[Petite annonce] Et ça fait Bim Bam Boum... - Salastar et Alphonse

Bushra était énervée, et quand elle était énervée, il fallait qu'elle s'occupe les mains. Alors, Bushra bricolait. Dans son atelier, il y avait de quoi faire. Plaques de métal de toutes sortes et de toutes tailles disposées aux quatre coins de la pièce, une quincaillerie assez fournie pour remplir plusieurs caisses sur plusieurs étagères, les murs tapissés d'outils pas toujours bien rangés, des matières premières entreposées un peu partout, son propre petit coin pour l'alchimie seulement séparé par un rideau épais, et des tables, des chaises, et des montagnes de parchemins à l'image du reste, c'est-à-dire en bordel.

Mais Bushra aimait le désordre. Elle aimait travailler sur plusieurs projets à la fois, passer de l'un à l'autre, en oublier un pendant des mois pour finalement se rendre compte qu'elle avait fait beaucoup mieux depuis. Elle fonctionnait à l'obsession, et celle du moment, c'était sa nouvelle poudre explosive. Fruit de ses efforts constants, sa dernière cuvée (c'était au moins la sixième) pouvait très certainement fournir d'excellents résultats, elle en était persuadée.

Néanmoins, ses résultats n'étaient pas à la hauteur de son enthousiasme. À plus d'une reprise, ses essais en grandeur nature au sein de la cours de son atelier avait eu des conséquences désastreuses. Les tentatives ratées se soldaient souvent par des départs d'incendie, heureusement vite maîtrisés, mais le plus inquiétant était le nombre de volontaires blessés après s'être laissés convaincre que c'était "sans risques, ne t'en fais pas". Trois blessés plus tard, dont un qui n'entendait toujours plus aussi bien de son oreille gauche, et les voisins mirent le holà : si elle continuait à ce rythme, ils allaient le signaler à qui de droit et la faire rembarquer manu militari direction le continent.

Des menaces creuses pour la plupart, Bushra en était persuadée, mais elle se doutait bien que l'étape qui suivrait, ce serait des interruptions permanentes de son travail au moindre petit bruit, et des dégradations possibles de son atelier par des esprits étroits et jaloux.

Alors, elle avait fait parvenir un avis de recherche, sur un panneau d'affichage dédié à cet usage : contre rémunération, elle cherchait des volontaires, prêts à tester ses dernières créations. Plus loin. Et, de préférence, en lui rendant un rapport détaillé de l'expérience.

Mais en attendant que quelqu'un réponde à l'annonce, Bushra devait patienter, et patienter n'était pas son fort. Alors, Bushra s'énervait. Et quand elle était énervée... il fallait qu'elle s'occupe les mains.

Salastar s'ennuie dans son quotidien, nul moyen de tourner la chose autrement. Il a beau être ici depuis des années, il n'a jamais réellement su comment occuper son temps libre quand il n'est pas hors de la ville. Résultat, chaque affectation longue durée entre les murs de pierre protecteurs sonnent comme une punition qu'il doit endurer, une croix invisible à porter. Et avec les derniers évènements, la durée de cette peine semble s'allonger de manière bien douloureuse. Résultat, il erre, à la recherche de quelconque occupation. Boite et jouer à la Taverne du Denier ? Le meilleur moyen de se retrouver la bourse vide, au lieu des bourses. Pas la solution la plus plaisante. Les filles de joie présentent le même problème, en plus de n'être que très temporaires dans la félicité qu'elles offrent, pour beaucoup d'or... Et parfois des cadeaux indésirables offerts. Des hobbys ? L'homme n'en a guère tellement habitué à passer son temps à cartographier les régions, à s'entrainer, voir faire les deux en même temps. Et si justement Ealista brise légèrement cette routine avec leurs entrainements réguliers, ce n'est pas suffisant pour le cartographe.

