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[Mission] En commerce, l'occasion c'est tout

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Une drôle d'affaire


Vincent de Livois est une sorte de célébrité dans certains cercles de Nouvelle-Sérène. On se moque plus ou moins gentiment de lui pour ses « états d’arme » durant la fête de l’Equinoxe ; un véritable désastre pour la politique de Maeva d’Ortian. L’homme est tombé en premier sur le cadavre de l’assassinée durant la fête, et des rumeurs courent sur ce qu’il faisait dans les bois à se balader quand tout le monde était en train de festoyer.

De Livois a certainement un blason à redorer, et ce de n’importe quelle façon apparemment puisqu’il a fait courir dans différents cercles qu’il cherche des parties « discrètes » pour un « travail ». Il a donné rendez-vous aux potentiels intéressés à l’arrière d’une boutique du tout nouveau quartier commerçant. Un endroit assez sûr mais qui doit lui donner l’impression de jouer aux canailles car de Livois s’est vêtu comme dans un roman de cape et d’épée, avec un grand chapeau à plumes pour dissimuler son visage et une sorte de cape fleurie autour de sa silhouette svelte. Alors qu’Alphonse et Teodoro approchent du lieu de rassemblement, pour une tâche dont ils ne savent rien si ce n’est, pour, Alphonse qu’il sera rémunéré grassement et pour Teodoro qu’elle pourrait lui valoir quelques faveurs de la part de Maeva d’Ortian, ils peuvent distinguer de Livois en grande conversation avec deux femmes. Ce qui ressemble à un garde embauché par de Livois fait signe à Teodoro et Alphonse de faire halte ; visiblement, même s’ils ne sont pas venus ensemble, on fera prix de groupe et ils seront reçus par de Livois en même temps.

Ce garde-là est un vrai, un garde du Denier, qui a l’air de s’ennuyer sec. Son épée n’est pas là pour faire joli, ce n’est pas une arme de parade, mais elle est bien disproportionnée dans ce quartier assez paisible. Peut-être de Livois a-t-il exagéré le danger qu’ils allaient vivre car après avoir reluqué Teodoro et Alphonse, le garde pousse un soupir et croise les bras.

Dans une sorte de ruelle entre deux bâtiments dont un sent l’alcool à plein nez, de Livois est très occupé à parler avec de grands gestes. Tout dans son attirail traduit qu’il est de la haute, alors qu’il a visiblement fait de son mieux pour le cacher, mais c'est peut-être cette volonté qui le rend trop visible, ou son teint qui témoigne qu'il n'a jamais fait un travail manuel un seul jour de sa vie. Il s'adresse avec emphase aux femmes qui, face à lui, sont vêtues modestement. Elles finissent par rebrousser chemin après environ trois minutes et sortent de la ruelle en maugréant. Elles lancent un regard noir au garde sur le retour, qui leur fait un charmant sourire pas franchement réconfortant et leur remet un grand coutelas qu’elles avaient apparemment amené avec elles. De Livois s’extrait de la ruelle à son tour, à petits pas pressés.

- Cédric !

Il s’exclame, le ton plaintif, avant que ses yeux ne tombent sur Alphonse et Teodoro :

- Oh, parfait, d’autres candidats ! Messieurs, c’est un plaisir de vous rencontrer, vraiment. Nous pouvons aller eum… Par là pour… Pour mener nos affaires ! Et j’entends bien nos affaires… Vous… Vous venez pour le contrat ? La mission ?

Demande de Livois en articulant à l’intention de Teodoro et d’Alphonse comme si l’un et l’autre étaient malentendants – ou idiots. Son regard alterne de l’un à l’autre, et il finit par jeter une œillade un peu désespérée à l’enseigne derrière laquelle il a choisi de mener ses affaires si secrètes – un grossiste en vin.

- Mais voyons, même si vous cherchez à acquérir une bouteille ou deux, peut-être êtes-vous également intéressé par du travail ? Du travail ? Au nom de notre merveilleuse bienfaitrice, madame Maeva d’Ortian !

Le garde, qui doit s’appeler Cédric, écoute de Livois d’une oreille seulement. Ses yeux sont tombés sur Teodoro et Alphonse et il jauge visiblement leurs personnes pour discerner s’ils sont armés. Il n’a pas l’air plus inquiets que ça. Il faut dire qu’il a une sacrée carrure.
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Bien trop peu d’âmes sauraient se targuer de s’être épanouies à l’article de la mort ; atroce s’il en fût.

La vie avait ce quelque chose d’étrange, d’ineffable, d’incertain à l’envi. Quelque chose d’absure et de profond à la fois. Il n’y avait pas un individu semblable à un autre qui ne sillonât en pareil sentier. Était-ce le fruit d’un hasard incontrôlable ? Un projet de Dieu ? Bien fous à lier ceux qui se targuent de connaître la réponse.

Le fait est que, dernièrement, une pauvre âme a été fauchée lors de l’Équinoxe, ébranlant tout une entreprise qui, dans une autre réalité, aurait pu amener des résultats satisfaisants. Mais ce qui importait était l’instant présent, et il fallait serrer les dents pour certains, exploiter les opportunités pour d’autres. Et pour ces dernières, Teodoro, s’il ne répondait pas à toutes, veillait au grain. Un soir, à un comptoir tenu par la congrégation, il avait jugé réussir à séparer ce bon grain d’une ivraie de plus en plus toxique. Sans parler de la malichor.

Le grand blond avait surpris une conversation entre deux pochetrons à la langue bien pendue. « Une opportunité en or » qu’ils disaient. Il n’en avait pas raté une miette et avait conservé son regard glacial détourné, supportant les odeurs d’effluves et les veloutes de mauvaise cigarette pour récolter tous les détails possibles.

Alors comme ça, de Livois cherchait des mandataires pour rafler des biens à une enchère ? S’il semblait ne dormir que d’un œil au vu des évènements récents qui l’incriminaient, il devait continuer de se dire que seul l’oiseau matinal attrapait le ver. Mais de là à prendre du ver au petit déjeuner ?!

Y repensant, Teodoro haussa les épaules, alors qu’il ajustait sa cravate carmin, redressant la tête pour ajuster la coupe de sa chemise. On ne travaillait pas sans être hautement présentable. Et dégager des senteurs plus agréables que le tabac froid qu’il avait réussi à chasser de sa veste, sur lequel l’écusson de sa famille, les Armatta, était bien visible. Un jeune d’une autre époque aurait hélé : « il faut tout déchirer ».

En grandes pompes bien cirées, le colosse s’était présenté au lieu de rendez-vous indiqué. Le spectacle prêtait à sourire au vu de la dégaine du commanditaire ; on aurait sûrement ri aux éclats si on s’était retourné pour distinguer la tête d’Armetta, s’élevant au-dessus de la foule. C’était l’un des seuls à ne pas rire du spectacle ridicule, là où ses collègues réprimaient des sourires moqueurs à l’attention de Vincent de Livois. Mais pourtant, intérieurement, le commerçant avait envie de rire à s’en rouler par terre.

Une cape à fleurs, sérieusement ?

Alors qu’il dévisageait, l’air confiant, quelques convives du regard, son regard sembla s’arrêter sur un autre bonhomme qui semblait changer la donne parmi les confrères. Il devait faire le même gabarit que Teodoro, mais lui avait le poil blanchi et les traits marqués par l’âge. Il lui rappelait son patriarche qui déclamait la sentence par le regard : « tu n’auras rien. » Cette pensée le fit déglutir, mais l’heure n’était pas aux songes revanchardes.

Sans s’intéresser davantage à autre chose qu’à son cas, Armetta montra patte blanche, mettant en évidence son colt et son coutelas, l’air de dire « on n’est jamais trop prudent ». Si sa carrure pouvait faire penser qu’il était dangereux, il y avait un autre aspect qu’il montrait qu’il n’était pas là pour en découdre. Il était tellement soigné qu’il ne se donnerait pas la peine de se salir pour commettre on ne sût quelle bavure. Aucun danger, donc.

C’était leur tour. Le blond essuya un regard mauvais de la part du garde, mais il ne cachait rien. Quiconque d’intellectuellement honnête comprendrait qu’il était là pour faire affaire.

« Je ne suis point venu pour que vous nous présentiez le tout de votre crû. »

Il avait envie d’ajouter « en revanche, pour papy, je l’ignore ». Mais cette pensée restera tue à jamais.

« Je viens pour obtenir “du travail”, se permit-il d’exagérer pour demeurer dans les bonnes grâces de Liveil. Dites-moi seulement quoi acheter, à quel prix, et je vous le ramène. »

Il jeta un œil à son aîné pour le jauger.

« Vous aussi, vous êtes intéressé par du travail ? Y aller seul, c’est bien, mais y aller à plusieurs, c’est mieux. »

Cette fois, c’était « En revanche, Maeva est trop jeune pour toi, papy. » qu’il tut.
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Lorsqu'il s'agissait de se faire de l'argent de poche, Alphonse Fléchard n'avait jamais été homme à se tourner les pouces. Avec les années et surtout l'expérience, il avait développé ce don de flairer la bonne affaire lorsqu'il la sentait. Et là, dans cette ruelle sordide, où on sentait surtout les effluves d'alcool bon marché, d'urine et de sueur des travailleurs locaux, lui avait dans le nez une toute autre fragrance : ça sentait le pognon.

Alphonse se fit très vite un avis sur ce type endimanché tout droit sorti d'un roman à l'eau de rose et qui n'avait probablement jamais eu à se torcher tout seul : il avait tout l'air du parfait guignol nobliaux, avec pas assez de sang bleu dans les veines pour être véritablement menaçant ou respecté (ce qui revenait souvent au même), mais avec assez de l'argent de papa dans les poches pour représenter un partenaire "commercial" de choix.

"Qu'est-ce que c'est que cette cape de fanfreluche..." riait, sous la sienne, le soixantenaire. Il avait tout de même un peu de sympathie, voire de peine, pour le grand type baraqué qui l'accompagnait dans ce qui avait tout l'air d'un bon gros délire de fin de soirée, mais en plein jour. Un grand type baraqué de la Garde, il en aurait mis sa main au feu... aussi lui fit-il le salut traditionnel de leur ordre, dont il était retraité pour sa part. "Jolie arme", se dit-il pour lui-même, appréciateur.

