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[Mission] Qui cherche trouve

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A bord d'un navire naute, en vue de l'île
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la traversée fut plus compliquée que prévue. Certes je prenais mon temps, mais les effluves venant du sol par lesquels je n'avais pas le choix de passer étaient plus toxiques que ceux des marais. Ma vision devenait plus hagarde, ma tête me tournait un peu et perturbait mon sens de l'orientation. Plusieurs fois je crû voir des ombres, des mirages. Mes yeux me piquaient, ma peau et mes poumons aussi. Mon instinct me disait qu'il fallait vraiment rester dans cette salle le moins longtemps possible. Et la présence du nadaig... Massive, bien qu'endormie et calme, faisait vibrer l'air et le sol par sa simple respiration. Ce n'était pas un nadaig comme les autres, je pouvais le sentir. Encore plus difficile donc de savoir comment il réagirait s'il se réveillait.

Mais ma prudence et ma patience portèrent leurs fruits, et le masque improvisé me permit de supporter un peu les effluves les plus minces. J'arrivais enfin devant l'homme, abaissant mon masque pour qu'il puisse voir mon visage et ne pas penser que je suis un monstre. En approchant, bien qu'il fasse sombre, je pus discerner son pitoyable état. C'était bien un renaigse, mais couvert de crasse, la peau et les yeux brûlés par les vapeurs, le teint cireux et amincie. Ses lèvres craquées montraient qu'il n'avait pas du boire depuis un moment, et son regard... comme un fou qui ne sait pas quelle illusion se tenait devant lui. Je l'entendis me parler, dans un souffle. Je me rapprochais doucement en m'accroupissant, alors qu'il avait tendu une main pour me toucher. Alors que son contact au début tremblant devint plus ferme quand il réalisa que j'étais réelle, je pus voir son regard devenir plus brillant et humide, comme s'il allait pleurer. Mon coeur était peiné pour lui, et avec autant de compassion que de douceur je pressais sa main, puis lui touchait doucement la tête. Comme on caresserait la tête d'un enfant pour le rassurer. Mais il ne fallait pas qu'il craque, pas maintenant. Me rapprochant un peu plus pour que nos visage soient à quelques centimètre je lui murmurais doucement.

"Restez calme, Adamo. Je suis venue vous aider. Mais ne faites pas le moindre bruit, ne parlez pas. Il ne faut pas le réveiller."

Le ton était calme mais avec un autorité presque maternelle qui demandait à ce qu'on l'écoute. Il en allait de sa vie après tout, et potentiellement de la mienne. Pour souligner ces mots, je portais un doigts devant ma bouche, pour imposer le silence. Puis, tranquillement, je m'affairais. Je ne pouvais pas le soigner ici, car c'était bien trop dangereux. Même utiliser ma magie de soin était risquée, la lumière pouvant réveiller le nadaig. Je ne pouvais le faire qu'une fois un peu plus en sécurité, dans un couloir où ni le nadaig ni un vaileg ne pourrait venir. Le faire sortir avant tout. Je fouillais dans ma besace, faisant attention à ce que le bocal de luciole reste bien caché, et en sorti l'autre masque la résine de pin. Je le donnais à Adamo, lui faisant signe de l'accrocher devant son nez et sa bouche comme le mien. D'ailleurs, je remettais le mien en place. puis, regardant autour et voyant les carnets, je commençais à en prendre quelques uns pour les mettre dans ma besace. Par expérience avec les layons sages, ils n'aimaient pas en général que ce qu'ils écrivent sur ces étranges surfaces lisses blanches soient abandonnés. Et si le renaigse avait fait des recherches sur les fresques, nul doute qu'il avait écrit des choses. Et puis, cela ne pesait pas bien lourd dans mon sac, cela ne me gênera pas pour avancer.

Je regardais autour ensuite, me rappelant ce que j'avais mémorisé du passage plus tôt. Mon expérience de ces vapeurs ainsi que l'état d'Adamo me faisait reconsidérer les choses. Il ne fallait surtout pas passer par les trous de large vapeurs. Sans doute que cela me fera faire un autre détour, mais nous étions au final à mi-chemin vers les autres entrées de grottes. Le plus important était de ne pas réveiller le nadaig, et que le renaigse reste calme. Prendre son temps était essentiel, mais je savais que l'heure tournait et que nous devions sortir de la grotte avant que ses habitants ne décident d'y retourner pour fuir la lumière du jour. Je me tournais vers Adamo, me rapprochant de lui à nouveau pour lui chuchoter à l'oreille.

"Venez, suivez moi. Quoi qu'il arrive, ne lâcher pas ma main. Ne faites pas de bruit, ne parlez pas, ne criez pas. Si vous avez peur, regardez juste ma main ou bien vos pieds."

Sur ces mots je lui prenais la main, la serrant fermement pour être certaine de ne pas le lâcher facilement. Il devra marcher derrière moi, me suivre, et espérer qu'il ne trébuche pas de trop et ne tombe pas dans les trous. Qu'il ne prenne pas peur si comme moi plus tôt il voit des ombres ou des formes étranges. Et surtout, surtout... espérer que le nadaig reste endormi. Je me levais doucement, attentive à l'état du renaigse tout en tendant l'oreille pour continuer d'entendre le bruit de la respiration endormie du nadaig. Bon... C'est parti.

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Adamo ouvre de grands yeux quand Elatha dit qu’il ne faut pas « le » réveiller et opine du chef. Il y a de la frayeur dans son regard. Il a dû voir le Nadaig – mais celui-ci ne l’a pas vu. C’est peut-être la raison pour laquelle il se cache ici à présent, immobile.

Il met maladroitement le masque sur son visage. Quand Elatha l’aide à se redresser, il tente de ne faire aucun bruit, mais ses jambes se dérobent sous lui et il pousse un grognement, malgré ses efforts. Il semble les avoir toutes endolories à force d’être resté dans la même position.

Il fait de son mieux pour ne pas peser sur la doneigad, mais ses efforts rencontrent un succès mitigé. Il ne serait pas étonnant qu’il succombe d’inanition avant de sortir de la cavité. Tandis qu’Elatha fait demi-tour, elle et Adamo sont affreusement lents… Et quand, devant eux, un cratère laisse jaillir une gerbe de fumée dans un chuintement, le renaigse en tombe presque en arrière, entrainant peut-être Elatha dans sa chute…

Le bruit, ou le choc contre le sol, semblent trouver le Nadaig. Sa respiration profonde s’arrête pendant un instant, et les vibrations dans le sol deviennent plus sourdes, moins régulières. Adamo a l’air terrifié. Il rampe et se hâte vers la sortie de la grotte. Elatha et lui parviennent à l’atteindre avant que la créature ne soit tout à fait éveillée, mais il ne faut pas regarder derrière son épaule ; chaque seconde est précieuse. Parmi les dégagements de fumées qui semblent faire onduler la grosse colonne de pierre se dresse un Nadaig Vedemen.

Adamo se plaque contre le mur de pierre le plus proche, le souffle court, le cœur affolé. L’effort semble déjà l’avoir épuisé. Il ferme les yeux et tente visiblement de ne pas simplement éclater en sanglots, murmurant pour lui-même des mots de réconfort.

Le Nadaig étend ses longs tentacules, comme un serpent sort la langue de sa bouche pour goûter l’air autour de lui. Il ne repère pas ni Elatha ni Adamo, et la taille des galeries ne permettraient pas au Nadaig de les suivre. Il est tout simplement coincé dans sa salle, probablement après une éruption qui en a condamné toutes les entrées sauf une, gardien éternel de lieux inviolés.

Cependant, son éveil n’est pas sans effet. La nuit est tombée pour de bon et Elatha peut l’entendre autour d’elle ; la grotte s’éveille. Des animaux grattent dans le noir, on entend un jappement lointain. Un vaileg rallie sa meute pour sortir chasser.

Poursuivre maintenant serait risquer de rencontrer des créatures hostiles, peut-être en surnombre. Mais demeurer la nuit… Les blessures d’Adamo sont laides, son état préoccupant. Il est à peine en état de marcher, qui sait comment l’aube le trouvera ?

Et le Nadaig se met à marcher. Il fait le tour de la salle qui le tient prisonnier, il effleure de ses membres les dessins et les pierres dressées. Elatha peut être sûre, car elle est liée à l’île comme le Nadaig, que celui-ci ne l’attaquera pas si elle cherchait à revenir inspecter les lieux… Cependant, sa présence est perturbante. Ancienne comme rien de ce qu’elle a déjà croisé, et d’autant plus difficile à atteindre.

Peut-être ne l’attaquera-t-il pas mais rien ne dit qu’il rendra aisé qu’on approche de ce lieu.

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Adamo, bien que son regard traduise toute la terreur qui le traversait, obéit et fit de son mieux. Le masque en place je l’aidais à se lever, mais il se mit à tituber et je dus le soutenir pour qu’il ne tombe pas. Son grognement me fit craindre que le Nadaig l’ait entendu, mais sa respiration restait toujours aussi impassible. Bien… Mais le plus dur restait à faire. Le renaigse était certes visiblement amaigris et de constitution fine, mais son état de faiblesse faisait qu’il avait fortement besoin de mon aide pour rester debout, et je devais parfois porter son poids.

Doucement mais sûrement, nous nous dirigions vers la sortie. Mes nerfs étaient à vifs, mais bien que fatiguée l’adrénaline me maintenant concentrée. Il le fallait de toute façon pour survivre. Je devais faire attention à la situation d’Adamo et le soutenir, rester à l’écoute du Nadaig pour surveiller s’il se réveillait, faire attention au chemin que nous devions prendre entre les cratères pour éviter les fumées toxiques… tout ça en restant les plus silencieux possibles. C’était épuisant, autant mentalement que physiquement. Et le temps me paraissait terriblement long, comme suspendu. Nous avancions si doucement, mais c’était nécessaire. La main osseuse d’Adamo dans la mienne était le fil de vie qui me rappelait que je n’étais pas seule.

Mais toute cette concentration ne peut pas prendre en compte les aléas de la montagne. Soudain, alors que nous étions entre deux cratères, une gerbe de fumée toxique apparait devant nous. Est-ce qu’Adamo s’est retrouvé surpris, ou bien que son corps avait flanché par la fatigue ? Quoi qu’il en soit je me sentis tirée en arrière, et tombais avec lui au sol. Je retenais un grognement de douleur, et cherchais de la main celle d’Adamo qui avait été lâchée dans la chute. Pourtant, je me figeais aussitôt. En tombant nous avions fait du bruit, plus que les éclats des fumées sortant des cratères. Mon attention se tourna avec frayeur vers le Nadaig. Sa respiration avait changé, et… il se réveillait. Adamo se mit à paniquer, mais au moins en silence. Il avait sans doute eu conscience que le bruit allait réveiller le gardien, et il se précipita (comme une vieille tortue peut le faire) pour remonter le cratère et essayer d’atteindre la sortie.

