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[Mission] Croire n'est pas savoir

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A bord d'un navire naute, en vue de l'île
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Une offre en demi teinte
Des affiches ont pu être vues dans toute la ville : Latif, alchimiste d’Hikmet, cherche de l’aide pour retrouver son élève. Une belle somme est à la clef. Etrange que le boulot n’ait pas encore trouvé preneur ! Jusqu’à ce qu’on se penche sur la question…

Latif est un homme qui vit dans une belle demeure du centre d’Hikmet. Il doit être installé sur l’île depuis longtemps pour bénéficier de cette localisation stratégique quand la ville ne cesse de s’agrandir avec des faubourgs de plus en plus étendus.

Latif est un homme d’une cinquantaine d’années très bavard. Il aura reçu Danyal d’abord, tout excité qu’un membre de la Garde ait répondu à sa requête, puis Rim ensuite quand elle se sera présentée. Latif s’était tellement perdu dans ses explications que Danyal était toujours présent dans le salon de Latif avec moults petits biscuits quand la conteuse arriva.

Latif leur révéla tous les deux qu’il a une élève. Une jeune femme du nom d’Iman, pour laquelle il semble avoir beaucoup d’affection. Malheureusement, Iman est introuvable depuis près de deux semaines ! Et Latif s’en lamente. Qui va l’aider au laboratoire ? Et prendre des notes quand il parle ? Il lui arrive d’oublier ses propres éclats de génie, il faut bien que quelqu’un les mette sur papier !

Enfin voilà : Iman a disparu, c’est le plus important. Sa curiosité a été piquée par les bêtes de l’île. Il faut dire qu’elle est peu sortie d’Hikmet depuis qu’elle est arrivée sur Teer Fradee, explique Latif. Il est persuadé qu’Iman étudie en particulier des créatures des grottes, les dosantats, mais il n’a aucune idée de son emplacement précis. Il est simplement capable d’indiquer une région entière : Wenshaganaw. Selon lui – et il n’aura pas tort si Rim ou Danyal s’y sont déjà rendus – la zone a moults réseaux souterrains. Elle est toute proche de Nouvelle-Sérène, autant dire à près deux jours de convoi d’Hikmet et Latif n’offre pas le trajet. Il n’est jamais monté dans une de ces caravanes lui-même d’ailleurs, il ne manquera pas de le préciser.

Peut-être les Natifs du village côtier de Wenshaveye en sauront-ils plus ? Latif l’ignore. Il décrit Iman comme une petite femme aux yeux vifs et à la peau olivâtre. Il rit en ajoutant qu’on ne peut pas la rater car elle parle très fort.
Voilà donc Rim et Danyal : assis dans un luxueux salons, gavés de gâteaux et de thé, et promis une grande récompense s’ils trouvent une jeune femme comme il en existe des dizaines dans toute une région de la mystérieuse Teer Fradee.

Pas étonnant que d’autres aient refusé l’aventure avant eux.



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Latif était connu de la garde, voilà les seules informations qu’avait pu obtenir Danyal à son sujet. Cela l’interloquait, bien sûr, qu’on ne souhaite pas lui en dire davantage. Ces affiches, partout en ville, furent-elles accrochées par un maniaque, un illuminé, un fou dangereux ou un criminel repenti ? Le jeune garde ne souhaitait se retrouver dans aucun de ces funestes scénarii. Il avait encore plus de raisons d’appréhender la rencontre en voyant la date affichée sur l’annonce. Deux semaines, voilà deux semaines que cette jeune femme avait disparu, et personne n’était parti la retrouver. Pourtant, Hikmet ne manquait pas de belles âmes prêtes à toutes les péripéties pour arracher un moment de liesse populaire à l’auberge, alors pourquoi cette affaire n’était toujours pas résolue ?

Danyal arriva, tendu par cette nouvelle angoisse, devant la demeure de l’alchimiste. Elle était impossible à ignorer, tranchant par son extravagance et son luxe les murs alentours couleur de crème. Fresques bleues et cramoisies, fenêtres ouvragées, porte gravée d’inscriptions dont le pauvre garde ne comprenait rien. Bien que colorée et exubérante, la demeure du commanditaire terminât de faire faire faire demi-tour à Danyal, comme tant d’autres l’avait fait ces quinze derniers jours.

Mais au milieu de la vaste avenue envahie par le marché et sa cohorte de clients, Danyal put tout de même entendre, au fond du vase vide de son âme, un reliquat de conscience. Il soupira. Voilà maintenant des mois qu’il tentait de la noyer sous la débauche nocturne et ses frasques avec les Thélémites. Pourtant, à la manière d’un rat navigant dans un monceau d’ordures, la petite lumière avait creusé un tunnel pour remonter de temps à autre à la surface et se montrer au monde. Le sang de Danyal sembla prendre plusieurs degrés de température en écoutant ce vestige d’une vie passée le sermonnant, puis il se calma, résigné à ne pouvoir faire taire cette culpabilisante bestiole. Ainsi, semblant déjà abattu par une journée de trop dur labeur, il  fit volte-face au milieu d’une foule observant les agissements de ce garde solitaire et étrange, et il retourna en face de l’intimidant manoir.

- Je te déteste, d’avance.

Pourtant, on le rappelle, il ne savait encore rien de ce qui l’attendait. Mais son intuition était aux commandes depuis longtemps. Il le faut quand on est le cerveau d’une créature qui a abandonné depuis longtemps l’idée-même de destin ou d’ambition. Le pilote automatique est de rigueur. Alors quand tout portait à croire que la mission sera plus fatigante ou périlleuse que prévu, Danyal n’hésitait pas à abandonner illico presto sans même s’être présenté à son employeur. Sauf, bien évidemment, lorsque sa conscience le titillait, comme à cet instant. Il frappa le sol pavé de sa botte, tentant de faire disparaître les fourmillements désagréables qui lui donnaient envie de courir partout, sauf en direction de cet alchimiste de malheur.

La porte s’ouvrit, révélant cet homme qui n’était pas menaçant pour un sou, mais dégageait cette aura forte d’homme de science qui dort encore moins que les fêtards les plus invétérés, mais qui, lui, consacre ce temps à des choses utiles à la société. Exactement, cet aura qui rappelait à Danyal sa misérable condition. Monsieur Latif invita expressément le garde à le rejoindre dans un salon où ils attendraient une autre personne ayant accepté cette mission. Il avait préparé de quoi endormir la méfiance de Danyal. Du thé et des douceurs à profusion, une ambiance feutrée à-même de rappeler les meilleurs lupanars où l’on se délasse des jours durant. Au sol, tapis et coussins de velours étaient prêts à accueillir le brave guerrier qui avait accepté cette noble quête. Guerrier sur qui, d’ailleurs, le charme du salon opérait à merveille, oubliant rapidement son appréhension à se rendre face à l’alchimiste.

Mais ce dernier commença à parler, parler et parler encore. Une litanie qui, à défaut d’endormir le jeune homme, l’ennuyait suffisamment pour qu’il abandonne l’idée de répondre au bout de quelques minutes, buvant tasse sur tasse d’un thé vert mentholé. De toute manière, il semblait que Latif recherchait davantage une oreille à l’écoute qu’une créature intelligente capable, et désireuse, de lui répondre. Et enfin, après ce qui lui avait semblé une éternité, arriva la seconde participante à cette grande mission de sauvetage. Une petite femme à la peau tatouée et au visage orné de bijoux. Un instant, Danyal se demanda ce qu’elle pourrait apporter à la réalisation de leur besogne, puis il se regarda et eut la même interrogation à son sujet. Certes, il était en belle armure, bien armé et accompagné de la réputation solide de la Garde du Denier, mais si combat il y avait on verrait rapidement sa complète médiocrité dans le domaine, comme un château de cartes qui s’effondre.

Danyal salua sa nouvelle compagne d’infortune. Un geste qui lui sembla si pénible, tant son corps était devenu apathique les dernières heures passées ici. Il fallait qu’il se lève pour se dérouiller les articulations, cela laisserait le temps à Latif d’assommer la nouvelle arrivante avec ses histoires à dormir debout. Mais maintenant que le duo était réuni, celui-ci leur expliqua la situation de son apprentie. Elle avait disparue, certes, mais s’était sûrement rendue dans une région connue de l’alchimiste : Wenshaganaw. Danyal savait peu ou prou où cela se trouvait, mais ne lui venait rien sur l’intérêt scientifique de l’endroit. Intérêt dont il se fichait, de toute manière. La jeune femme, semblait-il, s’y était rendue pour explorer des grottes et leurs monstrueux habitants. Des chauve-souris géantes, appelées dosantats. Le garde redressa vivement la tête, à la surprise de ses interlocuteurs. Il connaissait ces monstres, les ayant croisés lors d’une patrouille nocturne. Ils étaient terrifiants, avec leurs ailes immenses qui laissent passer la lumière de la lune et leur cri perçant les ténèbres.

- Pourquoi ? Pourquoi est-elle allée à la rencontre de telles monstruosités ? Ne put s’empêcher de demander Danyal, avec une fermeté concernée.

La région où se trouvait, même pas de façon certaine, l’apprentie de l’alchimiste était assez étendue. Et voilà qu’en plus de cette fastueuse besogne d’exploration, il fallait s’attendre à rencontrer des vampires volants gigantesques ? Deux semaines de disparition, là-bas, il fallait tout bonnement s’attendre à ce qu’elle soit morte, vidée de son sang au fond d’une crevasse où elle aurait glissé, misérable. Mais il fallait garder la prime en tête. Elle était grasse, suffisamment pour calmer quelques inquiétudes de Danyal, mais pas la totaliité. Et il ne pourrait pas promettre de s’empêcher, comme un peu plus tôt, de remonter en hate l’avenue adjacente à la maison pour trouver un gagne-pain moins dangereux. Mais si, et rien n’était plus incertain, il s’apprêtait à partir à l’autre bout de l’île, à plus de deux jours de voyage, pour retrouver un cadavre… Alors il fallait prendre des forces. Et Danyal engouffra mécaniquement toutes les petites sucreries disposées par leur hôte. Une compulsion à-même de calmer une épaisse angoisse qui lui montait jusqu’aux oreilles.
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Dans la lumière rougeoyante de la fin de journée, l’affiche semble tachée de sang, d’un grenat déclinant éclaboussé d’or et de nuit. À l’ambre du couchant commence déjà à se mêler un crépuscule timide et la flaque de sang, sur le mur, s’assombrit peu à peu. Bientôt, les lettres se confondront dans la pénombre, et Rim relit une dernière fois les quelques mots lapidaires qui s’étalent face elle. Une élève alchimiste à retrouver. Une adresse. Et une forte récompense promise. Ce n’est pas la première fois qu’elle voit cette affiche mais, si elle n’y avait tout d’abord pas vraiment prêté attention, la perspective de la somme qu’elle pourrait en retirer a fini par se frayer un chemin dans son esprit – insensiblement, de manière presque perverse, sans qu’elle ne s’en rende tout à fait compte. L’idée a commencé par l’effleurer, comme par mégarde, puis elle est revenue, plus insistante – tout cet argent qu’elle pourrait gagner en allant chercher une jeune femme, que son maître renâcle sans doute à aller trouver lui-même pour éviter de s’absenter d’Hikmet et d’abandonner son travail… Quelques jours de voyage à l’extérieur de la ville, l’occasion de commencer à explorer Teer Fradee… Et, à son retour, une bourse bien remplie. Après tout, pourquoi pas ? Interrompre ses soirées de contes pendant une petite semaine ne poserait aucun problème, et si cela lui permet à la fois de s’aventurer à l’extérieur d’Hikmet et d’en tirer de l’argent…

Alors, partira ? Partira pas ?

- Rim, c’est ça ?

Elle se retourne vivement, le bout des doigts frôlant le manche de son poignard dissimulé dans sa ceinture – c’est qu’elle n’a guère l’habitude d’être abordée dans la rue, ici, surtout le soir. Face à elle, un très jeune homme qui doit avoir à peine vingt ans et qui l’observe d’un air un peu gêné, comme s’il n’était pas sûr d’avoir bien fait de l’interpeler. Pas très grand mais carré d’épaules, les cheveux coupés très ras, des yeux clairs au milieu d’un visage bronzé. Et vêtu d’un uniforme de la Garde.

- Euh, je… Désolé si je vous ai fait peur, je voulais pas… Mais on s’est vus à votre première veillée à la Taverne du Denier, je sais pas si vous vous souvenez… La légende de Souhaila et Sousnia, dans les montagnes blanches…

Rim le dévisage un instant en fronçant les sourcils, et puis le regard limpide, perlé d’une légère timidité, fait doucement la lumière dans sa mémoire. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres.

- Aziz. Je me rappelle.

Et avec un clin d’œil, en s’autorisant enfin à relâcher la tension qui s’était accumulée dans ses muscles :

- Mais je t’en prie, tutoie-moi, que je n’aie pas l’impression d’être ta grand-mère ! Sans compter que tu es le premier que j’ai interrogé à la Taverne, ce soir-là… ça te donne un certain privilège.

Son sourire en coin n’a pas quitté son visage, et Aziz se détend à son tour :

- J’ai entendu dire que t’as fait d’autres veillées de contes à la Taverne du Denier, non ? J’ai pas pu y assister, mais les prochaines fois, j’espère…
- Oh, des prochaines fois, il y en aura d’autres, ne t’inquiète pas pour ça.

Elle le détaille encore un petit moment avant de proposer, tandis que le crépuscule et son ventre vide se rappellent à elle :

- Au fait, tu as quelque chose à faire, ce soir ? Parce que je loge dans une auberge, pas loin d’ici, et je commence à avoir faim… Ça te dirait d’aller manger là-bas ? Et ça nous permettra de continuer à discuter…

Une fraction de seconde, elle sent Aziz hésiter, visiblement pris au dépourvu – mais un sourire, lentement, se dessine à son tour sur son visage. Rim n’a même pas besoin d’attendre son hochement de tête pour connaître sa réponse. Juste avant de lui ouvrir le chemin jusqu’à l’Auberge du Griffon, la conteuse jette un dernier regard à l’affiche à présent plongée dans l’ombre. Partira, partira pas ?

