autour du pot. Et puis Dilay ne dirait pas non à passer du temps auprès d’Erika, c’est tout à fait le genre de compagnie qu’il faut pour s’amuser à une fête : bruyante, énergique, bavarde, entreprenante, sans être un nid à ennuis. Erika sait se tenir, peut-être même mieux que Dilay. La mathématicienne glisse une œillade aux alentours et désigne le banquet qui se met lentement en place :
- Les thélémites distribuent de la nourriture gratuite.
Au ton de Dilay, l’idée semble follement amuser la mathématicienne, elle a la bouche crispée en un rictus comme pour sous-entendre « ils sont fous ces thélémites ». Fous, et elle compte bien en profiter.
Alors que Dilay s’approche à nouveau des prêtres pour rechiper des biscuits à donner à Erika, elle se fige. En lisière de forêt, là où sont plantés des Natifs patibulaires depuis le début de la fête, la mathématicienne repère un rouquin qu’elle a déjà vu. Celui-là même avec lequel elle a failli se battre pour un bout d’obsidienne. La mathématicienne le fixe jusqu’à être sûre que ce soit bien lui, peut-être si longuement que lui-même a le temps de la repérer. Ensuite, elle revient sur ses pas sans vraiment le lâcher du regard et fait signe à Erika.
- T-Tu vois le type là-bas ? Le Natif avec des tiffes rousses ? L’est du genre agressif. A parler de guerre.
Dilay croise brièvement les yeux de la tenancière. Elle ne sait même pas bien pourquoi elle la prévient elle en particulier. Parce qu’elle ne veut pas qu’elle soit blessée ? Mais les armes sont interdites, non ? Que dire des bêtes qui accompagnent ceux avec lesquels le Natif se tient ?
Erika fit un petit tour sur elle même, montrant ainsi toute sa tenue à Alix. Elle avait dépensé une petite somme pour être en beauté et elle n'hésiterait pas à le montrer. Si Alix la connaissait déjà, elle voulait que les gens autour d'elles puissent également la remarquer. Non pas qu'avoir toute l'attention sur elle lui plaisait, mais pour qu'ils puissent ensuite graver dans leur mémoire que c'était elle qui gérait la taverne du Denier à Nouvelle-Sérène. Une manière simple de ramener quelques nouvelles têtes dans son établissement.
- Parfaitement bien, ça me sort de ma routine, ce n'est pas plus mal.
Erika enfoui les mains dans ses poches en détaillant à son tour la tenue d'Alix. Ce n'était pas vraiment le style vestimentaire qu'apprécié la tenancière mais c'était certain qu'elle dégageait quelques chose habillé comme ça. Peut être qu'elle devrait faire quelques emplettes à Hikmet lors de son prochain voyage là bas.
- Des affaires ?
Erika chassa l'air de sa main en levant les yeux au ciel.
- Pas ce soir non. Je suis là uniquement pour montrer aux natifs qu'il n'y a pas que des brutes chez nous.
Erika ne voyait aucune raison de mentir à Alix sur les raisons de sa présence. Rien n'était plus anodin que ça en plus d'être une bonne stratégie de la part de Darya. Lorsqu'elle prononça le "nous", Erika avait machinalement montré Alix et elle. Sachant que les deux femmes venaient du milieu de la Garde, ce geste lui avait semblé tout à fait naturel.
- Enfin, après je ne vais pas non plus me priver de conclure quelques petites affaires si elles se présentent à moi.
Elle secoua sa tête en souriant. Erika était là pour s'amuser et décompresser, certes, mais elle n'allait quand même pas passer à côté d'une occasion au cours de cette soirée. Il n'y a pas de petit profit.
- Et puis depuis quelques jours il y a une rumeur qui court que je prendrais plaisir à démonter si elle me parvient aux oreilles.
La jeune femme n'avait pas vraiment prévu d'en parler mais c'était sortie tout seul, ça lui occupé de temps en temps l'esprit. Elle se mordit l'intérieur des joues.
Depuis la soirée chez Blaise de Vegni, il lui arrivait de croiser des personnes qui la regardaient de travers, ou des clients qui venaient lui faire des sous-entendue. Un d'eux avait même fait une esclandre en plein milieu de sa salle et elle avait dû le virer de son établissement. Elle savait qu'il n'était pas vraiment possible de la relier particulièrement au vol du contrat mais Blaise n'était pas dupe, et les nouveautés de l'arène n'aidaient pas non plus. Mais a aucun moment Erika ne regrettait son choix. Elle démonterait chacun des arguments de quiconque viendrait lui en parler.
Est ce que son interlocutrice avait eu vent de cette affaire ? Qu'importe, la femme en face d'elle aurait certainement compris qu'il fallait saisir ce genre d'opportunité.
- Et toi ?
Elle se rendit compte qu'elle s’énervait toute seule en y pensant et elle prit une lente respiration pour se reconcentrer sur la discussion.
- Des gens intéressants, pas de doute qu'il y en a ce soir.
Des gens intéressants. Erika avait tendance a penser que beaucoup de monde était digne d’intérêt de par les histoires qu'ils pouvaient raconter mais elle supposait qu'Alix ne parlait pas de ça. Elle observa le monde afin de trouver quelqu'un qu'elle jugerait intéressant pour autre chose. Elle voyait des marchands qui pouvaient éventuellement baisser leur prix avec les bons mots, des cuisiniers, des artistes, des ouvriers. Tous avait quelques choses à offrir. Mais au milieu de cette foule, Erika reconnu son ancien binôme, assise sur un chariot vide. Elle claqua des doigts et reporta son regard vers sa collaboratrice.
- J'ai peut être quelqu'un qui pourrait t’intéresser .
Qui n'avait pas besoin des talents d'une domestique comme Ros'. Il en existait sûrement d'autre mais elle avait pu voir pendant la soirée de Blaise que Ros était quelqu'un de confiance et qui semblait suivre ses engagements. Espérons que ce soit le cas en général et pas que dans cette soirée.
Erika fit un geste de la main vers le chariot où était Ros afin d'indiquer à Alix qui elle allait lui présenter. Erika esquissa un sourire, elle était contente de la revoir. Elles s'étaient bien entendu pendant leur soirée et c'était l'occasion de discuter tranquillement sans but derrière.
La tenancière tourna sa tête vers les thélémites dont parlaient Alix. Elle souffla du nez à sa remarque. Erika n'aimait pas vraiment ces gens là. Elle ne partageait pas vraiment leur croyance et elle avait entendu plusieurs histoires sur eux et leur manière. Après, difficile d'être sûre à 100% de ce qui se racontent dans une taverne. Cependant, elle n'aimait pas non plus leur manière d'être, l'air hautain que certains arboré. Si les nobles de la Congrégation était de temps en temps insupportable de part leur étiquette, les thélémites les surpassaient dont leur attitude.
