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[Mission] Indiscrétion

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Altercation
Loin de se dégonfler, la femme carre les épaules alors que les quelques passants qui s’approchent l’intiment au silence. Une autre femme, en particulier, se fraie rapidement un chemin jusqu’à Adoraciòn et son interlocutrice et avant que cette dernière ait pu prendre la parole, sa comparse venue à son secours s’exclame :

- Pardon, ma sœur ! Pardon ! C’est qu’elle a plus bien toute sa tête, elle a dû vous confondre avec quelqu’un d’autre.

La femme qui vient d’intervenir est assez jeune et a de petites lunettes qui glissent sur son nez rendu rendu transpirant par la nervosité. Elle tient le bras de la prostituée dans un mouvement à la fois apaisant et protecteur, ce qui n’a pas l’air de dissuader cette dernière. Elle s’époumone :

- Plus toute ma tête ? Ah mais vas-y donc ! On va les laisser se pavaner comme des coqs en pattes devant nous’autres ? Déjà que l’imbécile là-bas il fait fuir toute la clientèle !

La prostituée agite sa pipe vers le prêcheur sur son petit tabouret qui continue de vitupérer avec de grands gestes. Ensuite, la femme reprend une profonde bouffée et l’expire.

Adoraciòn pourra savoir que ce n’est pas du tabac. C’est une herbe « médicinale » de piètre qualité dont on se sert parfois comme drogue, mais qui est surtout utilisée pour apaiser la douleur quand on n’a rien de mieux. Et, de près, le bleu de l’hématome de la prostituée a beau être couvert d’une sacrée couche de fond de teint, il semble suintant et assez récent. Il doit être douloureux. Il est même possible que l’os de la pommette en-dessous soit abimé.

- C-C’est un peu le prin-principe par ici…

Chuchote la femme à lunettes, mais la prostituée ne lui laisse pas le temps de poursuivre.

- Eh bah oui ! On m’avait dit qu’il faudrait baisser les yeux devant les grands chapeaux et se rhabiller pour les bigots ! Et j’ai fait, j’ai enfreint aucune règle, non ! Je le jure sur la tête de ma Ma’ !

Nouvelle bouffée crachée au visage d’Adoraciòn.

- Ils sont peut-être du clergé mais moi je suis de la Garde, oui madame, et quand la Commandant il saura que vous faites tabasser des femmes qui font juste leur honnête travail, il aura des mots avec vos patrons !

La femme à lunettes balbutie de nouvelles excuses à l’attention d’Adoraciòn. Elle semble vouloir tirer sa comparse de là car sa voix qui porte attire de plus en plus l’attention. Certains Nautes ricanent. Ce n’est pas d’eux que l’inquisiteur et la guérisseuse auront du soutien. Le prêcheur est devenu tout rouge et se met à crier encore plus fort sur les jeunes gens qui se sont mis à rire au mot « bigots », sans qu’il soit vraiment certain qu’ils en connaissent vraiment le sens. C’est une belle cacophonie qui commence à s’élever dans les parages.


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Vaast n’entendit que les derniers mots de la guérisseuse, mais il entendit très bien la suite, surtout que la prostituée se fichait manifestement d’attirer l’attention. Lui-même resta prudemment en arrière - il n’avait guère envie de se prendre une bouffée de fumée dans la figure.

La femme qui se faisait enfumer était du clergé, mais ça ne voulait pas dire grand-chose. A San-Aurelius, Vaast se serait soucié d’apprendre à quel cardinal elle répondait ; ici, il se demandait simplement si c’était encore une suivante de la Confrérie de l’Aube. Après tout, le port n’était pas un endroit déplacé pour une Consœur. D’après ce qu’il savait, ces gens ne rechignaient pas à approcher le bas peuple, au contraire. Elle était toute fine et portait un anneau de mage ; il n’alla pas plus loin dans son observation.

La rousse était salement abîmée et même s’il n’était pas soigneur, Vaast doutait que la couche de maquillage arrange les choses avec sa joue. Elle n’avait pas dû pouvoir se payer les services d’un soigneur. L’inquisiteur ne reconnut pas l’odeur de ce qu’elle fumait, ce qui l’intrigua.

La dernière femme semblait nerveuse et avide de ne pas provoquer de scandales. C’était hélas mal parti pour ça, avec le prêcheur qui prenait la mouche.

L’inquisiteur hésita environ trois secondes.