"Vous… Vous venez pour le contrat ? La mission ?"

Oh bordel, ça allait être bon. Ce niveau d'amateurisme aurait presque pu le mettre en colère plus jeune, tant il savait qu'il jouait avec sa vie lorsqu'il devait sortir des clous pour gratter un peu d'argent à gauche ou à droite. Avec les années, il avait appris à mettre un peu son mouchoir sur ses humeurs, quand il fallait travailler avec des idiots, des débutants, ou les deux à la fois. Mais là il avait quand même un sacré champion en face de lui. Se retenant - à grand peine - de partir en éclat de rire, il reprit contenance rapidement. Il aurait été tentant de se moquer de ce type, et d'essayer de lui apprendre un peu comment il faut faire, comment ça marche ce genre d'affaires...

... mais s'il y avait bien une leçon qu'il avait retenue, c'était que la plupart des Nobles savaient forcément mieux que tout le monde comment faire ce dont ils étaient tout à la fois incapables et ignares.

S'inclinant dans une révérence polie, avec une élégance distinguée, il répondit d'une voix enjôleuse : "Mais tout à fait, messire. Alphonse Fléchard, retraité de la Garde, à votre disposition."

Se redressant, il ouvrit lentement son manteau, dévoilant un holster où était maintenu son arme à feu. La tirant délicatement et lentement, il la tendit, crosse vers l'avant, à Cédric, un sourire au visage.

"Je gage que vous devez garder les armes avec vous, Cédric ?"

Un grand type, jeune et certainement de bonne famille lui aussi à en juger par son écusson sur sa veste, lui adressa la parole :

« Vous aussi, vous êtes intéressé par du travail ? Y aller seul, c’est bien, mais y aller à plusieurs, c’est mieux. »

"Pas toujours..." se retenait de dire Alphonse, qui avait plus souvent qu'à son tour dû bosser avec des types le ralentissant plus qu'autre chose. Son interlocuteur cependant, n'avait pas l'air d'être ici pour les mêmes raisons que lui, à savoir l'argent. C'est donc que quelque chose d'autre le poussait à venir dans cette ruelle moisie, et qu'il y avait donc plus que de l'argent à se faire... intéressant.

"Intéressé, en effet, mon jeune ami." répondit le vieil homme, affable, un sourire aux lèvres. "Et l'union fait la force, comme on dit toujours... vous êtes d'accord avec cet adage ?"

D'un sifflement, Alphonse donna l'ordre au gros chien qui l'accompagnait, Angelo, de s'asseoir et de l'attendre. Le molosse, plus que de s'asseoir, s'écrasa à même le sol, dans un "pouf" de fourrure noire.
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Une drôle d'affaire


De Livois reluque ses deux nouveaux candidats d’un regard. Cédric a beau être plus petit que les deux gaillards, le garde n’en a pas l’air intimidé pour autant. Porter une armure a ses avantages, et en entendant qu’Alphonse est un ancien de la Garde il lui adresse un sourire pas désagréable.

- Oui, vous savez comment c’est.

Répond Cédric à Alphonse en empochant l’arme avec un haussement d’épaules un peu complice. Tout porte à croire qu’il s’ennuie mais que le comportement de son employeur l’amuse, parce que de Livois se récrit :

- Cédric ! Ne fraternise pas !


Chuchote de Livois, mais un peu trop fort, avant de se racler la gorge. Il époussette un peu son manteau en plissant les yeux alors qu’il fixe le visage de Teodoro puis celui d’Alphonse.

- Très bien, très bien.

Fait de Livois. Il frappe dans ses mains.

- Vous diriez-vous hommes de terrain ? Hommes de parole ? Vous diriez-vous aventuriers, capables de braver les dangers d’une terre indomptée ? Vous diriez-vous patriotes, amoureux autant de l’or que de la vérité ?

Il s’exclame ce qui, par derrière, lui vaut un sourire en coin de la part de Cédric, mais de Livois n’en voit rien, tout transi qu’il est par son discours. A ce rythme, on dirait qu’il va leur proposer une mission secrète pour le compte du Prince d’Orsay mais il n’en fait rien, et pas étonnant qu’il ait probablement perdu en route plus d’un candidat. Mais il n’en est rien, il poursuit en faisant claquer sa cape.

- Une vente aux enchères se tient aujourd’hui sur les coups de quatorze-heures ! La terre de Nouvelle-Sérène, notre terre, si chèrement, si durement acquise, va être morcelée entre les mains avides de Thaddeus Altieri ! Lui et sa clique de brigands veulent vendre à prix cassé des lopins aux bons gens de Nouvelle-Sérène mais enfin, imaginez ! Il promet à ces pauvres hères désespérés la propriété, quand il ne leur offre aucune protection ! Ni gardes pour veiller sur leur sommeil, ni eau courante, ni aucune décence élémentaire !

… Même si bien des quartiers de Sérène et du reste du monde vivent les mêmes déboires, voire pire.

- Ils fâcheront leurs voisins les Natifs et la situation de la ville ne s’en trouvera qu’empirée. Il transformera cet endroit en ghetto ! En repoussoir pour les indigents ! On y mourra dans les rues, les corps emportés par la marée !

Cédric pose brièvement la main sur l’épaule de de Livois alors que les joues de celui-ci s’empourprent un peu tandis qu’il est transporté par la passion. L’aristocrate se racle la gorge.

- Oui enfin… Voilà… Je vais vous donner une bourse et vous devez aller perturber ce spectacle. Ramenez-moi autant de lots que vous pourrez, ou quelle que soit la méthode que vous jugerez appropriée. Mêlez-vous à la foule, bien sûr. Vous !

Il désigne Teodoro.

- Mon bougre, vous trop bien vêtu, alors que cette saison, je vous le dis, sera placée sous le signe du dénuement et de la retenue !

De Livois se tourne ensuite vers Alphonse.

- Mais vous, mon cher, êtes tout à fait dans le jus. Cela fera très bien l'affaire.
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« Intéressé, en effet, mon jeune ami. Et l'union fait la force, comme on dit toujours... vous êtes d'accord avec cet adage ?
Il est ma raison d’être et de faire, de répondre le grand blond. Teodoro Armetta. »

L’intéressé, d’un sourire tout autant affable que son aîné, présenta une main qui eût été une poigne énergique et ferme, si son interlocuteur lui avait accordé sa pince.

Son regard ne dévia pas même alors qu’il put apercevoir le cabot qui semblait appartenir au papy. L’animal faisait montre d’une certaine docilité à l’intention de son maître, de quoi paraître rassurant. Le commerçant ne se trainerait certainement pas une paire de boulets ; pis encore, ce serait à lui de faire ses preuves. Tout dans sa prestance et dans ses manières laissait penser qu’il justifiait d’un certain contrôle de la situation.

Il n’eut à peine le temps de faire connaissance avec son potentiel acolyte que le commanditaire à la cape de grand-mère se redonnait des airs de bonimenteurs. Ce qui, à nouveau… Ne déclencha aucune réaction chez Teodoro. Il exprimait cette même constance, quand bien même De Livois en appelait à ses sentiments ou promettait quelque récompense intéressante.

Il se tourna définitivement vers le ridé, dont la dégaine semblait plus appropriée que la sienne.

« Monsieur Fléchard, j’ai bien quelques idées pour aider notre ami commun. Le problème est que le temps nous est compté. Sommes-nous les seuls complices à agir pour les intérêts de Monsieur De Livois ? Pouvons-nous compter sur d’autres têtes pour esquisser un plan plus ambitieux ? Il va nous falloir rafler suffisamment de titres de propriété. »

Il reprit son souffle avant de poursuivre, et s’adressa cette fois-ci à son commanditaire.

« Vous avez une idée des lots qui seront proposés ? Au cas où des contrefaçons circuleraient non loin. Nous pouvons toujours essayer. »
Alphonse Fléchard
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"Oui, vous savez comment c’est."

Oh, ça, oui. Alphonse avait eu suffisamment de fois à faire le chien de cirque pour les nobles et les lettrés qu'il avait rapidement appris à ne pas s'offusquer qu'on lui demande de fouiller les trous de nez des visiteurs, voir s'ils cachaient pas des armes là-dedans.

Le comportement de De Livois manquerait presque d'arracher au vieil homme un sourire un peu pathétique. Qu'est-ce que tu viens faire ici, mon bonhomme ? T'as été puni ?

Le discours dans lequel il s'embarque réussit l'exploit de faire hausser un sourcil à Alphonse. Ce type est une pancarte publicitaire douée de parole. Il avait déjà croisé des bonimenteurs et des arracheurs de dents de tous poils, mais pour balancer ce genre de discours et donner autant l'impression qu'on y croit, fallait un certain culot et être bien conscient d'en faire des caisses. Chapeau.

"Il promet à ces pauvres hères désespérés la propriété, quand il ne leur offre aucune protection ! Ni gardes pour veiller sur leur sommeil, ni eau courante, ni aucune décence élémentaire !"

Attends, quoi ? Une vente aux enchères de terrains de Nouvelle-Sérène ? Mais tu parles d'une aubaine... ce serait l'occasion ou jamais de se prendre un petit pied-à-terre avec la nièce, et de se construire une bicoque en bois par-dessus. Quelques planches, un peu d'huile de coude, un coup de main de deux ou trois grands types pour quelques pièces et hop, on devient proprios de son propre palais avec niche sur rue.

Tout à sa rêverie, le soixantenaire cligne des yeux tandis qu'on lui décrit l'apocalypse et les plaies divines qui ne manqueront pas de fondre sur les malheureux nouveaux propriétaires de Nouvelle-Sérène...

"Oui enfin… Voilà… Je vais vous donner une bourse et vous devez aller perturber ce spectacle. Ramenez-moi autant de lots que vous pourrez, ou quelle que soit la méthode que vous jugerez appropriée."

Pa...pardon ?

Le type qu'Alphonse connaît depuis seulement quelques minutes va lui donner assez d'or pour récupérer plusieurs titres de propriétés à une vente aux enchères de terrains ?!