- Tant qu'ils ne nous servent pas leur discours sur le Lumineux.
Erika roule des yeux
- "Le Lumineux vous offre ces biscuits"
Dit-elle en attrapant un biscuit et en le montant vers le ciel avant de l'engloutir.
Erika arrêta de rire quand elle vit que l'attitude de la mathématicienne changea rapidement. Ce qui l'alerta surtout c'était de la voir fixer quelqu'un à la lisière de la foret. Elle remarqua alors le groupe de Natifs qu'elle n'avait pas vu jusqu'à présent.
- De guerre...
Erika dégluti. Les armes étaient interdites ce soir, normalement. Mais si les Natifs étaient aussi tendu, la moindre erreur pourrait avoir un sens particulier pour eux. Si ces Natifs attendaient le moindre faux pas pour agir de quelques manières que ce soit, ce ne serait pas beau à voir.
- Il faut espérer que tout le monde se tienne correctement. Cette soirée est sensé montrer au Natif que nous ne sommes pas des sauvages. Espérons que la plupart des personnes présentes ce soir savent se tenir.
Erika remercia intérieurement Alix de l'avoir averti. Elle ferait attention à ce groupe et notamment au Natif qu'elle lui avait montré.
- Bon, on va pas rester la soirée à regarder leur beaux yeux.
Pour détendre l'atmosphère qui c'était un peu tendu, Erika passa son bras sous celui d'Alix et lui indiqua le chariot montré précédemment.
- On a du monde a voir, de la nourriture à manger et de l'alcool à boire !
Elle se dirigea d'un pas décidé vers Rosmunda, en n'hésitant pas à saluer quiconque sur leur chemin qu'elle pourrait reconnaître.
Oh à qui tu vas faire croire ça, ma fille. Je m’ennuie comme un rat mort… J’ai l’impression de rater quelque chose. Des gens bien importants arrivent en continue depuis que je suis assise ici. On les reconnaît bien, peu importe leur origine. Même les plus pieux bourgeois de San Matheus se remarquent de loin, et ne parlons pas des membres de la Congrégation… Je suis surpris qu’ils n’aient pas été attaqués en chemin par quelques bandits. Et puis il y a les Natifs… Je n’oserai dire qu’ils m’effraient, ce serait bien malvenu car ce sont nos hôtes, mais ils m’intimident. Ils sortent des bois, comme une meute de bêtes féroces. Je me retiens de regarder sans cesse autour de nous s’il n’y en a pas une autre bande prête à nous sauter dessus au moindre signal de leur chef, que je saurais pas reconnaître dans cette grande foule. Je ne vois même plus la patronne, c’est pour dire !
Pis alors que le petit s’était montré aimable en m’amenant de la nourriture, voilà qu’il reprend ses taquineries. Je le sens tirer ma manche, je le regarde donc, et le voilà pas qui pointe du doigt le groupe de Natifs qui vient d’arriver juste en face ! De panique, je lui abaisse le bras, peut-être un peu fort, attirant l’attention des cuisinières que j’essaye de rassurer comme je peux.
- Pas d’inquiétude, m’dames, c’est juste ce petit qui est malpoli ! Très bonne la viande, très bonne ! Que je dis en montrant la cuisse.
Elles acquiescent, je pense qu’elles ont compris. Mais d’un coup je me retourne vers ce petit impertinent qui a bien failli nous emmener droit sur la broche.
- Mais t’es pas bien ?! Qui t’a appris à pointer du doigt comme ça ?! On est pas chez nous ici, on risque les ennuis !
Au départ il avait l’air un peu énervé que je l’ai réprimandé comme ça, mais en haussant le ton je suis parvenue à le calmer. Encore heureux, haut comme trois pommes j’espère bien lui faire entendre raison ! Comme quoi, je suis pas si pire avec les enfants que je le pensais. T’envisagerais pas d’être maman, ma belle ? J’me retire vite cette idée de la tête. J’ai même pas de maison à moi, les enfants ça attendra que je puisse engager une bonne pour m’occuper d’eux !
- Désolé, désolé, répond finalement Thadeus, mais tu vois le Natif avec les tatouages partout ?
Je tourne la tête le plus discrètement du monde et je le repère effectivement. Il fait bien peur, ils ont l’air plus solides que du roc et ils ont pas la moindre armure. Ô Lumineux, faites qu’ils nous découpent pas, que ça se passe bien cette affaire… Je ravale ma salive et essaye de pas paraître trop poltronne près de Thadeus, sinon j’ai pas fini d’en entendre parler…
- Ouais, et alors ? Tu lui veux quoi ? Que je demande.
- Héhé, je paris que tu réussirais pas à aller lui parler.
- Lui… quoi ? Mais t’es zinzin, parle même pas notre langue je pense, puis si t’es si courageux vas-y toi-même ! Il te fera pas grand mal, t’es un gamin.
- Eh, je suis pas un gamin ! Qu’il se vexe, alors que ça se voit quand même.
Mais j’ai pas le temps de lui rétorquer grand-chose. Deux personnes arrive près de nous et quelle n’est pas ma surprise de reconnaître Erika ! J’en ai eu un frisson dans le dos, comme s’il avait envie de bondir en avant à la rencontre de mon amie. J’abandonne sans vergogne mon petit compagnon pour aller la voir elle, et la personne qui l’accompagne.
- Erika ! Oh ma chère, comment tu vas depuis la réception ? Tu es tombée à nouveau ? Des malaises ? Tu manges à ta faim j’espère ! Aller viens vers le buffet, t’es toute pâle faut que tu avales quelque chose !
Vous m’auriez vu essayer de presser son pas vers les buffets, mais vous savez ce que c’est ! Je m’inquiète moi ! Mais je suis si malpolie, je me présente même pas à son amie qui, visiblement, vient du Pont.
- Oh toutes mes excuses madame, je m’appelle Rosmunda Fornaro, enchantée !
Sitôt ces formalités faites, j’enjoint avec plus d’assistance Erika à aller manger quelque chose, et son amie par la même occasion ! Pas envie de la voir s’écrouler à nouveau, oh ça non !
- Alors que fais-tu par ici ? On t’a invité en personne ou comme moi tu as suivi quelqu’un d’un peu plus coté ?
Je suis pas la championne de la plaisanterie, mais si je peux éviter de mettre mon amie dans l’embarras auprès de celle qui l’accompagne, ce sera déjà ça de gagné ! Je suis tant inquiétée pour elle, je ne peux cacher mon bonheur de la revoir !
Le natif n'a absolument pas envie de se mêler aux autres convives.