Ce dernier erre donc à la recherche d'une occupation, d'un moyen de combler ce vide spirituel qui l'emplit. Et peut-être que la solution s'offre d'elle-même tandis que son regard se pose sur le tableau d'affichage. Cela fait quelques jours que l'affiche est présente, d'une écriture frénétique, pressée, donnant une bonne indication sur celle tenant la plume pour coucher ces mots. Une rémunération pour un essai de nouvelles armes de tir. Un moyen de se faire de l'argent, de s'occuper, tout en aidant l'Alliance. Légèrement méfiant de toujours voir la proposition d'actualité et de ce que cela pourrait bien indiquer, le blond finit par hausser les épaules pour se diriger vers le lieu donné. Si le corps à corps n'est pas son fort, le tir est une tout autre affaire. Malgré sa situation de soldat dans la logistique et l'administration, il fait souvent usage de son arme favorite. Autant pour chasser que pour repousser ceux qui pourraient tenter de lui faire rejoindre le cimetière le plus proche. Et les années au front lui ont permis de souvent pratiquer, tant l'art de la cartographie et de la reconnaissance de terrain en milieu hostile que le tir dans ledit milieu.



Heureusement, l'annonce ne devrait normalement pas contenir de tels dangers. Après tout, que pourrait-il mal se passer à simplement essayer des armes expérimentales ? Absolument rien. Récupérer le paquet, les instructions, aller tester ça sur le terrain de tir le plus proche, ou si jamais ce dernier n'est pas adapté, non loin de la ville contre quelques animaux à chasser ou arbres qui se montrent un peu trop menaçants avec leurs branches et leurs feuilles. Rien ne pourrait mal se passer. Aucune explosion spontanée, mauvais dosage de la poudre, de canon n'encaissant pas une telle concentration explosive. Non, rien ne pouvait mal se tourner. Et c'est forcément vrai, vu qu'en s'engageant dans la petite rue menant à l’atelier de la chère Bushra après être rapidement rentré chez lui pour se changer en une tenue d'extérieur et d'entrainement plus confortable et ramasser de quoi prendre des notes sur ses tests, le cartographe a le plaisir -ou le malheur- de voir que cette dernière semble déjà occupée par quelqu'un. Et un quelqu'un venu pour les mêmes raisons que lui.

Fort heureusement, cela n'est peut-être pas une mauvaise chose. Au moins cela permet de diviser les risques -non présents bien sûr, il faut le rappeler- lors des essais. Voir même de rester légèrement en retrait, prétextant le besoin de prendre des notes et des mesures précises au moment du tir. Et, profitant, d'une interruption dans la conversation, le soldat en profite pour s'incruster avec un léger sourire.

-"Bonjour, je viens à propos de l'affiche laissée sur le tableau... Je suis Salastar, Cartographe, enchanté."

Après tout, se présenter en annonçant qu'il fait déjà partie de l'armée devrait rassurer la demoiselle, et son potentiel compagnon d'infortune. Il est censé savoir se servir correctement d'une arme à feu, après tout. Censé.

-"Bonjour, je viens à propos de l'affiche laissée sur le tableau... Je suis Salastar, Cartographe, enchanté."

- Et bien, Salastar, j'espère que vous savez, vous au moins, vous servir d'une arme à feu. lui réplique Bushra.

Elle l'invite à entrer, tout en congédiant l'homme qui se tenait devant elle d'un geste dédaigneux. Ce dernier grommela quelque chose, apparemment à propos de la mère de la jeune femme et du métier qu'elle exerce, mais l'artificière eut l'air de s'en soucier comme d'une guigne, et se mit à tourner autour de Salastar en l'observant tout en se pinçant le menton.

- Hmm. Vous avez des recommandations ? Vous avez l'air en forme. Vous vous entretenez ? Apparemment. Où est-ce que vous avez appris à vous servir d'une arme ? Cartographe, hein ? Sur une échelle de 1 à 10, vous diriez que votre maîtrise se situe à quel niveau ? Vous êtes seulement familier des fusils, ou d'autres armes également ? Le lancer de grenades fait partie de vos talents cachés, j'espère. Oh, il faudra également écrire un compte-rendu, c'est très important. Vous savez écrire ? Bien sûr que vous savez écrire. Mais est-ce que vous savez BIEN écrire ? J'ai besoin de notes exhaustives. Je ne peux pas travailler sur un brouillon mal rédigé. N'écrivez pas trop petit, Salastar. Il faut voir les choses en grand, toujours.