Un frisson d’excitation la parcourt tandis qu’elle prend la direction de l’auberge, le jeune garde sur les talons.

Partira.

*

- En résumé, tu comptes partir à la recherche d’une femme disparue depuis deux semaines sur une île grouillant de dangers, alors que tu n’as jamais mis les pieds en-dehors d’Hikmet, que tu ignores tout de la réalité de Teer Fradee et que tu ne sais même pas qui t’accompagnera dans cette expédition ?

Hum. Formulé comme ça, effectivement… Rim émet un grognement en se retournant sur le lit pour se protéger de la lumière du petit matin, qui commence à filtrer à travers les rideaux. Quelle idée d’en parler à Aziz, alors qu’il était encore en train de somnoler, le visage enfoui au creux de son cou… Le jeune homme, redressé sur un coude, est à présent parfaitement réveillé et la fixe d’un regard où la stupéfaction le dispute à l’inquiétude. Ses yeux clairs sont encore embrumés de sommeil, mais elle comprend qu’elle n’aura pas la paix tant qu’elle n’aura pas répondu à ses questions et endormi ses angoisses.

- Exactement.

Elle tourne la tête pour lui offrir un sourire taquin. Et déterminé.

- Écoute, je suis une grande fille, d’accord ? Et je te dispense de t’inquiéter pour moi. C’est vrai que je ne suis encore jamais sortie d’Hikmet, mais j’ai consulté des encyclopédies sur la géographie, la faune et la flore de l’île, je me suis renseignée sur sa population, j’ai même commencé à apprendre quelques mots de leur langue… Je sais ce que je fais.


Ou pas. Mais il n’est guère utile de lui révéler qu’elle a parfois tendance à prendre ses décisions sur des coups de tête – et qu’il n’est d’ailleurs pas rare qu’elle le regrette par la suite.

Visiblement guère convaincu, Aziz pousse un long soupir et il ressemble soudain à un petit garçon soucieux, tout occupé à réfléchir et à se mordiller les lèvres.

- Tu sais te battre, au moins ?

Euh…

- Je sais manier le poignard. Lancer, corps à corps… Je m’en tire plutôt bien. Et puis j’ai une bonne condition physique, je suis bonne coureuse, aussi…

Au moins l’un des avantages à avoir passé son enfance à se faire poursuivre par des gardes, et à essayer de les semer dans les ruelles d’Al Saad.

- Tu as plusieurs poignards ?

Face au silence éloquent de la jeune femme, Aziz se lève souplement pour fouiller dans ses affaires, amoncelées en petits tas épars autour du lit. Lorsqu’il se redresse, il tient un poignard finement gravé à la main – bien plus élégant que celui de la conteuse.

- Je te le donne. Dans le feu d’un combat, on peut perdre facilement son arme et c’est toujours mieux d’en avoir une de rechange, au cas où… Et puis, tiens, prends aussi ça…

Rim met quelques secondes à identifier le parchemin plié qu’il lui présente.

- … une carte de Teer Fradee. J’en ai plusieurs, de toute façon. Ça risque de t’être utile…

La jeune femme contemple un instant les deux objets, interdite, sans savoir comment réagir.

- Tu n’es pas obligé, tu sais…
- Je sais.

Aziz lui offre un sourire désarmant d’innocence puis pose la carte et le poignard sur l’unique chaise de la chambre avant de remonter sur le matelas.

- Tu pars bientôt ?
- J’ai prévu d’aller à l’adresse indiquée sur l’affiche cet après-midi.
- Et… Tu crois qu’on pourra se revoir, quand tu reviendras ?

De nouveau, cette gêne un peu timide, un peu maladroite. Touchante. D’ordinaire, Rim évite de passer plusieurs nuits avec le même homme, mais Aziz a quelque chose d’attendrissant. Elle esquisse un sourire légèrement sarcastique tout en lui effleurant la joue du bout des doigts.

- Si je reviens, tu veux dire, parce qu’à t’entendre ce n’est pas certain que je m’en tire vivante… Mais si je ne me fais pas dévorer par une goule ou une mante religieuse géante, pourquoi pas ?

Si elle avait su…

*

La mine sombre, Rim sirote lentement le thé à la menthe que leur a servi leur hôte. Apparemment aussi bavard que prompt à s’éparpiller, cela fait à présent des dizaines de minutes que l’alchimiste monologue, perdu dans des explications qui ne cessent de lui rappeler une seule et unique chose : venir ici était un mauvais choix. Pour un peu, elle aurait presque envie de se lever, de trouver une excuse bien formulée et de partir le plus loin possible de cette demeure luxueuse qui s’apparente en réalité davantage à un piège qu’à un manoir aux merveilles. Mais elle pense alors à Aziz, à l’assurance insolente avec laquelle elle a réagi à son angoisse et à ses mises en garde, et une certitude s’impose à elle : à présent qu’elle s’est engagée, elle a malheureusement trop de fierté pour faire marche arrière. Rentrer à l’auberge la queue entre les jambes, revoir le jeune garde et lui avouer qu’il avait raison, qu’elle n’a ni le cran ni les capacités pour mener à bien cette mission… Sa susceptibilité ne le supporterait pas.

Avec un profond soupir, la jeune femme repose la tasse de thé sur la table du salon et s’installe plus confortablement dans son moelleux fauteuil. Donc, récapitulons : Iman a disparu dans la région de Wenshaganaw et, si Latif n’a aucune idée de l’endroit exact où elle se trouve, il sait en revanche qu’elle s’intéresse à des chauve-souris monstrueuses qui ont la délicieuse habitude d’empoisonner leurs victimes. Idée pour le moins baroque, et la conteuse partage la stupeur de son coéquipier – coéquipier dont elle ne sait d’ailleurs trop que penser. En arrivant chez l’alchimiste, elle a tout d’abord été rassurée et agréablement surprise de voir un membre de la Garde assis dans le salon : sans doute connaît-il bien Teer Fradee, pour y effectuer des patrouilles régulières, au cours desquelles il a sûrement été déjà confronté aux principaux dangers de l’île. Cependant, au fur et à mesure que Latif déroulait son exposé, Rim a senti le jeune homme se crisper à côté d’elle, pour finir par étouffer son anxiété sous les biscuits, les madeleines et les petits-fours. Voici donc, songe-t-elle avec ironie, les valeureux protagonistes qui auront le privilège de se mesurer aux dosantats suceurs de sang : une conteuse armée de deux poignards qui n’a jamais mis les pieds en forêt et un garde paniqué qui essaie de tromper sa peur en se gavant de sucreries. Il est certain que la vie d’Iman est entre de bonnes mains…

La jeune femme note d’une oreille distraite que Latif ne compte pas leur payer les caravanes qui pourront les mener dans la région de Wenshaganaw – elle en est agacée mais, au vu du personnage, pas vraiment étonnée – et relève les yeux avec incrédulité lorsqu’il leur fait la description de son élève. Une petite femme aux yeux vifs et au teint olivâtre ? Le portrait pourrait, en somme, tout aussi bien être le sien.

- Excusez-moi, l’interrompt-elle, vous ne pourriez pas être un peu plus précis ? La couleur des yeux, des cheveux, la corpulence, d’éventuels signes distinctifs, les vêtements ou les accessoires qu’elle a l’habitude de porter ?

Sans presque s’en rendre compte, elle a sorti un carnet et un crayon de son sac et a commencé à prendre des notes, mue par l’habitude de consigner par écrit ce qui l’intéresse.

- Et elle est partie totalement seule jusque là-bas ? Elle n’était accompagnée par personne, que ce soit dans ses recherches ou dans ses déplacements ? Elle a quand même bien dû faire quelques trajets avec des caravanes ?

Le village de Wenshaveye… Le village des eaux chantantes. Brusquement, la voix de Dilay surgit dans sa mémoire, dans le brouhaha d’une taverne bruyante et enfumée : c’est là que se trouve l’expédition scientifique à laquelle participe la jeune femme qu’elle a rencontrée quelques semaines auparavant à la Taverne du Denier. Rim ignore si l’expédition est toujours sur place mais, si c’est le cas, peut-être les membres du groupe pourront-ils leur donner des indications ?

- D’ailleurs, j’ai entendu dire qu’une expédition de l’Alliance du Pont étudie Wenshaveye et ses habitants, vous ne savez pas si votre élève pourrait avoir été en contact avec eux d’une manière ou d’une autre ?

Et avec la voix de Dilay ne tarde pas à remonter également un avertissement qui résonne avec une ironie sinistre dans son esprit : T’approche pas des grottes, surtout. Deuxième conseil de la journée qu’elle ne suivra pas… Bon, faire taire le défaitisme qui menace de monter en elle, réduire la crainte à un simple poids calfeutré tout au fond de l’estomac – elle est habituée à vivre la boule au ventre – et penser à tout l’argent qu’elle gagnera si elle réussit cette mission. Après tout, Iman est peut-être simplement occupée à dormir à la belle étoile dans une clairière, en parfaite santé, et la retrouver ne sera finalement pas si compliqué. Et si l’expédition se révèle trop dangereuse, ils pourront faire demi-tour à tout moment – elle n’a aucune vocation à mourir en martyre pour une inconnue, et elle a l’intuition que son coéquipier non plus.

Et puis, elle reste une voleuse, elle a l’habitude de s’emparer de choses qu’elle convoite et que la plupart des gens jugent difficiles d’accès. Non ?
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Des pistes ?
Latif accorde son attention à Rim quand celle-ci le questionne. Il fronce légèrement les sourcils : visiblement, il ne s’est jamais interrogé sur le sujet.

- Elle a les cheveux et les yeux… sombres. Quant aux vêtements, ma foi… Son kaftan est souvent fleuri.

… Comme celui que Latif porte lui-même, en réalité, autant dire un motif très commun dans les vêtements réglementaires du Pont. Les yeux du savant s’illuminent soudain comme s’il venait d’être frappé par un éclair de génie :

- Je ne l’ai jamais vu sans une tresse !

Visiblement, Latif n’est vraiment pas physionomiste. Il pousse ensuite un bref soupir et repose le récipient de son thé, un pot en métal sans hanse qui claque sur la table basse devant lui. Le visage affable de Latif se fait grave.

- Iman est une jeune femme particulièrement… décidée. Elle est partie armée mais seule. La confraternité avec ses collègues est ardue pour elle, elle se plaignait constamment de l’étroitesse du laboratoire d’Hikmet. Personne là-bas n’avait entendu parler de son projet alors qu’elle y passait ses journées. Ce devait être bien planifié car on l’a vu griffonner dans son coin et ses absences répétées ont été notées par un superviseur. Peut-être pouvez-vous vous adresser à lui, il n'a fait que bafouiller des excuses durant notre entretien.

Latif ne semble pas réprimander Iman. Il paraît sincèrement peiné et inquiet pour son élève.

- Elle a probablement pris une caravane, vous avez raison mais je ne sais pas combien d’entre elles quittent la ville ! Sergent, vos Hommes sauront.

Suggère Latif comme si cela tombait sous le sens. En effet, il y a de plus en plus de contrôles autour d’Hikmet tandis que les tensions avec les Natifs croissent, la Garde doit avoir une idée fiable du nombre de caravaniers en activité.

Latif a une petite moue quand Rim évoque l’expédition de Wenshaveye. Il a le visage retroussé comme s’il avait senti une odeur qui l’indispose.

- Ah oui… Hassan. Je ne vois pas ce qu’Iman aurait eu à faire avec un… philosophe. C’est une radieuse jeune biologiste promise à un grand avenir.

Latif pose ses yeux noirs sur Danyal à l’interrogation de ce dernier avant de fixer ses mains, paumes ouvertes, posées sur ses genoux. Un silence inconfortable plane avant que le savant ne reprenne la parole :

- Je ne sais pas. Elle m’a harcelé avec une découverte qu’elle aurait faite à leur sujet et…

Il se frictionne subitement le visage comme pour dissiper l’accablement de ses traits.

- … Je lui ai dit que nous en parlerions plus tard. Nous nous attaquions aux finitions de ma prochaine publication, voyez-vous. Face à mes refus répétés elle aura probablement décidé d’appliquer sur le terrain par elle-même son hypothèse. J’aurais su de quoi il s’agit si j’avais prêté l’oreille mais enfin… C’est trop tard pour y faire quoi que ce soit.

Le sourire de Latif réémerge bien vite, toujours aussi bonhomme.

- Je gage que vous avez assez pour vous lancer sur sa piste.

Il se lève, un signe assez clair qu’il souhaite clore la conversation.



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Le contraste était net. Quelques minutes plus tôt Danyal se tournait les pouces dans cette vaste salle aux motifs colorés, certes, mais dans un silence froid et intimidant. Il se sentait comme un navigateur sur un océan sans vagues, incapable de déterminer pour combien d’heures ou d’années il aurait à demeurer ainsi dans l’immobilité totale. Mais voilà que la jeune femme, sa camarade d’infortune pour cette grave mission, était arrivée et qu’elle dégaina un interrogatoire plus strict encore que ceux pratiqués chez la Garde du Denier. C’était difficile à suivre, ininterrompu. Tout d’un coup voilà le calme plat qui se transforme en tempête, et tant et tant d’informations envoyées de part et d’autres des protagonistes que le cerveau endormi de Danyal fut pris d’une légère overdose. Il poussa un long soupir, tentant de recoller avec peine les éléments apportés de ci de là sur cet épineux dossier.