Constantin s’était toujours fait un devoir de rappeler d’où il venait. Et bien entendu ce n’était pas dans un rassemblement tel que celui-ci qu’il allait déroger à cette règle. Il appréciait bien entendu la mode vestimentaire de l’Alliance du Pont, mais il lui préférait toujours celle de la Congrégation. La seule chose qui dénotait restait que le bleu traditionnel de la Congrégation était remplacé par le vert de l’Alliance. Mais avait-il une tenue appropriée ? Oh ça oui, et bien plus encore. Revêtit d’un manteau à la mode de la Congrégation, les fils d’ors étaient harmonieusement accordés avec le vert qui teintait le manteau. Et si cet accoutrement suscitait quelques regards interrogatifs, c’était encore mieux. Et connaissant la personnalité de Constantin, nul doute qu’il en susciterait d’une manière ou d’une autre.
Dansez
les yeux fermés
Feat presque tous les copains
Dilay souffle un rire quand Erika tourne quand elle-même pour se faire admirer. Elle tape plusieurs fois dans ses mains comme pour applaudir ce qui attire encore davantage l’attention des convives alentours.
- E-Elle est magnifique !
Affirme Dilay à leur attention bien qu’elle voie Erika un peu flou sans ses lunettes. Elle écoute la tenancière sans la lâcher du regard. La lecture labiale est une béquille dont la mathématicienne ne peut pas se passer avec le bruit ambiant.
Un sourire narquois nait sur les lèvres de Dilay quand Erika les désigne toutes les deux. Elle a envie de répliquer qu’elle était un très mauvais choix s’il fallait faire passer pour les continentaux pour des gens civilisés mais préfère lâcher d’un ton goguenard :
- Je vais faire de mon mieux.
Cela a l’air de tenir à cœur à Erika et elle les met dans le même panier. Ce n’est pas une fête – fête. Pas le genre avec de vrais amis. C’est une fête de convenance – le genre qui vient à Sérène avec des embuches sous tous les tapis.
Dilay opine du chef. Attitude salutaire que d’être à l’affut des opportunités. L’évocation de la rumeur lui fait froncer franchement les sourcils.
- Quoi ?
La voix de Dilay est encore plus rauque qu’à l’accoutumée. L’idée qu’on diffame sa collaboratrice ne semble pas du tout, du tout lui plaire. Elle lance un regard alentours, comme s’il pouvait se trouver des oreilles indiscrètes ou des yeux insistants.
- Qui ?
Elle demande parce qu’après tout ça pourrait aussi la concerner. Elle s’est associée avec Erika, elle compte sur elle. Si la réputation de la tenancière est entachée, ce pourrait lui retomber dessus. Dilay peut encaisser mais elle préfère être préparée.
- J-Je suis là pour rien d’autre que ça : ren-rencontrer du monde.
Réplique Dilay avec un petit haussement d’épaules. Pourquoi mentir ? Erika est dans son camps. En théorie. La mathématicienne n’a pas besoin de lui parler des choses qui fâchent, de l’héritage, de son combat juridique. Elle pourrait simplement être une aventurière à la recherche de contrats juteux. Pourquoi pas ? Elle fréquente un thélémite, a une double identité. Un mensonge de plus, un mensonge de moins…
- Ca me sort un peu. Je peux envier les moyens des autres.
Ajoute Dilay avec un sourire qui s’agrandit quand Erika affirme avoir quelqu’un à lui présenter. Elle lâche un son entre rire et grognement alors que la tenancière enfourne un biscuit :
- Y-Y peut bien m’offrir toute la nourriture qu’il veut.
Dilay en profite pour piquer à nouveau quelques gâteaux, adresse un regard faussement défaitiste à Erika quand elle ajoute avec humour :
- On a tous un prix.
Et s’il faut se convertir pour avoir trois repas gratuits par jour, Dilay y réfléchirait peut-être !
Elle grignote tout en tournant son attention du Natif roux qui lui décoche maintenant des regards aussi mauvais que les siens à Erika. Dilay déglutit avant de dire :
- Si ce sont eux qui sont violents ?
La mathématicienne interroge la tenancière du regard comme pour lui demander si elle a apporté quelque chose pour se défendre malgré les règles. Dilay elle n’a rien. Elle a parié sur le fait que si une rixe devait éclater elle prendrait la tangente dans les bois – si tant est que tous ceux qu’elle connaissait à la soirée était en sécurité. Pour les autres elle n’était pas pressée de risquer sa peau.
Dilay emboîte le pas d’Erika et avise une jeune femme aux cheveux sombres, seul signe distinctif que la mathématicienne peut réellement noter à cette distance. Dilay écoute les deux femmes échanger en silence, incline légèrement la tête à la mention des malaises d’Erika. Elle l’a vu pendant plusieurs soirs s’affairer avec une telle énergie qu’elle ne lui imaginait pas la santé fragile.
Dilay préfère ne pas poser de questions – elle préfèrerait qu’on fasse de même avec elle – et avance une main vers la dénommée Rosmunda avec un sourire.
- A-Alix de Courcelles. De même.
Après ça, Dilay n’ajoute trop rien. Elle conserve son sourire et attend qu’Erika fasse les présentations en bonne et due forme. Après tout n’a-t-elle pas dit que cette Rosmunda pourrait l’intéresser ? Dilay se demande ce que la demoiselle sait faire. Simplement « faire la fête » irait aussi… Mais la mathématicienne ne veut pas se défiler. Elle s’est fixée un cap pour ce soir.
Le jour de cette rencontre toute particulière, l’herboriste avait pris soin de glisser dans sa besace quelques herbes, dont beaucoup étaient aromatiques. Elle avait également préparé sa tenue : pantalon de lin vert sombre, bottines plates s’arrêtant à mi-cuisse, une chemise sobre à lacet. Un long manteau blanc comme neige recouvert par une longue écharpe de fourrure terminait ce portrait en une note de douce pureté. Pour ce qui était de sa chevelure, la jeune femme avait choisit de dégager son visage en optant pour une couronne en natte parsemée de fleurs, le reste étant laissé libre de cascader sur ses épaules.
L’herboriste avait également prévu une double ceinture où elle accroché quelques contenants pour son matériel de travail et quelques préparations déjà faites, juste au cas où. Après tout, elle serait au cœur d’une faune encore étrangère dont elle ramènerait bien quelques échantillons si possible… Mais où elle pourrait également montrer les bienfaits de son propre travail. Deux en un, parfait non ? Il ne restait plus qu’à s’y rendre.