Tout en lui tournant autour, Bushra ne cesse de prendre des notes sur un carnet, au moyen d'un crayon de bois. Une fois qu'elle a terminé sa pourtant longue tirade, elle arrache l'une des pages, la roule en boule, et la jette un peu plus loin dans l'atelier. Le sol en est jonché, un peu partout.

- Il va falloir me remplir ceci.

Elle récupère, ou plutôt fouille sur une table déjà bien encombrée, un parchemin d'allure officielle, et le lui tend, sans retenir un soupir de lassitude.

- Un formulaire expliquant que vous renoncez à toute forme de poursuite en cas de blessures dûes à une utilisation détournée de mon invention et que vous assumerez l'entière responsabilité des dégâts matériels bla bla bla... signez ça rapidement, que l'on puisse passer à la suite.

Elle annonça le montant de la prime, qui était assez honnête compte tenu des révélations sur les dangers et les risques potentiels qui attendaient la future victime. Cobaye. Le futur cobaye. Bien sûr.

L'artificière semble définitivement d'un caractère surprenant. Envoyant paître le précédent testeur potentiel, elle commence soudainement à bombarder le soldat d'une nuée de questions. Et étrangement, il ne faut pas longtemps pour que Salastar arrive à mettre tout cela en veilleuse. Des ingénieurs qui n'ont aucune compétences sociales, ce n'est pas réellement nouveau pour lui après tout. Alors tandis que la demoiselle lui tourne autour pour le scruter et jauger de ses talents, il n'hésite pas à l'interrompre dans son flot de questions pour y répondre, préférant éviter de se laisser déborder, chose qui peut arriver un peu trop aisément à son goût.

-"Je ne pensais pas que les recommandations étaient nécessaires mais je suis soldat pour l'Alliance, si cela peut vous rassurer. Je suis plutôt bon tireur et oui, je sais me servir de grenades, mais je préfère savoir ce que je lance avant de l'utiliser."

Bien sur, cela ne fait rien pour calmer le flot de paroles de la demoiselle. Au contraire, cela semble presque l'intensifier. Un soupir silencieux plus tard, alors qu'il raccroche aux wagons qu'il a loupé tant le débit est rapide, et il continue d'avancer ses arguments face à ce barrage roulant.


-"J'utilise aussi les pistolets, ainsi que diverses armes que je peux avoir à ma disposition. Et pour finir, oui je sais écrire. Néanmoins, j'aurais des questions aussi pour ma part."

Pisser dans un violon, vraiment. Sauf que cette fois le violon est une femme qui semble sortir d'un mélange de plantes et de champignons particulièrement exotique. Et avant même qu'il ne puisse essayer de l'interrompre de nouveau, une feuille finit sous son nez. Cette fois, il prend le temps de la lire un peu plus longuement, n'appréciant que moyennement la teneur du parchemin. En effet, si la demande se tient, la nécessité de devoir la signer soulève bien des inquiétudes. Se raclant un peu plus fort la gorge, l'homme finit par hausser légèrement le ton. Il n'hurle pas, il n'est pas agressif, simplement, il veut se faire entendre.

-"Avant de signer ce document, j'ai quelques questions. Que voulez-vous que j'essaye précisément ? Vous parlez de poudre, de fusils, de grenades. Mais j'aimerais quelques détails sur ce que j'utiliserais, dans quelles conditions et sous quelles formes. De plus, quel matériel fournissez-vous ? Car si vous avez un mélange personnel, j'espère que vous avez des armes capable de le tirer sans s'endommager ni risquer un incident de tir."