L’élève de leur hôte s’en était donc allé pour poursuivre ses propres recherches de son côté. Elle était armée, certes, mais seule et face à des créatures monstrueuses qui ne ferait qu’une bouchée d’elle. Mais, et ce fut souligné par la demoiselle, elle n’est pas partie, fleur dans les cheveux et à pied, sur les routes de Teer Fradee pour rejoindre cette lointaine région. Il lui fallut rejoindre une caravane, moyen le plus commode pour traverser l’île sous bonne escorte et à prix abordable. Le garde eut un sourire surpris, mais satisfait, il n’avait presque rien à faire pour le moment. Juste regarder des cerveaux plus malins que lui détricoter cette affaire et quand il faudra s’occuper de menus travaux, là, il se bougerait un peu plus.

Et ce moment ne tarda pas à arriver. Au final, la conversation entre Rim et Latif fut brève et la jeune femme semblait avoir récolté toutes les informations pour mener cette mission de sauvetage à bien. Danyal, quant à lui, avait pu comprendre que des renseignements de la Garde pouvaient être nécessaires. Il avait son rôle à jouer, parfait, et pas trop fatigant en plus de ça. Mais quand même, il faudra bien, à un moment, confronter ces affreuses bêtes et peut-être même les combattre. Ses muscles se tendirent et, pour se contenir un peu, il serra la poignée du sabre à sa ceinture quelques instants. Imitant ensuite leur commanditaire, il se leva en faisant cliqueter tout son équipement, comme si l’armure voulait rassurer tout à la fois Danyal et ses compagnons sur son statut et sa capacité à sauver cette pauvre demoiselle en détresse. Mais le visage du jeune homme, lui, continuait à renvoyer une expression bâtarde d’appréhension qu’on essaye d’étouffer avec un oreiller avant de, tant bien que mal, laisser place à un sourire qui se voulait poli et rassurant sur son élégant visage.

- Ne vous en faites pas, on sauvera votre élève. Mais d’abord, il faut en retrouver la trace.

Il se tourna vers la dénommée Rim.

- Si vous le souhaitez je peux me rendre à la Garde récolter les informations dont nous avons besoin sur les caravanes, ou bien nous pouvons aller tous les deux interroger ce superviseur, au laboratoire. Peut-être que me voir lui déliera la langue, insinua-t-il enfin avec un sourire mauvais. Je plaisante, bien sûr. A vous de voir ce qu’on fait, vous êtes très informée, je vous fais confiance !

Son regard balaya ensuite le coquet salon comme pour lui dire adieu. Il regretterait presque l’attente aux petits fours, maintenant qu’il devait s’en aller faire son travail.
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Bon, les réponses de Latif ne sont pas les plus précises qui soient, mais c’est déjà quelque chose. Ou, disons, un début de quelque chose. Qui, avec un peu de chance, se transformera peut-être en une jeune femme en chair et en os, un peu effrayée, peut-être, mais bien vivante. Et accompagnée d’une belle bourse bombée remplie d’argent.

Lorsque l’alchimiste se lève avec un sourire poli mais ferme, signe explicite que leur discussion est terminée, Rim referme son carnet et le range dans son sac. Déjà, son coéquipier s’est redressé à son tour dans un cliquètement de métal et, d’un air soudain bien plus confiant que quelques instants auparavant, s’empresse de rassurer leur hôte – ce qui arrache à la jeune femme, malgré elle, une grimace dubitative. On sauvera votre élève. Moui. Ou pas… Puis le garde se tourne vers elle afin de lui demander son avis sur la suite des événements, et il ne lui faut qu’une poignée de secondes pour prendre sa décision :

- Je pense que ce serait mieux qu’on se sépare. Plus on va vite, plus on a de chance de retrouver Iman… Je veux dire, de la retrouver rapidement, se corrige-t-elle en jetant un coup d’œil à Latif. Et ne vous inquiétez pas, je saurai bien faire parler ce superviseur, achève-t-elle, une lueur narquoise et légèrement féroce au fond du regard.

Danyal à la Garde, elle au laboratoire : ils seront plus efficaces ainsi.

- On peut se retrouver dans… disons, deux heures ? Sur la grande place ? Vous en dites quoi ?

Et à l’alchimiste, qui les raccompagne déjà à la porte, comme impatient de les lancer sur les traces de son élève et de retrouver la douce quiétude tamisée de sa coquette demeure :

- À bientôt. Nous vous tiendrons au courant de l’avancée de nos recherches.

Enfin, à bientôt… C’est du moins ce qu’elle espère. Une petite pluie cinglante les accueille quand ils franchissent le seuil du manoir, et la conteuse rabat sur sa tête le capuchon de sa cape en maugréant avant de se tourner vers Danyal :

- Bon, eh bien… bonne chance. J’espère que vos recherches seront fructueuses.

Et les voilà donc qui se séparent, sous la pluie, Danyal dans son armure étincelante, Rim en serrant son sac contre sa poitrine pour éviter qu’il ne prenne l’eau. Par chance, le laboratoire n’est pas très éloigné, et il ne faut qu’une dizaine de minutes à la jeune femme pour en rejoindre les locaux. Ceux-ci n’ont pas grand-chose à voir avec ceux d’Al Saad mais quelque chose, dans l’ambiance à la fois studieuse et affairée qui y règne, peut-être, ou bien dans l’atmosphère indéfinissable qui baigne souvent les lieux de science, lui est étrangement familier. Dans son ventre, la boule se desserre. Un peu.

- Vous cherchez quelque chose, mademoiselle ?

Un homme coiffé d’un turban incarnat est debout, à moitié dissimulé dans l’ombre de la porte d’entrée, réfugié sous le porche pour se protéger de la pluie. Sans doute travaille-t-il au laboratoire, suppose la conteuse – en tout cas, elle n’a rien à perdre à l’interroger.

- Effectivement. J’aimerais parler au superviseur du laboratoire… Est-ce que vous sauriez m’indiquer où il est ?

Puis, en enlevant sa capuche de manière à dégager son visage et ses boucles sombres perlées de gouttes d’eau :

- Je viens de la part de Latif.
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Danyal était un homme particulier. Il souhaitait avoir des responsabilités, pour être obéi et respecté, pour autant prendre des décisions lui seyait mal. Voilà pourquoi il était satisfait de tomber sur la jeune Rim, qui semblait toute prête à prendre les choses en main et lui n’aurait qu’à suivre nonchalamment. Tout compte fait cette journée s’annonçait moins pénible que prévu, et lucrative. Mais il restait le problème des dosantats. Il n’en avait jamais vu vivant, jusqu’ici, mais rien que leurs cadavres exposés fièrement en trophées lui hérissaient le poil. Et dire qu’il faudrait sûrement en affronter… Avec son armure ça devrait aller, mais il n’avait pas hâte de s’y mettre.

Enfin, pour le moment la demoiselle lui avait simplement demandé d’aller s’enquérir de la Garde. Une affaire qui devrait rouler toute seule ! Elle s’occuperait des scientifiques pendant ce temps, parfait. Vu le moulin à parole que c’était, peut-être parviendrait-elle à les surpasser en termes de baragouinage. Danyal lui souhaitait, en tout cas. Tout était bon pour enquiquiner un peu plus ses compatriotes intellectuels.

- Parfait, dans deux heures alors. J’aurai largement le temps de savoir où se trouve la moindre caravane sur cette île. En espérant qu’elle en ai bien rejoint une, m’a l’air aventureuse celle-là, acheva-t-il d’un air las.

Même s'il se sentait prêt à passer à l'action, le comportement de leur commanditaire commençait doucement à irriter le jeune mercenaire. Non pas qu’il ne soit pas familier avec ces gens qui pensent pouvoir disposer de vous à volonté, par évidence, mais se faire congédier de manière si passivement agressive le fâchait un brin. Il se contraignit cependant, pour ne pas perdre la face auprès de son employeur et de sa partenaire. Il se défoulerait plus tard, en arrosant ce Latif d’un torrent d’insultes, avachi sur les coussins de son troquet préféré. Rien qu’à imaginer les douceurs de l’ivresse il senti son cœur accélérer et sa gorge crier soif.

Mais il ne devait pas céder ! Un peu d’autodiscipline, que diable. A quoi bon écumer les tavernes si on n’a pas de quoi s’y imbiber des meilleures liqueurs du Continent ? Et avec la prime prévue par cet empoudré d’érudit, il aurait de quoi en remplir des baignoires entières ! Et flûte, le voilà à nouveau contrit, le cerveau embrumé par ces douces rêveries.

- Aller on y va ! Lança-t-il comme si Latif ne les invitait pas à quitter son domicile depuis quelques minutes.

Une fois dehors, Danyal plissa les yeux devant le soleil froid qui illuminait cette journée de printemps. Il n’était pas un amateur des chaleurs étouffantes de sa terre natale, mais parfois il ne dirait pas nom à une vraie grosse journée caniculaire, bonne à siester dans d’exquises thermes, entouré de marbre fin. Mais il était à Hikmet, dans un courant d’air faible, mais froid, venu du nord. Et il en avait déjà plus qu’assez de cette journée. Il ne répondit même pas à sa partenaire qui lui disait bonne chance, trop occupé à progresser à grandes enjambées dans le centre-ville, vers le quartier général de la Garde locale, et le sien aussi, de fait.

Motivé par son franc désir d’épicurisme, Danyal rentra avec un certain fracas dans le grand bâtiment où la garde a établi ses quartiers à Hikmet. Après un bref préau il déboucha dans une cour carrée au sol de sable terne où de jeunes recrues s’entraînent sous les hurlements de leurs supérieurs. Danyal pouvait d’ailleurs être de ces braves sociopathes dont le travail consistait à briser mentalement de pauvres gamins pour en faire des combattants accomplis. Mais, outre la fatigue causée par tant de colère déchainée chaque jour, ce n’était pas vraiment le beau rôle au sein de la Garde et il aurait peu de chances d’attirer les œillades charmées de futures conquêtes en faisant une si basse besogne.

Danyal préféra donc ignorer ce triste spectacle et se diriger vers celle qu’il savait à-même de le renseigner : Zuleika, une des scribes de la Garde d’Hikmet. Une femme rondelette, entre deux âges, qui rayonnait des couleurs chatoyantes de son kaftan à large ceinture et son sourire communicatif. Elle semblait en pause, discutant de manière animée avec deux combattants qui calmèrent immédiatement leur enthousiasme à la vue de Danyal avant de s’éloigner en reportant leur conversation à plus tard. Le jeune homme préféra ignorer cette marque d’inimité. Zuleika seule l’intéressait et, allez savoir pourquoi, elle le traitait avec plus d’amabilité que beaucoup de gardes. Peut-être parce que les rapports concernant de près ou de loin le jeune sergent étaient toujours rocambolesques à lire. Danyal n’avait aucune idée de la distraction qu’il offrait à Zuleika et ses collègues, il considérait simplement que la quadragénaire était l’une des employées les plus civilisée de ce quartier général.  

- Bonjour Zuleika, comment allez-vous aujourd’hui ? Lui demanda-t-il par politesse mécanique.

- Oh très bien, je vous en remercie Danyal. Que puis-je faire pour vous ?

- Je souhaiterai me renseigner sur les caravanes qui parcourent l’île actuellement. Rien de bien sérieux comme affaire, mais une ponte de la ville, le chercheur Latif, a perdu son assistante et elle parcoure sûrement les routes avec un de ces convois.

- Oh je vois, on va examiner ça alors, suis-moi…

Et d’un air plus concerné que d’ordinaire, probablement par empathie pour la jeune Iman qu’elle ne connaissait pourtant pas, elle conduisit Danyal vers une des ailes de la cour carrée, dans les bureaux des scribes, pour feuilleter les registres commerciaux de ces derniers jours. Wenshaveye, il fallait trouver une caravane allant à Wenshaveye .
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L'enquête
- Encore !

S’exclame le superviseur quand Rim est amené à lui. L’homme à la peau sombre s’arracherait probablement les cheveux par poignées s’il en avait. De petite taille, il a tout même une présence imposante et sa voix tonne dans la pièce exigue dans laquelle on a remisé son bureau. Il a beau avoir eu l’air de tout garder bien en ordre, il croule sous des piles de papier plus ou moins équilibrées. Rim a pu voir sur le chemin que les lieux sont bondés, et certaines expériences doivent se faire dans un respect relatif des normes de sécurité à cause de la proximité entre disciplines tout à fait différentes : géologues travaillent tout près d’alchimistes et on refourgue à de pauvres analystes et gestionnaires toute la paperasse des observations en cours.

C’est le cas du superviseur d’Iman. Il fixe Rim avec ses yeux noirs, debout, les mains sur la table :

- Vous êtes la quatrième personne qui demande après Iman ! Latif n’avait qu’à être moins gâteux et son élève n’aurait pas pris la clef des champs ! Je vais vous dire ce que j’ai dit à tous ces envoyés : Je. Ne. Sais. Pas. Où. Elle. Est. A ma connaissance elle n’a dit à personne où elle comptait se rendre et si vous voulez interrompre tous ces éminents cerveaux pour leur demander s’ils ont une idée d’où elle a pu filer, je vous en prie, vous gênez pas ! Iman travaillait ici, dans l’aile ouest. Elle voulait chercher des dosantats. Elle est allée chercher des dosantats. Grand bien lui en fasse ! Allez plutôt déranger un biologiste pour lui demander où ils nichent, ou un cartographe qui a représenté leurs nids ! Moi je ne m’occupe que de qui a quelle paillasse et à quelle heure !

Et, à la façon dont on entend déjà une dispute dans une salle non loin sur le partage de l’espace, il y a fort à faire sur ce plan. En grommelant contre « les savants dont le turban croule tellement d’or qu’il leur tombe sur les yeux », le superviseur se lève, contourne pesamment sa table, fait attention à ne pas renverser ses dossiers, puis file dans le couloir en brandissant déjà un index rageur.


Il faut un peu de temps pour éplucher tous les dossiers de caravanes car le commerce entre Nouvelle-Sérène et Hikmet s’intensifie à mesure que les semaines passent, or Wenshaveye est sur la route entre les deux puissances. Il n’est cependant jamais fait mention d’un arrêt dans le village Natif. Les rapports parlent plutôt de quelles marchandises, combien de passagers, si le convoi a été attaqué ou non quand il était accompagné par des Gardes, si durant lesdites attaques il y a eu des blessés. S’il faut augmenter ses frais à cause de ça.
Un travail rébarbatif de quartier-maître, en somme.