Mais il a été bercé contre la cuisinière, celui-là. Pour peu qu'Alphonse soit quelqu'un de réglo, ce qui était souvent à géométrie variable, rien ne l'empêchait de tout simplement disparaître avec la somme et de ne jamais donner de nouvelles. Mais pour un type qui avait les crocs et un peu d'ambition, non seulement il allait pas revoir son or, mais il allait pas revoir les parcelles de terrains non plus !

Soit la bonne étoile du vieillard venait de lui offrir son cadeau en avance, soit c'était un test pour autre chose... mais ça ne faisait pas sens. Deux personnes, dans une allée presque déserte ? Pratiquement pas de surveillance, pas de contrôle, pas de bout de papier à signer ?

C'était tout simplement beaucoup trop beau pour être vrai, il devait bien y avoir une entourloupe quelque part. Pour autant, Alphonse hocha la tête, l'air de rien.

"Mais vous, mon cher, êtes tout à fait dans le jus. Cela fera très bien l'affaire. "

"Merci bien, mon bon messire." répondit-il en toute simplicité, docile et paré à jouer le jeu. Le jeune homme à ses côtés lui tendit la main, qu'il serra sans trop réfléchir, tout à sa perplexité.

" Monsieur Fléchard, j’ai bien quelques idées pour aider notre ami commun. Le problème est que le temps nous est compté. Sommes-nous les seuls complices à agir pour les intérêts de Monsieur De Livois ? Pouvons-nous compter sur d’autres têtes pour esquisser un plan plus ambitieux ? Il va nous falloir rafler suffisamment de titres de propriété."

Ha donc le jeune était carrément prêt à jouer le jeu lui aussi ? Si ça se trouve, ils étaient tous de mèche, et on allait révéler à Alphonse que tout cela était une bonne farce, une blague de bienvenue sur Teer Fradee pour les anciens gardes ? Ou de la part de la petite ?

Nooon...? Rien.. ?

"Hem." *il se racla la gorge* "Il reste un point en suspens, mon bon messire. Nous allons, avec mon jeune comparse, très certainement nous atteler avec diligence à ce que ces titres de propriétés vous reviennent, comme il se doit. Toutefois, de combien seront nos gages ? Je me doute que vous nous permettrez, outre la bourse de fonds que vous allez nous confier, de bénéficier de vos largesses pour habiller mon acolyte de sorte à ce qu'il puisse se fondre dans la foule ?"

Là, avec ça, il allait vite voir si c'était du lard ou du cochon...
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Vincent de Livois aura regardé Alphonse quand celui-ci aura suggéré de rhabiller Teodoro. Finalement, il aura semblé décidé que ce monsieur là était d’un trop haut lignage pour être mis sur ce coup. Il l’aura donc laissé avec le dénommé Cédric et aura pris Alphonse à part.

- Mon brave, vous bénéficierez d’un gage à la hauteur de vos efforts. Cette bourse n’est pas sans fond ! Et celles des autres gageurs non plus, je vous ferais dire ! Altieri les a voulus ainsi.

Ce sont donc des gens du même acabit qu’Alphonse qui seront présents, et le soixantenaire a pu le voir : la ville commence progressivement à souffrir de la faim, les premiers signes de la disette ne trompent pas un vieux renard. On se tourne vers les racines et les bouillies d’orties. On réhydrate les vieilles miches dans de l’eau. On négocie âprement chaque piécette au marché.

- M’est avis que vous devriez laisser un ou deux lots filer, voir les prix, et les faire monter. Montrons à Altieri que personne n’est dupe : sa générosité n’est pas désintéressée. Je sais que dans le lot, il y en aura, des vautours. Altieri a essayé de trier un rien mais il y aura des acheteurs fonciers qui comptent revendre et auront les moyens de se procurer ces parcelles, quelles que soient vos manœuvres. Repérez-les. Laissez-les faire quand vous aurez assez enchéri pour trouer leurs poches. Ils finiront par morceler les terres et les remettre sur le marché de toute façon, mais c’est précisément contre ces personnes que doit aller la colère des bonnes gens présents…

Puisqu’ils sont non loin d’un vendeur de liqueur, une silhouette remonte la rue, et alors que de Livois s’agite, tout à son plan, il regarde fixement passer l’homme. Il fixe sa gueule un peu de travers, son teint, et comme ça, lève la main pour lancer.

- Monsieur ! Mon brave ! Vous ! Vous semblez être gentilhomme plein d’audace, recherchez-vous du travail ? Une façon de vous enrichir peut-être ? De partir à l’aventure !
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Anselme se frottait les tempes. Il était là, dans la rue, parce qu'il pâtissait de l'incompétence de son personnel. Il avait dû renvoyer pour la journée les quelques domestiques qui s'affairaient dans sa demeure. Pourquoi? Parce qu'ils étaient incompétents! Il n'y a pas meilleure raison que cela. Ces gens lavent des draps, récurent les sols, et ils ne sont pas foutus de le faire bien. Non, non, ils le font mal, parce qu'il ne le font pas par vocation. Rincer la merde, ça n'était clairement pas un objectif de vie, de ceux qu'on se donne étant enfant. Non, on veut être marin, naviguer, vivre des aventures, ou avoir une grosse affaire et plein d'argent. Mais on ne rêve jamais d'être un individu de bas étage qui ne survit qu'en prenant les restes de ceux pour lesquels on se tue à la tâche. Mais est-ce qu'Anselme avait demandé quelque chose? Bien sur que non. Il avait de l'argent, alors il faisait comme les autres, il en donnait à d'autres pour qu'ils réalisent des taches ingrates, et en échange, ils ne mourraient pas de faim. Pas toujours. Quelle idiotie que d'être pauvre...

En tout cas, la pauvreté, la faim, ou peut-être plusieurs générations de mariages entre cousins, n'étaient en rien des excuses. Il les payait pour des tâches bien particulières, et elles n'était pas remplies. Le jeune homme savait qu'il y avait eu manquement. Sur quoi, il ne s'en rappelait pas, mais il y avait eu manquement. Et ça, c'était inadmissible. En tout cas, il les avait sacrément engueulé.

Sans doute que les deux jours passés sans boire une goutte y étaient pour quelque chose. Pas pour lui, bien sur, il savait que le traitement était amplement mérité. Mais la vérité, la vraie, c'était qu'il était irritable, bien plus qu'à l'accoutumée, car il était à jeun, depuis bien trop longtemps pour son organisme mal habitué.

Il se frottait les tempes, encore, puis l'arête du nez, puis le bras, puis à nouveau les tempes. Il dormait mal, et son corps, plutôt que de le remercier de le laisser un peu tranquille, le trahissait, en lui faisant éprouver milles douleurs - il exagérait, bien entendu, mais ce n'était en rien agréable.

Anselme était donc sorti prendre l'air, et surtout, trouver de l'alcool. Pas à la taverne, cette fois-ci. Il voulait refaire un stock et le ramener chez lui, se laisser tomber dans un fauteuil et se laisser aller à son vice favori. Il pensait qu'il était également possible de faire ça à son bureau, en épluchant les comptes. Non, ceux-ci ne se portaient pas bien, et il attendait l'aide que son frère lui avait promis quelques semaines auparavant. Il valait mieux se changer les idées. Une bonne bouteille, et faire venir un homme, ou deux, dans sa chambre. Oui, voilà, une bonne distraction pour oublier l'incompétence de ceux qui étaient à son service. De quoi se requinquer avant de faire revenir ses gens et de leur montrer qu'il peut encore davantage les écraser lorsqu'il est en meilleur forme. Cette pensée lui arracha un sourire alors qu'il sortait de la boutique de liqueur. Rien de véritablement intéressant, mais il s'était au moins procuré une flasque d'une gnôle pas trop cher. Gardons quelques sous pour les distractions. Et pour de meilleures bouteilles, ailleurs.

Il releva la tête, laissant son sourire s'évanouir, lorsqu'il se rendit compte qu'on l'interpelait. "Mon brave". Mais qui était ce personnage bien familier ? Ils n'avaient probablement pas élevé les cochons ens-...

De l'audace ? Pour sur qu'il en avait.

Du travail ? Il en avait déjà bien assez, puisqu'il faisait même celui de ses domestiques !

S'enrichir...? Oui, toujours. Surtout en ce moment.

Anselme s'avança vers l'homme, glissant discrètement sa flasque dans une poche, sans y avoir encore touché. Il s'approcha d'une démarche assurant, affichant son plus beau sourire.


"Messieurs? Si vous cherchez quelqu'un d'audacieux, vous ne pouvez pas tomber mieux. Je suis tout ouïe..."
Alphonse Fléchard
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Satisfait de la réponse de De Livois - on l'aurait été à moins - Alphonse saisit les pans de sa ceinture, remonta cette dernière avec son pantalon sur son ventre et prit autant d'ampleur qu'il le pouvait pour affirmer, avec un aplomb qui en aurait désarçonné plus d'un :

"Mon bon sire, n'en dites pas plus. Je suis votre homme, et croyez bien que la justesse de votre cause a trouvé en moins un écho. Non seulement vais-je faire tout mon possible pour couler cette odieuse entreprise, mais vous pouvez compter également sur mon soutien à votre chère Dame Maeva d'Ortian."

"Compte là-dessus et bois de l'eau fraîche, pigeon" se garda-t-il bien de dire à voix haute. Il tendit la main en attendit qu'on la remplisse d'une bourse dodue, qu'il s'empresserait bien vite d'investir dans un terrain aux enchères sans le moindre scrupule. Et de préférence, un terrain pas loin d'une petite rivière où taquiner le goujon à l'occasion, avec le chien endormi à ses pieds. Oh, que ça allait être bien tout ça.

Mais avant qu'on ne lui remette en main propre son or - oui oui, le sien - voilà qu'on interpellait un nouveau candidat à la sauvette !

"Monsieur ! Mon brave ! Vous ! Vous semblez être gentilhomme plein d’audace, recherchez-vous du travail ? Une façon de vous enrichir peut-être ? De partir à l’aventure ! "


Dans le fond de l'allée, un type mal coiffé et aux yeux si cernés qu'on aurait juré les avoir perdus au fond d'une poche s'arrêta.

"Passe ton chemin, passe ton chemin..." se dit pour lui-même le soixantenaire, peu enclin à avoir un partenaire pour cette affaire. Moins il y avait de témoins et plus il pouvait agir à sa guise.
Mais l'homme ne passa pas son chemin, et à la grande déception d'Alphonse, s'avança même à leur rencontre.