Nous n’étions plus si loin que cela, mais nous devions faire attention à ne pas tomber dans d’autres cratères et Adamo restait encore faible. Nous nous hâtions, sentant la masse peu à peu s’éveiller. Nous arrivions enfin à l’autre bout de la grotte, devant une entrée qui était trop petite pour son passage. Alors qu’Adamo s’affalait contre le mur en murmurant des mots incompréhensibles, je risquais de regarder derrière moi. Se dressant au milieu de la salle un Nadaig Vedemen. Imposant, il se mouvait doucement, comme s’il n’y avait pas le moindre danger. Il ne nous avait sans doute pas remarqué.

Je l’observais se mouvoir avec fascination. Il y avait quelque chose d’étrange, d’insondable dans ce qu’il était. Ses tentacules étaient étrangement délicat à se mouvoir, et le voir se déplacer pour se rapprocher des fresques et les effleurer faisait presque penser qu’il était… encore conscient de ce qui l’entoure ? J’étais attirée autant qu’effrayée. Ma curiosité me poussait, maintenant qu’Adamo était relativement en sécurité, à aller voir de plus près cette salle. Je discernais les fresques un peu mieux de ce point de vue, mais surtout l’envie de voir ce nadaig de plus près me tiraillait. Je savais qu’il n’allait pas m’attaquer, enfin normalement, mais la sensation avec ce nadaig est si étrange, si… incompréhensible ? Quelque chose me disait que ce n’était pas si certain qu’il ne me fasse pas de mal. J’étais tiraillée, vraiment..

Mais ce qui me sorti de cette étrange fascination fut un bruit de grognement d’Adamo, qui attira de nouveau mon regard sur lui. A le voir contre la paroi, mon cœur se serra. Il était dans un état lamentable, et sa faiblesse était critique. Il avait besoin de soin immédiat, je le savais, sinon il n’allait sans doute pas sortir vivant de ces grottes. Mais pour cela il faut s’éloigner d’ici, retrouver un endroit au calme et sans bêtes sauvages. Je pouvais les entendre, les sentir même s’agiter pour partir en chasse. Bientôt ils seront sorti des couloirs, mais il faudra attendre. Je regardais de nouveau le nadaig, pesant le pour et le contre. Si je restais ici pour observer la salle et m’approcher du nadaig, j’apprendrais peut être des choses mais le risque était grand. En attendant, Adamo continuait de dépérir. De l’autre, essayer d’améliorer l’état d’Adamo, mais cela voudrait dire s’éloigner de cette grotte pour trouver un meilleur endroit, et partir dès que possible quand les animaux seront de sortie. Je regardais l’immense salle, lâchant un profond soupire.

La salle reste immuable, et sans aucun doute que le nadaig restera ici encore longtemps. Les marquages d’Adamo étaient encore présentes, nul doute que je pourrais retourner ici plus tard, avec d’autres personnes même. Mais surtout je suis une guérisseuse, et mon objectif était de retrouver Adamo. Il était devant moi, vivant, il était de mon devoir de faire tout mon possible pour qu’il le reste. Ma curiosité fut facilement vaincue par mes convictions et mon altruisme, mon devoir de doneigad. Je me détournais du nadaig pour me rapprocher d’Adamo, parlant à voix basse.

"Vous vous êtes bien débrouillé Adamo. Venez, il faut avancer encore un peu."

J’essayais de le rassurer, enlevant mon masque et le prenant doucement par le bras pour le tirer vers le couloir. Nous devions avancer, s’éloigner de cet endroit pour que même les tentacules du Vedemen ne puissent nous atteindre. Je ne sentais pas la présence immédiate de prédateur autour de nous, j’allais pouvoir m’occuper de lui. Une fois un peu plus avancé dans le couloir, je m’accroupissais et le tirais doucement pour qu’il fasse de même. Une fois cela fait, je pris ma besace pour en sortir quelques éléments.

"Ne faites pas de bruit, nous ne sommes pas encore sorti. Mais tenez, mangez et buvez un peu. Nous partirons quand la plupart des animaux seront sorti. Et je vais vous soigner, je suis guérisseuse."

Je lui avais sorti une outre d’eau, ainsi que quelques morceaux de viande séchée. Je laissais de côté les champignons séchés, de peur que cela ne lui trouble l’estomac et ne l’affaiblisse encore plus. Pendant qu’il se restaurait je tendais mes mains vers lui, l’auscultant et essayant de le soigner avec ma magie de guérison. Une douce lumière rassurante entoura mes mains, enveloppant doucement le blessé. Il ne restait plus qu’à espérer que cela soit suffisant pour qu’il puisse rester en vie et arriver jusqu’au village. Mais qui sait jusqu’à point est ce que j’allais pouvoir le soigner…

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De ce qu’Elatha peut en apercevoir à travers la fumée, les fresques, comme celles qu’elle a croisé en chemin, semblent traiter d’un aspect bien précis du dieu aux mille visages, sa fureur de lave et de feu. Il est difficile d’en apprendre plus sans s’approcher davantage, et puisqu’Adamo n’est pas en état, il se laisse trainer par la doneigad sans protester. Il adresse un regard déconcerté au Nadaig tandis qu’ils s’en éloignent, comme s’il pouvait à peine croire sa chance.

- Comment connaissez-vous mon nom, madame ?

Demande-t-il finalement à Elatha, comme s’il se rappelait qu’il avait une voix et pouvait s’en servir. Elle est cependant rauque. Il s’étend au sol, entre la boue et la pierre glacée, le souffle très superficiel.
Dans le couloir où Elatha s’est glissée, elle est relativement à l’abri mais elle entend clairement des choses filer dans les ombres, et au loin l’appel excité d’un chef de meute ulg. Il pousse des glapissements reconnaissables entre tous pour que ses congénères l’accompagnent en chasse.

Adamo ne frémit même pas. Il semble épuisé, mais il tente tout de même de décoller la crasse de son visage, d’une main faible. Il doit avoir la petite trentaine. Il n’est vieux selon aucun standard, et devait être bien portant avant de trainer dans cet endroit.

- Êtes-vous originaire de Vignamri ? Oh, madame, je suis désolé… Je n’ai pu trouver votre lieu sacré mais je crois… Je crois que cet endroit est important aussi. Il y a… un moment, je ne sais quand, la grande colonne s’est illuminée et il m’a semblé entendre une voix en ses tréfonds…

Adamo humecte ses lèvres gercées. Il semble qu’il soit important pour lui de transmettre cette information.

- Je suis chanceux… Chanceux, vraiment…

Il murmure quand Elatha l’informe qu’elle est guérisseuse. La doneigad peut déduire que malgré l’aspect peu ragoutant du derme d’Adamo, ses brûlures ne sont pas graves. Les plaques rouges pourraient laisser des séquelles, mais Elatha peut être assurée que des doneigada des marais sauront trouver un remède, habitués à ce genre de plaies…

Non, le problème c’est l’état général du renaigse. Il est profondément déshydraté, ce qui le rend somnolant et surtout ses poumons sont bloqués par une sévère inflammation. Ils doivent être pleins de glaires pour se protéger de l’irritation provoquées par les fumées. Elatha peut connaître des plantes qui facilitent la toux et permettent de déboucher les voix respiratoires, mais encore faut-il trainer Adamo hors d’ici, alors qu’il faut parfois ramper ou grimper pour se frayer un chemin vers l’extérieur du réseau de grottes.

Si quelqu’un a effectivement fait croire à Adamo qu’il trouverait un trésor ici, il l’a peut-être envoyé sur la bonne voie sans le faire exprès… Mais pourrait bien avoir causé sa perte dans le même temps.
D’aucuns chez les Natifs y verraient une double victoire : un renaigse fouineur en moins et un lieu sacré recouvré.

Adamo semble à présent sur le point de s’endormir.

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Adamo était surpris de le connaitre, et me posait de nombreuses questions pendant que j'effectuais un premier soin. Heureuse qu'il reste réveillé, je répondais pour l'encourager à rester conscient malgré sa fatigue évidente.

"Odran m'a parlé de vous. Il m'a demandé de l'aider à vous retrouver. J'ai de la famille à Vignamri, mais je viens de Wenshaveye. Je viens souvent, ils ont confiance en moi."

J'espérais que cela allait l'aider à avoir confiance en moi, et que je n'étais pas une ennemie. Odran et lui semblaient avoir un lien particulier, le fait que je sois envoyée par lui devrait le rassurer. Du moins, je l'espérais. Il restait agité, ne buvant pas vraiment et parlant de ce qu'il avait vu. Je tiquais à un moment sur ce qu'il avait dit en parlant de la colonne de lumière et de la voix. Serait-ce.. En ol Mil Frichtimen qui aurait parlé ? J'étais étonnée d'une telle apparition. Avait il voulu parler au renaigse, ou bien au nadaig ? Intriguée, je me retenais de l'interroger plus sur le sujet. C'était un patient, et il devait rester calme pour que je puisse finir de l'ausculter. D'une voix calme et douce, je l'intimais de garder son sang-froid et de ne pas trop s'agiter.

"Là, restez calme. Je sais ce que vous avez trouvé, et c'est déjà beaucoup plus que ce que certains pensaient exister. Vous devez vous reposer, nous pourrons en parler plus tard quand nous serons en sécurité."

Et il y en avait des choses à faire. Si ses brûlures externes ne semblaient pas mettre sa vie en péril, son état général était bien plus préoccupant. Ses yeux secs et ses lèvres gercées étaient des preuves accablantes de son manque d'hydratation, mais sa respiration semblait autant douloureuse qu'encombrée. Et je ne parle même pas de sa fatigue générale. Je devais parer au plus pressé et faire des choix. Déjà je devais le forcer à boire, et essayer de soulager sa respiration. Alors qu'il semblait fermer les yeux pour s'assoupir, je le secouais doucement par l'épaule et poussais vers lui la gourde d'eau.

"Buvez, ne vous endormez pas de suite. Je dois vous soigner pour la respiration. Vous pourrez dormir un peu après."

Il devait boire pour non seulement que son corps récupère l'eau dont il avait besoin, mais aussi pour l'aider à soulager ses poumons et sa gorge. Je l'aidais à boire, insistant pour qu'il prenne autant qu'il pouvait. Je pouvais me passer d'eau pour un moment, surtout que je ne comptais pas rester coincée ici pendant plusieurs jours ! Je gardais juste de quoi faire ma préparation de fortune pour le soigner.

J'étais loin d'avoir les plantes qu'il fallait pour le soigner, mais je pouvais tenter tout de même avec ce que j'avais de parer au plus urgent. Peut être que ça allait marcher, peut être pas assez. Je sortais de ma besace d'autres boules de résines de pin et prenais l'un des chiffons pour le poser contre un petit rocher. Là, humidifiant le chiffon avec un peu d'eau et frottant fortement la résine de pin, j'essayais d'obtenir une sorte de pâte sur le chiffon. L'odeur forte du pin monta dans l'air. Le chiffon en main, je m'approchais d'Adamo pour commencer à lui enlever le haut de son vêtement. Mon geste allait sans doute le surprendre, mais avec calme je le persuadais de ne pas s'en offusquer et de se laisser faire.

"N'ayez pas peur, je suis guérisseuse, je sais ce que je fais. Je dois vous appliquer ceci sur le torse et dans le dos..... Vous devez tousser et respirer profondément. Allez y."