Zuleika finit par identifier deux caravanes qui ont quitté Hikmet l’une il y a 10 jours et l’autre 12 et qui, toutes les deux, transportaient des gens plutôt que des marchandises. Elle y ajoute une troisième, partie il y a 13 jours, qu’elle trouve singulière : le convoi transportait du fret mais a ajouté au poste frontière un passager humain qui ne faisait pas partie des employés chargés du transport ou de l’escorte. La personne qui est montée semble l’avoir fait à la dernière minute car elle a été ajoutée par une autre écriture sur le rapport et que l’heure du passage du poste frontière a été corrigée : la caravane a donc été retardée par l’ajout d’une personne à son bord.

Les caravanes parties il y a 10 et 12 jours ont été affrétées par la même compagnie qui emploi quelques conducteurs et apprivoise des bêtes de l’île pour tirer leurs convois et brinquebaler des voyageurs sur les routes. La caravane partie il y a 13 jours appartient elle à un indépendant qui fait affaire avec la Congrégation. Tout ce beau monde peut être trouvé aux alentours d’Hikmet. L’entreprise de convois a quelques démarcheurs, Danyal pourra l’apprendre de Zuleika ou d’autres gardes qui ont l’habitude d’être en poste devant Hikmet. Quant à l’indépendant qui ne fait que dans le fret, il a simplement ses bêtes, son chariot, et il décharge toujours du même entrepôt. C’est un routinier.



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Rim, à vrai dire, ne s’attendait pas à la tornade qui lui tombe dessus dès son entrée dans le bureau du superviseur. Sans doute croule-t-il sous le travail, si elle en juge par les piles de dossiers qui s’entassent autour de lui – et son irritation doit être tout autant constituée d’énervement que de tension, de fatigue et de nervosité accumulées. Il n’a en tout cas pas grand-chose à voir avec l’homme désolé et se confondant en excuses dont Latif leur avait dressé le portrait… Si elle avait pu soupçonner son état d’esprit, elle se serait efforcée d’introduire le sujet d’Iman moins frontalement, avec davantage de délicatesse et de subtilité, mais le mal est fait – l’homme vient d’ailleurs de quitter la pièce au pas de charge, le regard noir et les sourcils dangereusement froncés.

Sans même lui laisser le temps d’ouvrir la bouche.

L’espace d’un instant, la jeune femme ferme les yeux, desserrant peu à peu les poings qu’elle avait crispés tandis que le superviseur lui hurlait dessus. Respirer. Tenter de refouler son propre agacement. Oublier qu’elle vient de se faire réprimander comme une gamine de huit ans – l’écho des cris vibre encore dans ses tympans. Rester calme. Et fixée sur son objectif. Pour le moment, cela seul compte.

Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle se rend compte que l’homme qui l’a escortée jusqu’au bureau du superviseur est toujours au fond de la pièce, du côté de la porte, et qu’il l’observe d’un œil soucieux, visiblement gêné par ce qui vient de se passer.

- Je suis confus qu’il ait perdu son sang-froid devant vous, vraiment… Mais c’est qu’il a beaucoup de travail, et énormément de choses à gérer… Ce n’est pas toujours facile d’être constamment sous pression…
- Ne vous excusez pas pour lui, je comprends parfaitement la situation, le rassure la conteuse en essayant d’assortir ses mots d’un sourire aussi sincère que possible. C’est plutôt moi qui suis désolée d’alourdir encore sa charge de travail. Mensonge. D’après ce que j’ai compris, Iman travaillait dans l’aile ouest… Peut-être des gens la connaissent-ils, là-bas ? Je ne veux pas abuser de votre temps, mais est-ce que vous auriez la gentillesse de m’indiquer le chemin ?

Nouveau sourire – et son interlocuteur, après une demi-seconde d’hésitation, incline la tête. Son turban rose oscille légèrement au sommet de son crâne.

- Bien sûr, ce n’est pas loin. Je vous y emmène.


Rim sur les talons, il quitte le bureau et emprunte le couloir de gauche. Tout en s’efforçant de suivre ses grandes enjambées, la jeune femme réfléchit, repassant en boucle dans son esprit les paroles du superviseur. Sans le vouloir, il lui a tout de même confirmé une information capitale : l’apprentie alchimiste étudiait bien les dosantats. Et c’est très certainement vers eux qu’elle a choisi de se diriger. Mais il y a aussi autre chose – les premiers mots de l’homme ne cessent de tourner dans sa tête. Vous êtes la quatrième personne qui demande après Iman… Quatre ? Si l’une d’entre elles est sans doute Latif, qui sont les deux autres ?

Toujours sur les pas de son guide, la conteuse s’apprête à tourner à l’angle d’un couloir, mais une petite silhouette à la peau sombre attire soudain son attention – silhouette dont elle reconnaît aussitôt le crâne chauve et les sourcils furieusement froncés. Le superviseur. Qui vient de sortir d’une salle bondée. Rim prend sa décision en un éclair.

- Attendez-moi, j’en ai pour deux minutes, lance-t-elle à l’homme qui la précède avant de se mettre à courir en sens inverse, vers le superviseur qui marche à présent dans le couloir.

En l’apercevant, celui-ci marque un temps d’arrêt désagréablement surpris mais la jeune femme ne lui laisse pas le temps, cette fois-ci, d’avoir le premier mot. Mains levées en signe d’apaisement, elle ébauche un petit sourire volontairement hésitant en arrivant à sa hauteur.

- Écoutez, je… je suis venue m’excuser pour tout à l’heure. Je suis désolée d’être venue vous déranger dans votre travail de manière aussi maladroite… Je me doute que vous devez être très occupé, vous avez l’air de gérer beaucoup de choses, ici…

Elle n’est pas sûre de ses talents d’actrice, mais sa petite comédie semble fonctionner car le visage du superviseur s’adoucit quelque peu.

- C’est simplement que je m’inquiète beaucoup pour Iman, nous étions amies sur le continent, je me faisais une joie de la revoir en arrivant à Hikmet… et voilà, apprendre, à mon arrivée en ville, qu’elle a disparu, de la bouche même de son professeur… c’était un peu difficile pour moi…

Rim se mord la lèvre tandis que sa voix se brise.

- Mais je comprends que vous ne puissiez pas m’aider, bien sûr. Ce n’est pas votre travail. J’en ai conscience. Simplement, je me demandais… Vous avez dit que j’étais la quatrième personne à venir vous interroger à son sujet, tout à l’heure. Si je puis me permettre, qui étaient les trois autres ?

Et tant qu’à faire, puisque la carte de la compassion a l’air plutôt efficace…

- Et puis… Si ça ne vous demande pas trop de travail supplémentaire… Pensez-vous que vous pourriez me dire quand, précisément, Iman s’est présentée au laboratoire pour la dernière fois – quel jour, et à quelle heure ? Cela devrait être indiqué dans vos registres, je suppose…

Moi, je ne m’occupe que de qui a quelle paillasse et à quelle heure. C’est ce qu’il a affirmé. Et ça aussi, elle l’a bien retenu.
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Lorsque Zuleika étala sur un vaste bureau tous les papiers relatant les faits et gestes caravaniers de la semaine, Danyal senti sa concentration s’échapper en quatrième vitesse de son cerveau. C’était automatique. Une honorable administratrice de la Garde mettait sous ses yeux le moindre rapport, tableau des comptes ou journal de bord et c’était comme si on le ramenait à son état d’enfant cancre et allergique aux études. Mais quelque chose avait changé depuis cette époque et le poussait à s’accrocher, à se ramener sur terre lors des moments de fuite, et à écouter plus ou moins attentivement la brave bonne femme qui répondait à sa requête : la paye. Aujourd’hui il était payé pour faire ça, pour écouter, un peu, et agir, beaucoup. Alors malgré sa folle envie de faire demi-tour pour se vider une coupe de kumis et aller sauver sa cible à l’aveugle, il se força à écouter, mais sans vraiment réussir à masquer son ennui.

Selon les renseignements de Zuleika, donc, trois caravanes seraient susceptibles d’intéresser notre jeune homme. Deux d’entre-elles provennaient de la même guilde, transportaient des passagers et allaient dans la région où aurait pu vouloir se rendre la distraite assistante. Mais la troisième caravane intrigua bien plus Danyal car un détail insolite s’y trouvait. Il s'agissait du transport de fret et pourtant un passager s’y était glissé au dernier instant, insistant donc pour partir maintenant dans ce convoi précis alors que les jours suivants d’autres caravanes quittaient Hikmet vers cette partie de l’île. Il y avait donc là un désir de départ urgent, ce qui coïnciderait avec une apprentie casse-cou qui chercherait à s’extirper de la vigilance de son maître pour partir faire quelques expéditions en solitaire.

Ou bien, songea Danyal, c’était quelque chose de plus grave, mais inutile de s’alarmer tout de suite. Si ça se trouve ce n’était même pas elle ce passager surprise. De toute manière, Danyal avait les adresses des deux convoyeurs qu’il était opportun d’interroger sur la question. Il souhaitait néanmoins commencer par cette dernière mystérieuse caravane, donc le propriétaire semblait également plus… modeste et donc plus facile à interroger que des vieux requins qui gèrent plusieurs dizaines d'hommes qui arpentent l’île en même temps.

Une fois que la scribe eut expliqué tous ces pointilleux détails à son collègue de la Garde, elle referma les épais registres à la reliure de colle à poisson si épaisse qu’elle craquait à chaque page tournée. Mais il fallait bien ça pour faire tenir en place d’aussi imposants ouvrages. A la fois compatissant et soulagé de ne pas être à sa place, Danyal eut une pensée pour cette pauvre femme qui devait manipuler quotidiennement ces objets de plusieurs kilos, juste pour en extirper trois dates et deux adresses. Ce n’était vraiment pas un métier simple, se dit-il, puis il repensa aux terribles monstres qui l’attendaient sûrement dans les confins de cette île de malheur et qu’il devra pourfendre pour sauver cette pauvre demoiselle en détresse.

Non, finalement, elle avait de la chance la vielle Zuleika.

- Merci m’dame, je m’en vais de ce pas interroger le dernier convoyeur, l’indépendant ! Si je peux éviter de me frotter aux gripsous qui ont affrétés les deux autres caravanes je ne m’en porterai que mieux !

Il ne détestait pas spécialement ces braves entrepreneurs d’Hikmet, mais si la Congrégation avait une réputation de langue de bois aux tournures ampoulées bons qu’à vous détourner de votre but et vous faire travailler pour eux, ce n’était rien à côté de la dureté minérale des puissants marchands d’Hikmet lorsqu’il s’agissait de lâcher la moindre information. Rappelons à toutes fins utiles que Teer Fradee fut tenue secrète pendant des années par ces mêmes effroyables prédateurs financiers. Une île entière, voilà ce qu’ils étaient capables de garder au fond de leur gorge si c'était dans leur intérêt de se taire.

Alors oui, si la jeune assistante pouvait se trouver dans la caravane de l’indépendant c’était pour le mieux, pour tout le monde.

Une fois qu’il eut pris congé de la vénérable Zuleika, Danyal repartit à grands pas pressés vers le port de la ville et les modestes entrepôts qu’on y trouve en périphérie. C’était là qu’il tomberait sur ce modeste caravanier solitaire. Et il savait que le temps était compté, car une femme disparue pendant, au mieux, onze jours c’était un temps considérable pendant lequel il pouvait lui être arrivé n’importe quoi sur ce maudit caillou. Et il avait une prime à récupérer, alors mieux valait se dépêcher de la ramener à bon port !
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Un début de direction
Le superviseur pousse un gros soupir tandis qu’il écoute tout ce que Rim a à lui dire. Il se frotte le front avant de secouer la tête.

- C’est moi qui devrais m’excuser. Latif a une furieuse tendance à casser les… pieds.

Grommelle l’homme.

- Si vous êtes amie d’Iman c’est différent. Je pensais que Latif envoyait encore un autre de ses mercenaires. Il n’arrête pas d’embaucher des gens pour courir après Iman, c’est eux qui sont passés auparavant, mais je ne crois pas qu’elle voudrait…

Le superviseur pince légèrement les lèvres.

- Je ne sais pas si vous avez appris, vous étiez probablement dans le bateau mais… Iman a reçu des nouvelles d’un messager, ici-même. De très mauvaises nouvelles, de ce que j’en sais. C’était une véritable tempête ce jour-là. C’était pas une fille facile à approcher mais à partir de ce moment elle est devenue irascible. Elle ne voulait pas qu’on la suive. Mais peut-être que ça lui ferait du bien d’avoir de vos nouvelles. Ca pourrait ramener un peu d'ordre dans sa petite caboche têtue !

D’un coup, l’homme tourne la tête vers un jeune savant qui passe dans le couloir, les bras chargés, et lui beugle de ne pas déplacer le matériel d’une salle à l’autre sans avoir rempli le bon formulaire. Le pauvre gamin manque d’en faire tomber les affaires qu’il tentait de faire passer en douce.
Le superviseur prend une inspiration.

- Iman ne s’est plus présenté à son poste de recherche pendant plusieurs jours. Il a été redistribué depuis, nettoyé, vous y trouverez rien. En revanche, le dernier jour avant son départ, elle est allée asticoter des biologistes. Ils ne sont pas dans mon aile. Ils étudient spécifiquement les rapports d’un gars de l’équipe du Professeur Hassan qui les envoie directement de Wenshaveye.

Le superviseur décrit brièvement à Rim la façon de se rendre auprès des hommes en question. Après tout le bâtiment n’est pas immense, il est simplement difficile de s’y déplacer parce qu’il est bondé et que beaucoup de savants ont besoin de communiquer pour travailler, ce qui crée un brouhaha permanent en bruit de fonds.