"Messieurs? Si vous cherchez quelqu'un d'audacieux, vous ne pouvez pas tomber mieux. Je suis tout ouïe..."

Oh, pitié.

Il était peut-être encore temps de rectifier le tir ? Il s'adressa à De Livois :

"Oui enfin, vous savez... l'audace, ça fait souvent agir dans la précipitation. Il vous faut quelqu'un avec du sang-froid, mon bon sire. Évitons donc que la fougue de la jeunesse ne commette trop d'impairs..."

Même si cette jeunesse-là n'avait pas l'air trop fougueuse, ça valait le coup de jouer sur ce tableau.
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Une drôle d'affaire


Vincent saisit Anselme par les épaules et les lui tapote avec vigueur.

- Fort bien, fort bien !

Il s’exclame alors qu’il jauge la dégaine du bonhomme qui a l’air, à ses yeux, beaucoup plus « passe-partout » que ne l’était Teodoro. Cependant, il prend bonne note de la remarque d’Alphonse car il tourne son regard sur lui.

- Mon brave, vous avez raison, oui, bien raison vraiment ! Mais enfin, vous, avec la sagesse des ans, ne peut-on pas faire équipe mieux accordée ?

Il ne doit pas en être tout à fait certain, et sentir une certaine odeur dans l’haleine d’Anselme, ou quelque faille à son plan génial, car Vincent de Livois s’exclame d’un coup.

- Vous les accompagnerez, Cédric !

Cédric encaisse la nouvelle avec le stoïcisme qu’on connaît à un garde assermenté. Sa surprise est vite voilée par un froncement de sourcils, comme s’il se demandait comme il allait se dépêtrer avec ses nouveaux ordres.

- Si nous arrivons ensemble sur les lieux, ça paraîtra suspect.

Remarque le garde, et Vincent écarte la remarque d’un geste empressé du poignet.

- Vous vous séparerez avant.

Il affirme avant d’en revenir à Anselme pour lui annoncer :

- Le travail est très simple, mais de l’audace il en faudra ! Et ne dit-on pas « la fortune sourit aux audacieux » ?

Le sourire de Vincent est très blanc, très bien aligné.

- Vous devez foncer tout droit dans la vente aux enchères organisé par cet Altieri – sûrement, vous avez entendu parler de l’évènement ! Les quartiers populaires bruissent de cette nouvelle, tant qu’au palais on finit même par en parler ! Vous irez, donc, et vous saboterez l’évènement. Rachetez des lots, faites monter les enchères, ridiculisez le maître priseur, que sais-je ! Vous avez les fonds, mais ils ne sont pas vôtres à conserver. Cependant, une fois que votre tâche aura été accomplie le paiement viendra. Vous repartirez les poches pleines, il faudra revenir me trouver ici même, au moment où le soleil touche l’horizon !

Explique Vincent, ce qui est à la fois curieusement précis et affreusement vague.

- On va bouger ou ça va commencer sans nous.

Soupire Cédric qui fait signe à Alphonse et Anselme de se dégager de la ruelle pour rejoindre la rue principale. Quant à Vincent, il remet aux deux hommes la somme prêtée qui tient dans quatre sacs qui n’ont rien de trop grand ou de trop voyant.
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- Mon brave, vous avez raison, oui, bien raison vraiment ! Mais enfin, vous, avec la sagesse des ans, ne peut-on pas faire équipe mieux accordée ?

Aïe. Comment ça, "la sagesse des ans" ? Alphonse avait beau avoir la soixantaine, il n'était pas tout à fait sûr d'être quelqu'un qu'on pourrait qualifier de "sage". De rusé, à la limite, de dégourdi, certainement, de malin, à n'en pas douter. Mais "sage" ?

Il se contenta de faire un sourire qui devait ressembler à une grimace. L'arrivée de ce nouvel importun n'allait pas vraiment dans son sens, et il n'appréciait pas qu'un accroc se fasse dans un si beau plan.

- Vous les accompagnerez, Cédric !

Allons bon ! Voilà qu'on allait lui coller la Garde aux fesses maintenant ? Décidément, ses craintes se confirmaient, c'était bien trop beau pour être vrai toute cette affaire. Ou alors, il allait devoir la jouer beaucoup plus fine qu'initialement prévu...

- Si nous arrivons ensemble sur les lieux, ça paraîtra suspect.

Bon. Le Garde n'avait pas l'air davantage ravi par cette nouvelle que lui. Bien. Avec un peu de chance il pourrait peut-être le convaincre d'aller chercher une boisson à la taverne la plus proche, juste le temps de faire disparaître une petite parcelle... on refusait rarement à boire à un malheureux vieil homme qui a un coup de chaud. Ça pourrait marcher si...

Il observa Anselme. Bien qu'il ait l'air jeune, il avait aussi clairement l'air d'avoir passé un peu trop de temps dans les tavernes de Nouvelle-Sérène, ce gusse. L'envoyer chercher une boisson lui aussi pourrait peut-être fonctionner ? La lui offrir, même ?

- Rachetez des lots, faites monter les enchères, ridiculisez le maître priseur, que sais-je ! Vous avez les fonds, mais ils ne sont pas vôtres à conserver. Cependant, une fois que votre tâche aura été accomplie le paiement viendra. Vous repartirez les poches pleines, il faudra revenir me trouver ici même, au moment où le soleil touche l’horizon !

Qu'est-ce qu'il était dramatique, ce bonhomme-là. Pour sûr il avait de la famille dans le théâtre. Ou l'habitude de mendier dans la rue ?

- On va bouger ou ça va commencer sans nous.

Alphonse récupèrera avec un sourire bien plus franc cette fois les sacs de pièces qu'on lui confie. Suivant la marche, Anselme et Cédric cheminant à ses côtés et tout à ses réflexions, il s'approche du premier, qu'il aborde avec bonhommie.

"Alors, mon jeune ! Moi, c'est Alphonse. Et toi, c'est comment ? C'est qu'on va faire équipe, pas vrai ? Autant qu'on se serre les coudes, pour en récupérer... un maximum !"

L'hameçon est lancé. Reste plus qu'à voir si ça mord.
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Les portes


Cédric fait rapidement signe à Anselme de prendre un autre chemin pour qu’ils ne soient pas tous vus ensemble. Le garde chemine ensuite aux côtés d’Alphonse. Ils se dirigent vers la sortie de la ville sur un chemin qui a été récemment aplani pour donner à la grande porte en pleine construction un peu plus de cachet. C’est qu’elle sera bientôt frappée du sceau de la Congrégation, une arche de pierres pâles qui se réduit pour le moment au martellement du burin des ouvriers. Personne n’aime travailler par ce temps, même si les jours rallongent significativement. Impossible de se tromper : l’été est proche. Et pourtant…

Il semble que la vente aux enchères va se tenir au Nord de Nouvelle-Sérène, sur un grand terrain défriché. La forêt autour est comme un mur, sous le ciel d’un gris acier elle n’a rien d’hospitalier. Une partie des alentours a été louée à de la paysannerie locale pour en faire des terres arables, et au loin il y a une auberge, un petit gîte qui marque la fin des terres de la Congrégation Marchande. Ensuite commence… Le grand rien. Un projet de scierie est dit-on en discussion bien plus loin à l’intérieur des bois, certainement pas dans un périmètre que la Gouverneuse d’Ortian peut pour le moment prétendre protéger.

Une estrade a été montée. On aperçoit les silhouettes qui s’amassent. Cédric et Alphonse ont été dépassés sur la route par des pressés, certains ont à peine quelques frusques sur le dos. Leur bourse ne soit pas être très remplie mais il était écrit sur les affiches, il était dit au creux des oreilles ; tous peuvent tenter leur chance.

C’est la dernière occasion pour Alphonse de converser avec Cédric s’il le souhaite. Bientôt, ils seront au cœur de l’action et le soixantenaire peut aller à sa rencontre.
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Alphonse observe le jeune homme s'éloigner de son côté. Décidément, il croise beaucoup de monde depuis ce matin sur cette affaire, et il en vient à se demander quelle proportion de la ville ils ont alpagué jusqu'ici...

Pas farouche pour autant, le vieil homme suit le mouvement, sifflant Angelo pour que le chien marche sur ses talons. Ils passent à proximité des ouvriers et, songeur, Alphonse se dit qu'il est bien mieux à essayer de récupérer de l'argent par un tout autre moyen que de frapper dix heures d'affilée sur de la caillasse.

Arrivés aux abords de la fin du territoire de la Congrégation Marchande, le soixantenaire observe le ciel avec une moue d'inquiétude, espérant sans doute qu'il ne se mette pas à pleuvoir sur leurs têtes, ça ferait désordre, et s'abriter dans la forêt et la boue n'est pas en tête de ses priorités du jour.

C'est qu'il y a du monde de rassemblé, près de l'estrade, mais pas forcément du beau. On a du travailleur, de l'ouvrier, de l'artisan... du tâcheron, capable de s'enfiler le litron de rouge le soir avant d'aller s'écrouler au lit pour recommencer le lendemain la journée à l'identique.

Cheminant auprès de Cédric, il avise ce dernier. Des épaules larges, un sacré gabarit... du genre qu'on préfère avoir à ses côtés plutôt que de le croiser en face, sur le champs de bataille comme dans une ruelle sombre.

"Dites voir, mon grand..." demande-t-il, d'un Garde à un autre."...comment vous vous êtes retrouvé dans cette histoire, vous ? Bâti comme vous l'êtes, si c'était moi qui gérait les affectations, j'vous aurais certainement mis à un poste où vous seriez beaucoup plus utile qu'à accompagner un vieillard à une vente aux enchères dans les bois."

Il lui tendit un cigare, geste assez familier chez lui lorsqu'il voulait tirer les vers du nez de quelqu'un. Se montrer amical et à l'écoute aidait généralement son interlocuteur à se mettre à table.