J'appliquais sur sa peau le chiffon et frottais pour que la pâte s'applique, et que cela l'aide à tousser et à mieux cracher ce qu'il avait dans les poumons. Cela n'était pas aussi efficace que ce que je pouvais trouver comme plante en dehors, mais je devais tout de même essayer. Une fois cela fait, et qu'il ait pu tousser ce qu'il pouvait, il n'y avait plus qu'à patienter. J'espérais que le bruit n'avait pas trop attiré de bêtes, mais leurs cris semblaient plutôt indiquer leur intérêt pour l'extérieur plutôt que pour ce qui se passe dans la grotte. Pourvu que cela dure. Adamo avait reçu tous les traitements que je pouvais lui donner pour le moment, il n'y avait plus que la chance et son envie de survivre pour l'aider. Je le laissais s'allonger, essayant de le mettre dans une position sur le côté plus confortable qui ne lui gênerait pas autant que possible la respiration. Il ne manquerait plus qu'il s'étouffe dans son sommeil.

"Nous devons attendre un peu avant de partir, les bêtes sont encore dans les galeries. Restez ici, vous pouvez dormir un peu et nous repartirons d'ici une heure."

Les bêtes, je le sentais autour de moi, n'étaient pas encore sorties du réseau de grottes. Il faudra sans doute attendre encore un peu pour qu'elle se retrouvent, sortent de la grotte et surtout s'éloignent de l'entrée. C'est ce qu'il nous fallait, et se précipiter ne serait pas une solution. Il me restait donc à attendre. Enlevant ma cape qui avait un peu séché, j'en recouvrais Adamo pour qu'il n'ait pas froid avec sa fatigue mais aussi pour limiter la diffusion de l'odeur de pin. Je poussais un léger soupire, regardant autour de moi. Et surtout la direction de la salle avec le nadaig.

Je repensais à ce qu'Adamo m'avait raconté. La colonne de lumière, la voix... tout cela me faisait fortement penser à une des apparitions d'En Ol Mil Frichtimen. Je me demandais pourquoi il s'était manifesté ici, alors qu'il n'y avait au final qu'un Nadaig de présent. Je repensais aux fresques que j'avais vu subrepticement en passant dans la cave. J'étais curieuse, quelque chose m'intriguais fortement. Quelque chose qui ne faisait pas vraiment sens. Je regardais Adamo, puis me concentrais sur ce qui nous entourait. Les bêtes s'éloignaient petit à petit, Adamo avait reçu tous les soins possibles et il n'y avait rien de plus que je pouvais faire à part le laisser se reposer un peu avant de partir. J'avais envie de le laisser pour retourner dans la salle un court instant, car mon rôle de guérisseuse avait été accompli. Et puis seule, avec juste le nadaig, je pourrais être beaucoup plus rapide pour bouger dans la salle. Je voulais juste rejoindre de nouveau la colonne, la toucher pour essayer de sentir si quelque chose était différent ou non. C'était risqué, mais... Je me disais aussi d'une certaine manière que si une bête sauvage nous trouvait, même en tant que doneigad je ne pourrais pas nous défendre plus que cela. Les plantes étaient loin dans le sol, je ne pourrais pas les appeler. Si je savais me défendre un peu, je n'avais qu'un couteau avec moi.

Tiraillée entre ma conscience de le laisser seul et cette nouvelle envie d'avoir le coeur net sur ce qu'il se passait dans cette étrange salle, je finissais par prendre une décision. J'avais fait mon devoir de guérisseuse, je ne pouvais rien faire d'autre à part le laisser se reposer avant de partir. Le couloir où nous étions était relativement petit, surtout pour le nadaig. Je devais en avoir le coeur net. Je reprenais le chiffon imprégné de résine de pin pour le mettre sur mon visage, et laissant Adamo avec ma besace et ma cape je repartais dans l'autre sens d'un pas leste vers la grotte au nadaig. L'excitation de repartir à la découverte de cet endroit me donnait des forces, et le temps compté me donnait des ailes. De plus le nadaig était réveillé, alors inutile de prendre tout mon temps pour traverser. Garder mes distances, rester prudente, voilà ce qu'il fallait faire. Et rejoindre cette fameuse colonne centrale pour en avoir le coeur net.

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Retour dans la salle
- Odran ? Oh, loué soit son bon cœur…

Souffle Adamo. Quand Elatha lui dit qu’il peut se reposer il secoue faiblement la tête.

- La sortie est loin, je ne vous blâmerai pas si vous ne pouvez m’y trainer.

Il effleure sa main gonflée. Un bijou est passé à son pouce, il n’est pas aussi terne que le reste de sa tenue, comme si Adamo avait fait de son mieux pour le préserver de la saleté.

Mais comme la doneigad semble décidée à l’assister et lui assure à plusieurs reprises que tout ira bien, il tente d’être un patient modèle et de se laisser faire. Ce n’est pas agréable ; il grogne de douleur quand Elatha touche sa peau tant le derme est abrasé, et Adamo ne semble pas du tout à l’aise avec le fait qu’on lui retire sa chemise. Cependant, il obtempère, peut-être parce qu’Elatha répète qu’elle est une guérisseuse et qu’il veut avoir confiance, ou peut-être parce qu’il est trop faible pour faire autrement. Le frottement du tissu puis celui de la sève de pin appliquée contre son torse lui font promptement serrer les dents.

Ses yeux sont trop secs et trop rouges pour qu’il puisse pleurer, aussi fixe-t-il le mur et s’oblige-t-il à respirer comme Elatha le lui ordonne. Quand il tousse, il crache un peu de sang. Le sang est assez rouge, ce qui est au moins pas trop mauvais signe, il provient probablement des parties supérieures des voies respiratoires, peut-être même de la gorge si elle est ulcérée.

Après cela, Adamo redemande l’eau dont il a déjà bu quelques lampées. Chaque déglutition lui fait mal, même s’il a soif. Il cracher un peu en tentant de s’hydrater et alors qu’Elatha le recouvre de sa cape encore humide, il ne demande pas son reste et ferme les yeux.

La doneigad peut retrouver la salle avec ses fumées qui commencent à lui irriter les yeux. Autour d’elle, il est impossible d’estimer l’emplacement des animaux tant la vie abonde, les sons sont trop diffus, trop nombreux. Elle peut cependant clairement entendre le claquement d’une aile dans l’obscurité près d’elle quand elle se dirige vers le domaine du Nadaig.

Celui-ci ne s’est pas encore rendormi. Il marche lentement entre les panaches de fumées, décrivant un cercle autour de la colonne.

Elatha peut se diriger vers cette-dernière. Le Nadaig se fige alors, et se tourne vers elle. S’il ne l’attaque pas, il est parcouru d’un long frisson qui secoue jusqu’à ses tentacules. Sa présence n’est pas amicale du tout.

Dans le brouillard des fumées, Elatha manque plusieurs fois de se perdre, comme quand elle est allée chercher Adamo. Une fois à l’intérieur d’une nape de fumée, il est impossible de savoir ce qui est devant, derrière, impossible de distinguer sa droite de sa gauche et les risques de trébucher sont grands. Elatha peut manquer de se tordre la cheville à plusieurs reprises, et ces déséquilibres n’aident pas à conserver son sens de l’orientation. En outre, malgré ses protections, elle commencera à sentir toute la peau découverte de son visage la brûler. Son souffle se fait plus superficiel, plus court.
Il y a toujours des ondulations au cœur des nuages de sécrétions toxiques, comme si la fumée s’enroulait en formes que l’on croit humanoïdes.

Malgré un essoufflement de plus en plus pesant, Elatha peut parvenir à la colonne. Le Nadaig est tout proche. Quand Elatha la touche, elle ressent quelque chose de confus, d’ancien, familier et étranger à la fois. Cela ne ressemble à rien de ce qu’elle a vu en tant que doneigad de Wenshaveye, et son lien n’est pas avec ce cercle, ce qui ne l’aide pas à lever le voile sur ce mystère. La pierre est très légèrement tiède, comme si sous le basalte refroidi battait encore un cœur de lave.

Le Nadaig s’approche d’Elatha et enroule un de ses tentacules autour de la colonne de pierre. Visiblement, toucher une fois ne le dérange pas, mais il ne semble pas désirer que la doneigad s’éternise. Il expire lentement, tout proche d’Elatha, un souffle qui sent la vase.

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Mon départ dans la salle aux fumées toxique ne fut pas de tout repos. Bien que je sois préparée à ce qui m'attendait et techniquement plus rapide car seule, les fumées furent sans pitié pour moi. Je sentais à présent le tribus que je devais payer pour m'obstiner à m'y enfoncer. Ma gorge me brûlait, tout comme ma peau, ma tête me tournait de temps en temps et me désorientant. Je sentais parfois mes sens me déséquilibrer et me faire perdre ma balance, me faisant trébucher ou bien manquant de me faire tomber. Ma peau également commençait à me brûler, comme si quelque chose d'irritant était attaché dessus.

Mais je tins bon, et j'arrivais jusqu'au centre de la salle, là où le pilier se trouvait. Le nadaig était toujours là, marchant lentement entre les panaches de fumée comme si de rien n'était, faisant la ronde de son territoire. Sa présence m'incommodait d'une certaine manière, ou plutôt m'effrayait. Même si je pouvais sentir le lien, il y avait cette sensation glaçante qui me faisait penser au regard d'un prédateur sur une proie passante et insignifiante. S'il me tolérait sur son territoire, je n'étais pas la bienvenue pour autant. Mais face à la colonne je devais me concentrer sur autres chose. Je l'observais, comme une étranger singularité qui pourtant appelait ma curiosité. Je posais ma main dessus, essayant de sentir le lien avec l'île et établir un contact.

La pierre est étrangement tiède, comme maintenue au chaud par tout ce que le volcan pouvait cacher en dessous. Presque comme une bête vivante en sommeil. Je fermais les yeux un instant, me concentrant sur ce que pouvait me révéler cette colonne. J'eu un léger frisson, ressentant des choses confuses et brouillées. Si je reconnaissais une ligne conductrice et des sensations familière, il y avait cependant comme une énigme qui m'empêchait de comprendre ce que je pouvais ressentir. Mais aussi comme si j'étais devant une abîme, une sensation de lointain en retournant vers le passé. Il y avait quelque chose de puissant et d'ancien, enfoui et que je n'arrivais pas à discerner. C'était comme essayer de tenir de la fumée entre mes mains, encore plus impalpable que l'eau qui coulait dans la rivière. Je rouvrais les yeux, confuse et ma curiosité à peine rassasiée. C'était étrange, vraiment étrange... Pourtant, je n'avais guère le temps de méditer sur la question, car une longue tentacule vint s'enrouler autour de la colonne. Je me figeais, voyant le nadaig juste devant moi. Je le fixais, sentant son souffle humide semblable au marais sur moi. Je pouvais sentir que sa patience avait atteint sa limite, et qu'il était temps pour moi de partir.