La fête battait déjà son plein lorsque l’herboriste pénétra à son tour au cœur de ces étranges festivités. D’instinct, la jeune femme porta ses mains sur le pendentif contenant les portraits de ses défunts parents, afin de se donner du courage. La foule n’était pas vraiment ce qu’elle appréciait le plus… Mais il aurait été dommage de rater cela : Voir tous les peuples rassemblés ensemble en parfaite harmonie était aussi étrange que envoûtant. Malgré tout, il fallait bien l’admettre, ils ne semblaient pas vraiment se mélanger. Partout où se posèrent les yeux vairons de la damoiselle, une certitude s’imposait : Les invités semblaient se complaire dans leur propre vanité. Le paraître et les liens sociaux évidents étaient plus au cœur des discussions que le fait de tisser des liens sincères ou le partage. Aelina n’était pas venue ici pour rester avec les siens. Secouant la tête, elle préféra se diriger vers un groupe de natifs qui se chargeaient visiblement des victuailles.
« Beurd tír to mad. »
Prononce-t-elle lentement, ayant peur de déformer la formule de politesse. Cela semble tout de même faire mouche puisque l’un des natifs se détourne un instant de sa tâche pour lui répondre avec amabilité.
« Beurd tír to mad renaígse. Lémat rádids neis yechtem? »
« J-Je… Je suis navrée, je n’ai pas compris. »
Sentant le regard appuyé, la jeune femme s’était mise à bafouiller, ce qui tira un sourire amusé à son interlocuteur. Détournant les yeux, elle ouvrit la besace qui pendait à son côté et en retira quelques herbes.
« Je suis v-venue vous apporter ceci. Ce sont des herbes aromatiques. Pour parfumer la viande. C’est très bon… Il faut les faire cuire ensemble a-avec celle-ci. J-J-Je… C’est m-moi qui les ai cultivées. »
« Nás ol targu to renaígse ! » Rit-il, décidément très amusé par l’embarras de l’étrangère. « Adlorhedar. »
Voilà où s'arrêteraient leurs échanges, la barrière de la langue ayant largement fait le reste. Peut-être avait-il saisit le sens des mots de la jeune femme mais elle en revanche avait de sérieuses lacunes. Découragée, elle se contenta de déposer les herbes et de le saluer avant de faire demi tour.
Marchant sans trop savoir vers où se diriger, elle finit par s’asseoir près du feu. Une fois assise, elle laissa son regard voguer entre les groupes présents sur place. Certains étaient déjà en train de manger avec appétit tandis que d'autres discutaient avec engouement... mais ce n'était pas ce genre de personnes qui attiraient bien longtemps l'attention de l'herboriste.
Posté dans un coin de la place, à l'écart de tous, se trouvait un homme, un Natif pour être exacte. Il avait les bras croisé et observait la foule avec un mépris non dissimulé, pourtant Aelina sentit ses jambes s'actionner d'elles-mêmes vers cet inconnu à la stature imposante. C'est instinctif c'est elle : Même les brutes carrées, hostiles, faisant bien deux têtes de plus qu'elle ne l'empêchaient pas de penser qu'un cœur en guimauve trônait à l'intérieur. Elle s'arrêta à quelques pas, relevant le menton pour dévisager celui qui arborait des peintures fort colorées.
« Beurd tír to m-mad. »
Bafouille-t-elle, ses joues se colorant doucement de rosé lorsqu'elle senti le regard incisif la transpercer. Elle abaissa les cils, ses mains farfouillant dans sa besace. Elle en sorti une magnifique couronne tressée mêlée de fleures qu'elle brandit, les bras tremblant.
« C-C'est... C'est pour vous. J-J'ai vu que vous aviez l'air seul, je m-me suis dit que ça pourrait é-égayer votre soirée. »
Bien sûr, son mentor avait été plus qu'insistant sur l'importance d'un bon comportement de Cerys ce soir là. Quelle audace. Cela la faisait sourire. La rouquine n'avait pas l'intention de ridiculiser ni de se faire des ennemis. Pour l'instant. Elle souhaitait simplement assouvir une soif certaine de curiosité et potentiellement se faire des alliés. Rien de bien dangereux, se disait-elle.
Peut-être que Cerys avait été appliquée sur ses peintures et son maquillage. Elle l'était déjà d'habitude mais s'il y avait vraiment autant de monde à ce quoi elle s'attendait à cette... fête, alors autant faire un petit effort. Elle avait nettoyé ses quelques bijoux et renouvelé les fleures et plantes sur sa tête aussi, car c'était quelque chose qui lui tenait à coeur et qu'elle appréciait de pouvoir mettre en valeur ce soir là.
C'était prévisible mais elle n'avait pas fait le voyage avec ses compères de son clan. Déjà, de base, elle aurait fait le trajet seule, mais c'était encore plus important de le faire alors qu'elle allait passer la soirée entourée de gens. Comme un moyen de se préparer à ce qui l'attendait.
Quand la jeune voglendaig arriva, il y avait déjà beaucoup de monde, certaines personnes discutaient ou jouaient de la musique ou continuait de préparer les festivités. La jeune femme marcha d'un pas décidé, les épaules droites et fières, jusqu'au feu pour réchauffer ses mains un instant avant de se retourner pour observer les gens présents. Histoire de tâtonner dans qu'elle situation elle se retrouvait. Elle reconnaissait quelques visages; de natifs surtout, mais aussi de quelques renaígse qu'elle avait pu rencontrer au cours de ses... ballades. Elle put aussi voir une renaígse offrir une couronne de fleur à un natif et à la vue de cela, la jeune femme eut un petit sourire en coin. Malgré la présence d'autant de monde, l'apprentie-sage était impatiente à l'idée d'observer ce qui allait se passer ce soir.
Lorsque la jeune femme commence à lui parler dans sa langue il s'exclame :
"Nod fradí! Lémat rádids n..."
Voyant que la Lionne se met à parler dans son langage de Renaígse là, le natif se ravise. Comme si ces vipères s'embêteraient à apprendre sa langue. Cuán ne salue la jeune femme qui se présente à lui que très sommairement.
"Et que veux toi que moi fasse de ça ? Si toi veux égayer ma soirée, toi dois dire aux autres Renaígse de partir."
Le natif prend malgré tout la couronne de fleurs des mains de son interlocutrice. L'heure est encore aux fausses politesses après tout. Que penserait le reste de son village en le voyant accepter le cadeau d'une petite Lionne tremblotante ? Cette idée l'énerve. Il n'a jamais voulu être là et le voilà à devoir supporter des cadeaux de ses ennemis.
Cuán se dit que si la jeune femme semble gênée c'est peut-être qu'elle aussi n'a pas eu envie de venir ici. Peut-être y a t-elle été forcé par son Mál ? Il plante ses yeux dans ceux vairons de la Lionne qui lui fait face.