"Y'a une histoire là-d'ssous, pas vrai ?" lui demanda-t-il, un sourire aux lèvres.
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Dissensions


Cédric a un rire sincère aux questions d’Alphonse. Le son est plutôt mélodieux pour la voix caverneuse de l’homme. Il soulève son casque pour passer une main dans ses cheveux et soupire, refusant le cirage d'un geste - il est en service - mais il remercie le soixantenaire. Il ne doit pas apprécier devoir porter son équipement pour le décorum quand il sait fort bien qu’il n’aura à affronter personne – personne qui vaille la peine d’enfiler protection de tissu, puis de cuir, puis le large ouvrage de métal. Malgré la température, Cédric a un peu de sueur aux tempes. Qui n’en aurait pas ? Combien de temps a-t-il passé debout à devoir porter tout ce poids sur ses épaules alors que de Livois n’arrivait à rien.

- Ma foi, mon poste est plutôt avantageux, je suis sûr que vous serez d’accord. C’est pas le rêve, de servir une famille noble ?

Il ironise un peu mais il n’a pas tort. En théorie, la paie est souvent très bonne.

- C’est Madame de Livois qui m’emploie.

Il explique ensuite mais ajoute.

- Madame de Livois mère. Il n’y a pas de Madame de Livois femme. Monsieur de Livois fils est célibataire.

Encore une fois il y a une pointe d’ironie dans son ton, mais on dirait presque qu’il prend toute cette affaire à la rigolade depuis le début. Ce n’est pas tant qu’il a l’air de s’en fiche, à son gros soupir, que le prendre à la rigolade rend les choses plus faciles.

- L’histoire est pas très compliquée. Monsieur de Livois fils veut que je vous surveille pour pas que vous alliez courir les collines avec tout son or.

Ce n’est pas un avertissement ou une menace, pas au nouveau rire de Cédric. Il a l’air de trouver toute l’histoire un peu ridicule. Madame de Livois doit très bien le payer pour qu’il accepte d’être aussi coulant avec les facéties de son fils. Après tout, Cédric a bien dit servir Madame de Livois, pas « la famille » de Livois, et encore moins Vincent de Livois.

- Tous ces pauv’ gens.

Grommelle Cédric en voyant la foule amassée au loin.  
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Alphonse rangera le cigare offert, non sans s'en allumer un pour lui-même. Il n'est, après tout, plus en service depuis un bail, lui. Et à voir l'état dans lequel se trouve l'homme qui chemine à ses côtés, il est bien content que ça ne soit plus le cas. L'apparat était ce qui l'emmerdait le plus profondément dans ce boulot, et faire le toutou qui donne la patte aux nobles lui donnait de l'urticaire. Autant que possible, au cours de sa longue carrière, il avait esquivé, délégué, ou prétendu être malade lorsqu'on offrait ce genre de missions comme une "récompense" - ha, certes, la paie était bonne. Mais aux yeux du vieil homme, elle ne méritait pas de s'enfermer dans le corset moral d'une bonne conduite irréprochable, où il étouffait systématiquement. Très peu pour lui.

- "Ma foi, mon poste est plutôt avantageux, je suis sûr que vous serez d’accord. C’est pas le rêve, de servir une famille noble ?"

- "Pas le mien, en tous cas. J'ai déjà donné quand je devais être plus jeune que vous, et ça s'est jamais terminé bien. Faudra que je vous raconte l'histoire de "Mademoiselle Biquette", comme on la surnommait... mais ce sera autour d'un verre, ça."

Sous-entendu, "pas de soucis à ce que vous soyez en service, jouons selon vos règles".

- "C’est Madame de Livois qui m’emploie. Madame de Livois mère. Il n’y a pas de Madame de Livois femme. Monsieur de Livois fils est célibataire."

- "Il a pourtant l'air d'un type charmant."

Dit-il sans ironie, mais en sachant pertinemment que ce n'est pas le propos. Aussi charmant ou non puisse-t-on trouver Monsieur de Livois, les mariages sont moins affaires de cœur que d'argent et de pouvoir.

- "L’histoire est pas très compliquée. Monsieur de Livois fils veut que je vous surveille pour pas que vous alliez courir les collines avec tout son or."

- "Oh, croyez bien mon gars, que si devais courir avec l'or, ce serait pas pour aller dans les collines. J'aurais tout un tas de projets plus fructueux en tête. Vous, tenez, vous feriez quoi, avec cette somme, par exemple ?" demande-t-il, sur le ton de la confidence. "Moi j'pense que je m'garderai un d'ces terrains pour ma pomme, voyez-vous. Histoire de construire une petite maison dessus, pour mettre la famille à l'abri. Parce qu'à mes yeux, c'est surtout ça qui devrait compter, dans la vie d'un homme. Mettre les gens qu'on aime à l'abri."

Il observe, à son tour, la foule amassée au loin, tous les miséreux rassemblés là avec leurs économies de bouts de chandelles, dans le fol espoir d'avoir assez pour se payer un bout de terrain. Et y planter leurs tentes dessus, supposait-il.

- "Tous ces pauv’ gens."

- "Faut bien tenter quelque chose, quand on est dans l'impasse." répond sobrement le soixantenaire. "Même si ça implique que quelqu'un va très certainement chercher à en profiter. Quand on bosse dans l'exploitation d'son prochain, on vise les plus faibles en priorité."
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La scène


Cédric a un nouveau rire à la mention de « Mademoiselle Biquette ».

- C’est ça la retraite, alors ? On n’est plus tenus à la discrétion ? Ou alors cette Mademoiselle doit être sur le Continent et vous ne craignez pas ses représailles.

Remarque le Garde. Pas fou, il ne va pas commencer à échanger des histoires avec un type qu’il vient de rencontrer, ancien Garde ou pas. Mais Cédric le dit gentiment, il laisse tomber avec humour, un trait qui n’est pas si commun dans le métier. Pas étonnant qu’on lui ait donné la charge d’une maison d’importance. Alphonse doit bien savoir que les Gardes qui sont employés par les nobles sont parfois placés de façon stratégique par le commandement auquel ils rapportent certains détails. Il est cependant bien difficile de distinguer un simple grunt d’un agent qui a ainsi gagné la confiance de ses supérieurs.

Cédric souffle par le nez lorsqu’Alphonse qualifie Vincent de « charmant » :

- C’est un gentil type, faut pas croire.

Il répond, comme s’il l’avait pris comme une moquerie.

- Il est très…

Il cherche un instant ses mots.

- … Têtu, c’est tout.

Alors qu’Alphonse affirme que mettre ceux qu’on aime en sécurité devrait être tout ce qui compte dans la vie, le visage placide de Cédric est traversé d’une moue de tristesse passagère.

- Oui. Bien sûr.

Il fait, simplement. Il passe une main lasse sur son visage avant de changer rapidement de sujet en lançant.

- L’est si mal que ça Altieri, vous croyez ? Qu’il a vraiment rassemblé tous ces gens pour se foutre d’eux ?

Apparemment, Cédric ne partage pas nécessairement les allégeances de son maître, ou du moins du fils de sa maîtresse. Peut-être a-t-il simplement des doutes. Mais visiblement, Cédric a déjà appris la leçon importante : ça n’importe pas pour faire son métier. Quelle que soit la bannière qu’il brandit, le blason qu’on lui colle sur le torse, il reste un Garde.

Alphonse peut commencer à discerner les traits de la personne perchée sur l’estrade. Il s’agit d’une femme qui doit avoir dans ses âges, un rien d’embonpoint mais des bras qui ont charrié lourd pendant des décennies. Elle porte une robe du peuple, coupée au-dessus des chevilles pour pouvoir se déplacer et travailler, et son visage parsemé de tâches qui viennent avec le temps et les labeurs sous l’implacable soleil du Continent indique qu’elle ne doit pas s’être appliquée de maquillage non plus. Dans ses cheveux aux tresses collées, elle a glissé quelques anneaux d’argent comme si sa tignasse encore belle et abondante devait porter la fierté d’une fortune probablement acquise récemment. Ses yeux noirs et vifs se posent sur la foule, alors qu’elle se redresse après avoir serré la main d’un type qui l’élevait vers elle et avoir échangé avec lui quelques mots. Dans ses petites bottines, elle arpente la scène improvisée avec assurance. Elle a un pistolet à la ceinture et des sacoches de poudre pendant sur la sangle qui barre son torse. Altieri a fait fort en recrutant cette femme-là, d’où qu’elle vienne, en un instant elle semble incarner ce qu’il promet : richesse sans s’éloigner de ses racines, protection quitte à faire le sale boulot soi-même. Il n’a pas pris une jeune beauté évaporée. De chaque côté de l’estrade se trouve un garde – mais pas des membres de la Garde du Denier. Pourtant, il y en a, en civil dans la foule. Alphonse peut en reconnaître certains, à leurs tenues encore frappés de leurs insignes, ou à leur posture. On est venu de partout, on a tous les âges, tous les genres, mais aucune bourse ne semble ici déborder, et on joue du coude pour se presser près de l’estrade. La femme juchée dessus donne un coup sec dans la structure derrière elle qui soutient un grand tableau noir. Les barres de métal vibrent si fort qu’il y a de quoi en claquer des dents, et cela ramène un peu le calme en contrebas. Il ne faudrait pas que cet évènement soit entaché d’une émeute… Voilà une autre façon dont Alphonse, s’il le désirait, pourrait faire capoter la vente aux enchères.
 
Alphonse Fléchard
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- C’est ça la retraite, alors ? On n’est plus tenus à la discrétion ? Ou alors cette Mademoiselle doit être sur le Continent et vous ne craignez pas ses représailles.

- Oh, non, rien à voir avec la retraite, ni même avec la Garde. Ça, c'est juste moi.


Alphonse se fendra d'une révérence forcée, à la manière d'un comédien sur les planches. Assurément, le bonhomme n'est pas vraiment représentatif de l'excellence qu'on serait en droit d'attendre d'un soldat d'élite, mais l'a-t-il jamais été ? Bien au contraire, il était davantage celui qui ruse, qui farfouille, qui a la plaisanterie facile et bien souvent le mot de trop. Mais c'était aussi pour ça qu'on l'aimait tant.

- Et ce serait elle qui devrait craindre mes terribles représailles, si je n'étais pas aussi magnanime. Les choses que j'ai vues, mon ami... les choses que j'ai vues...