Un bon moyen d'essayer de découvrir ce que l'artificière lui réserve... Et aussi lui prouver que, si il tient à sa sécurité et si possible à l'intégralité de chacun de ses membres et de ses doigts, il connait aussi ses bases en alchimie militaire. Il a bien trop souvent vu des incidents causés par de la poudre de mauvaise qualité ou ""pimentée" sans que le métal n'y soit adapté pour se laisser embarquer dans une telle histoire, même si sa plume ne se trouve pas loin du parchemin. Après tout, il n'est qu'à une poignée de réponses sincères de signer le document et s'embarquer dans une bien étrange aventure, aussi dangereuse que lucrative...

-"Je ne pensais pas que les recommandations étaient nécessaires mais je suis soldat pour l'Alliance, si cela peut vous rassurer. Je suis plutôt bon tireur et oui, je sais me servir de grenades, mais je préfère savoir ce que je lance avant de l'utiliser."

- "Parfait ! Excellent. Merveilleux. Du savoir-faire. Presque aussi important que le savoir-être. Mais je ne vous paie pas pour vous embaucher à l'année, pas vrai ? Quoique. Vous seriez disponible, à l'année ? Non, vous êtes cartographe, c'est ce que vous disiez."

Elle continua de l'abreuver d'un torrent de paroles, tout en semblant farfouiller dans diverses caisses réparties un peu partout dans la pièce.

-"J'utilise aussi les pistolets, ainsi que diverses armes que je peux avoir à ma disposition. Et pour finir, oui je sais écrire. Néanmoins, j'aurais des questions aussi pour ma part."

- "Des questions ! Bien sûr ! La curiosité, Salastar, c'est le moteur de l'invention. Il faut savoir se montrer curieux, chercher partout, déranger les gens qui ne respectent rien de toutes façons si ce n'est leur petit confort alors que nous avons tant à découvrir et à apprendre ! Ha, ça, oui, une fois que le produit est finalisé et qu'on peut le commercialiser ou s'en servir, tout le monde est très content ! Mais est-ce qu'on respecte un tant soit peu la personne qui doit passer des heures, des semaines, des mois dans des recherches qui coûtent beaucoup trop cher si vous voulez mon avis ? Pas assez, ha, je vous l'assure !"

Les fers en l'air, sous un bureau, elle se tortillait de son mieux afin d'en tirer une grosse caisse, semblant contenir, enfin, ce qu'elle cherchait jusqu'ici.

-"Avant de signer ce document, j'ai quelques questions. Que voulez-vous que j'essaye précisément ? Vous parlez de poudre, de fusils, de grenades. Mais j'aimerais quelques détails sur ce que j'utiliserais, dans quelles conditions et sous quelles formes. De plus, quel matériel fournissez-vous ? Car si vous avez un mélange personnel, j'espère que vous avez des armes capable de le tirer sans s'endommager ni risquer un incident de tir."

- "Oui, bien sûr, bien sûr..." lui répond-elle, sans même le regarder, concentrée visiblement sur l'ouverture d'un placard. Elle en sort un mousquet à silex, manifestement de sa propre confection : ce type d'arme est moins répandu que le fusil à mèche, et a fait jusqu'ici la fierté de l'Alliance du Pont. L'empoignant fermement, elle vient le déposer sur la table la plus proche du cartographe dans un bruit métallique.

- "Ce prototype fait 7 kilogrammes pour 1 mètre 15, d'où la nécessité d'être entretenu physiquement pour le tireur. Les projectiles sont d'un calibre réduit à 18 millimètres. La distance pratique de tir doit se situer aux alentours de 250 mètres, pour une cadence de tir de 2 à 3 coups par minute. Je sais. C'est énorme."

Poursuivant sur sa lancée, elle sortit de la caisse des cartouches en papier, contenant les balles mais aussi et surtout la poudre. Elle les alignera minutieusement sur la table, avec le fusil, et terminera son chef-d'œuvre en venant déposer la baguette permettant de tasser dans le canon.