Il y avait beaucoup d’inconnues dans cette équation, comme aurait dit Alix. La plus embêtante n’était pas la prostituée mais la religieuse. Si son raisonnement était bon, elle aussi cherchait Gregorius.
Si elle n’avait pas été là, Vaast savait très bien ce qu’il aurait fait. Il serait allé donner un coup de pied dans un des montants de l’estrade pour en faire descendre son oiseau criard et aurait prié ce dernier de décamper. Ensuite, fort de ce geste de bonne volonté, il serait revenu interroger la prostituée…

Mais elle aurait peut-être disparu d’ici là, si la femme voulait lui parler à l’écart. Ou pire, elle lui dirait de dégager de là. Il y avait pourtant fort à parier que la rousse savait quelque chose.

Tant pis. Vaast se décida pour le plan C après avoir écarté le B - celui qui consistait à se prendre trois heures plus tard une Juliette en furie sur le coin de la figure parce qu’il avait secoué une employée de la Garde.

-Vous êtes de la Garde ? Un religieux vous a blessée ?

Il avança d’un pas pour se tenir juste à côté de la mage. Son ton était calme et sérieux, il fixait la prostituée dans les yeux.

-Ma camarade peut sans doute vous soigner.

Là, il prenait un risque. Certes, elle n’avait pas l’allure d’une combattante, mais peut-être ne savait-elle que faire de la lumière. C’était le cas de beaucoup de débutants - et nombre d’entre eux adoraient garder leur anneau à la main en permanence. Et même si elle savait soigner, elle pouvait très bien protester qu’elle ne connaissait pas Vaast et ruiner son plan C.

-Nous ne voulions pas déranger, nous cherchions juste un ami, poursuivit-il en saluant d’un bref signe de tête la femme aux lunettes. Peut-être pouvons-nous nous aider mutuellement. Je suis frère Vaast.

L’inquisiteur s’autorisa un léger sourire en ajoutant plus bas :

-Et si le prêcheur vous dérange, je peux m’arranger pour qu’il aille s’égosiller plus loin.

Ce n’était pas une très bonne option si l’homme avait des liens d’importance dans le clergé, mais si se montrer amical pouvait lui apporter des informations, ça en valait la peine.

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Adoraciòn feat. Vaast

Adoraciòn pinça le sommet de l'arête de son nez entre son pouce et son index, ses paupières se plissant fortement tout comme ses lèvres se serrèrent entre elles, ne formant plus qu’une  mince ligne sous l’effet de l’exaspérante cacophonie ambiante. Elle ne savait pas ce qui l’agaçait le plus : les plaintes colériques de la rouquine, les rires railleurs des Nautes en retrait, le manque de réponses obtenues ou les égosillements assourdissants du prêcheur qui faisait montre de toute la grandeur de sa susceptibilité. Si elle devait les classer, elle mettrait probablement ce dernier tout en haut de sa liste. Serait-ce vraiment mal vu que de lui jeter sa bottine en cuir à la figure ?

Elle en était là de ses pérégrinations pensives, n’entendant que d’une oreille les complaintes de la jeune femme nerveuse plaidant pour son amie lorsqu’un homme d’une haute et imposante stature, particulièrement comparée à la sienne, prit place à ses côtés. Au vu de sa vêture, il devait être l’autre membre du Clergé envoyé par le Père Callistus à la recherche de son fils.  Demeurant cette fois-ci silencieuse, en pleine observation, elle ne put empêcher une infime crispation de sa frêle silhouette à la demande informulée, accrochant une petite moue dubitative sur ses traits juvéniles quant à la réponse favorable de la prostituée.

« Bien sûr que je peux la soigner. C’est même ma spécialité. Mais cela ne dépend que de vous » s’adressa-t-elle directement à la femme au caractère aussi flamboyant que sa chevelure, toute aménité paraissant s’être envolée en un simple battement d’aile, un vague sourire chaleureux et apaisant naissant sur son minois au teint hâlé, s’y attardant même quelques instants alors qu’un fin sourcil inquisiteur se haussait imperceptiblement sur son front.

« Soeur Adoraciòn Del Sol. Mais Dora suffira amplement. ». enchaîna-t-elle promptement, se penchant légèrement vers l’inquisiteur tout en se hissant le plus possible sur la pointe de ses pieds menus, afin de pouvoir parler sans être entendue plus loin que ceux les entourant de près, lui conférant une posture un tant soit peu comique dans cette situation. « Personnellement, je ne serais pas contre faire descendre cet infâme oiseau braillard de son perchoir branlant. » Puis elle reprit son positionnement d’origine, croisant ses petites mains au-devant d’elle, un air ingénu d’innocence placardé sur son faciès angélique.




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Tensions

- C-Ce serait bien aimable à vous mais vraiment…

Commence la femme aux lunettes alors que Vaast propose des soins puis qu’Adoracion accepte de les prodiguer et la rouquine inspire un grand coup. On dirait qu’elle est un peu calmée mais les paroles de l’inquisiteur au sujet de la recherche d’un « ami » font dangereusement se plisser ses yeux.