Continuant de cheminer tranquillement auprès du jeune homme, il tend une oreille attentive lorsqu'il lui parle de Vincent de Livois avec... affection ? Tendresse ?

- C’est un gentil type, faut pas croire. Il est très…têtu, c’est tout.

- Il faut l'être sacrément pour embaucher le premier vieillard venu et l'envoyer en mission secrète à l'autre bout de la ville avec sa bourse. Il doit avoir de la suite dans les idées, ce jeune homme, sinon il se donnerait pas tant de mal que ça. On est jamais qu'un moyen pour une fin, pas vrai ?


Il y a de la résignation dans la voix du vieil homme. Assurément, être Garde, c'est accepter d'être un outil, et on ne demande pas son avis à un outil. On le balade à gauche à droite, on s'en sert tant qu'il est utile, et quand il a cessé de l'être on le remise ou on s'en débarrasse.

- L’est si mal que ça Altieri, vous croyez ? Qu’il a vraiment rassemblé tous ces gens pour se foutre d’eux ?

- Mon bon ami, s'il y a bien quelque chose que j'ai compris avec l'âge, c'est qu'on ne fait jamais rien sans raison, et que la raison c'est bien souvent l'argent, le pouvoir, ou une paire de fesses. Des fois même, les trois à la fois.


Assurément, et même s'il ne l'a jamais rencontré, Alphonse a déjà un avis sur Altieri. Et il n'est probablement pas très bon. Il sait reconnaître un filou quand il en croise un, ils sont de la même race. Et ce n'est pas pour rien que le vieil homme ne s'est jamais essayé à la politique ou au commerce de grande envergure. Pas qu'il ne serait pas bon oh la, doucement... mais plutôt qu'il se ferait plus d'ennemis qu'il ne serait capable d'en gérer. C'est trop de tracas, tout ça, et ça pèse sur la digestion.

Mais ce qui lui ouvre l’appétit en revanche, c'est cette délicieuse créature sur l'estrade. Ces bras, fiouuu. Adepte du pistolet, fichtre. Et ces cheveux, semblables à une forêt où l'on aimerait à se perdre des heures. Serait-il poète qu'il en gratterait du papier.

Alphonse, cependant, n'est pas un poète, pas plus qu'il n'est là pour déclamer des vers. Il est un... genre d'homme d'affaires. Il observe, à gauche, à droite, les gens rassemblés dans les parages. Ils ont faim, les dents longues, envie de réussir, besoin de prouver quelque chose pour certains. Quand on a ça dans les yeux, on est souvent prêt à marcher sur les autres pour atteindre son objectif. La poudre est donc stockée ici, ne manque qu'une allumette.

Et l’allumette, c'est lui. Il sourit en coin, et essaie à son tour de s'avancer jusqu'à l'estrade, jouant de ses larges épaules et de la présence du gros chien à ses côtés au besoin, mais en restant poli et en s'excusant aimablement, y allant carrément au culot, comme s'il était attendu en personne pour que la vente commence, sa vente d'ailleurs, vu qu'il possède l'endroit, l'île toute entière, et la moitié du continent sûrement.

C'est qu'il faut tout de même serrer la main à cette dame, avant de ruiner sa vente aux enchères.
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La scène


Cédric se contente d’un nouveau ricanement, mais à la mention du plan de Vincent il se rembrunit et soupire.

- Si vous avez les yeux en face des trous vous savez bien que c’est stupide. Il va se faire un ennemi de taille et c’est pas dit que d’Ortian ou Madame de Livois le pardonne. C’est même pas dit du tout pour Madame de Livois. Il pourra pas y couper.

A quoi donc ? Le Garde ne développe pas. Il hausse les épaules, faisant légèrement cliqueter son armure, comme pour répondre à Alphonse « Pas faux » et puis il le laisse s’engouffrer dans la foule. On jette d’abord des regards à Cédric à cause de la façon dont il est fagoté mais c’est contre Alphonse qu’on s’énerve. Il lui faudra bien une dizaine de minutes et beaucoup de patience pour rejoindre l’estrade parce qu’il n’est pas le seul qui a eu cette idée et on l’invective beaucoup. La femme sur l’estrade semble l’avoir remarqué mais pour le moment elle ne fait pas mine de l’aider. Avec une grande craie elle dessine des lignes au tableaux, là où elle va inscrire les premiers lots, et avant qu’Alphonse n’ait pu enfin rallier son objectif – et il a failli se prendre un ou deux coups dans le nez – elle épingle contre l’ardoise un plan qui fait que toute la foule s’élance collectivement vers l’avant, comme dans un grand mouvement muet, et Alphonse est donc poussé mais cette fois-ci un peu trop contre l’estrade. Une foule est quelque chose de dangereux et son chien ne suffit pas, là, le torse pressé contre le bois, il peut sentir brièvement le souffle lui manquer alors que face à lui s’étale la carte des parcelles à la vente. C’est une sacrée terre qu’Altieri divise, le dessin est net et propre, fait pour être compris même de ceux qui ne peuvent pas lire.

Au moment où Alphonse est à deux doigts de manger d’air, la silhouette de la femme se penche sur lui et elle lance d’une puissante voix d’alto.

- Laissez-le respirer, pardi ! On fait pas le voyage ici à son âge pour crever à un doigt de la retraite !

Elle montre d’un geste éloquent le tableau et puis s’intéresse à Alphonse, la tête légèrement penchée sur le côté comme si elle se demandait ce qu’elle avait dégoté. Ses cheveux, sa peau et ses yeux sont uniformément sombres, ce qui tranche avec le métal luisant de son arme, comme lustrée pour l’occasion.

La foule s’ouvre un peu. Un peu seulement. Tout le monde veut avoir une bonne vue sur le cadastre.

- Alors, savez où vous allez l’installer votre petit coin de paradis ?

Elle lance à Alphonse, comme en confidence, mais trop haut pour que ce soit vraiment le cas. Ils doivent être parmi les plus âgés ici, elle et lui, évidemment qu’il fait un bon exemple promotionnel. C’est pas comme sur le continent, on l’entendrait presque dire, Altieri ne le laissera pas crever dans un hospice. Il a la même chance que les jeunes aux dents longues, même si celle de se faire une fortune lui est passée devant dans longtemps… Il n’a qu’à la saisir.
Alphonse Fléchard
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Pressé par la foule, le soixantenaire tente de faire de son mieux pour user de son charme habituel, mais on dirait bien que ça ne prend pas aujourd'hui. Angelo finira même par aller se mettre à l'abri de lui-même, la queue entre les pattes, lorsque le mouvement de foule se fait trop vivace... merci mon chien.

À une personne trop énervée qui veut en venir aux mains, le vieux envoie, sous couvert d'une accolade comme s'il manquait de tomber, un crochet dans le foie histoire de le calmer un peu. "Oh, désolé..." dira-t-il davantage aux alentours qu'à la personne à qui il vient probablement de paralyser un petit moment. "Attention, il fait un malaise, aidez-le, bon sang..." demandera-t-il à la personne qui a l'air d'être la plus grosse poire du coin, non loin, afin d'éviter que le type ne revienne à la charge trop vite...

Mais le malaise, c'est Alphonse qui manque de le faire lorsqu'il est pressé par toute la foule contre l'estrade. Là, il commence à regretter son choix, et lui vient même, un court instant, cette peur que peut-être, cette fois, ça va être la bonne, qu'il va passer l'arme à gauche pour de bon...

Heureusement que non, et il respire avec un sacré soulagement lorsqu'il sent l’étau se desserrer autour de lui, et envoie un regard et un sourire de reconnaissance à la brave dame sur l'estrade, la main sur le cœur, comme s'il avait manqué de peu de défaillir.

"Oh, ma bonne dame... c'est que j'y serais probablement passé sans votre aide ! Et dire que la retraite, j'y suis déjà jusqu'au cou, et que tout ce qu'il me manque, c'est un petit lopin de terre où faire courir les petits enfants..."

Bon, il n'y a pas plus de petits enfants que de beurre sur la main, mais ça ne ferait pas une bonne histoire sans au moins trois ou quatre marmots. Dont un qui boîte et qui a les yeux pas droits.

Le vieil homme profite de la discussion pour jeter un coup d'œil sur le cadastre, à la recherche des informations qui lui manquent. Il avait mine de rien un beau petit paquet sur lui, et il allait devoir miser sur le bon cheval s'il voulait repartir avec plus qu'une solde de coursier à la fin de la journée...
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La scène


La manœuvre d’Alphonse a effectivement pour effet de faire ses révulser les yeux du type qu’il vient de frapper, mais cela crée encore plus de mouvement dans la foule.

Heureusement, voilà que le soixantenaire peut respirer à nouveau. Son interlocutrice a un sourire, au début presque attendri, mais qui devient de plus en plus narquois à mesure qu’Alphonse poursuit.

- Mon bon monsieur, ne vous dégradez pas comme ça. Il y a encore de la vie même dans des carcasses qui ont connu quelques décennies et… quelques aventures.

Elle le raille un peu. C’est qu’il n’a pas exactement la dégaine d’un type qui a passé sa vie à faire la popote avec son épouse, jusqu’à pondre cinq gamins, qui eux-mêmes en ont donné une dizaine. De son chien à son équipement, Alphonse n’a pas l’air bien riche, mais il ne ressemble pas aux autres seniors présents dans la foule. Le peu qui sont venus sont en habit de ville, et n’osent pas s’aventurer en plein dans la mêlée, sauf un homme, petit et maigrichon, qui a l’air centenaire et agite sa canne d’un air particulièrement menaçant envers quiconque essaie de l’empêcher d’approcher pour avoir une meilleure vue des lots.

La femme sur l’estrade repère d’ailleurs le regard d’Alphonse vers le tableau. Elle lui tend une main pour la lui serrer.

- Carlotta.

Et s’il lui empoigne, elle le hisse avec elle sur l’estrade, non sans son aide évidemment. Mais sa poigne est ferme. Elle se redresse ensuite et ouvre les bois.

- Monsieur est très ambitieux ! Il a risqué la suffocation pour venir jusqu’ici ! Un bon rappel, messieurs dames, qu’on meurt dans une foule plus facilement que face à un flingue ! Maintenant…

Elle flanque sa main sur l’épaule d’Alphonse et l’approche du cadastre.