Par respect j'inclinais légèrement la tête et chuchotais en langue native quelques mots pour le remercier, puis m'éloignais doucement de la colonne. Je regardais autour, voyant à travers les volutes de fumées les quelques fresques sur les murs au loin. J'étais tentée d'aller voir, car sans doute que j'en apprendrais plus. Mais... Le nadaid n'allait pas rester magnanime bien longtemps, et rester de façon prolongée la proie des fumées toxiques pouvait s'évérer mortel pour moi. Je devais rejoindre Adamo. De toute façon je discuterai avec le doneigad du village voisin pour voir comment nous pouvions essayer de revenir ici. Sans doute qu'avec un doneigad local le nadaig sera plus conciliant, et les marquages d'Adamo seront peut être encore là, qui sait. Mais à présent il fallait que je retourne auprès du renaigse et espérer que les couloirs soient assez dégagés pour que nous puissions sortir. Le temps était contre non à présent.

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Fin de course
Les fresques qu’Elatha entrevoit à travers les vapeurs représentent toutes quelque chose lié au volcan. On distingue la lave, on distingue des étendues noires et désolées. De façon singulière, la mer est représentée à un moment, sans qu’il soit possible de trop deviner pourquoi – la peinture est trop obstruée, trop abimée.

Le Nadaig garde son attention focalisée sur Elatha tandis que celle-ci fait le chemin inverse. A nouveau, elle doit perdre de longues minutes à travers la fumée. Dans les galeries, par-delà la salle du Nadaig, elle peut percevoir des sons aigus mais tout à fait étouffés par les lourdes volutes qui l’entourent et semblent la transporter dans un autre monde.

Comme pressé qu’elle sorte de là, le Nadaig donnera une bourrade de son tentacule à Elatha, pas franchement amicale mais pas franchement agressive non plus pour la hâter vers la sortie. Le geste est un peu brusque, d’autant qu’Elatha peut commencer à avoir la franche impression que son souffle est court, l’envie de prendre un bon bain glacé pour se défaire de toutes les fumées qui semblent lui coller à la peau comme une sève brûlante. Cela s’accompagne d’un vertige de plus en plus insistant qui fait bourdonner les oreilles.

Une fois en dehors de la salle du Nadaig, la doneigad peut se diriger vers l’endroit où elle a laissé Adamo. Cependant, dès qu’elle s’en approche, elle peut être certaine que quelque chose ne va pas. A la place de l’homme, il y a une trainée dans la boue, et un peu de sang. Il semble avoir tenté de s’accrocher à une saillie mais quelque chose a réussi à le saisir, probablement à la jambe si on en croit le fait qu’il y a des bouts de cuir arrachés d’une chaussure. Ce quelque chose, Elatha n’aura pas beaucoup de difficulté à deviner ce que c’est : il y a par terre un jet de poison caractéristique à l’odeur nauséabonde. Une dosantats a probablement craché son venin vers l’étranger… Ce qui rend les chances de survie maigres s’il est en route vers le nid des créatures. Dans l’obscurité, Elatha ne voit pas très loin, mais la trainée du corps d’Adamo semble continuer un peu plus loin. On n’entend pas la voix de l’homme à travers les galeries, ou alors elle est couverte par tous les autres sons de toutes les autres créatures qui les occupent.

La cape d’Elatha est restée derrière, toute froissée et légèrement souillée par du sang. Elle se trouve quelques pas plus loin que l’endroit où se trouvait Adamo. Sur quelques mètres il y a un pinceau cassé, des lambeaux de vêtements, et un petit carnet dont la couverture de cuir est incrustée de pierres semi précieuses. C’est tout ce qu’il reste d’Adamo.

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A mon retour, ce que je trouvais me glaça le sang. Ou plutôt, ce que je ne trouvais pas. Adamo n'était plus là, seulement une trace dans la boue comme si on avait trainé quelque chose, et des traces de sang. Je m'approchais avec prudence, à l'affût. Est ce que les bêtes étaient encore là, attendant qu'une autre proie vienne à eux ? J'entendais et sentais au loin leur présence, mais pas immédiate. Le peu que je retrouvais du renaigse montrait qu'il avait été victime d'une dosantats, le poison nauséabond ne mentait pas. Il ne restait plus de lui que quelques traces de sang, de cuite, et ma cape tâchée de sang et de boue. Il y avait aussi un carnet de cuir au sol, recouvert de pierre aux jolies couleurs. Je regardais le carnet, poussant un léger soupire.

C'était de ma faute, je n'aurais pas du partir. Le sentiment de culpabilité me prenait à la gorge. Pour autant, une partie pragmatique essayait de faire son bout de chemin dans mon esprit. Si j'avais été là, est ce que j'aurais vraiment pu le sauver ? Aurais je pu le défendre contre une dosantats ? N'aurais je pas fini comme lui ? Mon impuissance réelle en ce lieu dangereux où je ne pouvais même pas utiliser mon lien avec les plantes pour nous protéger était mortifiante. Je serrais le livre entre mes doigts crasseux de boue, quelques larmes tombant sur la couverture. Je priais en silence, espérant qu'au moins sa mort fut rapide.

Pourtant, je n'avais pas le temps de me laisser ici à m'apitoyer sur le sort du renaigse ni à culpabiliser sur le choix de mes actions. J'étais moi même en danger et devais sortir d'ici au plus vite. Je rangeais le livre dans ma sacoche, à côté des autres carnets que j'avais récupéré dans la salle des fumoirs quand j'avais récupéré Adamo. Je prenais ma cape, l'observant un instant. Les tâche de sang pouvaient exciter les prédateurs aux alentours, même la boue ou la sève de pin ne pourraient pas le cacher. Je sortais de ma sacoche un couteau de pierre, et enlevait les morceaux de ma cape portant le sang du renaigse. Il y avait des trous, mais au moins j'avais moins de chances d'être une cible. Je reprenais un peu de boue au sol (celle qui était loin de l'endroit où Adamo s'était reposé et avait été trainé) et en étalait sur ma cape. Je la remettais sur moi, et me préparais à partir. Plus loin dans la pénombre, je pouvais entendre les bêtes s'agiter toujours. Peut être qu'Adamo allait les occuper un peu, je devais profiter de ce moment. En silence, et surtout sur mes garde pour entendre et sentir la présence des animaux, je m'enfonçais dans ces galeries sombres, à la recherche d'une sortie.

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La sortie ?
Heureusement, le dosantats qui a attrapé Elatha n’est plus dans les parages et la doneigad a tout le loisir de ramasser le carnet et de se préparer.

Quand elle s’enfonce à nouveau dans les galeries, un problème majeur se pose cependant : il fait nuit au dehors, il n’y a plus une lueur qui filtre par les crevasses dans le plafond de la grotte. Dans l’obscurité, il est très difficile, voire impossible, de retrouver son chemin. On entend les bruissements d’ailes, les bruits de griffes sur la pierre, le fourragement d’animaux de toutes tailles dans les galeries… A un moment, Elatha peut sentir un bruit rythmique dans son dos, mais heureusement il ne s’agit que d’un vol d’une trentaine de chauve-souris qui passent autour d’elle sans la frôler.

Allumer une lumière pourrait attirer une attention déplaisante de la part des habitants des couloirs. Sans les repères d’Adamo, il est impossible de trouver une sortie seule, à moins de vagabonder à l’improviste ou de parvenir à grimper jusqu’aux failles au sommet de la grotte, car certaines sont assez grandes pour laisser passer une personne. Elles sont rares, et ce sont les seules sources de lumière, grâce à la lueur de la lune, suffisantes pour repérer quelques endroits où Elatha est déjà passée. Malheureusement, elles se situent dans les chambres les plus larges, là où se trouvent également le plus d’animaux. Elatha peut aviser deux vailegs en plein festin. Ils se grognent dessus en se partageant un bout de quelque chose de sanguinolent, sans qu’il soit possible de déterminer de quoi il s’agit exactement. Ils ne repèrent par Elatha si elle se tapie suffisamment, si elle ne fait pas de bruit… Mais l’opération est longue, lente, et Elatha peut commencer à sentir la fatigue l’habiter, ses poumons brulants, sa peau abimée.

A ce rythme, elle pourrait bien tourner en rond toute la nuit. Les artères les plus étroites, plongées dans la pénombre la plus totale, sont particulièrement pénibles à traverser. C'est entre la peste et le choléra : être dans un petit passage la met à l'abri de la plupart des animaux, mais elle ne voit rien et peut se perdre à plusieurs reprises. Être sous une grande voûte permet un peu de visibilité, mais si elle voit, alors les animaux peuvent aussi la voir. Nulle trace d’Adamo, pas un cri. Le renaigse s’est simplement volatilisée avec les prédateurs ailés.

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Sortir de cet endroit était bien plus compliqué que d'y entrer. Sans l'aide des repères d'Adamo il était impossible de savoir où aller pour sortir. Allais je devoir faire de même, errer pendant des jours avant de trouver une sortie ? Il faisait nuit et les animaux étaient de sortie, mais en même temps pas tous étaient parti de la caverne. Certains étaient resté pour se partager la chair d'une de leur proie nouvellement trouvée, d'autres sans doute attendaient tout simplement qu'un animal se perde ici pour le dévorer. A errer ainsi sans lumière, à faire attention à tout ce qui m'entourait, à rester la plus silencieuse possible, je sentais la fatigue m'atteindre de plus en plus. Le passage dans la salle des fumées toxiques avaient atteints mes poumons, et si je pouvais faire abstraction jusqu'à un certain seuil de la douleur le fait que ma respiration était difficile et le moindre effort plus compliqué à tenir sans avoir la tête qui tourne était un fait que je ne pouvais éviter. Pas avec toute la volonté du monde.

A essayer de trouver mon chemin, je me rendis compte que je n'avais pas beaucoup d'options. Soit je restais dans les petites galeries sombres où les plus gros prédateurs ne pouvaient pas m'atteindre, mais alors le manque de lumière rendait très difficile voir impossible pour moi de me repérer. Soit j'allais dans les plus grandes salles où certaines failles au plafond pouvaient non seulement m'éclairer mais me donner une porte de sortie si j'osais escalader. Cependant, pour ces salles des prédateurs plus gros étaient présents et pouvaient me repérer. Le choix était difficile, car il y avait autant d'avantages que de désavantages. J'étais fatiguée, mes rations n'étaient pas non plus très grandes et l'adrénaline du besoin de survivre n'allait pas me laisser éveillée et alerte très longtemps. Je devais prendre une décision, sachant qu'aucune ne semblait être plus sûre que l'autre.

décision de l'action:

Un moment de calme et de méditation me firent prendre une décision. Ma respiration étant trop compliquée et ma fatigue grandissante, escalader pourrait me mettre en grand danger si d'un coup je manque de force où que ma respiration flanchissante ne me fasse tomber. Et là, que ce soit la hauteur qui me tue ou bien les bêtes prévenues qui m'achèvent mon avenir était plutôt sombre. Je choisissais donc de prendre les petits boyaux plus restreints et sombre, me concentrant autant que possible pour trouver la bonne manière de m'orienter.