La conteuse pourra retourner auprès de son guide et se rendre auprès des biologistes. Ils sont moins acariâtres que le superviseur mais peut-être au contraire un peu trop enthousiaste qu’on vienne les questionner. Leur paillasse est relayée dans l’espace d’un placard à balais et c’est avec passion qu’ils tentent de produire un précis d’anatomie des créatures de l’île, tâche sur laquelle doivent s’être attelé un nombre incalculable de savants dont certains avec des moyens bien plus élevés que ceux-là. Ça ne semble pas les décourager.

Ils n’ont pas encore commencé leur entrée sur les dosantats. Ils en sont aux tetra. Mais ils ont effectivement parlé avec Iman. Ils lui ont indiqué un coin de niche pas trop loin du village de Wenshaveye, dont ils ont eux-mêmes appris l’emplacement par ce fameux chercheur qu’a évoqué le superviseur. La parole rapportée d’une parole rapportée, en somme. Mais cela donne une direction à Rim – dans les galeries calcaires des falaises près de l’océan, expliquent les biologistes. L’un d’eux se lance dans une grande explication de la façon dont les dosantats érodent la roche sédimentaire avec leur salive pour constituer leurs nids. L’autre précise qu’il y a beaucoup de falaises à Wenshaveye et qu’il espère qu’Iman ne s’est pas aventurée à l’intérieur seule.



Danyal, de son côté, trouvera l’indépendant en question, un homme d’une quarantaine d’année un peu fluet, juste à l’entrepôt indiqué par Zuleika. Le gars a son chariot, comme décrit, et ses deux bêtes. Il n'a pas l'air bien riche. Il l’explique bien à Danyal en le voyant débarquer, la crainte au ventre que la garde ne s’intéresse à son cas pour de mauvaises raisons.

Le visage de l’homme s’éclaire en comprenant qu’on ne vient pas lui demander un énième compte de ses marchandises.

- Oui, Iman ! Elle a fait le voyage en promettant de me protéger moi et les filles avec son fusil ! Ça s’est bien passé.

« Les filles » doivent être les deux beaux andrig qui accompagnent le convoyeur. Il s’est interrompu dans la charge du fret qu’il transporte, des caisses marquées d’un sceau naute qui doivent avoir été fraichement débarquées et acheminées jusqu’ici, pour répondre à Danyal.

- J’étais au contrôle et voilà qu’elle surgit de nulle part et voilà qu’elle me saute dans les pattes. Sacrée bonne femme. Pas très causante, mais elle rechignait pas à faire sa part sur le trajet. Elle a même aidé avec la patte d’Isabelle quand elle la trainait un peu. Elle lui a mis une espèce de baume et ça allait beaucoup mieux après ! Je l’ai déposé à côté d’une rivière, à sa demande. Elle voulait la remonter pour aller vers la mer, de ce que j’ai compris.

L’homme s’étire avec un grognement.

- J’espère qu’elle a pas d’ennuis.

Il s’inquiète, puisque c’est tout de même un garde qui demande après elle.

- Dites-voir… si vous voulez aller après elle, je pars dans pas bien longtemps. Je peux vous montrer tout pile où j’ai amené Iman.

Le visage du gars s’est éclairé. Cela lui ferait gagner du temps d’avoir un garde à bord – moins de suspicion de la part de ses collègues.




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C’est avec soulagement que Rim constate l’efficacité de son mensonge. Sans remettre en question sa prétendue amitié avec Iman, le superviseur laisse échapper un long soupir et, toute agressivité oubliée, accepte enfin de lui parler de la jeune fille. Apprendre que Latif a déjà envoyé d’autres personnes sur les traces de son élève ne la rassure qu’à moitié – cela signifie donc que celles-ci ont fini par abandonner ? –, mais elle s’efforce de ne pas réagir et d’écouter son interlocuteur sans l’interrompre.

Lorsque le superviseur évoque les mauvaises nouvelles reçues par Iman quelque temps avant son départ, la conteuse affiche une moue désolée de circonstance mais c’est en réalité une nuée d’interrogations qui envahit aussitôt son cerveau. Ce message peut-il avoir un lien avec la décision de la jeune femme de quitter Hikmet ? Ces annonces ont-elles pu la pousser à partir à la recherche des dosantats ? Visiblement, le superviseur n’en sait pas plus, et Rim devine qu’il ne sert à rien de le questionner davantage à ce sujet – mais ces renseignements ont au moins le mérite de dresser un meilleur portrait de la disparue. Irascible, têtue… Un fort caractère, apparemment. Tant mieux. Elle craignait qu’il ne s’agisse d’une de ces scientifiques trop plongées dans leur monde et obsédées par leurs recherches pour prêter attention à la réalité extérieure, une fille intelligente, certes, mais un peu naïve et rêveuse, totalement inconsciente de la dangerosité de sa curiosité… Mais à en croire son interlocuteur, Iman a du tempérament. Pas du genre à se laisser marcher sur les pieds – ou dévorer par la première chauve-souris venue. Peut-être est-elle toujours en vie, finalement.

Pour finir, le superviseur lui conseille d’aller interroger les biologistes, les derniers à avoir discuté avec l’apprentie alchimiste, et Rim, après l’avoir chaleureusement remercié, se hâte de retrouver son guide – qui a eu la politesse de l’attendre. Quelques minutes plus tard, tous les deux sont arrivés à la paillasse des scientifiques – bien plus modeste que ce à quoi elle s’attendait – et c’est avec enthousiasme que ceux-ci acceptent de répondre à ses questions. Iman leur a bel et bien demandé des renseignements sur les dosantats et, entre diverses explications savantes à propos de ces animaux, ils indiquent à la conteuse l’emplacement précis qu’ils ont désigné à la jeune fille. Près de Wenshaveye, dans les falaises. Non seulement la piste des chauve-souris géantes se confirme, mais Rim a à présent un lieu déterminé où se diriger. Une quinzaine de minutes plus tard, la conteuse referme le carnet où elle a soigneusement pris en note les informations données par les chercheurs. Remercier les biologistes, profiter une dernière fois de la courtoisie de son guide pour rejoindre la sortie du laboratoire… Elle a récupéré tous les renseignements qu’elle pouvait obtenir ici. Il est maintenant temps de retrouver Danyal.
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Le port d’Hikmet. Y’a pas à dire, Danyal se sent bien ici. Non pas qu’il appréciait les odeurs de la pêche du jour, de l’iode qui décrasse la trachée et de la fumée âcre des vendeurs de casse-croûte ; ce n’était pas non plus le boucan des vendeurs de la criée, des marins qui ne communiquent qu’en hurlant ou de la foule de clients négociant des remises de leur voix forte ; ce n’était pas non plus la population, amas de gueux de mer nihilistes divers et variés, qui plaisait à cet amateur de belles choses. Si Danyal était si friand de traîner ses bottes cloutées dans cette partie malfamée de la cité, c’était justement car, en tant que garde, il rutilait de tout son être, éblouissant les badauds boueux, étendard de sa puissante guilde. Sur le port, il se sentait non seulement riche, mais aussi important. Le fait de marcher, sentir son armure cliqueter, la main sur le pommeau de son sabre, la démarche altière -autant que faire se peut pour l’ivre et maladif jeune homme- et le visage fermé. C’était la meilleure sensation du monde, celle pour laquelle il s’était engagé.

Mais cet état de grâce ne dure qu’un temps et, très vite, sentant les odeurs l’empester et le bruit lui vriller les oreilles, il accéléra le pas pour se rendre là où il pourrait trouver l’entrepôt de son suspect. Enfin, suspect, on se comprend, son seul crime aura été d’accepter un passager ce qui n’est interdit nulle part. Après avoir longé quelques entrepôts où s’affairaient débardeurs, négociants et maréchaux-ferrants, il tomba sur l’homme que Zuleika avait décrit, un des plus misérables de ces docks. Seul, avec ses deux robustes andrigs aux cornes épaisses, il demeurait là à charger son chariot pour le prochain trajet. Danyal s’approcha, avec toute la prestance qu’il adorait arborer, et laissa l’homme le saluer d’abord. Il semblait anxieux de voir arriver la garde, un comportement entre l’ordinaire et l’étrange, cela dépendait de l’humeur du combattant.

- Monsieur, j’enquête actuellement sur la disparition d’une jeune femme, l’apprentie du Sieur Latif, alchimiste. Elle s’appelle Iman, on m’a dit qu’elle avait embarqué avec vous au premier péage…

Et il écouta la longue explication de l’homme. Il semblait épuisé, mais par nature, mais aimable puisqu’il a accepté de transporter Iman à l’autre bout de l’île. Danyal était déjà soulagé d’apprendre qu’il avait fait bonne pioche. Il n’aurait pas à tourner dans toute la ville en quête d’indice plus longtemps. Une fois le récit du marchand achevé, Danyal espérait prendre congé et s’en retourner vers sa comparse pour décider d’un plan, mais l’homme le devança. Il lui proposa ni plus ni moins que de l’emmener au même endroit que la disparue, sans frais. Enfin, sans frais, ni pour Danyal ni pour lui puisque d’ordinaire faire protéger ses convois par la Garde coûtait une certaine somme. Mais Danyal imaginait mal l’homme accepter de lui rendre service et en plus de payer pour cela. Il était rusé finalement, ce vieux pécore. Mimant un instant de réflexion, le soldat lui répondit enfin.

- Hmmm… très bien, ça me convient. Par contre je fais cette enquête avec une autre jeune femme qui est parti quérir des indices ailleurs. A un laboratoire… où y’a des philosophes. On pourrait passer par là-bas pour l’embarquer ? Ou alors vous m’attendez et je reviens avec elle.

Pour être honnête, il préférait la première option, ça lui éviterait de la marche et très sûrement que ce vagabond saurait où se trouve ce fameux laboratoire, ce dont il ne pouvait pas vraiment se targuer.
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Sur la route
- Oh bah… Oui. Allons la chercher, votre dame.

Lance le charretier à Danyal.

- Si ça vous fait rien, je finis de tout charger… Ca va vers Nouvelle-Sérène, vous voyez…

Pendant que l’homme travaille, caisse après caisse, il explique brièvement à Danyal ce que contiennent les caisses : ce sont des produits confectionnés dans la banlieue d’Al Saad. Paraît-il qu’ils sont bien utiles pour dompter les cheveux dans ce climat humide ! C’est en tout cas ce que soutiendra l’homme. Puis, il invitera Danyal à monter à ses côtés, à l’avant. Les voilà embarqués vers le laboratoire tous les deux. L’homme dirige son attelage d’une main sûre, même si ça bouchonne dans les rues à cette heure de la journée. Jovial, il se contente de siffloter quand il faut patienter un peu alors que d’autres convoyeurs se beuglent dessus. Le charretier propose à Danyal de descendre quand ils sont tout à fait immobiles parce que quelqu’un a un souci d’essieu devant eux. Ainsi, le Garde pourra faire quelques provisions pour son petit voyage, et ils sont justement à côté de quelques échoppes.

Finalement, en arrivant devant le laboratoire, l’homme immobilise son attelage. Quelques savants qui fument le narguilé sur le porche, visiblement en pause, regardent la charrette d’un œil curieux. Dès que Danyal a repéré Rim, leur conducteur lui propose aussi de venir à l’avant. Il insiste que s’assoir parmi les caisses est très inconfortable et il les a de toute façon sanglées – il n’y a pas grand-chose sur lequel s’accrocher en cas de cahot. Et des cahots, il en prévoit sur leur route !

Au début tout va bien, puisqu’immédiatement hors d’Hikmet on n’a pas beaucoup de difficultés à avancer, mais très vite on se retrouve sur de la terre battue car la voirie n’est pas encore très développée, même dans certains quartiers à l’intérieur de la ville. Les Gardes font bien s’arrêter l’attelage et demandent à chacun son identité et ses raisons de quitter la ville.

Danyal peut savoir que cette pratique est assez récente. Plus les rixes avec le village natif voisin se font nombreuses, plus les Hommes sont sur les dents. C’est presque un petit poste-frontière qui commence à se constituer, sans qu’ils aient réellement d’ordres en ce sens. Cela dit, on les laisse faire.

Heureusement, la présence de Danyal écourte effectivement les formalités. Ses camarades le saluent courtoisement, peut-être avec un peu de distance pour certains. Ils n’ont certainement pas les rôles les plus faciles, ils sont en première ligne pour défendre la ville et ses environs et certains envient probablement leurs collègues de l’intérieur des murs, aussi rudimentaires soient ces derniers.

Quoi qu’il en soit, le voyage peut commencer. Le charretier mène ses bêtes à une allure tranquille mais régulière. Le paysage défile. Hors de la ville, on découvre déjà la nature, mais hors de la campagne d’Hikmet… Le chemin est inégal, boueux. Les bois alentours sont tellement touffus, certaines futaies ont les troncs si rapprochés, qu’on dirait des prisons. Il n’est pas rare de voir quelque chose s’y agiter quand qu’on soit vraiment sûr de ce que c’est, et que cela ait disparu dès que l’on cligne des yeux.

Gacane et ses forêts bien claires et espacées, aménagées uniquement pour la chasse, semble bien loin. Même les steppes d’Al Saad sont incomparables. Elles sont certes dangereuses mais elles sont surtout absolument vides. La majorité de leur faune ont lentement disparu, et on ne craint pas d’y voir s’agiter grand-chose. La poussière, la roche… Tout y semble mort.

Ici, c’est l’inverse. Danyal et Rim ont tout loisir d’interroger leur cocher ou de discuter entre eux de la marche à suivre sur le chemin, car pour le moment rien ne vient vers eux mais l’homme qui les conduit prévient tout de même :
- Ouvrez l’œil !

Il a le ton étrangement guilleret quand il leur révèle une cicatrice massive qu’il a au bras. Là où un « sacré gros loup » l’a mordu, selon lui.