- "Vous n'aurez aucune information sur ma poudre. Secret professionnel. C'est à prendre ou à laisser. Il ne manquerait plus qu'on me vole la formule avant même que je n'ai terminé les essais. Mais si vous êtes un bon garçon, que vous me signez mes papiers, et que vous me rendez votre rapport avant demain matin..." dans un effet dramatique, elle plongea sous la table pour en remonter avec une grenade artisanale, qu'elle déposa aux côtés du mousquet. "...je vous laisser faire joujou avec ça. Modèle cylindrique en fonte de 7,5 centimètres de diamètre, 22 capsules à percussion, mèche à combustion lente. Comptez 4 secondes par sécurité, même si normalement c'est 5 secondes."

Elle se fendit d'un grand sourire, l'observant sans ciller pendant quelques secondes.

Définitivement, tous les ingénieurs et inventeurs ont leur petit grain qui manque. Ou plutôt, un peu trop de poudre noir dans les narines pour leur propre bien. Et Bushra n'échappe clairement pas à la règle. Pendant qu'elle déverse un torrent de paroles, le cartographe l'écoute d'une oreille, son regard glissant de nouveau sur la pièce pour l'observer plus longuement. Oui, Bushra semble passionnée. Tellement passionnée qu'elle pourrait bien faire la prochaine découverte révolutionnaire de l'Alliance... Ou finir au fond d'un puits, par pur accident. Quelle idée de se balader avec les pieds lestés quand il fait noir, avec un bâillon sur la bouche et une cagoule sur les yeux après tout. Vraiment, les gens ne savent plus ce qui est dangereux pour eux de nos jours.


Puis enfin la demoiselle s'attaque à des informations plus utiles. L'arme, son poids, le calibre des munitions et surtout la poudre pour ces dernières. Des éléments qui attisent bien plus l'intérêt et la curiosité du cartographe, qui n'hésite pas à saisir l'arme pour commencer à l'examiner. Il ne compte pas la démonter, n'en ayant de toute façon pas les compétences. Mais il se permet de tout de même jauger si les pièces les plus visibles sont en bon état, bien montées, entretenues. A défaut d'être sur que l'alliage tienne sans lâcher lors des premiers tirs, Salastar préfère au moins s'assurer que l'arme est en assez bon état pour ne pas lui exploser entre les mains au premier petit incident de tir.

Satisfait de ses vérifications, le blond hoche de la tête, comprenant bien que cela ne sert à rien de trop discuter. Pour une phrase qu'il laissera passer entre ses lèvres, huit lui répondront, dont neuf seront à coté de ce qu'il demande. Il ne tirera rien de plus de l'artificière tant qu'il n'aura pas pu essayer en conditions semi-réelles son matériel, et ce dernier semble au moins suffisamment agencé pour ne pas le tuer dès le premier tir, si tout se passe bien. Ne pouvant probablement pas obtenir mieux que ces quelques informations et surtout cette quantité non négligeable de munitions, et même une petite grenade bonus, le cartographe se saisit de la plume et du parchemin installés précédemment pour inscrire son nom et sa signature en bas du papier. Heureusement qu'il a une écriture relativement élégante, sinon l'homme serait sûr qu'il aurait droit à quelques remarques supplémentaires à ce sujet.

-"J'avais prévu l'après midi pour vos expérimentations. Donc j'espère bien pouvoir vous rendre un rapport demain matin. Et j'espère très sincèrement que vous êtes sûre de votre recette pour que je revienne avec mes dix doigts et mon intégrité physique complète."

Bon, juste pour être sûr, il portera des gants et une tenue un peu épaisse. Et probablement quelque chose pour ses yeux. Oui, très utile d'avoir quelque chose pour se protéger les yeux. Ça serait idiot de devenir aveugle sur un éclat qui part dans la mauvaise direction. Et tout en se préparant à embarquer les différentes cartouches dans ses différentes sacoches, prévues exactement pour cela -après tout, il n'est pas totalement soldat pour rien. Juste pour presque rien-, il continue d'essayer de faire un peu la conversation. Tant par politesse que pour en apprendre un peu plus sur cette femme pour qui il va travailler.