J'avais avec moi mes lucioles mais ne pouvaient pas les utiliser très souvent pour éviter d'attirer l'attention. Me rappelant des inscriptions d'Adamo que j'avais vu plus tôt, je prenais le parti de cartographier les chemins que j'empreintai ou non. Je longeais les murs sur ma droite, et dès que je sentais que j'étais à un croisement je faisais avec un morceau de craie une marque sur le mur. Un rond pour dire que j'étais passée par là. Si jamais c'était il cul de sac et que je devais faire demi-tour je retrouvais le croisement, utilisais alors la lampe à luciole pour voir la marque et faisait une croix dans le rond pour montrer que c'était sans issue. A chaque croisement où je sentais que je pouvais être passée par là je sortais discrètement la lampe à luciole pour vérifier, faisais un marquage et la rangeais aussitôt. Je restais attentive sur ce que le lien pouvait me dire de la présence des animaux autour, et surtout... Gardant dans une de mes mains le couteau de pierre pour pouvoir me défendre si besoin.

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A la rescousse
Les heures suivantes filent dans l’obscurité. Elatha peut avoir la certitude qu’elle tourne en rond à des moments, mais sa cartographie relative des souterrains lui permet de revenir sur ses pas et d’éviter les impasses quand elle les a déjà empruntés. L’épuisement finit par se faire sentir, il tombe comme une masse sur la doneigad, avec lui la fin et la soif qui émoussent les sens.

C’est une véritable épreuve que de se sortir de là et Elatha marche plus d’une fois dans une boue aux odeurs nauséabondes où se mêle probablement du sang ou les restes d’un cadavre. Mieux vaut ne pas trop y penser.

A plusieurs reprises quand elle sort ses petites lucioles, elle peut sentir le regard d’un animal avide briller non loin, mais heureusement le seul qui s’approche est un blaireau et non un prédateur. Les cacher assez vite permet de détourner l’attention, même s’ils passent ensuite de longues minutes à renifler dans le noir. Elatha est au bout d’un moment tout simplement assez sale pour ne plus attirer l’attention, mais cela ne fait pas de bien à sa peau irritée par toutes les fumées.

Sans Adamo pour la guider, sans la lumière pour se repérer, les lucioles sont le seul salut de la doneigad. Elle parvient à retrouver les indicateurs de renaigse, un à un, et à remonter la piste. Elle peut reconnaître la corniche au-dessus du repère du vaileg, à présent vide, tout en sachant qu’elle prend la bonne direction.

Puis, le soleil se lève, et à nouveau Elatha peut profiter de sa clarté… Mais avant l’aube, les prédateurs qui s’étaient rués à l’extérieur réinvestissent les lieux dans un concert de jappements. Les grottes sont alors empuanties d’une odeur entêtante de sang, car beaucoup de bêtes ramènent leurs proies avec elle.

A nouveau, il faut laisser tous les occupants reprendre leurs places, éviter ceux qui se disputent pour des restes. Au moins sont-ils repus et donc plus calmes. Elatha qui a choisi les petites artères n’a pas à les croiser directement et si elle ne fait pas de bruit, son odeur ne les alerte pas. Le problème c’est qu’il est de plus en plus difficile de tenir sur ses jambes, que parfois il faut sauter à bas d’une corniche ou au contraire grimper et ramper dans un passage étroit, et que cela n’est pas facilité par un souffle court. Le risque de commettre une erreur, de démettre une pierre qui glisse vers le nid de créatures endormies et les réveille, se renforce de minute en minute.

Qu’Elatha soit encore en état d’atteindre la sortie ou pas elle peut de toute façon voir danser sur le mur une ombre qui a tout d’humaine et voir apparaître après une coudée Afon, le jeune chasseur, armé d’une lance souillée très récemment par une bête quelconque – peut-être a-t-il eu à se battre pour approcher.

Afon écarquille les yeux en avisant Elatha et se précipite vers elle. Il l’avise, puis très vite les alentours, vigilant. Il a été blessé au niveau de la clavicule, mais la plaie est superficielle et il l’a déjà couvert de plantes odorantes qu’il a probablement mastiqué pour les faire coller.

- Vous êtes en vie !

Souffle à mi-voix le jeune homme qui ne semble pas en croire ses yeux. Il lui tend un bras secourable pour qu’elle puisse s’accrocher à lui puis se dépêche de lui fournir sa gourde, au cas où elle ait fait le tour de ses ressources – qu’Elatha en ait conscience ou non, elle a passé plus de 24h dans cette grotte.

- Vous pouvez encore marcher ? On va sortir d’ici.


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Le chemin fut long, difficile, dangereux. La fatigue combattait la nécéssité de survie, et plusieurs fois je me faisais des frayeurs en sortant la lampe à luciole pour me repérer. Mais j'étais déterminée, concentrée autant que je le pouvais. Je n'avais plus aucune notion du temps, et seule l'envie de sortir me guidait. Etait ce qu'Adamo avait pu ressentir également ? Au bout d'un moment je ne faisais plus attention à ce dans quoi je marchais, ce que mes mains touchaient sur les murs humides et parfois boueux de ces grottes. Ma fatigue m'empêchait également d'utiliser le lien pour sentir les animaux autour, et il en arrivait au point que j'étais presque aveugle et sans repère.

Mais la chance restait avec moi. Petit à petit je retrouvais quelques traces, et je finissais même par retrouver le chemin que j'avais emprunté pour me diriger jusqu'à Adamo. J'eu un pincement au coeur. Si j'étais restée avec le renaigse, est ce que nous aurions pu nous défendre de l'attaque du dosentats, et survivre assez longtemps pour rejoindre ces couloir familiers et donc (en un sens) plus sûr ? Une partie de moi, à la fois pleine d'espoir et de culpabilité, me faisait sentir que cela aurait pu été possible. Nous aurions peut être pu nous en sortir à deux. Mais d'un autre côté... mon pragmatisme ne pouvait s'empêcher de repenser aux blessures et à l'état d'épuisement d'Adamo. Non, il n'aurait pas survécu, et il aurait pu nous faire tuer aussi. Au moins j'avais remarqué que je n'attirais plus vraiment les prédateurs, ce qui était une bonne chose. J'avançais dans le noir, mais petit à petit la lueur du jour pointait le bout de son nez. De nouveau je devais être prudente, faire un nouvel effort pour ne pas m'effondrer de fatigue. Je devais rester attentive aux prédateurs rentrants dans leur tanière, ne pas me faire repérer alors que j'étais à présent une proie facile. Ne pas m'endormir surtout.

Je finissais par réussir à sortir, mais étais je sauvée pour autant ? Ma vue se troublait, et aussi vulnérable qu'un jeune faon venant de naitre il ne fallait surtout pas qu'un prédateur me trouve. J'eus un frisson quand je vis une ombre se rapprocher de moi. J'écarquillais les yeux, mais reprenais de mon aplomb en entendant une voix familière. Etais je en train de rêver ou d'halluciner ? Pourtant après quelques clignements d'yeux la forme se dessina plus précisément, dévoilant le jeune chasseur du village. Je le laissais s'approcher, titubant un peu en tendant une main comme pour l'attraper. Comme pour être sure qu'il était réel. A son contact je sentais mes jambes céder, tombant à genou au sol. Enfin, je n'étais plus seule. Je ne remarquais pas que le jeune chasseur était blessée, bien trop concentrée pour ne pas de suite tomber dans l'inconscience. Je réussissais cependant à lui répondre, enfin quelques mots.

" Je suis....épuisée..."

Les fumées toxiques ainsi que le manque d'eau avait rendu ma bouche râpeuse, ma gorge inflammée bloquant les mots et ne laissant sortir que des sons à moitié étouffé. L'effort même de parler me fit tousser, ravivant la douleur des brûlures mais au moins éclaircissant un peu ma gorge. Je sentis qu'il mit entre mes mains quelques choses, et je compris que c'était une gourde. Sans attendre je la débouchais de mes doigts sales et rougis par les brûlures, et bus pour apaiser ma gorge. Je manquais seulement de m'étouffer, ayant bu trop vite par rapport à ce que ma gorge était capable de laisser passer. Je toussais encore un peu, puis buvais à nouveau mais plus doucement, en mesurant mes douloureuses gorgées. Je laissais la moitié de la gourde, pas décence pour le chasseur, et pu lui répondre un peu mieux que tout à l'heure, malgré ma voix encore rauque et douloureuse.

" Il faut que ... boire... et dormir. Je ne pourrais pas... aller bien loin."

C'était un fait, et même si j'étais prête à tous les efforts possibles pour ne pas être un fardeau, mon corps était presque à sa limite. Il fallait trouver un endroit qui soit en sécurité, au moins le temps que je puisse me reposer un peu avant de reprendre la route. Car de ce que je me souvenais, le village n'était pas à côté. Mais bien incapable ici d'avoir le dernier mot, je m'en remettais entièrement au chasseur.

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- Doucement, doucement…

Conseille Afon alors qu’Elatha s’empresse de boire. Il la couve du regard, inquiet, et la laisse s’hydrater tout son saoul. Il revisse doucement la gourde et semble observer la doneigad de plus près, prendre l’ampleur de son état.

- Il faut marcher encore un peu. La sortie n'est pas si loin.

Explique le jeune chasseur. Après une grande inspiration pour se donner du courage, il passe un bras sous l’un des aisselle d’Elatha pour la soutenir. De son autre main, il empoigne sa lance. En la soutenant et en la trainant à la fois, il la fait avancer dans les galeries pendant encore un bon quart d’heure. Heureusement, le terrain est plat. La hauteur de plafond augmente de plus en plus, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent à une sorte de carrefour, ouvert sur de nombreuses galeries, dont le plafond est percé à plusieurs endroits et distribue les rayons du soleil en quantité. Ce peut être éblouissant après avoir passé un temps si long dans l’obscurité. Elatha pourra remarquer que le zénith est passé, il fait beau à l’extérieur, seuls quelques nuages s’attardent dans un ciel d’un bleu glacé.

Afon la mène dans un recoin dans la paroi. Ils ne sont plus dans une galerie à proprement parler, simplement un repli que fait la roche. Le sol n’est toujours pas très agréable, mais le jeune chasseur enjoint Elatha à s’allonger, si elle le peut encore. Si elle a été incapable de marché, il l’aura carrément porté, ce qui lui aura pris bien plus longtemps. En tous les cas, seulement à cet endroit il lui dit :

- Dormez. Je vais veiller.

Il ne semble pas disposer de grand-chose pour rendre plus confortable le repos de la doneigad alors il lui confie son sac, qui est propre et sec contrairement à tout le reste de la grotte, pour qu’Elatha puisse y reposer la tête.

Afon semble nerveux alors qu’il se remet debout. Il décoche une œillade à sa comparse et lui demande malgré la fatigue de cette dernière :

- Où est l’étranger ?

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Le chasseur m'aida comme il pu à continuer, et je faisais preuve d'ultimes efforts de concentration et de volonté pour rester éveillée et ne pas m'affaisser sur le sol. Je n'étais même pas en état de me rendre compte des blessures d'Afon. Je ne savais pas trop où nous allions, il guidait mes pas, et décida de l'endroit où nous allions nous reposer. Enfin, surtout moi. Je fus un peu surprise par la délicatesse avec laquelle il s'occupa de moi, faisant attention à ce que je sois confortable, même si vu ma fatigue même un arbre aurait été confortable. Allongée, je pouvais sentir tout mon corps s'affaisser, comme s'il s'enlisait dans le sol. Je serais bien incapable de me relever toute seule.