Il y a 50 lots qui couvrent la grande parcelle sur laquelle ils se trouvent et les alentours de la ville, jusque dans la forêt. Le plus grand est d’ailleurs en plein dans les bois, sans aucune terre défrichée. D’autres sont dans ses abords. D’autres sont à découvert, dans les champs. Certains lots sont tout petits, il y a de quoi construire une cabane dessus, ou même rien qu’un potager. D’autres permettraient à une véritable exploitation de se mettre en place, un près de la rivière notamment, un tel accès à l’eau pure et claire, en amont de Nouvelle-Sérène…

C’est une enchère pour ceux qui ont de la suite dans les idées, et l’aplomb de les voir se réaliser. La plupart des grandes parcelles ne sont pas à des endroits encore dégagés ou même sous la protection de Nouvelle-Sérène. Elles sont au creux de la colline, contre la muraille des arbres… Et Alphonse a entendu parler de Selveggia et de la débâcle que ça a été, un rêve étouffé dans l’œuf.

- Choisissez le premier lot.

Fait Carlotta à Alphonse, le bras sur son épaule, détendue, presque familière. Pourquoi le colle-t-elle comme ça ? Soupçonne-t-elle quelque chose ? Est-ce parce qu’il est arrivé avec un garde, le seul en armes, et avec une belle livrée en prime ? Cédric a beau se tenir à l’écart de la foule, il fait tâche dans ce paysage où on voit tout venir de très loin, Alphonse peut maintenant s’en apercevoir puisqu’il est perché sur l’estrade. Ce devait être intentionnel, la moindre silhouette jusqu’aux portes de la ville on la distingue tant tout est plat, la forêt ratiboisée.
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"Mon bon monsieur, ne vous dégradez pas comme ça. Il y a encore de la vie même dans des carcasses qui ont connu quelques décennies et… quelques aventures."

Ça, des aventures, il en avait vécues quelques-unes. Souvent mémorables, parfois oubliables, pas toujours racontables à table...

Et voici qu'à son âge, il était de nouveau embarqué dans de nouvelles histoires abracadabrantes. Il passerait peut-être sous silence le moment où une foule avait failli le comprimer contre une estrade comme un raisin pour les vendanges. S'emparant de la poigne de la femme, il se hisse sur le promontoire.

"Carlotta."

"Alphonse. Alphonse Fléchard."

Il aimait bien répéter son prénom, avant de donner son nom de famille. Il avait toujours trouvé que ça lui donnait de l'allure, un air classe. Serrant et desserrant sa main après la poignée, la secouant un peu, il hoche la tête d'un coup sec sur le côté.

"Vous ne manquez pas  de poigne, Carlotta ! Je constate qu'on a pas confié ce chantier à n'importe qui !"

Assurément, le vécu de son interlocutrice devait regorger d'histoires. Dommage, ce n'était ni l'endroit ni le moment pour se raconter ses aventures. Peut-être une autre fois.

"Monsieur est très ambitieux ! Il a risqué la suffocation pour venir jusqu’ici ! Un bon rappel, messieurs dames, qu’on meurt dans une foule plus facilement que face à un flingue ! Maintenant…"

La main posée sur son épaule le dirige vers le cadastre. Alphonse suit les pas, il a l'habitude de danser, et même si d'ordinaire il est celui qui mène la valse, c'est agréable pour une fois de se faire embarquer.

Il est désormais assez prêt pour juger des parcelles, et de la meilleure façon de faire capoter la vente. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça ne va pas être une partie de plaisir.

Il y a beaucoup plus de lots que ce que le contenu de la bourse d'Alphonse pourrait lui permettre d'acquérir. Pas étonnant que De Livois ait cherché plus d'une personne à envoyer sur place. Entre mener les enchères, créer une diversion, s'occuper des gardes sur les côtés, s'assurer d'avoir assez de temps pour manœuvrer intelligemment... c'est risqué. Trop, en convient désormais le soixantenaire, en tous cas pour la somme qu'il empocherait à la fin s'il obéissait à son ordre de mission à la lettre.

Mais ça, il ne le faisait déjà pas du temps où il bossait, c'était pas pour commencer à la retraite. En revanche, quelque chose qu'Alphonse avait appris avec les années, c'était changer son fusil d'épaules.

"Choisissez le premier lot."

À sa façon de le coller, soit elle voulait l'épouser là, maintenant, sur l'estrade - et c'était peu probable - soit elle l'avait dans le collimateur depuis un moment déjà. Évidemment, c'était la deuxième réponse.

Il avait manqué de prudence, et s'était avancé à découvert, accompagné du seul Garde dans le périmètre qui portait une armure intégrale. Il était grillé depuis qu'il était entré dans la ligne de mire de Carlotta. Elle avait serré beaucoup de mains, mais c'était lui qu'elle avait fait monter sur scène. Elle voulait savoir de quoi il en retourne.

Elle n'allait pas être déçue.

Quand on n'a pas une bonne main, on la change. Alphonse, tout sourire, joint ses deux poings et les lèvent bien haut, en signe de triomphe. On pourrait croire qu'il vient de remporter un concours. Lui, ou son chien.

La foule fait déjà du bruit. Qu'elle l'applaudisse ou qu'elle le hue, peu importe. Il se tourne vers Carlotta, ou plutôt, il tourne le dos au public, et parle à voix assez basse pour être entendu d'elle seule.

"Le Garde qui m'accompagne est envoyé par De Livois. Soutien de d'Ortian. On m'a demandé de saboter la vente."

La chance, quand on en a pas, il faut bien la forcer un peu. Et à ce moment précis, c'est sur ça qu'il compte en vendant Cédric, et De Livois avec pour faire bonne mesure. Les secondes défilent aussi lentement que des heures, alors qu'il attend la réponse de cette femme qui lui fait face.
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- Alphonse Fléchard.

Répète Carlotta, comme si elle mémorisait avec soin le nom de son interlocuteur. Alors qu’ils sont tous les deux tournés vers le tableau, un instant passe, et le vent dans ces plaines défrichées fait s’agiter les tresses de Carlotta. Il emporte son bref soupir de soulagement lorsqu’Alphonse passe aux aveux.

- Vous êtes seul ?

Elle lui demande, à mi-voix, dans ce flottement qui ressemblerait presque à de l’intimité ; le moment des comploteurs. Il se dissipe vite, car malgré l’impression que la foule n’est qu’un vague raffut comme le seraient le bruit des vagues ou des bourrasques dans les arbres, ils ne sont pas seuls.

Carlotta met une légère tape amicale à Alphonse sur l’épaule.

- Continuez de les garder à point pour moi. J’vais aller lui parler, on va s’arranger. Vous avez bien fait.

Elle se dégage ensuite et s’exclame vers l’assemblée alors que les talons de ses bottines claquent sur le sol de l’estrade :

- Monsieur a le choix sûr !

Et la voilà qui, pas pressée, descend les marches de la scène improvisée.
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- Vous êtes seul ?

"Juste moi et mon chien."

Angelo ne s'est en effet pas fait prier pour monter sur l'estrade lui aussi, s'y étant repris à deux fois, ses pattes arrières griffant le rebord pour l'y hisser. Et pour le coup, à part eux, et de ce qu'Alphonse en sait, ils sont seuls sur l'affaire. De Livois n'a pas réussi à trouver plus qu'un vieillard et son animal de compagnie pour cette mission d'envergure. "Et bah il aurait dû." s'en lave les mains le soixantenaire.

La tape de la femme est amicale, et mieux vaut sur l'épaule que sur la joue, le message est pas le même. Apparemment, il a fait le bon choix en dévoilant ses cartes, et il a même une chance de relancer pour doubler la mise.

- Continuez de les garder à point pour moi. J’vais aller lui parler, on va s’arranger. Vous avez bien fait.

Les garder à point ? Mais c'est qu'il ne fallait pas le lui demander deux fois. Alphonse n'était jamais aussi bon orateur que lorsque son public n'avait de toutes façons pas d'autre choix que l'écouter.

"Très bien, mesdames et messieurs..." entame-t-il, poussant de la voix aussi loin qu'il le peut. "...ça ne vous a sûrement pas échappé que c'est moi, et oui, MOI, qui vais avoir le privilège de choisir le premier. Le PREMIER ! Et vous vous demandez, sans doutes, pourquoi est-ce que c'est moi, oui, MOI, qui ai gagné cet insigne honneur !"

Il ne savait pas du tout où il allait, mais ça ne l'avait jamais vraiment empêché de continuer.

"Alors j'entends déjà les jeunots du premier rang s'esclaffer qu'il vaut mieux que Papy se dépêche de choisir, parce qu'après tout, si ça se trouve, dans deux heures il aura cassé sa pipe ! Encore une petite choppe, grand-père ? C'est toujours la dernière la meilleure...!"

Celle-là, elle faisait toujours marrer. Enfin, quand les gens avaient un coup dans le nez. Oh, y'en avait bien un ou deux qui était pas venu sobre, allez...

"Et y'en a d'autres qui s'imaginent sans doutes que tout ça, c'est truqué ! Et que je suis, en réalité, un complice ! Mais mesdames ! Messires ! Cette carte ! Je ne l'ai jamais vue de ma vie ! Je vous jure que je ne la connais pas !"

Les poings sur les hanches, Alphonse feint la sénilité, et peu importe qu'on lui jette des fleurs ou des tomates. Le tout, c'est de gagner du temps.

"Naaan, mes belles dames ! Mes beaux sires ! Enfin beaux, pas lui là, au premier rang... c'te trogne !" dit-il en désignant un homme non loin dont le nez faisait au moins la taille d'une patate bien mûre. Quand on pouvait faire de quelqu'un d'autre le bouc émissaire, fallait pas se priver. Si y'a bien quelque chose qui lie les hommes entre eux, c'est la haine de leur prochain.

"...qu'est-ce qui m'a permis de monter ici le premier ? Qu'est-ce qui m'a permis d'être le premier à choisir ? Alors que je suis si vieux, avec les cheveux gras, et un ventre si gros qu'il dépasse du pantalon comme si j'avais mangé mon chien ?"