"Moi n'ai jamais voulu être ici, moi suis venu car mon Mál me l'a demandé. Toi aussi ?"
Elle ne savait pas vraiment si elle devait sourire ou se crisper face à la réaction peu avenante envers son cadeau mais elle décida de faire bonne figure, après tout en voyant sa bonne foi et sa gentillesse il était possible que l’inconnu face un pas vers elle également. Ce n’était pas ça, le but de ces festivités ?
« C-Ca se porte sur la tête, comme un bo-bonnet. » Répond-t-elle, une légère bouderie trahissant sa voix douce. « Les lianes tressées et les fleurs viennent toutes de mon jardin, j-je les cultive moi-même. »
Il était important de le souligner puisque les Natifs avaient tendance à penser que les étrangers ne savaient que s’accaparer les ressources, or Aelina tenait à démontrer qu’elle était respectueuse de la nature si chère à leurs yeux. C’était également son cas.
« Q-quand aux autres… ce n'est pas a moi de-de leur dire quoi faire, même si je suis bien d'accord qu'ils ont seulement l'air de s'amuser en-entre eux. »
« Moi n'ai jamais voulu être ici, moi suis venu car mon Mál me l'a demandé. Toi aussi ? »
« Oui… J'ai été invitée à participer. Mais ça ne me plais pas. Cette fête n'a pas de sens, y a pas de partage, à quoi ça sert de venir si c'est pour rester manger vos vivres en restant avec les siens ? C'est très bête. »
Elle fronça ses sourcils, secouant la tête. Le silence s'invita un instant entre les deux inconnus, et puis elle se rappela les mots qu’elle avait entendu par deux fois ce soir. Articulant le mieux possible elle les retranscrits alors :
« Lémat rádids neis yechtem... Qu'est-ce que ça veut dire ? Je-je ne suis pas familière de votre langue… J'aimerais beaucoup l’apprendre m-mais c'est compliqué. Ne… Ne le prenez pas mal mais votre peuple n’êtes pas t-très ouvert à la communication... Vous êtes le seul qu-qui ai bien voulu me parler sans qu-que je me sente idiote. »
Dansez les yeux fermésFeat many people
Juliette était partie discuter avec un groupe de personnes comprenant essentiellement des thélémites. Vaast, bras croisés, appuyé contre un arbre, la regardait sans la voir.
Non pas qu’il soit ennuyé d’être laissé derrière. Il n’avait aucune envie d’être mêlé à ces merveilleuses conversations pleines de politesses hypocrites. De là où il était, il pouvait voir Alix s’entretenir bruyamment avec d’autres gens et piocher allègrement dans la nourriture offerte par les uns et les autres… Elle n’était pas la seule, ceci dit. D’autres invités semblaient surtout préoccupés par leur ventre.
Alix. Peut-être qu’il pourrait la voir ensuite - s’il avait bien compris son geste. Au moins aurait-il alors une raison de se réjouir d’être venu.
Voilà que Juliette parlait avec un type manifestement de la Congrégation. Ou peut-être de l’Alliance ? Vaast fronça les sourcils - il ne voyait pas bien la couleur de son habit de là où il était…
“Il y aura aussi des gens de l’Alliance”, avait murmuré sœur Juliette sans le regarder dans les yeux. Il s’y était donc préparé. Il savait que sa supérieure aurait voulu qu’il leur fasse des courbettes pour donner le change - et tant pis si au passage ça tirait sur les cicatrices qu’avaient fait leurs fusils.
Elle pouvait toujours rêver.
Son analyse fut interrompue par la silhouette de sa supérieure qui se retourna et lui fit signe, d’un geste autoritaire, de la rejoindre.
Un instant, Vaast fut tenté de faire comme s’il n’avait rien vu. Mais rien qu’à la pensée de la remontrance qu’il se prendrait s’il n’en faisait qu’à sa tête, il décroisa les bras et se mit en marche, non sans pousser un gros soupir.
-Frère Vaast !
Juliette n’était jamais si enthousiaste que quand il y avait du monde. Elle était soudain débordante d’énergie et souriait si souvent qu’elle devait en avoir des crampes en allant se coucher. Il n’eut d’autre choix que de s’incliner en débitant quelque salutation passe-partout.
-Je voulais vous présenter quelques personnes. Voici Johannes…
Vaast eut l’impression de prendre un coup à l’estomac, mais il salua le vieil homme comme si de rien n’était. Il n’écouta même pas son titre, ni le nom de la personne suivante, trop occupé à se répéter que Hannie ne reviendrait pas.
-…Et nous discutions à l’instant avec monsieur Constantin Bonisseur, qui vient… de Sérène, peut-être ?
La voix de Juliette vacillait légèrement et Vaast, brutalement ramené à la réalité, saisit soudain pourquoi elle l’avait fait venir : elle voulait savoir à quelle faction appartenait Constantin.
Il jeta un coup d’œil en biais à sa supérieure. Son sourire s’était quelque peu figé ; elle évitait son regard. Elle se tordait les mains. Sa nervosité lui sautait aux yeux.
Vaast fit un pas de plus en avant, la dissimulant à moitié derrière lui, et adopta un ton poli à la limite du chaleureux.
-De Sérène, vraiment ? Nous aurions de quoi parler le cas échéant, monsieur Bonisseur : j’y ai déjà séjourné. Très belle ville.
Il prit un biscuit sur une assiette et profita du mouvement pour regarder le vêtement de Constantin sans en avoir l’air.
Vert.
-Mais tous les enfants de Sérène n’y restent pas, n’est-ce pas ? J’ai cru vous voir parler avec l’envoyée de l’Alliance… Mais ne craignez rien. Comme me l’a répété sœur Juliette, nous sommes en paix, ce soir.
Il bluffait. Il n’avait pas surveillé les faits et gestes de tous les invités. Il n’attendait qu’une chose : voir si Constantin allait bruyamment nier être de l’Alliance ou pas. Jamais un membre important de la Congrégation ne s’amuserait à laisser planer le doute là-dessus, leur neutralité était trop importante à leurs yeux.
Et si Constantin n’était personne d’important, alors Juliette n’avait aucune raison de s’inquiéter.
Lui-même, c’était une autre histoire. Il n’avait qu’une envie, détruire toute la nourriture amenée par la faction ennemie, histoire d’éviter un empoisonnement, et arrêter cette écœurante mascarade de gens qui s’empresseraient de critiquer les autres une fois la nuit passée.
Lorsque sœur Juliette se retrouva derrière Vaast, le doute ne faisait plus vraiment place dans l’esprit de Constantin. Le voilà qui se retrouvait jugé et étudié, pour quelle raison, ça en revanche il n’avait que des suppositions, et il ne se souciait pas vraiment de savoir si l’une d’entre elle s’avérait vraie. Pour l’heure il se contentait d’écouter Vaast, un sourire affable et l’air tout aussi nonchalant qu’à l’accoutumée.