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C’est avec étonnement que Rim voit s’arrêter à côté d’elle un attelage tiré par deux animaux massifs qui ressemblent à des buffles. Puis elle reconnaît l’homme assis à côté du conducteur – le chignon de cheveux sombres, les yeux noirs en amande… Danyal. Après lui avoir brièvement expliqué la situation, il se serre légèrement pour lui faire de la place à l’avant et, face à l’insistance du charretier, la jeune femme finit par s’installer à côté de lui.

- Merci beaucoup, glisse-t-elle dans un sourire au conducteur du convoi, c’est très aimable à vous. Comment vous vous appelez ?

Par chance, il a arrêté de pleuvoir et ils sortent de la ville sans encombre – ce n’est qu’un peu plus loin qu’un petit groupe de gardes les arrête, afin de les interroger sur leur identité et leurs raisons de quitter Hikmet. Puis ils reprennent leur route et la conteuse, remisant momentanément leur mission dans un coin de son esprit, se laisse aller à l’observation du paysage qui défile lentement à côté d’eux. Un chemin boueux et caillouteux, ponctué de trous, de bosses et de racines qui font bringuebaler l’attelage et son chargement, bordé de taillis obscurs et d’énormes arbres aux branchages s’envolant vers le ciel. Tout lui semble immense – immense et gris. D’un gris inégal, cependant. Le gris bleuté des nuages, le gris marron de la terre retournée par les sabots des bêtes, le gris noirâtre des écorces noueuses, le vert de gris des frondaisons… Parfois, quelque chose bouge, quelque chose bruisse – le vent, un oiseau, autre chose ? – et Rim se félicite d’être confortablement assise dans le chariot, aux côtés d’un garde armé et d’un conducteur qui sait manifestement ce qu’il fait. Sa curiosité est intense, certes – mais matinée d’appréhension. Jamais elle ne le reconnaîtrait, mais dire qu’elle ne ressent aucune crainte, à cet étrange instant de suspension entre Hikmet et la nature bourdonnante de Teer Fradee, serait mentir… Oh, pas qu’elle ait des scrupules à mentir, bien sûr.

Puis, lentement, au fur et à mesure qu’elle s’habitue à ce nouvel environnement dans lequel ils s’enfoncent et où elle se sent, petit à petit, de moins en moins intruse, elle repense à Iman, à leur mission – et aux informations qu’elle a collectées au laboratoire. La jeune femme se penche légèrement vers Danyal, effleurant son bras de son épaule :

- J’ai eu des infos au laboratoire. À propos d’Iman. D’après ce que les scientifiques de là-bas m’ont appris, elle a bien dû aller à la rencontre des dosantats… Et apparemment, ils lui ont indiqué un lieu précis où faire ses observations. Du côté de Wenshaveye, comme nous l’a effectivement dit Latif, dans des falaises qui donnent sur l’océan. Les dosantats nichent dans leurs galeries… C’est sans doute là qu’elle a essayé d’aller, pour ses recherches.
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Voilà Danyal en route vers le laboratoire, dans une charrette tout à fait rustique qui brinqueballe au rythme des cailloux qui passent sous ses roues. Il aimait le cheval, cela lui donnait un sentiment de liberté, de puissance et de contrôle qu’il appréciait, mais voyager en chariot lui évoquait l’exact contraire. La lenteur, les remous, le paysage qui traîne à évoluer devant soi comme un impétueux nuage cachant le soleil. Le chariot c’était l’ennui, et le garde connaissait cela mieux que personne. Et lorsqu’il s’ennuyait, Danyal buvait. Et lorsque, comme ici, il n’y avait rien à boire, Danyal s’agaçait. Mais le voilà bientôt sauvé. Durant cet interminable trajet dans le centre surchargé d’Hikmet, il y eut un moment de complète immobilisation à cause d’un accidenté en face d’eux. Le jeune homme ne pouvait plus masquer son agacement et s’il avait pu, à cet instant, appuyer sur un bouton pour faire le maximum de bruit et s’économiser un cri, il l’aurait fait.

Mais à ce moment son aimable chauffeur eut une brillante idée : qu’il descende faire des emplettes. D’une part, il sera plus agréable -sans même qu’il le sache- pour le marchand de ne pas avoir Danyal près de lui alors qu’il est agacé, d’autre part il pouvait ainsi prendre de quoi se sustenter pour le trajet. Se trouvant dans l’une des avenues principales d’Hikmet, il pénétra bien vite dans un tout petit bazar couvert, avec cinq étales, dont chaque propriétaire tenta de le faire consommer à grands cris, y compris dans ce petit espace.

- Rah, je vous en prie, je vous entends très bien.

Mais la Criée à toute heure était une tradition au moins aussi ancrée chez ses compatriotes que le mépris de la médiocrité. Le hasard voulu qu’il souffre des deux quasi-quotidiennement depuis le début de son existence. Résolu d’être anticonformiste le temps de ses achats, il s’approcha d’une jeune femme, ou plutôt jeune fille, tenant l’étal du fond et qui ne lui avait pas crié dessus. Il lui acheta volontiers, car c’était la spécialité de son échoppe, de la viande séchée de mouton, bœuf au thym et origan, chèvre au miel d’acacia de Teer Fradee et deux bouteilles de vin pour aller avec. Il prit soin de lancer ses œillades les plus satisfaites à tous les bruyants commerçants du bazar, qui s’étaient bien tus face à son odieuse machination.

Désormais bien approvisionné, il revint avec une meilleure humeur aux côtés du marchand avec qui il partagea volontiers un peu de viande séchée. Ses parents seraient ravis de savoir que son argent servait à nourrir un indigent sûrement incapable de saisir une phrase complète qu’ils pouvaient employer au quotidien. C’étaient ses petits plaisirs innocents ce genre de doigts d’honneur par-delà l’océan.

Ils se remirent ensuite en route et arrivèrent enfin devant le laboratoire pour récupérer mademoiselle Rim qui semblait toujours aussi enthousiaste et lumineuse, tout le contraire de son compagnon d’aventure, mais il en fallait pour tous les goûts. Il lui passa un morceau de mouton, d’ailleurs, tandis qu’il déboucha la première de ses deux bouteilles de vin à l’étiquette jaunie. Il poussa un véritable soupir de soulagement à la première gorgée, comme s’il réalisait avoir eu la gorge desséchée à l’extrême. C’était simplement l’alcoolisme.

Rim fit la conversation au chauffeur, pour le grand soulagement de Danyal qui avait plus à cœur de poser ses pensées quelques minutes.

Sortir de la ville l’aiderait dans l’exercice. Le tumulte d’Hikmet le tourmentait souvent, lui qui était habitué à l’écrin calme et capitonné des beaux quartiers d’Al-Saad. Par défiance, par contestation, par envie peut-être aussi, un peu, il baignait de bon cœur dans ce que Hikmet pouvait faire de plus bordélique et débauché, mais une part de lui aspirait toujours au calme des sens et de l’esprit. Les voilà éloignés de la ville, à ne plus entendre de tumulte, mais ses pensées, elles, ne pouvaient être apaisées que par le vin. Alors il en bu une nouvelle rasade.

Mais rapidement, Danyal est sollicité par son convoyeur. En effet, un poste de la Garde promettait de ralentir leur progression pour réclamer papiers et bakchichs. Mais ils sont tendus, il le remarque bien assez tôt. Alors, au milieu des formalités pour pouvoir franchir cette frontière plus administrative qu’autre chose, Danyal estima juste de leur laisser sa première bouteille qu’il avait déjà vidé de moitié, comme pour les encourager à l’imiter et oublier les soucis du monde par l’alcool. Nul ne sait comment ses collègues interprétèrent ce geste, mais la compagnie put rapidement reprendre la route.

Rapidement, les plaines entourant Hikmet firent place aux intimidantes forêts de Teer Fradee percées de larges routes par les Gacaniens. Mais elles demeuraient inquiétantes, bruissant de toute part sans jamais révéler ce qui s’y agitait, ou bien trop tard. Danyal n’était jamais serein dans la forêt. Habitué aux steppes, aux dunes, aux grands espaces stériles, patrouiller dans ce labyrinthe vivant n’était jamais un moment très attendu, et cela ne risquait pas de changer. Heureusement, il pouvait compter sur Rim pour briser le pesant silence de ces bois en donnant les informations qu’elle avait récolté au laboratoire. Cela s’annonçait folklorique…

- Pfeuh, fulmina-t-il en réponse, j’ai hâte de l’avoir sous la main pour lui demander ce qui lui est passée par la tête. Foutus gros cerveaux, à mépriser le danger. Enfin, tirons des leçons de sa bêtise et soyons prudents. Même si elles étaient vides, ces grottes seraient dangereuses à arpenter, et elles ne le sont pas.

Son pragmatisme était peu apprécié de ses collègues, pour la plupart jeunes, fougueux et idiots. Et ses supérieurs auraient pu y voir une qualité si de réguliers rapports ne faisaient pas état de son ivresse permanente et de sa mauvaise volonté. Mais vu la paye de ce juteux contrat, on pouvait espérer qu’il soit plus motivé qu’à son habitude.

Les minutes suivantes, il s’employa à bavarder avec le marchand qui les conduisait aimablement sur place. C’était un homme bourru, mais qui n’avait pas froid aux yeux. Lorsqu’il exhiba sa monstrueuse cicatrice, Danyal eut un mouvement de recul, horrifié et légèrement dégoûté aussi.

- Oh mon diable ! Bordel, j’espère qu’on croisera pas une bestiole pareille. Elle serait capable de dévorer mon sabre.

Il avait dit cela sur le ton de l’humour, mais avala tout de même une nouvelle rasade de vin pour s’humecter le gosier. Le voyage promettait d’être long, mais il savait les routes constellées de petites auberges ou de fermes. Ils ne mourraient pas de faim. Soudain, il se souvint n’avoir pas transmis à Rim le résultat de ses recherches. Après tout, elle avait grimpé dans ce chariot sans vraiment savoir qui en était le conducteur.

- Au fait, de mon côté j’ai appris à la Garde que notre demoiselle est allée à Wenshaveye à bord d’un chariot de marchand parti y’a une semaine. Il y avait plusieurs… suspects, on va dire, et je suis allé directement voir ce Monsieur ! Dit-il en tournant la tête vers l’homme. Mon intuition s’est révélée juste. Il a accepté de nous emmener là où il a laissé Iman. Merci encore, l’ami, ne t’inquiète pas pour les frais de bouche du voyage, c’est moi qui régale.

Enfin, les parents de Danyal régaleront. Là était la clé de sa générosité, mais personne ici n’avait besoin d’être au courant. Finalement, même si le chariot n’était pas son moyen de transport favori, peut-être que ce voyage ne serait pas une désagréable expérience.
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Le bivouac
Le charretier s’appelle Gafar. Il rit à la remarque de Danyal sur la taille des bestioles de l’île, mais jette un regard sceptique à son vin. Il assure qu’il a pris ses propres réserves – de l’eau – et que ça ira très bien pour lui.

Rim, Danyal et Gafar filent sur la route à un rythme lent mais sûr. Le soleil file dans le ciel, sous une épaisse couche de nuages. Il fait frais et humide, particulièrement quand la caravane traverse des portions boisées qui ont été élaguées pour permettre le passage. Là, une chape glacée semble tomber sur les épaules, et on respirer des panaches de vapeur.

Gafar pose une couverture en cuir grossièrement tanné sur ses cuisses et la propose à ses comparses. Il s’arrête trois fois pour faire boire ses bêtes tandis que Danyal et Rim peuvent voir le paysage changer, entre collines où la pierre pâle affleure, vallées pleines de prairies dont l’herbe arrive à la taille, et insondables forêts. Dans les prairies, ils peuvent voir au loin un troupeau d’andrig qui avance tranquillement, le chiendent ondulant sous la bise venue du Nord. Sur les collines, ils distinguent au loin un arbre immense, creux, probablement frappé par la foudre, recouvert de symboles et de carillons Natifs. Deux silhouettes les observent depuis la base du tronc. L’une d’elle a les cheveux entièrement verts et de la mousse semble pousser sur ses cornes végétales. Gafar leur décoche un regard mais ne les salue pas et conseille à ses passagers d’en faire de même. Il estime qu’ils ne sont pas agressifs mais qu’il ne vaut pas mieux attirer leur attention sauf s’ils viennent directement les trouver.  

Dans les forêts, il serait plus simple de décrire ce qu’on ne voit et n’entend pas tant il y a de choses qui attirent l’œil et l’oreille. Tout bruisse, des ombres se télescopent entre les troncs, des cohortes d’oiseaux répandent leurs trilles entre les troncs. C’est dans une clairière en bordure de route que Gafar s’arrête pour la nuit. Il propose à Rim et Danyal de dormir entre les caisses en leur mettant une toile de tente au-dessus de la charrette pour s’éviter la pluie. Lui-même a une tente, mais elle est petite et ne peut le contenir que lui. Il a cependant des couvertures à leur donner pour rendre l’exercice moins inconfortable.

Gafar prépare un feu. Il boit à sa gourde et propose de l’eau à ses comparses, les laissant se sustenter sur ce que Danyal a acheté. Lui-même consomme un peu de pain plat et du fromage de caprin avant d’aller retrouver son lit.

Le vent entrechoque les branches dans un bruit qui ressemble aux soupirs d’un mourant. Dans le ciel, les nuages filent à toute vitesse devant une lune gibbeuse qui semble reposer parmi un fleuve d’étoile.
Tout est à la fois beaucoup plus calme et beaucoup plus bruyant qu’une ville gacanienne.

Si Danyal et Rim parviennent à trouver le sommeil, ils seront réveillés par un reniflement insistant. Quelque chose – et quelque chose de plutôt gros si on en juge à la silhouette qui se découpe grâce aux braises mourants de l’âtre – est en train de flairer la cargaison dans le chariot, les mêmes caisses près desquelles se sont étendus les dormeurs.

Gafar avait promis que le feu éloignerait les prédateurs mais il semble s’être presque éteint de lui-même. Peut-être à cause du vent, ou peut-être à cause de l’humidité, difficile à dire.