Tout en parlant, la main sur son ventre qu'il gonfle exprès pour le faire ressortir, Alphonse mime un soupir d'aise, puis désigne Angelo de sa main libre. Le chien penche la tête sur le côté sans rien y comprendre, et finit par aboyer, par réflexe.

"Et bien, je vais vous le dire !"

Il serait de bon ton que Carlotta revienne. S'il ne trouve plus rien à déblatérer, il devra faire la roue sur scène, et c'est pas sûr que ses lombaires soient d'accord.

"C'est parce que j'ai jamais accepté mon destin, les gars ! J'ai jamais baissé les bras ! J'ai jamais voulu me lever à l'aube, à trimer comme un forcené pour un salaire de misère ! À manger des miettes dans la main de ceux qui mangent de la venaison fumée tous les jours ! À boire de la pisse alors que y'en a, ils s'envoient des litrons de bon vin ramené par les Nautes dans des caisses avec leur nom dessus ! Haaa les salauds ! Moi j'ai dit non ! J'accepte pas ça ! Moi je vais forger mon propre destin, les gars ! Alors je vous le demande...!"

Tout en haranguant la foule, Alphonse cherche désespérément Carlotte du regard. Allez, reviens, reviens...

"...qui parmi vous ! Je le demande ! QUI ?! Parmi VOUS ?! Veut changer son destin aujourd'hui, en devenant... PROPRIÉTAAAIRE !!??"
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Au début, la foule n’est pas très réceptive au discours d’Alphonse. Une bonne centaine d’yeux se braquent sur lui, et les mines se froncent, les sourcils se haussent. Qu’est-ce qu’il raconte ? Mais, au fil des répliques – au moins on a presque fait silence – une toute jeune femme a un bref rire, accompagnée de sa voisine, plus fort cette fois, probablement pour ne pas la laisser pouffer seule. Et c’est à la blague sur la trogne, parce que rallier les foules sur un bouc émissaire fonctionne toujours, que de véritables rires fusent. Quelqu’un se récrit lorsqu’Alphonse affirme avoir mangé son chien, mais comme c’est à présent lui-même s’il moque, l’ambiance se détend encore davantage.

Enfin, devant la scène. Parce que là-bas, avec Cédric, le Garde a les yeux écarquillés, braqués sur Alphonse comme s’il ne pouvait pas croire ce qu’il voyait. Il les baisse sur Carlotta, immense par rapport à la petite bonne femme, les traits crispés. Il a l’air prêt à crier, voire à la frapper, à la façon dont il carre les épaules. Mais Carlotta ne frémit même pas, elle met une main sur le torse de Cédric comme pour lui dire « couché, au panier », et lui, avec les oreilles qui commencent à trainer, n’a d’autres choix que d’obéir. Des témoins affirmeront plus tard avoir entendu la fin de la conversation.

- Il la mérite vraiment pas, tout’votre loyauté le de Livois. Il la récompense jamais.
- Et « votre » Altieri ? Il vous donne quoi exactement ?
- Assez. Puis moi je couche pas avec.


Et sur ça, Carlotta se détourne, ses tresses fouettant l’air. D’un pas assuré elle revient vers l’estrade sur la fin du petit discours d’Alphonse. Dès qu’elle est proche de lui, elle lui prend le bras et le brandit, comme on déclare gagnant un combattant dans l’arène. Sous les rires et les applaudissements, elle lui glisse.

- Suivez le mouvement.

Et puis elle le fait tournoyer sur lui-même, comme s’ils dansaient, et abaisse son bras en le pointant vers le cadastre. Ce qu’il désignera, elle mettra en vente en premier, mais elle profite de la proximité pour lui souffler.

- Partez pas de suite. Voyez le gars avec le chapeau thélémite ? Descendez et restez avec lui. C’est plus sûr.

C’est que Cédric pourrait revenir… Et vue sa masse, ce n’est pas les jolis mots d’Alphonse qui vont l’attendrir.

- Et raflez rien. Vous aurez votre récompense plus tard.

Elle le relâche, et annonce le premier lot à la cantonade. Alphonse peut vite repérer ledit « thélémite » parce que c’est le seul à porter ce couvre-chef. Un gars qu’on ne peut pas qualifier de « jeune » mais qui n’a pas la face bien marquée pour autant, le cheveu et l’œil brun, la corpulence moyenne, la mine basse comme s’il était un peu indisposé de se trouver là, timide. A première vue, on dirait un converti de la Congrégation, ou un immigré de Thélème, on le remarque c’est sûr, mais sans le voir parce qu’il n’a rien de marquant, et on peut ainsi vite l’oublier. Quand Alphonse vient se mettre à ses côtés, le « thélémite » lui adresse cependant un clin d’œil.

L’enchère dure plusieurs heures, durant lesquelles Alphonse peut repérer à deux reprises Cédric au loin, à deux endroits différents dans la plaine pelée qui les entoure. Il s’est changé, et bat en retraite à chaque fois qu’il voit qu’Alphonse est parmi la foule, inatteignable. Carlotta ne l’a pas mis parmi ceux qu’elle a engagé pour protéger l’estrade, mais elle a choisi une bonne place pour Alphonse, qu’on ne pourrait ainsi pas suspecter d’être dans le coup avec elle. Il y a juste assez de gens entre lui et la sortie pour qu’il ne puisse pas prendre ses jambes à son cou… Et qu’on ne puisse pas l’attraper en passant non plus.

Carlotta mène sa vente d’une main de maître. Certes, il y a des mécontents, et à la fin manque d’éclater une petite rixe, mais la femme descend elle-même mettre une claque à la femme qui s’en prenait à un homme ayant raflé le mot qu’elle désirait. Les ombres sont longues lorsque la vente se conclut, la nuit va tomber, et Carlotta lance des ordres pour qu’on démonte l’estrade. Elle-même replie la carte. La foule s’attarde en partie, on discute, on fait des plans sur la comète, on se propose de s’inviter à la taverne pour célébrer cette bonne fortune. C’est une réussite pour Thaddeus Altieri, et on n’a pas vu autant de visages souriants depuis un moment. Alphonse aura vu les lots partir, du plus gros au plus petit. Carlotta reste un instant en arrière pour discuter avec des déçus, notamment la fille qu’elle a giflée. Peut-être leur fait elle pendre de nouvelles opportunités sous le nez, pour ne pas partir tout à fait fâchés. Une gestion très « à la personne » de la situation. Le genre qui donne l’impression qu’on se préoccupe de soi. Et après avoir tant gesticulé, fait souffler le froid et le chaud, Carlotta a encore l’air d’avoir la patience et le stoïcisme pour même un deuxième service si nécessaire. Sa voix est devenue plus rauque, mais elle a à peine pris le temps de boire un verre d’eau.

De son côté, le « thélémite » lance à Alphonse.

- Votre chien a été si sage ! J’ai quelques friandises de grande qualité chez moi ! Vous viendriez ?

Il offre son bras au soixantenaire.
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Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Alphonse n'avait pas trop perdu la main.

La diversion avait fonctionné, et c'était bien là l'essentiel. Les gens avaient ri, s'étaient détendus, mais plus important encore, avait laissé toute latitude à Carlotta pour agir.

Et elle savait visiblement y faire. Elle avait renvoyé le Garde de De Livois à sa niche la queue entre les jambes, ça n'avait pas traîné. C'est avec soulagement qu'il la voit revenir, tandis qu'elle lui lève le bras, et il beugle comme s'il venait de remporter toutes les parcelles à lui tout seul, et qu'on venait de le nommer Gouverneur de Teer Fradee.

- Suivez le mouvement.

Pour une fois qu'il était entre de bonnes mains, et celles d'une professionnelle de surcroît, le mouvement, il le suivit de bonne grâce. Tournoyant sur lui-même en chantonnant, il pointe du doigt le cadastre de concert avec Carlotta.

- Partez pas de suite. Voyez le gars avec le chapeau thélémite ? Descendez et restez avec lui. C’est plus sûr.

- Compris.

Pas besoin de s'épancher, le moins il en disait et plus cela paraissait naturel. C'est qu'ils avaient un beau petit public, à présent.

- Et raflez rien. Vous aurez votre récompense plus tard.

Un simple clignement de l'œil, côté opposé aux spectateurs, fit passer le message. Descendant de l'estrade, non sans saluer une dernière fois la foule, il s'en va rejoindre le "thélémite" qui l'attend en contrebas. En retour au clin d'œil de ce dernier, le vieil homme se contente de hocher la tête, avec un sourire complice.

Admiratif de l'organisation - c'est qu'il en fallait du monde pour encadrer tout ce chantier - le soixantenaire finit par remarquer Cédric, au loin, qui visiblement s'était changé. Certes, on le repèrait moins depuis la hauteur du podium, mais on le repèrait quand même. Pas facile de dissimuler un type aussi grand, surtout quand on s'attendait à le revoir. S'il n'était pas particulièrement fier d'avoir roulé dans la farine un autre Garde - techniquement, il était retraité, donc il n'en fait plus vraiment partie, de la Garde - Alphonse n'allait pas non plus narguer le malheureux qui, c'était plus que probable, serait très certainement sans emploi d'ici la fin de la journée.

La sacoche contre le flanc, le vieil homme sentait toujours le poids des pièces données par De Livois. Cédric, entre la foule, la bande à d'Altierri, Angelo (il ne fallait pas l'oublier) et Alphonse lui-même, n'avait aucune chance de remettre la main dessus. C'était un fait : ils avaient tout perdu, à se montrer aussi mal préparés. Et à faire confiance à n'importe qui.

Les heures passent, les ventes se poursuivent. Les gens semblent satisfaits. Celle qui ne l'était pas et se montrait un peu trop vocale à ce sujet finit par découvrir que Carlotta a le geste vif et sûr. Bim, elle l'a pas volée celle-là.

Lorsqu'enfin, l'animation est finie et que les derniers traînards entament les propositions de chopines, l'homme aux côtés d'Alphonse s'adresse à lui :

- Votre chien a été si sage ! J’ai quelques friandises de grande qualité chez moi ! Vous viendriez ?

- Mais, bien sûr ! Et je tiens à signaler que, moi aussi, j'ai été très sage !

Prenant le bras qu'on lui tend, cheminant à ses côtés comme deux bons amis qui se connaissent depuis des lustres, le vieil homme s'avance, vers l'inconnu.
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