L’air faussement distrait, Constantin prit l’un des biscuits entassés dans une assiette, le coupant en deux avant d’en mâchonner une moitié, écoutant Vaast parler sans l’interrompre. Il aurait été terriblement discourtois de faire ceci, surtout lorsqu’il se retrouvait de gens qui pourraient bien le considérer comme leur ennemi. Pas qu’il avait l’air très affecté par cet état de fait, mangeant tranquillement sa moitié de biscuit avant de laisser couler un léger gloussement et d’enfin répondre à la question de sœur Juliette, et par conséquent aux allégations de Vaast.
« Aaaah Sérène, le joyau éclatant de la Congrégation. Une ville magnifique, s’il en est, je pourrai en parler pendant des heures et des heures. Mais ce serait terriblement barbant et rébarbatif n’est-ce pas ? Ceci étant dit, même le plus éclatant des joyaux comporte son lot d’impureté, et il est propre à tout un chacun de décider s’il s’agit d’une déception ou non. »
Il mangea la seconde moitié de son biscuit, prenant une légère pause dans sa tirade avant de reprendre ;
« Mais vous avez raison sur une chose, mon cher, c’est que tout les enfants de la Congrégation ne restent en son sein. Après tout la vie est une chose si inconstante et capricieuse… Des plans et des vies prévues des années à l’avance peuvent se retrouver chambouler d’un coup de vent. Pouf. » Il balaya sa main avec nonchalance pour accompagner ses paroles, « Et vous avez l’œil mon cher, j’ai en effet parlé avec cette chère dame Darya. Après tout, n’est-il pas coutumier de remercier quelqu’un lorsqu’il vous adresse une invitation ? Et a ce genre de fête qui plus est ? »
Il pointa du bras avant de balayer toute l’assemblée présente dans un geste exagérément théâtral.
« Ce n’est pas le genre d’événement auquel on assiste tout les jours après tout. Et qui plus est, en paix, comme vous l’avez si bien dit, mon cher. Un terme si étrange, mais qui est plus que le bienvenu. La paix est une chose si volage après tout.»
Un sourire amusé venait ponctuer l’expression de Constantin. Après tout le terme paix était plus que ridicule connaissant les relations entre l’Alliance du Pont et Thélème, ou encore avec les Natifs. Et voici qu’il discutait tranquillement, voire joyeusement -enfin IL discutait tranquillement- avec des thélèmites dans une ambiance empreinte d’une certaine nervosité. Pourtant Constantin était ce qu’il y avait de plus détendu, ce qui n'était pas le cas de certains des représentants de Thélèmes présent en face de lui.
Erika inclina la tête vers Alix comme pour la remercier de son effort. Quand Alix releva sa remarque sur les rumeurs, elle serra la mâchoire. Elle ne savait pas si elle devait réellement lui dire ce qu'il c'était passé. Elle supposa que vu leur collaboration, Alix devait potentiellement s’inquiéter, ou du moins être préoccupé de ce que pensaient les autres d'Erika, si un soucis devait arriver, ça pourrait se répercuter sur leur affaire. La tenancière aurait réagit de la même façon et elle pensait que toutes les deux avaient une façon semblable de réfléchir à ce genre de sujet.
- Oh, rien. Une broutille, une soirée où j'ai travaillé s'est mal déroulé et des gens pensent que j'aurais pu y participer parce que le commanditaire n'a pas prit mon partie. Comme ci je n'avais que ça à faire alors que je m'occupais du service.
Erika leva les yeux au ciel, exaspéré. Elle était plutôt douée pour mentir et jouer la comédie mais elle ne savait si Alix entendrait son mensonge, mais au moins elle comprendrait peut être que c'était ce qu'il fallait retenir et que ce serait son excuse.
- Oh, tu sais, des gens sans importance. Surement qui ne sont pas capable de voir plus loin que le bout de leur nez et qui veulent s'approcher des nobles présents à la soirée.
Elle soupira puis releva la tête, tout sourire.
- Tu connais les gens, dès qu'ils peuvent ils sautent sur l'occasion tel des rapaces pour s'approcher de gens "important"
Elle mima les guillemets avec ses doigts.
- Cette rumeur débile sera bientôt oublié de toute façon, j'y compte bien.
Erika eu un air très sérieux, presque menaçant. Si tout le reste était bon enfant, la dernière phrase n'était plus de l'humour. Elle tenait à sa réputation, elle avait blessé quelques personnes pour en arriver là où elle était et elle ne laisserait aucune histoire entaché son nom et son établissement. Et surtout pas ce soir où elle avait prévu de faire bon accueil à tout le monde, autant continentaux que natifs.
- C'est toujours bien de rencontrer du monde.
Ce n'est surement pas Erika qui dirait le contraire. Elle appuie d'ailleurs sa phrase par un hochement de tête vif.
Elle rit à nouveau quand Alix mentionne le fait que le Lumineux peut bien lui offrir toute la nourriture qu'elle veut avant d'engloutir un nouveau biscuit.
Erika pinça ses lèvres. Elle espérait de tout cœur que ça ne se déroulerait pas de cette façon. Elle savait se défendre. Au corps à corps elle était plutôt douée mais pas avec des gens aussi expérimenté au combat que les natifs, en tout cas c'est ce qu'elle pensait, elle n'avait jamais eu a se battre contre eux ou même a les voir se battre tout court. Elle devra remettre sa vie dans des mains qu'elles ne connaissaient pas et cette idée de l'enchantait pas. Elle haussa les épaules.
- J'espère qu'on courra vite.
Elle souffla un rire. De toute façon, Erika n'avait aucune arme, alors c'était presque la vérité.
Erika sautillait presque en arrivant vers Ros' comme pourrait le faire une enfant. Quand la domestique lui asséna la multitude de question, Erika haussa les sourcils, surprise. Elle n'avait pas pensé qu'elle pourrait réagit de cette manière en la voyant, peut être espérait-elle qu'elle aurait oublié ce qu'il c'était passé ce soir là. Après la surprise elle sourit chaleureusement a Ros et lui posa une main sur l'épaule.
- Ros', ça me fait plaisir de te voir ici.
Elle marqua une petite pause, espérant calmer un peu Ros', elle garda sa main sur son épaule et reprit.
- Je vais bien, je vais bien. Non je ne suis pas tombée ni fait de malaise à nouveau, c'était juste un petit coup de chaud avec la soirée, ce sont des choses qui arrivent, avec tout ce monde. Je suis pas encore une rose fanée tu sais, je viens a peine d'éclore de mon bourgeon.