-"Et depuis combien de temps travaillez-vous sur cette formule ? Déjà réalisé quelques tests réels, ou vous n'avez pu essayer vos expérimentations hors d'un laboratoire contrôlé pour le moment ?"

Il sait bien qu'il ne devrait pas la lancer la dessus... Mais il ne peut pas s'en empêcher, pour augmenter ses chances de survie. Heureusement que le temps est relativement clément et sec, assurant au moins d'éviter les soucis liés à une poudre trop humide n'étant pas préparée pour un tel environnement.

"J'avais prévu l'après midi pour vos expérimentations. Donc j'espère bien pouvoir vous rendre un rapport demain matin. Et j'espère très sincèrement que vous êtes sûre de votre recette pour que je revienne avec mes dix doigts et mon intégrité physique complète."

Bushra afficha un sourire plus que ravi. L'idée d'obtenir son rapport en temps et en heure l'enchantait visiblement bien davantage que celle qu'on puisse remettre en question son travail. Elle remonta légèrement ses lunettes sur son nez, avant de reprendre l'une de ses longues tirades.

"Sûre de ma recette ? À quatre-vingt-dix pour cent. Quatre-vingt-quinze pour peu que la personne qui tienne l'arme soit un minimum compétente et ne vise pas son pied au lieu de la cible ou tienne l'arme à l'envers. Raison pour laquelle je ne recrute que l'élite de la crème. Il y a toujours un pourcentage de risques, bien sûr, mais cela fait partie du métier de chercheuse, aucune découverte ne s'est faite sans douleur ni sans bousculer l'ordre établi ! Il faut de l'audace, Salastar. De l'audace !"

L'artificière semblait particulièrement inapte à rester en place tandis qu'elle parlait, faisant les cents pas tout en levant les bras et gesticulant pour appuyer ses paroles. À la voir, on pourrait presque croire qu'elle était déjà devant un parterre d'étudiants avides de s'abreuver de ses connaissances, ou en train d'exposer son invention à ses pairs admiratifs et jaloux de son succès.

"Et depuis combien de temps travaillez-vous sur cette formule ? Déjà réalisé quelques tests réels, ou vous n'avez pu essayer vos expérimentations hors d'un laboratoire contrôlé pour le moment ?"

Alors que l'interlocutrice de Salastar allait se lancer dans une de ses réponses alambiquées dont elle avait le secret, on poussa la porte de son atelier derrière elle, et un vieil homme, accompagné d'un gros chien noir, entra dans la pièce. L'air d'avoir la soixantaine, bien portant, il était équipé de deux pistoles à la ceinture, et d'un fusil porté en bandoulière qui avait semble-t-il connu des jours meilleurs.

"C'est déjà la huitième version de ce prototype. Autant dire qu'il y a déjà eu beaucoup de tests, donc les derniers ne se sont presque pas soldés par un incendie involontaire ! Le progrès avance à grands pas, en dépit de ce que peuvent avancer mes détracteu... tiens donc. Qu'est-ce que vous faites là, vous ?"

La politesse n'étouffait décidément pas la jeune femme, mais l'homme n'eut pas l'air d'en tenir grand cas, se contentant de la saluer poliment avec un sourire.

"Je viens pour la petite annonce, pardi ! Alphonse Fléchard, retraité de la Garde du Denier, toujours bon pied bon œil, et paré à faire feu mon Capitaine !"

Il se fendit d'un petit geste de la main, mimant une parodie de salutation militaire. Bushra plissa le regard, l'inspectant semblait-il des pieds à la tête, avant de croiser les bras.

"La place est déjà prise. J'ai quelqu'un de plus jeune, en meilleure condition physique, prêt à me remettre son rapport dès demain matin, et pour ne rien gâcher, d'absolument passionné par tout ce que je raconte. Tout au mieux, vous pourriez l'accompagner comme assistant, pour l'aider à transporte..."

"...assistant, ça me va très bien !" la coupa-t-il, s'approchant de Salastar en lui tendant la main. "Qu'est-ce que vous en dites patron ?"