Le chasseur avait l'air préoccupé, inquiet, pour autant il m'enjoignait à me reposer, voulant monter la garde. J'aurais bien voulu m'endormir, mais... cette sensation étrange de corps tellement fatigué et me lançant m'empêchait de me relacher et de sombrer dans le soleil. Fatiguée mais incapable de m'endormir pour autant sur l'instant, je tournais la tête pour regarder le chasseur. Ce n'était qu'à présent que je voyais ses blessures. Cependant, j'étais bien incapable de m'occuper de lui vu mon état. Mais ce qui me fit le plus de mal, ce fut quand il me demanda où était Adamo. Ma gorge se serra, et mon remord m'étrangla tout autant. Ce ne fut que de longue secondes plus tard, le regard attristé posé sur le chasseur que je lui répondis.

"Mort... J'ai échoué à le sauver, il a été emporté par un dosentats"

Il était ironique de me retrouver à présent dans la même situation qu'il avait été. Allongé et incapable de se défendre, avec quelqu'un d'affaibli à ses côtés. Mais Afon au moins savait se battre, il pourrait se défendre. Je me posais de nouveau la question, est ce que les choses auraient été différentes si j'étais restée avec lui ? Est ce que j'aurais su le défendre comme il se doit, faire en sorte que nous survivions tous les deux ? Je n'aurais jamais la réponse, je le savais, et c'est sans doute ce qui me torturait le plus. Cette incertitude sur ma propre faiblesse que je ne pouvais de façon évidente excuser. Pensive, j'observais Afon. Il m'avait sauvé à son tour, mais je me demandais ce qui l'avait amené en ce lieu. Il semblait tellement avoir voulu éviter de s'occuper du renaigse, pourquoi venir ici et maintenant ? Je ne voyais pas de raison non plus pour qu'il vienne à mon secours, je n'étais après tout pas une personne de son village. Cela m'intriguait, et à défaut de pouvoir m'endormir dans l'immédiat, je l'interrogeais.

"Mais que fais tu ici ? Si l'endroit est dangereux pour les chasseurs, pourquoi venir, et seul ?"


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Complications


Afon jure à voix basse en apprenant la mort d’Adamo. Il pousse un gros soupir.

- Tu as pu rapporter ses os ? Tu es sûre que c’était bien lui ?

S’enquiert le jeune chasseur après quelques secondes d’un silence méditatif. Il s’accroupit dans la pénombre, une main sur sa lance, dans une position mobile et alerte, mais assez confortable et discrète pour lui permettre de la tenir longtemps.

La question d’Elatha lui fait hausser les sourcils.

- Tu es partie longtemps. Ton Màl aurait été fâché si on n’avait même pas essayé de te chercher.

Explique Afon avec pragmatisme. Il inspire un grand coup et ajoute.

- La sœur du renaigse est arrivée au village. Elle cause des problèmes… Notre Màl est furieux, il sait tout maintenant, Odran lui a raconté. Il a dit à la sœur qu’il avait envoyé une personne de confiance chercher Adamo, mais il n’était pas sûr qu’il soit en vie, il ne pouvait pas lui promettre ça. Il fallait bien que quelqu’un vienne vérifier si tu avais réussi, parce que si tu n’étais pas revenue on aurait envoyé encore quelqu’un d’autre, et quelqu’un à sa suite, chacun pour chercher le précédent… Et cette grotte les aurait tous pris, comme elle a failli ne pas vouloir te laisser partir.

Il parle à mi-voix pour n’affoler aucune créature proche ou lointaine. Il y a de la lassitude dans son ton.

- Tout est arrivé exactement bien pour Odran. Maintenant le Màl a toute son attention et il nous prend pour des incompétents. Lugda n’est pas contente, elle s’est disputée avec la sœur du renaigse. Je n’irais pas lui chercher des noises, moi… Elle n’est pas comme son frère du tout. Elle est inquiétante.

Ses yeux surveillent les alentours, sans répit.

- Tu devrais dormir maintenant. Il faut que nous repartions quand nous pourrons. Avant la suite, ce serait bien.

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La question du chasseur me parut étrange. Ses os ? Je mis un instant avant de comprendre qu'il ne savait pas que je l'avais croisé en vie. Chercher une preuve de sa mort ne m'est pas venu à l'esprit, du moins pas de cette façon. Je m'imagine mal aller courtiser de près la mort en allant disputer à un dosentats un morceau de jambe en plein repas. Je ne sais pas pourquoi, cette pensé me fit légèrement sourire.

"Ca... aurait été difficile. Mais j'ai autre chose."

La situation me fut révélée par le chasseur. Sans doute qu'étant doneigad et ne voulant pas se brouiller avec ceux de mon village ils s'en sont inquiétés. Mais la venue de la soeur du renaigse en dévoilà plus sur le véritable motif urgent de retrouver mes traces. Je notais également l'amertume dans les paroles d'Afon, alors qu'il regrettait être mal vu par son Mal. Mais n'avait il pas cherché une telle issue, en envoyant de façon consciente le renaigse vers une mort certaine ? Je n'avais pas beaucoup de pitié pour lui, même s'il était en train de me sauver la vie. Sans doute. Pour autant, j'étais plus inquiète des conséquences de la venue de la soeur du renaigse. Je poussais un soupire, sachant ce qu'il allait m'incomber.

"Je vois... ce que je craignais est arrivé. J'irais parler à la soeur d'Adamo."

Cela n'allait pas être facile, et il allait falloir se montrer prudente. Très prudente même. Car bien que je n'étais pas adepte du mensonge, je savais que toute vérité n'était pas bonne à dire. Ici cela pourrait provoquer un véritable danger pour le village, qui pourrait se trouver attaqué par les renaigse, en guise de vengeance. Non, je devais éviter cela, et apaiser la soeur inquiète. Son deuil sera sans doute douloureux, mais elle méritait une réponse. Sur ces réflexions mon corps fini par se détendre, et je sombrais dans le sommeil, veillé par le chasseur. Pourvu que mon destin ne soit pas similaire à celui d'Adamo, quoi que cela serait d'une certaine façon ironique et de justice.

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Conclusion
Afon, sans commenter davantage, laisse Elatha à son sommeil. Il la réveille environ 4h plus tard et lui signale que l’après-midi touche à sa fin et qu’il faut se hâter de rentrer à présent. Le repos a pu être salutaire à la doneigad mais les cloques ont eu tout le temps de s’épanouir sur sa peau et sa respiration est légèrement sifflante à présent, ses bronches bien encombrées. Ce n’est rien qu’elle ne sait pas soigner, mais elle souffrira probablement de ces symptômes pendant quelques temps, particulièrement au niveau de sa peau, et sa capacité pulmonaire sera réduite durant environ les dix à quinze jours qui suivront, selon la rapidité de son organisme à se remettre.

En tout cas, Afon aide Elatha à se redresser et à reprendre le chemin. Il la laisse s’appuyer sur lui et l’aide à marcher, la portant même quand il faut, surtout alors qu’ils atteignent la sortie de la grotte – l’air libre, enfin. L’herbe est mouillée, un vent frai s’est levé, un lapin fuit dans les fourrés à leur passage. Tout est exactement comme Elatha l’a laissé, sauvage et libre, une odeur de pluie flotte dans l’air, à mille lieux de la senteur âcre de la boue et des charognes dans la grotte. Le chemin jusqu’au village prend plus d’une heure, le jour tombe lentement alors que le chasseur et la doneigad arrivent en vue des grands os de baleine.

Afon conduit Elatha vers la demeure d’Odran mais il n’y a pas à avancer beaucoup avant de tomber sur celui-ci. Il est accompagné d’une femme aux cheveux d’un blond presque blanc, très élégamment vêtue, avec de grandes bottes de cuir ouvragé qui la protègent de la pluie et un chapeau à grands bords qui retombe devant son visage affublé de petites lunettes rondes derrière lesquelles deux yeux presque rouges scrutent les deux arrivants. La renaigse n’est pas bien grande mais sa présence est telle qu’Afon l’a décrite, plus imposante que sa taille ne le laisse présager. Elle échange quelques mots d’une voix frileuse mais courtoise avec Odran, impossibles à capter à distance, puis Odran s’avance pour aider Afon à soutenir Elatha.

- Qu’il est bon de te revoir malgré ton état !

Lance Odran alors que ses yeux calmes et attentifs détaillent Elatha.

- Que t’est-il arrivé ? Adamo n’est pas avec toi ?

Poursuit-il avant que ne raisonne la voix de l’étrangère.

- C’est aussi ce que j’aimerais savoir, madame.

Elle s’est avancée et a retiré ses gants qu’elle tapote dans ses mains aux longs doigts. Ses ongles sont acérés comme ceux de certains renaigse, « manucurés » comme ils diraient, presque comme des griffes, taillés en pointe.

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Quand mes yeux s'ouvrirent, je pus sentir rapidement que je n'étais pas morte. J'étais encore fatiguée mais les brûlures de ma peau me piquaient âprement pour me rappeler par la douleur que j'étais bien envie. Je suivais Afon pour sortir de la grotte, faisant de mon mieux pour avancer et le gêner le moins possible. La route du retour me parut interminable, presque aussi longue que le temps que j'avais passé dans ces grottes sans lumière. Mais la vue au loin des os de baleine dressés vers le ciel me donnèrent du baume au coeur. C'est bon, nous étions en sécurité à présent. En rentrant dans le village je pus voir Odran qui se dirigeait vers nous, suivis par une renaigse aux cheveux blancs. Ils avaient l'air de s'être parlé, mais je ne savais pas vraiment ce qu'il en était. Quand il fut enfin prêt de nous, ce fut pour aider Afon à me soutenir. Vu qu'il était blessé lui aussi, son aide n'était pas de trop. Bien entendu il me demanda de suite ce qu'il s'était passé et où était Adamo. Je retenais un soupire, mes yeux fatigués se chargeant de tristesse.

"Odran ..."

Je ne pus cependant lui dire ce qu'il en était, car la renaigse s'était aussi avancée pour m'interpeler de sa voix froide et demander des comptes. Mes yeux se posèrent sur elle pour mieux l'observer. Je comprenais ce qu'Afon voulait dire à présent. Ses cheveux et ses yeux étranges, son attitude imposante malgré sa petite taille. Nul doute qu'elle était comme un prédateur qui n'avait aucune peur de ce qui l'entourait. Ou plutôt, comme une personne qui n'avait plus rien à perdre pour savoir ce qu'il était arrivé à son frère. Mon instinct semblait comprendre d'emblée qu'elle était le véritable danger que faisait face le village à présent. Je ne comptais pas lui cacher les choses, cependant la forme allait être d'importance pour calmer sa peine et éviter sa colère. Je m'adressais donc à elle, dans la langue des renaigses, ma voix un peu rauque à cause des fumées s'exprimant cependant avec calme et dignité.