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Le voyage se révèle, contre toute attente, plutôt agréable. Les remarques mi-grognon mi-sarcastiques de Danyal tirent un sourire à Rim, qui se contente d’acquiescer d’un signe de tête lorsque celui-ci, après avoir abondamment récriminé contre Iman, incite à la prudence. Au moins, tous les deux sont sur la même longueur d’onde. Si le garde ne semble pas enchanté d’être là, il semble être pragmatique, ce qui plaît à la jeune femme. Ce n’est visiblement pas lui qui insistera pour foncer tête baissée dans la gueule des dosantats. Maintenant, reste à savoir s’il est compétent…

Autour d’eux, les paysages défilent, oscillant entre bois, collines, plaines et vallées. De vastes troupeaux d’animaux apparaissent parfois à l’horizon, déambulant paisiblement au milieu d’immenses étendues d’herbes d’un vert tendre, et deux silhouettes humaines se découpent même à côté d’un énorme tronc d’arbre, au loin – bien trop éloignées pour pouvoir distinguer les traits de leurs visages. Des Natifs. Rim sent un frisson parcourir sa colonne vertébrale tandis qu’elle tourne la tête pour les observer avec curiosité et qu’elle sent, en retour, le poids de leurs regards peser sur ses épaules et suivre la lente avancée du chariot.

Puis le convoi finit par s’enfoncer dans la forêt, dans un clair-obscur pépiant et froufroutant de trilles et d’odeurs que la conteuse perçoit pour la toute première fois – une symphonie de sons, de mouvements et de senteurs qui la laisse éblouie. Oubliées la crainte, la mission, l’appréhension – ne reste plus que l’émerveillement de la découverte, de cette nature qui s’offre à elle et qu’elle happe goulûment, avec un plaisir étonné de petite fille. De nouveau une enfant, surprise et ravie, qui écarquille les yeux et ne peut s’empêcher d’interroger leur conducteur sur les plantes qui les entourent et les animaux qu’ils devinent tout proches, méfiants, foisonnants – oiseaux bavards, rongeurs furtifs, insectes légers et translucides… De temps en temps, elle sort même son carnet pour prendre quelques notes – des réponses de Gafar ou bien d’autres questions, qu’elle ne lui pose pas mais qui s'épanouissent dans son cerveau, aussi luxuriantes que la végétation qu’ils traversent.

Et puis, insensiblement, l’ombre prend le pas sur la lumière, et l’homme décide de s’arrêter pour passer la nuit. Une petite clairière qui borde le chemin, où un feu est rapidement allumé. Après les avoir remerciés, Rim accepte avec appétit la nourriture de Danyal et l'eau de Gafar. Elle-même a pris soin d’emporter une gourde avec elle, mais elle préfère économiser son eau pour le reste du trajet.

- Quand devrions-nous arriver là où vous avez laissé Iman ? s’enquiert-elle auprès du charretier tout en grignotant son morceau de viande séchée. Vous a-t-elle confié quelque chose sur ce qu’elle comptait faire, après vous avoir quitté ? Et comment était-elle d’ailleurs ? Physiquement, mentalement… Vous l’avez trouvée comment ? Est-ce qu’elle semblait avoir l’habitude de partir ainsi à l’aventure ?

Après tout, autant essayer de continuer à en apprendre davantage sur la disparue… Plus ils récolteront d’indices, plus ils auront de cartes en main pour la retrouver.

Une fois le repas terminé, Gafar propose aux deux coéquipiers de dormir dans le chariot, entre les caisses, sous une toile de tente, et la jeune femme accepte d’un hochement de tête. Elle l’aide à fixer la toile et prend plusieurs couvertures parmi celles qu’il leur propose – le froid commence à être piquant, malgré ses vêtements chauds. Elle a l’habitude des couchettes inconfortables et a déjà dormi dans des conditions bien moins agréables que celles-ci – les lattes de bois sont toujours plus confortables que les pavés, après tout – mais la température, en revanche, la fait frissonner. Et ni la rondeur d’argent de la lune ni les étincelles mordorées qui s’échappent du foyer ne lui sont d’un réel réconfort pour lutter contre la fraîcheur et l’humidité ambiantes…

Mais la voilà finalement allongée au milieu des caisses, enroulée dans ses couvertures, en essayant de se tourner de façon à se protéger du petit vent froid qui parvient à se glisser à l’intérieur du chariot. Lorsqu’elle trouve enfin une bonne position, elle s’immobilise et s’efforce de faire le vide dans son cerveau – dormir sur du dur, toute habillée, sans toit au-dessus de la tête, elle connaît. Certes, les bruits et les parfums sont différents, la température aussi – mais, en fermant les paupières…

Quelque chose.
Il y a quelque chose.
Là. Tout près.

Rim ouvre les yeux d’un coup. Avant même d’entendre le reniflement – l’instinct, le sixième sens de la rue. L’habitude d’être toujours en éveil, jusque dans le sommeil – surtout dans le sommeil. Quand on dort, tout peut arriver…  en particulier le pire. La jeune femme met cependant quelques secondes à comprendre pourquoi elle s’est si brusquement réveillée – et puis le reniflement retentit de nouveau, et tout son corps se crispe. Elle n’a aucune connaissance concrète de la faune sauvage, notamment sur Teer Fradee, mais elle sait ce que cela signifie : il y a un animal. Là. Tout près. Aucun moyen de savoir s’il est dangereux ou non, gros ou petit – coincée entre deux caisses, elle ne voit au-dessus de sa tête qu’un bout de ciel noir sur lequel mord la toile de tente. Mais ce n’est, quoi qu’il en soit, pas une bonne nouvelle.

Maudissant la décision de Gafar de dormir seul dans sa tente – lui, au moins, aurait su quoi faire –, le premier réflexe de la conteuse est de secouer Danyal – un garde est censé pouvoir se défendre, après tout… Mais Rim interrompt son geste avant même d’avoir commencé à lever le bras. Le reniflement, à nouveau… Aussitôt suivi d’un bruit sourd. Aisément identifiable : un choc contre une caisse de bois. Ce qui ne peut signifier qu’une seule chose : l’animal n’est pas seulement en train de rôder autour de leur campement… en réalité, c’est le chargement du chariot qu’il est en train de flairer.

Juste. À. Côté. D’eux.

Un froid intense s’abat sur la jeune femme – qui n’a, cette fois-ci, aucun rapport avec la température ambiante. À un ou deux mètres d’elle, juste derrière l’une des caisses qui l’entourent, peut-être, un animal sauvage est en train d’inspecter le chariot où elle se trouve.

Réfléchir. Vite. Que ferait-elle – que faisait-elle – si elle était à Al Saad, recroquevillée sous un porche, et qu’une menace inconnue rôdait autour d’elle ? Aucun moyen de prendre la fuite, elle est bloquée par les caisses et le chariot – et puis, pour aller où ? Elle ignore si Danyal est lui aussi réveillé mais elle sait de toute façon que, dans ce genre de situations, on ne peut compter que sur soi. Elle ne peut compter que sur elle. Et qu’a-t-elle à sa disposition ?

Ses doigts se referment sur le manche du poignard fixé à sa ceinture. Attaquer maintenant, de son propre chef, serait suicidaire… Mais, si la situation le demande, elle peut riposter. Elle doit se tenir prête. Et, en attendant…

Silence. Immobilité. Calmer sa respiration. Se faire oublier. Ne rien faire qui pourrait attirer son attention. Après tout, l’animal ne paraît pas agressif, pour l'instant… Simplement curieux. Peut-être, si Danyal et elle se montrent suffisamment discrets, va-t-il finir par se désintéresser du chargement et repartir sans pousser plus loin son exploration…
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Cet homme qui refusait le vin de Danyal… c’était un comportement irritant chez les habitants de l’Alliance. Sous prétexte d’hygiène, les voilà à clore à demi les yeux face à la moindre proposition impliquant de boire au même endroit qu’un de leurs congénères ! Ou alors il n’aimait pas ça, ce qui n’était pas une justification plus sympathique aux oreilles du guerrier.

- Très bien, répondit-il sèchement, cela en fera plus pour moi !

Il disait cela pour feindre le contentement, mais même lui n’était pas dupe sur sa vive addiction à la socialisation avinée plus qu’à l’alcool lui-même. Alors, boire tout seul… Peut-être Rim serait plus tentée, mais allez savoir pourquoi il n’avait pas vraiment le souhait de compromettre les facultés mentales de celle qui se révélait comme la plus capable de leur petite bande.

La suite du trajet, cependant, avait de quoi tous les pousser à l’alcoolisme. Il faisait froid, vraiment froid. Il ne neigeait pas particulièrement, ne gelait pas, non, ça c’était les armes du froid honnête, conquérant, qui s’annonce avec fierté et ne prend pas en traitre. Là, nous avions affaire à une spécialité de Teer Fradee : le froid insidieux. Celui qui arrive lentement, déjà, au fur et à mesure que se conjugue l’immobilisme du corps voyageur, l’enfoncement dans ces forêts sombres et humides et l’apathie du cerveau qui commence à s’ennuyer. Voilà le froid le plus pervers et terrible, celui qui vous rend malade et vous déprime, celui qui se développe car la vie grouille alentour. Un mal que les Gacaniens ne connaissaient plus car tout était devenu délicieusement stérile là-bas. Néanmoins, dans cette situation, s’être enquillé une bouteille entière de vin permettait de combattre la plupart des symptômes de cette affreuse infection propre à Teer Fradee. Il refusa donc poliment lorsque Gafar proposera une couverture pour les réchauffer, il se sentait bien. Même s’il reniflait régulièrement.

Les différents paysages, pourtant magnifiques, se succédèrent sous le regard indifférent et endormi de Danyal. Lui ne voyait qu’une nature, certes belle, mais regorgeant de bestioles et de potentiels dangers. D’ailleurs, après de nombreuses heures du plus complet ennui, la troupe arriva face à un arbre intimidant, puisque carbonisé et ouvert en quatre comme une pomme de terre trop cuite. Affublé de signes, il annonçait que des humains vivaient non loin, des Natifs. Deux d’entre eux se trouvaient là, près de ce totem naturel, et les observaient avec méfiance. Le temps sembla s’arrêter. Si une musique était en train de jouer dans les méninges embrumées de Danyal, elle s’arrêta. S’il faisait du bruit en respirant l’air humide des forêts alentours, il s’arrêta. Le convoi passa devant eux et leur chauffeur conseilla de ne pas interagir avec ces êtres étranges et cornus. Ce n’était pas dans les projets du Garde, de toute façon. Une fois suffisamment éloignés, il se risqua à commenter leur rencontre.

- Ils m’font peur… Ces yeux, impossible de savoir s’ils comptent te foutre la paix ou te tuer. J’aime pas les incertitudes.

Puis, après encore quelques heures de voyage qui commençaient franchement à faire mal aux fesses, c’était le moment de s’arrêter pour la nuit dans une clairière qui avait vu plus d’une bande s’y reposer, à en juger par les traces de feu plus ou moins récentes. D’une certaine façon, c’était rassurant. Même s’ils n’étaient plus là, tous ces braves baroudeurs avaient pu trouver ici un refuge sûr et avaient pu en repartir sans heurts. Ils avaient même laissé quelques attentions pour les prochains arrivants, comme des piles de bois pour le feu ou un espace en forme de cercle, au milieu de l’herbe, avec des pierres formant un foyer déjà prêt. Tout ceci faisait chaud au cœur à un Danyal rendu émotif par la fatigue. Lorsque l’aimable Gafar leur proposa de quoi dormir en s’abritant de la pluie il se fit même grand seigneur et se proposa pour garder le petit campement, allongé sur le long siège à l’avant de la charrette. Et puis, ainsi, Rim aurait de quoi dormir seule ce qui était préférable plutôt que d’être trop prêt de lui. Danyal était de loin le plus lucide sur quel genre d’homme il était, à moitié endormi et aviné, trop près d’une femme.

Le trio avala donc un rapide repas, le jeune homme étant heureux d’avoir prévu le coup avant leur départ, et il en profita pour bavarder un peu avec ses compagnons de voyage, mais ne put s’empêcher de finir en partageant son inquiétude sur le sort d’Iman.

- Je ne sais pas si on retrouvera cette pauvre fille… Les grottes sont vastes, sombres et dangereuses… M’enfin, on fera ce qu’on pourra. J’espère secrètement qu’en arrivant près du village non loin de sa position on nous signalera qu’elle est saine et sauve en train de vivre sa meilleure vie chez les Natifs.

Puis ils s’endormirent tous paisiblement. Autant que faire se peut au milieu du vent, du froid, de la forêt qui semble hurler tellement tout réagit avec son environnement pour créer une cacophonie de craquements terribles, mais paisiblement tout de même. C’est là que Danyal se remercia d’avoir prévu une seconde bouteille juste pour pouvoir s’endormir.

Mais le réveil fut rude, oui bien rude, lorsque le bruit de la créature se fit entendre près du feu. En effet, le pauvre garde ayant bu trop, et trop rapidement, était empêtré dans de sales cauchemars qui ne rendaient les grognements de la bête que peu perceptibles, vivant déjà les pires horreurs dans son sommeil. Mais c’est ce même cauchemar qui le fait se réveiller…

En sursaut. En criant.

Il ne savait alors pas dans quelle mélasse il venait de tous les mettre.
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Confusion
Gafar fait un simple sourire à Danyal, même s’il lui coule parfois des regards sceptiques en le voyant toujours porter la bouteille à ses lèvres. Il répond avec enthousiasme à Rim, sans se lasser de ses bavardages. Lui semble apprécier parler. Il n’est pas très docte, mais il est sur l’île depuis des années et a des connaissances pratiques sur les alentours. Il n’a sa bête de somme que depuis quelques temps, mais il a dû tout réapprendre pour la nourrir correctement et en prendre soin, puisque c’est un animal local. Il semble prendre la tâche avec beaucoup de sérieux.

Une fois le camp levé, il dit à Rim.

- On arrivera demain dans l’après-midi !