Elle fit un geste ample pour accompagner son exemple. Même sa mère n'avait jamais été aussi inquiète pour elle. Erika fut amusée de l'aspect très maternelle de la domestique qui avait sûrement son âge, peut être un peu plus jeune même.
- Oui Ros', je mange à ma faim. Je travaille dans une taverne je te rappelle, ce n'est pas vraiment un endroit où un manque de nourriture.
Elle secoua la tête en riant lorsque la domestique parlait de son teint pâle. Erika était persuadée que son teint était loin d'être pâle. Elle fit un signe de tête à Alix pour qu'elles suivent Ros' qui les menaient prestement vers le buffet, et Erika avait hâte d'y être. L'odeur qui s'y dégagé était envoûtante et lui donnait l'eau à la bouche.
- Ros, je te présente Alix de Courcelles.
Comment devait-elle annoncer Alix ? Comme sa collaboratrice, pas sûre que ce soit bien pour une présentation. Erika voulait que Ros ne soit pas trop méfiante envers Alix.
- C'est une aventurière, intrépide et courageuse, et également une amie.
La tavernière les regarda l'une après l'autre. Elle ne considérait aucune des deux femmes à ses cotés comme ses "amies". Elle posa son bras sur les épaules de Ros.
- Ros' était mon associée dans cette fameuse soirée dont je t'ai parlé tout à l'heure, Alix. Nous devions nous assurer que personne ne nuise au maître de soirée. Avoir nos oreilles qui traînent, en quelques sorte.
Erika fit un clin d’œil à la femme de l'Alliance puis se tourna vers Ros
- On m'a invité oui, je suis accompagnée de mon second qui est...
Elle chercha des yeux dans toute l'assemblée puis se retourna vers ses deux comparses en montrant les groupes de gens présent.
- Il est par là ! Et toi ?
Une fois au buffet, Erika passe sa main au dessus des mets et observe le tout, observant la potentielle concurrence ou afin de trouver de nouvelles idées.
Dansez les yeux fermésFeat many people
Lumière, qu’est-ce qu’il aime s’écouter parler.
Vaast n’en notait pas moins tout ce qui lui semblait digne d’intérêt. Il n’avait pas parlé d’impuretés ou de déceptions. Constantin n’était peut-être pas parti de la Congrégation avec la bénédiction de sa famille… Ni en suivant un plan bien établi, puisqu’il parlait de coup de vent.
Il avait sa confirmation : l’homme était de l’Alliance du Pont. Qu’il lui donne du “mon cher” lui donnait envie de grimacer, mais il conserva une expression impénétrable.
-Bien sûr que vous avez bien fait de remercier Darya. Sans son invitation, vous n’auriez pas pu vous servir dans nos assiettes.
Le ton affable ne fut pas suffisant : il entendit Juliette se racler la gorge. Si on ne pouvait même plus échanger quelques piques…
-Nous voilà d’accord sur une chose.
Pour Vaast, la paix était plus que volage, ce soir ; elle était une illusion. Mais ce genre de déclaration serait, au mieux, de nature à refroidir l’assemblée. Au pire, on l’accuserait de saboter les efforts de Thélème.
-Eh bien, profitez-en tant que ça dure, monsieur Bonisseur. Reprenez donc un biscuit.
C’était drôle comme la phrase la plus anodine pouvait avoir de vagues allures de menace quand on fixait quelqu’un sans ciller. Vaast lui tendit son propre gâteau, auquel il n’avait pas touché.
-Si vous voulez bien m’excuser, j’ai à m’entretenir avec sœur Juliette.
Il se retourna, échangea un coup d’œil avec la blonde, et s’éloigna du groupe avec elle. Une fois suffisamment loin, il éclata de rire sans raison.
-Qu’est-ce qui vous prend ? souffla la missionnaire.
-Souriez, vous aussi. Il nous regarde peut-être.
Prise de court, Juliette s’y efforça. Même à cette distance du feu, Vaast distinguait des larmes dans ses yeux.
-Vous allez bien ? demanda-t-il d'un ton neutre.
Elle croisa les bras et hocha le menton sans le regarder.
-Bien sûr que je vais bien. Je… C’était stupide de ma part de vous appeler. J’aurais dû savoir que vous le provoqueriez.
Ça, c’était de la provocation ?
-Sœur Juliette, j’ai juste attiré son attention pour que vous puissiez vous remettre.
Voilà qu’elle s’empourprait.
-Je sais. Je… Ne me croyez pas ingrate. J’étais tellement heureuse d’être appelée ici… Je pensais pouvoir… N’en parlons plus.
Vaast hésita. Lui, il avait envie d’en parler. Certes, il n’avait pas les jolis mots d’un prêtre pour la faire se sentir mieux, mais il n’était sûrement pas le seul à avoir remarqué que Juliette avait peur des Alliés. Un jour, elle se heurterait à tout ce qu’elle ne voulait pas dire.
-Comme vous voulez, finit-il par murmurer.
Elle tendit la main, lui tapota le bras.
-Je savais que vous étiez quelqu’un de bien, au fond.
-Si j’avais su qu’il ne fallait que ça pour dissiper vos doutes, j’aurais proposé un biscuit à quelqu’un depuis longtemps.
Elle roula des yeux, mais il avait obtenu ce qu’il voulait ; elle n’avait plus l’air sur le point de pleurer. Pressentant qu’elle allait sans doute lui faire la morale, il lui coupa l’herbe sous le pied.
-Je vais goûter à ce que les Natifs ont amené. Dire bonjour. Tout ça.
Il s’éloigna, laissant Juliette rejoindre le groupe.
- Oui oui tu es jeune, mais ça n’épargne pas de tout non plus, il faut faire attention ! Que je lui explique.
Mais bon, Madame est une indépendante ! Les conseils ça rentre par une oreille et ça sort par l’autre ! Oh regardez-moi, elle doit me prendre pour une rabat-joie, mais faut me comprendre ! Si elle m’était pas tombée dans les bras comme un pet sur une toile cirée je réagirais autrement ! Mais faut savoir abandonner j’imagine. Têtue comme une mule, Erika ! Voilà !
- Enfin, je ne suis pas ta mère, mais prends soin de toi quand même !
Je lui fais quand même ma meilleure moue inquiète, mains sur les hanches. Tu comptes pour des gens, ma belle, même si t’aimes faire la tête brûlée ! Avec tout ça j’en viens presque à oublier la grande femme à côté d’elle. Une grande femme, mais qui en bégayerait presque tiens. C’est pas banal. M’enfin, comme elle tout entière finalement. J'en oublierai presque les bonnes manières. Je me tourne vers elle, souris, les yeux levés vers son visage, et je fais même une petite révérence en tenant les plis de ma robe avant qu’on se dirige toutes les trois vers le buffet.