"Vous êtes donc la soeur d'Adamo... Je suis Elatha, Doneigad et guérisseuse de Wenshaveye... Je pense qu'il serait préférable de rentrer et de s'asseoir pour discuter. J'ai beaucoup à raconter, mais malheureusement mes jambes ne vont pas me soutenir beaucoup plus longtemps."

Mon état, il fallait dire, parlait de lui même. Je ne savais pas à quoi je ressemblais, mais sans doute que mon état crasseux, mes yeux fatigués et les cloques de brûlures toxiques me donnaient raison. Je savais qu'il était nécessaire de parler avec la renaigse sans attendre. Je sentais d'autant plus le poids de ma besace sur moi, contenant les livres de note d'Adamo. La seule chose que j'avais pu récupérer de lui, preuve de sa rencontre. Et la seule chose que je pouvais donner en retour à sa famille.


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L’étrangère fixe Elatha.

- C’est une question simple madame que vous pouvez adresser tout de suite pour me soulager de cette incertitude : est-il en vie ?

Elle réplique, et l’état de la doneigad ne semble malheureusement pas l’attendrir, ni sa réponse lui plaire.

- Viens…

Lance simplement Odran à Elatha alors qu’il l’enjoint à venir de son mieux vers sa demeure pour l’y assoir. Il fait un signe de la tête à la sœur d’Adamo, comme pour s’excuser, et l’expression de la femme ne se déride guère. L’étrangère suit mais uniquement pour avoir une réponse, elle ne semble pas avoir la tête à une visite de courtoisie. Afon surveille la femme aux cheveux blancs du coin de l’œil comme s’il craignait quelque chose d’elle.

Finalement, Elatha est transportée jusqu’à un fauteuil matelassé de cuir qui se trouve chez Odran. Il est confortable mais pas de facture native, loin de là. L’étrangère reste debout, elle passe à peine le seuil et elle croise les bras, maintenant Elatha sous le feu de son regard.

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La renaigse semblait à contre-coeur les laisser m'installer dans un meilleur endroit. A voir son coeur aussi froid et distant, je me demandais si cela était tout simplement sa nature, ou bien sa manière de se protéger. Les renaigses sont compliqués, souvent ils ne montrent pas ce qu'ils ressentent. Je fus conduite à l'intérieur de la hutte d'Odran, et installée dans une chaise un peu.... étrange. C'était d'une certaine façon confortable, bien qu'intriguant. Mais la situation avec la renaigse blanche qui me fixait comme si elle s'apprêtait à me sauter à la gorge ne me donnait pas vraiment le luxe d'apprécier un tel confort. Mes yeux rougis et fatigués se posèrent sur elle, ma voix éraillée s'éleva pour lui donner la réponse qu'elle attendait tant.

"Je me doute que l'attente doit être insupportable, aussi avant d'expliquer ce qu'il s'est passé, je vais aller droit au but. J'ai retrouvé Adamo vivant, cependant son état de santé était tellement grave et il était si faible qu'il n'a pas survécu. Je suis désolée, mais Adamo est mort."

La peine était visible sur mon visage. J'avais réellement voulu le sauver. Réussir à le trouver vivant pour finir par un échec qui était en partie ma faute me pesait. Je secouais la tête, poussant un léger soupire.

"Mes soins n'ont pas été suffisants, et je n'ai pas pu récupérer son corps. Cependant..."

Je me redressais un peu, pour prendre la besace qui ne m'avait pas quitté depuis le début. Mes doigts crasseux fouillèrent à l'intérieur, sortant plusieurs des carnets de notes d'Adamo.

"Je sais que pour les sages renaigses ce qui est écrit dans ces... livres est très important pour eux. Adamo semblait être l'un d'entre eux, aussi je les ai rapporté avec moi en espérant pouvoir les donner à quelqu'un de sa famille, pour qu'il puisse effectuer le deuil comme il se doit. Si vous êtes sa soeur, ils vous reviennent de droit à présent."

Je les lui tendis, attendant de voir si elle allait les prendre ou non. Une partie de moi était curieuse de savoir ce qu'il y avait à l'intérieur, mais quoi qu'il en soit je ne sais pas lire leur écriture. Pas encore. Ces carnets m'étaient donc, à part les quelques croquis à l'intérieur, inutiles. Mais même s'ils les avaient été, je ne les aurais pas conservé. Cela m'était interdit, ces objets appartiennent à la famille d'Adamo. C'est sans doute la dernière chose de lui qu'il doit leur rester.

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La sœur d’Adamo baisse simplement les yeux à l’annonce de la mort de son frère. Elle ne dit rien tandis qu’Elatha lui explique et son expression ne varie pas, lasse et abattue. Elle tend une main pour récupérer les carnets dans un geste dénué de brusquerie et les ouvre. Elle touche du bout du doigt l’écriture de son frère. A part cela, du point de vue d’un natif, elle n’a pas franchement l’air bouleversé, l’éducation de la Congrégation faisant. Mais une émotion vive semble l’avoir étreinte tout de même car elle reste près d’une minute à fixer les lignes figées.

Odran la regarde très calmement mais Afon, lui, semble affolé par le témoignage d’Elatha et l’attitude d’étrangère. Finalement, celle-ci relève ses drôles d’yeux sur Elatha et dit :

- Vos services ont été insuffisants et permettez moi d’émettre quelques doutes. Si vous aviez été auprès de mon frère alors qu’il rendait son dernier souffle il vous aurait confié sa chevalière si son corps avait été tout à fait impossible à transporter. Il savait quelle valeur elle a. Vous... Non. C'est donc une coïncidence bien pratique.

L’étrangère prend une grande inspiration et les ailes de son nez frémissent. Elle tourne plusieurs pages et ajoute malgré tout.

- Je vous sais gré de me restituer cela.

Cependant, elle semble demeurer sceptique, même si elle n’accuse Elatha de rien directement. Odran continue d’écouter, d’observer, mais Afon lui fait un pas vers l’étrangère quand elle en arrive à une section du carnet qui comprend des reproductions des fresques. Afon écarquille tant les yeux qu’on dirait qu’ils vont lui sortir de la tête. Il s’exclame, dans sa langue :

- A-t-il trouvé notre lieu sacré ? Pour de vrai ? On ne peut pas laisser l’étrangère prendre ça, ils vont revenir encore plus nombreux !

Les yeux de l’étrangère sont sur Afon alors qu’il parle. Impossible de dire si elle comprend ou non mais elle doit au moins percevoir l’animosité de son ton. Odran lui répond dans la langue des renaigse :

- Elle prendra ce qui est à son frère. C’est son droit.

L’étrangère referme le carnet et le presse légèrement contre son sein dans un geste assez protecteur. Elle lance :

- Effectivement. En vertu de l’amitié qu’Adamo vous portait, Odran, et de l’état de votre comparse, je veux bien croire que quelque chose s’est terriblement mal déroulé dans ces grottes et que tout n’est qu’un malentendu, mais vous ne m’enlèverez pas le travail de mon frère. Vous auriez dû songer à sa valeur avant de le laisser sans surveillance s’aventurer dans un lieu dangereux. C’est son héritage et il ira à sa famille. Je pense que cela, vous le comprenez.

Elle avise chacun des présents puis elle incline très légèrement son chapeau pour les saluer. Sa rage glacée ne semble provenir que du décès d’Adamo, au moins n’a-t-elle eu aucune parole blessante qui rabaisse les trois présents, mais le deuil ne semble pas la rendre bien disposée. Après cet adieu, la femme tourne les talons, et s’en va. Afon est prêt à la suivre mais Odran lui saisit le poignet lui glisse, toujours aussi tranquillement, dans leur langue.

- Nous devons aller voir notre roi, Afon. Lugda nous y suivra.

Afon s’immobilise et pose des yeux de biche effarouchée sur Odran. Ce dernier avise Elatha et lui adresse un bref sourire.

- Merci pour toi, Elatha. Repose-toi, à présent. Tu as bien œuvré.

Il sort de sa demeure en trainant avec lui le jeune chasseur hébété.

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La jeune femme eu une réaction plus solennelle que ce à quoi je m'attendais. Elle prit les carnet, et le temps qu'elle mit à les regarder, à en parcourir les feuilles montraient à mes yeux toutes l'intensité de sa peine pleine de pudeur. Elle était touchée, il n'y avait aucun doute. Je ne réagissais pas à ses doutes, apprenant ainsi que normalement il aurait du me laisser une bague. Cependant, comment aurait il pu le faire, ou du moins y penser dans son état ? Et moi même je n'étais pas au courant. Quoi qu'il en soit, c'était une bonne chose à savoir. Je fronçais cependant un peu des sourcils en entendant les remarques d'Afon à la vue des croquis d'Adamo. D'une certaine façon il avait raison, mais le respect des défunts était sacré. On ne pouvait prendre ce qui appartenait à la famille, ce qui pouvait les aider à trouver la paix et faire leur deuil. Odran eu bien fait de réagir de l'empêcher de ne commettre un impair.

La femme nous remercia cependant pour ces éléments, et après un bref salut s'en aller. La regarder partir ainsi me fendait le coeur. Je me sentais responsable, et je me doutais que sa peine était lourde. Odran lui s'occupait d'Afon. Il me remercia pour son aide et disparu avec le jeune chasseur pour voir leur Mal, et sans doute leur doneigad. Je me retrouvais seule dans cette hutte, laissant échapper un soupire. Je ne pouvais laisser les choses ainsi, je le savais. J'étais fatiguée, mais ma conscience m'enjoignait de dire certaine vérités, aux uns comme aux autres. Je devais reprendre un peu de force, et faire ce que j'avais à faire. Mes yeux se posèrent sur l'intérieur de la maison d'Odran, pleine de choses étranges de renaigse. Mais il y avait aussi des éléments plus familiers, et je reconnaissais un peu de nourriture. Il n'était pas là, cependant la faim me tiraillait et je ne pense pas qu'il m'en voudra pour avoir mangé un ou deux petit morceau de viande séchée. Je mangeais, sentant la vigueur revenir petit à petit. Je réfléchissais aussi à quoi dire, comment, pour être sure d'apaiser les coeurs et les esprits de tout le monde. La soeur d'Adamo avait droit à la vérité, mais toute vérité n'était pas bonne à savoir et certaines pourrait mettre en péril le village. D'un autre côté, Adamo avait été incompris par le village, et de par ses découvertes il méritait d'être respecté un minimum par les gens du village. Je sentais que je lui devais cela, pour honorer sa mémoire comme il faut alors que j'avais failli à le sauver.