Il réfléchit avant de donner la suite de sa réponse.

- Elle ne m’a rien dit, non. Elle semblait très déterminée en tout cas ! Mais entre vous et moi, je crois que c’était de la poudre aux yeux.

Gafar fait la moue.

- Quand on a monté le camp, je l’ai entendue sangloter dans sa tente. Quand je me suis levé, elle était déjà au travail, la tête dans ses carnets. Je sais même pas si elle a vraiment dormi ! Elle parlait que de ça, d’ailleurs. De son travail. Très studieuse petite. Elle doit rendre ses parents fiers.

Dans l’Alliance du Pont, on flattera plus volontiers le labeur, même s’il est acharné à l’excès, qu’on ne discutera des affaires sentimentales d’une inconnues – voire d’une personne proche. Les larmes d’Iman pourraient même sembler embarrassantes à certains. Heureusement, Gafar n’a pas l’air de la voir avec mépris, il paraît juste embêté.

Il secoue la tête en réponse à Danyal.

- La rivière où je l’ai déposée est avant le village des Natifs du coin. Vous comprenez, ils vivent de l’autre côté de la rive… Et il n’y a qu’un pont dans les environs. Elle, elle s’est dirigée vers la mer, alors le guet devient de plus en plus large. Je pense pas qu’elle ait pu traverser ensuite à moins de faire demi-tour pour revenir au pont et comme je disais… Je l’ai laissée avant ! Si elle a pas traversé, alors elle est pas chez les Natifs.

Gafar conclue la soirée en dessinant dans la terre meuble, à l’aide d’un bâton, un plan approximatif de ce qu’il raconte. Selon lui, Wenshaveye est proche d’un estuaire, sur sa rive ouest alors qu’Iman est demeurée sur la rive est.

Le charretier est réveillé par le hurlement de Danyal, c’est au moins ce qu’on peut en croire car on l’entend jurer, et pas peu fort. Mais même sa voix ne parvient pas à couvrir le fracas qui suit.
Comme Rim s’était immobilisée, la bête continuait son inspection sans fourrer son nez à l’intérieur du chariot, et avec un intérêt qu’on pourrait qualifier de tout relatif. Peut-être aurait-elle pu se détourner… Si Danyal n’avait pas crié.

Dire que le bruit trouble l’animal est un euphémisme. Il balance sa tête à l’intérieur des caisses, tendant à se rompre les liens qui les unissaient. Alors que la toile de tente est déchirée, Rim et Danyal voient apparaître l’énorme mufle d’un ulg à la fourrure blanche, dont le museau palpite. Frustré d’être coincé entre les caisses, il agite sa tête pour les repousser… Ce qui les fait s’entrechoquer entre elles, et avec le chariot, sans parler du fait que la bête fasse peser son poids sur la charrette en y posant ses deux pattes avant et déséquilibre le tout…

Une caisse frappe tout simplement une autre trop fort, et les deux s'entre-éventrent. Le chaos est total et trop rapide pour être arrêté ; des flacons explosent dans une pluie d’éclats de verres. Danyal et Rim, ainsi que l’ulg, s’en retrouvent douchés. Ce n’est que la première partie de leur calvaire, car les flacons contenaient des huiles très odorantes qui leur poissent le visage, les vêtements, les cheveux… Mais aussi le museau de l’ulg. Il feule de douleur et d’inconfort. L’odeur est tellement forte qu’elle donne la nausée à un humain, alors à un animal…

Il recule, déséquilibrant à nouveau le chariot en en retirant ses pattes si brusquement. Il se reposait sur le côté droit du chariot, et ce dernier se balance de façon précaire quand l’ulg s’en dégage, à nouveau déséquilibré, manquant d’envoyer voler les caisses qui se trouvent sur la gauche de Danyal et de Rim. L’ulg porte ses pattes à son nez pour tenter d’en retirer les morceaux de verre et la substance visqueuse qui lui colle au poil…



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Un cri – non, pas un cri. Un hurlement.

Qui réduit aussitôt à néant tous les espoirs de Rim.

Dans un fracas retentissant, un énorme museau blanc déchire la toile de tente et apparaît aux yeux de la jeune femme, qui roule sur le côté juste à temps pour l’éviter. Des caisses se frappent, s’entrechoquent, s’éventrent – bruits et éclats de verre qui explosent, torrent d’odeurs et de liquides huileux qui se mêlent aux débris tranchants qui pleuvent sur la peau, dans les cheveux, sous les vêtements… La conteuse ferme les yeux et essaie de protéger son visage avec les mains, instinctivement, mais elle ne peut empêcher des morceaux de verre de la griffer, la mordre, l’égratigner. Le goût du sang se mêle à celui de l’huile tandis que le chariot tangue dangereusement – à gauche, à droite, à gauche, à droite…

Empêtrée entre la toile de tente, les cordes brisées et les débris de caisses, Rim tente de se dégager – hors de question de rester coincée dans cette charrette déséquilibrée, qui menace de basculer à chaque balancement un peu plus prononcé que le précédent. Elle finit par réussir à se mettre à genoux, retrouve à tâtons le poignard qu’elle avait lâché lors de l’explosion des fioles et des flacons, se laisse glisser par-dessus le rebord du chariot – du côté opposé à celui de l’animal, qu’elle n’a toujours pas vu mais dont la taille du museau laisse présager une sacrée carrure. Sous les paumes de ses mains criblées de bouts de verre, la fraîcheur de l’herbe la rassérène – brièvement. Elle ne sait absolument pas quoi faire, mais elle veut pouvoir être libre de ses mouvements. Elle sera bien mieux à l’extérieur du chariot.

De l’autre côté de la charrette, l’immense silhouette de l’animal s’agite fébrilement – visiblement, il a pour l’instant mieux à faire que s’occuper des occupants du chariot. C’est le moment d’en profiter.

Prenant sa décision en un éclair, la jeune femme part en courant, à moitié courbée pour essayer de passer aussi inaperçue que possible. Direction : la tente de Gafar. Vu la réaction de Danyal, elle ne fait guère confiance au garde pour la défendre face à l’animal, et elle préfère ne pas se hasarder à se cacher dans la forêt – un environnement qu’elle ne connaît pas, et qui recèle sans doute bien d’autres menaces. Une seule solution, donc : le charretier. C’est un homme expérimenté, qui a l’habitude de parcourir l’île et de faire face à ses dangers, et il saura sans doute comment réagir – ou, au moins, les protéger plus efficacement que le garde du Denier.

Il ne lui faut que quelques secondes pour atteindre la petite tente sans sembler attirer l’attention de l’animal qui, un peu plus loin, remue toujours en tous sens, et elle s’accroupit devant l’entrée pour frapper contre la toile avant de chuchoter, le cœur battant la chamade :

- Gafar ? Gafar ? Il y a un énorme animal, là, dehors, il a fait des dégâts à votre chargement… On a besoin de votre aide, maintenant !
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Le chaos que Danyal vécu à son réveil est impossible à retranscrire fidèlement, bien que je vais tenter de m’y employer. Imaginez, vous ouvrez les yeux, déjà tétanisé par un cauchemar qui vous a poussé à hurler dans votre sommeil, et vous êtes dans un chariot en train de s’ébranler de toute part, dans l’obscurité totale. Mais le bruit, lui, est omniprésent. Les caisses qui s’entrechoquent, les roues qui ne sont pas censées être ballotées de cette façon et grincent leur souffrance, le brouhaha de la créature qui… oui, la créature que Danyal n’avait pas encore vu, mais lorsqu’il tourne la tête vers le chargement du chariot, en se tenant aussi fort qu’il le peut à la moindre prise, il voit la bête énorme, à la fourrure plus blanches que les fesses d’un inquisiteur, qui tente de se débarrasser de la source du hurlement : lui. D’ailleurs, voilà qu’il en pousse un deuxième, son cœur manquant de lâcher après un si effroyable réveil.

Et le chariot continue de pencher à gauche, à droite, alors que le garde ne peut quitter des yeux la gueule béante de la créature, tout droit dirigée vers lui, et qui au moindre espace pour se faufiler entre les casses, fondra sur lui pour le dévorer. Toutes ces dents, ces gencives presque sanglantes, il devait faire quelque chose pour sa vie ! Mais comment avoir le moindre ordre dans ses pensées quand c’est une telle confusion des sens qui règne partout. Et cela ne va pas en s’arrangeant puisque l’Ulg, il avait reconnu l’espèce, avait tant brinqueballé le chargement de leur convoyeur que les caisses se fendirent. Et elles contenaient des fioles, qui ne résistèrent pas bien longtemps avant d’éclabousser toute la charrette de leur contenu nauséabond. Peu importe quel sombre produit alchimique était transporté, c’était huileux, gluant et empestait plus qu’une caisse sortie d’un lac avec une nuée de rats morts, l’estomac rempli des pires ordures, enfermé dedans. Les boyaux de Danyal ne firent qu’un tour, promptement suivies par son cœur, ses poumons, ses yeux, sa langue, sa tête, même ses dents avaient envie de fuir. Agrippé au banc sur lequel il dormait quelques minutes plus tôt, il se sentait partir alors que tout tournait autour de lui. Il tentait d’avoir de l’air pur avec de grandes respirations, presque un hoquet de survie comme lorsqu’on manque de se noyer, mais rien ne combattait l’horrible odeur qui l’envahissait tout entier et était devenu le seul horizon palpable. Inutile de dire que depuis son réveil, la bouche du combattant avait déversé tous les jurons qu’il lui était possible d’articuler entre ses tentatives de respirer et ses chocs sensibles.

Nul ne sait quel mécanisme de survie complexe se cachant dans cette petite cervelle de moineau s’enclencha alors. Le genre de déclic qui fait entrer l’homme acculé dans une rage folle pour tenter le tout pour le tout et se débarrasser de ses assaillants. Le type de réaction où on ne sait pas vraiment, de l’extérieur, si c’est la folie qui s’empare du malheureux ou un salvateur regain de courage. Enfin, dans le cas de Danyal, nul doute qu’il ne contrôlait presque rien de ce qu’il faisait. Tâtonnant frénétiquement autour de lui, il se remercia comme jamais homme ne s’était remercié d’avoir gardé son sabre près de lui. Certes, ce n’était pas le plus entraîné des hommes d’armes, mais même après une simple semaine d’instruction on parvient à dégainer une lame à l’aveugle hors de son fourreau. Parce que oui, notre pauvre hère était pour ainsi dire aveugle. Même s’il ouvrait les yeux, tout était si agité, si sombre et l’odeur lui grisait tellement l’esprit qu’hormis de vagues formes il n’identifiait rien. Mais, son sabre à la main, il était bien résolu à faire cesser la source de ce chaos qu’il avait identifié. Et le tas de fourrure blanche à peine déchiffrable par ses yeux embrumés, au moins aussi empêtré que lui dans tous les stimuli envahissant ses sens, était le responsable de tout cela. C’était l’interrupteur ayant allumé cette gigantesque machine infernale qui rendait Danyal tout aussi nauséeux qu’enragé. Lame en avant, il bondit vers la créature. Il lui était impossible de viser, mais au moins tenterait-il de faire cesser tout cela. C’était le seul message compréhensible envoyé par ses neurones meurtris. Nul ne sait ce qu’il adviendrait du garde du Denier, mais une chose était sûre : Rim pourrait bien se tromper sur son incompétence.

Spoiler:
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Rim passe comme une flèche près de la grosse bête qui s’agite. Elle peut voir du coin de l’œil son pelage pâle et sa taille immense. Heureusement, la créature ne s’intéresse pas à la conteuse. Son museau tout empoissé semble davantage la préoccuper.

Une fois arrivée auprès de Gafar, Rim pourra remarquer que celui-ci est déjà sorti à moitié de sa tente, et qu’il tente de charger une arme à toute vitesse. Si vite, en réalité, que ses doigts glissent un peu à cause de la nervosité.

- Je vais l’avoir ! Rallumez le feu !

S’exclame Gafar dès que Rim déboule à ses côtés. Il fait des signes frénétiques en direction de l’âtre aux braises encore rougeoyantes et se redresse. Il a une espingole à la main, autant dire que la précision est minime dans l’obscurité mais que le bruit quand il tirera pourra réveiller un cadavre.

Gafar met en joue le ulg. C’est à ce moment que naît dans l’esprit de Danyal l’idée géniale d’assaillir la bête de front… Gafar crie un juron parce que le garde se retrouve d’un coup dans sa ligne de tir. Pas pour longtemps, cependant : l’ulg, qui ne semble pas vouloir s’en laisser compter malgré son inconfort olfactif, fou de rage, cueille Danyal au niveau du ventre d’un monumental coup de patte. Son coussinet fait presque la taille de la tête du garde et il se glisse au niveau de son ventre sans protection. Danyal peut sentir les griffes lui mordre méchamment la peau, même si le but du ulg ne semblait pas de l’abattre mais bien de le pousser de son chemin, comme on chasse un insecte pénible.

Gafar tire. Le bruit résonne dans le silence tout relatif de la nuit venteuse comme un véritable coup de canon et l’éclat de la détonation semble rendre le monde pâle pendant un instant. Le ulg pousse un hurlement de rage. Il semble touché, difficile de dire où, les cailloux avec lesquels Gafar a chargé son espingole ont volé en tout sens. Un a manqué de toucher Rim. Danyal est au moins épargné parce qu’il est au sol.

Alors qu’il assène une violente bourrade dans le chariot, on peut deviner que l’ulg ne compte pas fuir la queue entre les jambes.

- Il faut pas qu’il appelle ses congénères !

Hurle Gafar alors qu’il ramasse du gravier par terre pour recharger son arme.

Probablement à cause de l’odeur du sang, la cible choisie par l’ulg est Danyal. Il se rue sur lui. Le garde peut distinguer que la robe pâle de la créature est tâchée de rouge. Elle est effectivement blessée au niveau du torse, mais sa fourrure est épaisse, il est difficile de voir la plaie.


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