- Oh, enchantée Madame !
Faut l’avoir dans ses amis, que j’ai dit. Et je compte bien pas faire mauvaise impression. Surtout qu’on me la présente comme une aventurière, une femme courageuse et ça a le don de m’impressionner ! Mais ça elles ne le savent pas encore, même si j’ai du mal à le cacher.
- Une aventurière ? Oh j’aimerai beaucoup entendre vos histoires ! J’ai pas la vie la plus passionnante par contre, pour rendre la pareille je me débrouillerai autrement.
Et oui, c’est le lot des pauvres gens comme moi. Même si, après réflexion, aurai-je vraiment envie d’une vie d’aventures et de combats dangereux ? Déjà que mes tâches actuelles me tordent les boyaux parfois… D’ailleurs, voilà t’y pas que Madame raconte à cette Alix notre mésaventure ? Qu’elle lui aurait déjà racontée en plus ? Mais quelle inconsciente ! Elle lance comme ça qu’on a travaillé pour un riche marchand, cachées comme le Bon Dieu, à une autre personne ? Par la Lumière, tu m’étonnes qu’elle fasse pas cette besogne tous les jours, elle se ferait capturer illico !
- Roh, Erika, ne dis pas des choses pareilles en public ! J’ai pas envie d’y laisser ma peau ! Que je lance à voix basse, un peu paniquée.
C’est mon intégrité qui est en jeu après tout ! Elle, elle s’en fiche, elle est protégée par la Garde et par cette géante, personne viendra la chercher ! Mais moi je suis faible, fragile et j’ai que le petit Thadeus pour assurer ma protection ! Aller Ros, oublie ça, visiblement personne n’a entendu les frasques d’Erika, pis l’odeur des victuailles m’attire et m’apaise bien plus que ce que j’aimerai. T’as gagné pour cette fois Erika, mais par pitié tâche de te montrer plus discrète ! On en vient ensuite au sujet de « Pourquoi qu’on est là » qui, je l’avoue, m’intéresse concernant Erika. Est-ce que toutes les tavernières du pays ont été rameutées pour servir la tambouille ? Allez savoir les desseins de ces grandes pontes de l’île. Moi, je veux juste profiter du buffet et me reposer un peu !
- Oh moi j’ai été invité par ma patronne. Je travaille dans une auberge à l’extérieure de Nouvelle, d’ailleurs si vous avez été prises dans un bouchon sur la route plus tôt ça devait être moi. Cette bonne vieille a dormi tout le trajet et m’a laissé diriger la cariole ! Moi ! Diriger des chevaux ! Elle a perdu la tête !
Et voilà que je m’enflamme encore. Mais c’est vrai ! A ma place, vous auriez réagi du même ! Mais encore une fois, l’odeur me ramène sur la terre ferme. Y’a du gibier rôti, des sortes de racines bouillies accompagnées d’une sauce sombres aux baies sauvages, de larges feuilles servant d’écrin à de la viande enroulée dedans, des godets remplis d’un alcool que je connais pas, qui sent fort le lait caillé, et des fruits frais sont là pour finir le repas. Le tout sent très fort et très bon et je ne peux m’empêcher de me saisir d’une brochette de viande plantée dans un immense pain sombre trônant au centre d’une table.
- Mes aïeux, y’a à manger pour un régiment. J’ai presque envie de remplir un sac de farine et ramener chez moi.
Me voilà en train de mordre copieusement ma brochette alors que je regarde mes deux copines examiner la nourriture.
- Allez, soyez pas timides ! C’est délicieux !
Puis me faites pas croire que cette géante est une petite mangeuse ! C’est elle qui m’intéresse le plus d’ailleurs. Pas que j’aime pas Erika, mais son quotidien je m’en fait une belle idée, pas celui de son amie.
- Madame Alix ! Parlez-moi de vous alors, c’est quoi ces aventures que vous faites ? Je suis vraiment curieuse !
J’espère qu’Erika se vexera pas, bon dieu, je suis pas là pour créer des problèmes !
"Ton jardin ? Parce que toi croire que la terre de Tír Fradí peut appartenir aux Renaígses ? C'est impossible, elle appartient à nous, natifs ! Ton peuple n'a fait que la voler !"
Cuán se rappelle qu'il ne doit pas trop faire d'esclandre et se calme un peu. Il reste muet quelques secondes puis se décide à répondre à la question de la jeune Lionne en ces termes :
"Ça veut dire que moi demande à toi si toi parle notre langue. Voilà. Moi n'ai pas voulu te parler, toi as voulu me parler. C'est différent."
Puis Cuán se tait. Il réalise qu'il a toujours la couronne en main et se dit qu'il attendra la première occasion pour s'en débarrasser. Peut-être pas devant son interlocutrice pour faire bonne figure. Tout ces faux-semblants l'agacent beaucoup. Le natif n'est déjà pas le plus diplomatique de son village et le voilà coincé ici dans une mascarade aux allures de fête pour encore un moment.
« Diwed ! » S’écria-t-elle alors que des larmes tentaient de faire leur apparition et que son corps tremblait comme une feuille. « La t-t-terre n’appartient à p-personne et et s-sachez que je la respecte t-tout autant qu-que vous ! »
Les joues écarlates mais mouillées de larmes silencieuses, Aelina peine à tenir tête au natif ou du moins à garder contenance. La jeune femme était une émotive et elle détestait que l’on hausse la voix sur elle, d’autant plus qu’elle était la seule dans cette réunion à se montrer sincèrement ouverte aux autres. La jeune femme faisait des efforts pour comprendre ceux qui lui étaient étrangers, de respecter leurs terres et de vivre en harmonie avec eux et non dans la violence et préjugés mais de toute évidence cet homme était aussi buté que les autres.
« M-moi au moins j’essaie d’apprendre à v-vous connaître, je suis la s-seule qui est sincère i-ici et-et si vous n-ne voulez p-pas le voir vous n’ê-n’êtes qu’un Ammánt v-vous aussi ! »
Sur ces mots, elle tourna les talon et se dirigea à grand pas vers le grand feu. Son corps entier tremblait de s’être ainsi emportée et elle se sentait extrêmement mal après son éclat. Elle détestait les conflits mais elle se sentait si incomprise et nullement à sa place ici entre les hauts représentants qui parlaient pour faire un semblant de politique, les pique-assiettes sans gêne et les Natifs intolérants… Essuyant ses larmes traitresses, elle se dit que cette fête n’était qu’une supercherie horrible, peut-être ferait-elle mieux de partir ?