Je sortais de la hutte après de longue minutes, et me mis en quête de la première personne à qui je voulais parler. La soeur d'Adamo. Heureusement il ne fut pas très compliqué de la retrouver, son physique unique et ses habits différents des autres la rendant visible facilement. Je l'approchais doucement, avec respect en espérant ne pas interrompre son moment de solitude. Mais pour qu'elle fasse son deuil, elle devait tout savoir. Je l'interpellais donc, d'une voix et d'un regard doux qui se voulait respectueux de sa peine. J'avais dis que je raconterais ce qu'il s'était passé, et je tenais tenir à ma parole. Je lui expliquais que je souhaitais lui raconter ce qu'il s'était passé, ce qu'il avait accompli et comment il avait trouvé sa fin. Non pas pour me justifier, mais que pour ses derniers moments soient connus et honorés. J'attendis son assentiment, que ce soit pas un mot m'autorisant à continuer, ou bien par un silence qui n'interdisait pas la suite. Je commençais donc mon récit, sur comment j'avais appris qu'il avait disparu il y a plusieurs jours et que j'avais décidé à me lancer à sa recherche. Comment grâce à ses annotations sur les murs, à ses repères de lacets de cuir j'avais réussi à retrouver plus facilement son chemin. Je félicitais son courage et son abnégation, son intelligence aussi, qui n'étaient pas facile à trouver dans un endroit où la lumière n'existe presque plus et où les bêtes sauvages et dangereuses rôdent. Je lui racontais aussi comment j'avais trouvé par endroit des traces de son oeuvre, de ce qu'il avait voulu accomplir. Les quelques peintures de nos ancêtres qu'il avait voulu réparer, rendre aussi belles qu'avant. Mes yeux, bien que rougit, brillaient d'une admiration en parlant de cela. Je me rappelais vivement de ce que j'avais vu. Je ne pu m'empêcher de dire que J'avais espérer à ce moment là le connaitre avant, pour parler avec lui plus longuement. Qu'il ait traité avec un tel respect nos fresques était pour moi digne d'intérêt mais aussi de reconnaissance, rare chez les renaigses.

Je continuais, parlant alors de comment je l'avais trouvé dans la salle des fumées toxiques. J'omettais complètement la présence du Nadaig, ne voulant pas qu'elle pense qu'il y ait vengeance à avoir. Cependant, je n'omettais pas le fait qu'il y avait des fresques dans cette salle qui avaient sans doute attiré Adamo, et l'avaient malheureusement pris au piège avec les fumées. Les brûlures, les vision d'hallucinations... Tout était dangereux dans cette salle. Je lui racontais brièvement comment j'avais réussi à remonter jusqu'à lui et à le sortir de là, non sans des séquelles pour ma part. Les cloques sur ma peau et le fait que je toussais par moment dans mon discours en étaient les preuves. Je l'avais mis un peu plus en sécurité, et mon regard s'assombrit. Je décrivais alors son état. Sa maigreur, sa saleté, sa peau âbimée sans compter sa toux. Je décrivais comme un guérisseur le ferait les symptômes du patient. Sans nul doute qu'il avait été dans ces grottes pendant des jours sans eau ni nourriture, et que sa survie dans ces fumées aussi longtemps était un miracle. J'avais commencé à le soigner, autant avec les herbes que j'avais que mes pouvoirs. Mais je ne pus lui cacher que j'étais pessimiste sur ses chances de survies. Il était si faible, à bout de force... Traverser le reste des grottes allait être compliqué, il devait se reposer. C'est là que mon histoire de nouveau divergea de la vérité. Par humiliation de ne pas être restée jusqu'au bout pour le sauver, ou bien pour pas qu'elle pense à une fin horrible pour son frère... Sans doute les deux. Je lui racontais que son frère semblait grandement soulagé de voir quelqu'un à ses côtés, qu'il avait sourit. Je racontais aussi que j'avais vu un ingrédient qui pourrait soulager sa douleur dans les couloirs, et que je l'avais quitté pour aller chercher cet ingrédient. Je l'avais installé aussi confortablement que possible, lui disant de se reposer pour nous préparer au chemin du retour. Je l'avais recouvert de ma cape pour que les animaux ne le sentent pas, qu'il soit en sécurité. Puis, le laissant et allant chercher l'ingrédient, à mon retour je le retrouvais sans vie, s'étant endormi pour toujours. L'état de fatigue de son corps avait eu raison de lui, mais son visage semblait être en paix. C'était un beau mensonge, pour moi comme pour elle, et mon visage véritablement peiné montrait que cette perte me touchait. Je ne l'avais pas connu, mais j'aurais aimé pouvoir le faire.

Je lui expliquais alors que j'avais préparé son corps, et que j'avais récupéré ses livres car je savais que c'était quelque chose d'important. Cependant, j'ignorais tout pour la bague et n'y avait pas pensé. Je racontais ensuite comment j'avais été attaquée par une bête sauvage, un dosentats qui avait emporté le corps d'Adamo sans que je ne puisse rien faire, que j'en avais réchappé de peu. Je n'étais pas une combattante, et mon lien n'était pas suffisant pour apaiser leur faim. Impuissante à les voir emporter le corps d'Adamo, je devais fuir pour ma propre vie, ne pouvant emporter que les notes du renaigse. Je m'excusais de ne pas avoir pu faire plus, que j'aurais aimé qu'il soit vivant avec nous pour parler avec lui. Que j'aurais aimé savoir qui il était. J'avais fini mon récit, et j'espérais que celui-ci allait permettre à la jeune femme de faire son deuil. Je ne savais pas comment les renaigses faisaient leurs rituels pour leurs défunts, mais je lui expliquais qu'étant donné ce qu'Adamo avait fait pour le village et qu'il avait été avec eux pendant un long moment, j'allais effectuer un rituel funéraire en son honneur. Sa mort devait tout de même être honorée, et je le pensais sincèrement. De nouveau je lui souhaitais mes condoléances, attendais ses commentaires (si elle en avait) avant de prendre congé.


Je la quittais, et les heures avaient avancé. Parler autant m'avait donné encore plus mal à la gorge, et soif, mais je ne devais pas m'arrêter là. Il était temps à présent de voir le doneigad du village, lui raconter ce que j'avais vu dans ces grottes. Je marchais tranquillement, m'arrêtant un moment car j'avais la tête qui tournait. Je finissais par trouver à sa hutte. Là, je lui demandais un temps de discussion en privé, par rapport à ce qu'il s'était passé dans les grottes. Pour ce récit, j'étais plus exhaustive et proche de la réalité. Je racontais les fresques trouvées, ce qu'elles avaient dépeintes, et surtout la salle où j'avais trouvé le Nadaig. Je lui racontais tout, ce que j'avais pu observer, ce que j'avais senti quand j'avais touché la colonne blanche. Ma confusion, mes certitudes quand au fait que c'était une salle très ancienne, et sans nul doute datant des cycles où les premiers renaigses étaient venus. Je lui commentais également ce qu'Adamo avait accompli en restaurant certaines fresques, que j'étais admirative du respect qu'il avait montré envers elles, même si cela avait été pour sa perte. En revanche, je lui précisais bien qu'à la soeur d'Adamo ni aux autres je n'avais mentionné la présence du Nadaig. Parce que je ne voulais pas que par soucis de vengeance les renaigses essayent de s'en prendre au Nadaig, mais aussi pour que les autres ne racontent pas par mégarde ce récit qui pourrait revenir aux oreilles des renaigses. La crainte que d'autres natifs essayent aussi d'aller dans ces grottes aussi dangereuses m'inquiétaient, et je lui laissais alors le choix de raconter cela au reste du village ou non. Je n'étais pas des leurs, je n'avais pas cette décision à prendre. Seul leur doneigad pouvait savoir ce qui était juste et bon pour eux. Ce dernier récit racontait la fin de ma contribution à cette affaire. Aucune idée de ce qu'ils décideraient, mais cela n'est plus vraiment de mon ressort. J'étais fatiguée, demandais des soins et du repos. Une récompense qui me suffisait bien en l'instant.


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La sœur d’Adamo se retourna pour aviser Elatha et l’écouta tout du long. Son silence semblait indiquer que la doneigad pouvait continuer mais sa froideur ne laissait rien dévoiler de ses pensées. Elle ne semblait pas particulièrement soulagée sur la fin, elle remercia courtoisement Elatha et partit. Il faut croire que cela ou autre chose ne joua pas en faveur de la doneigad. Peut-être la sœur ne crut-elle pas la doneigad, peut-être la considéra-t-elle en partie coupable du décès de son frère, mais en tout cas Elatha n’eut pas exactement bonne presse à Nouvelle-Sérène dans les semaines qui suivirent. Claudia, car c’était le nom de la sœur d’Adamo, avait l’oreille des bonnes personnes et elle ne se priva pas d’y glisser son récit qui incriminait le village en partie le village de Vignamri. Mais heureusement, aucun mal ne fut fait au Nadaig ou au village, et ce fut grâce aux manœuvres d’Odran.

[Elatha perd un point de réputation avec la Congrégation Marchande]

La position d’Odran fut renforcée au village après qu’il eut livré Afon et Lugda à leur Màl comme responsables de la mort d’Adamo. Il eut également à cœur de continuer ses tractations auprès de Claudia et conseilla à Elatha de se tenir loin de tout cela et de ne pas s’en préoccuper. Elle était associée à la mort d’Adamo dans l’esprit de Claudia et Odran lui conseilla d’attendre que le sort de Lugda et Afon soit tranché pour de nouveau se rendre à Nouvelle-Sérène. Lui avait réussi à ne pas se mouiller. On aurait pu l’accuser de récolter les fruits d’une affaire à laquelle il avait peu participé car il ne s’était pas précipité au secours d’Adamo, mais son implication physique distante couplée à son soutien oral répété à l’étranger parut fonctionner auprès de Claudia qui assista au jugement d’Afon et de Lugda. Cette dernière fut condamnée à l’exil. Afon fut interdit de participer à la grande chasse pour les dix ans qui suivirent par son Màl. A présent, Odran a l’oreille de ce dernier et cela lui permit d’être un interlocuteur de choix durant la fête de l’équinoxe. Il avait le beau rôle, prudent et rusé, il en sortait grandi.

[Elatha gagne de l’approbation de la part d’Odran qui n’hésitera pas à la solliciter dans le futur mais elle écope également d’une certaine animosité de la part de franges plus traditionnalistes des Natifs.
On dit que Ludga est allée se réfugier près d’eux.]


Les découvertes d’Elatha suscitèrent la curiosité du doneigad à qui elle les confia, puis celle du Màl de Vignamri mais tous deux conseillèrent à Elatha de ne pas divulguer l’emplacement de ses trouvailles de peur que d’autres s’y aventurent. Malheureusement, bon gré, mal gré, les rumeurs se répandirent dans différents clans de l’île, pas davantage que des on-dits mais quelques curieux vinrent trouver Elatha pour en entendre davantage. Un artisan de Wenshaveye essaie de recréer, pour le moment sans succès, la substance qu’Adamo appliquait sur ses fresques. Personne n’a encore percé à jour l’emplacement exact et il revient à Elatha de le livrer un jour… Ou pas. Mais cela n'empêche pas une poignée de déterminés de chercher ce qui pourrait peut-être être un lieu sacré perdu, si ancien qu’on en a oublié le nom. C’est un grand savoir que détient Elatha et qu’Adamo a emmené avec lui dans sa tombe… Ou peut-être est-il conservé dans les pages du carnet à présent entre les mains de Claudia.
En tout cas, pour le moment, quoi que l’étrangère y ait lu, elle n’en fait pas usage.


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