- Eh bah oui, évidemment, vous aussi vous cherchez un ami.

Elle prononce le mot d'une voix railleuse.

- Vous le terrifiez cet ami ! Et quand on voit les molosses envoyés à ses trousses, moi aussi j’aurais peur ! J’ai pas parlé, même quand votre petit camarade colérique m’a rudoyé alors…

Elle expire un long filet de fumée, les yeux un peu humides. Les Nautes, dans leur coin, restent mine de rien plantés là à écouter la conversation. Malgré que la majorité du groupe semble surtout camper sur le pavé pour embêter le prêcheur, un parmi eux observe davantage Adoracion, Vaast et la prostituée que l’homme sur son estrade. Il a le regard vif et attentif, pas le petit sourire goguenard de ses amis, et quand l’un d’eux lui met d’ailleurs une tape sur l’épaule il se tourne d’un coup pour lui adresser un grand sourire rassurant. La femme aux lunettes lui jette quelques œillades en retour puis en revient à la rousse. Cette dernière conclue :

- Si vous faites décamper l’oiseau de mauvaise augure et que vous arrangez ma face, ouais. Ouais, je pourrais peut-être croire en votre bonne foi.

C’est là une situation à la fois courante et complexe : un membre du clergé qui a agi à sa guise contre des « incroyants » qui s’avèrent être des alliés nécessaires à Thélème – la Garde, les Nautes – tout autant que Thélème est nécessaire à leurs affaires. Tous semblent être conscients de la tension qui plane mais personne n’ose la briser. Même le prêcheur, tout rouge et furibond, ne descend pas véritablement de son perchoir. Il se contente de brailler.

- Oh je vous en prie, ce n’est pas obligé, pas obligé du tout.

Gémit la jeune femme à lunettes. Cependant, malgré toute sa volonté d’apporter le calme et de coopérer, elle ne propose pas d’aider à chercher cet « ami ». A la place elle propose :

- Nous pourrions aller dans un endroit calme et vous pourriez la soigner, n’est-ce-pas ? Nous pouvons même vous offrir une réduction sur votre prochaine… consommation ! Mais ne restons pas ici le… L’air marin ne doit pas réussir à d-des gens de votre… qualité.

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Le long nom de la jeune femme fit ciller Vaast, mais il ne fit pas de commentaire. Elle marchait dans son plan et avait confirmé pouvoir soigner la rousse, c’était tout ce qui comptait.

Rousse qui s’empressa de lui donner des informations supplémentaires qu’elle le veuille ou non. Ils n’étaient donc définitivement pas les seuls à chercher Gregorius. Elle le connaissait. Et elle avait même envers lui une certaine loyauté pour garder ses secrets.

-Quel camarade ? souffla-t-il à l’adresse de sœur Dora.

Il avait pris soin de paraître perplexe, soucieux, et de parler assez fort pour être entendu de la prostituée. De toute façon, ils étaient assez proches d’elle pour qu’elle n’en rate pas une miette.

Vaast adressa un signe de tête poli à l’autre femme, celle qui se montrait plus aimable mais pas plus aidante.

-Ce ne sera pas long, assura-t-il.

Et l’inquisiteur de faire demi-tour à grands pas pour se diriger vers le prêcheur. Il l’examina rapidement avant de lancer d’une voix autoritaire :

-Mon frère, si vous pouviez avoir l’amabilité de descendre un instant. J’aimerais vous dire un mot. Maintenant.

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Adoraciòn feat. Vaast



Dora adressa un regard en coin à Vaast, sans prononcer le moindre mot. Apparemment, elle n’était pas la seule à avoir tiqué sur le fait qu’ils n’étaient pas les seuls à rechercher Gregorius, et certainement pas les premiers au vu de l’animosité dégagé par la prostituée à qui ils faisaient face. Et la résultante de cette loyauté n’était franchement pas belle à voir. Qui pouvait bien poursuivre l’homme au point de refaire le portrait d’une femme et ce, peu importe sa classe sociale, seulement pour obtenir des informations au sujet de quelqu’un d’autre alors qu’il y avait bien d’autres moyens plus ou moins efficace ? Surtout qu’elle ne semblait pas être du genre impressionable.

Alors lorsqu’il lui souffla la question qu’elle-même se posait, elle ne put qu’hausser ses fins sourcils et hausser les épaules, l’incompréhension se lisait sans peine sur ses traits encore enfantins.

« Je n’en ai pas la moindre idée. On ne m’a pas parlé d’une quelconque autre personne à la recherche de cet ami avant maintenant. Et il semble en être de même pour vous. » répondit-elle sur le même ton, l’étonnement tintant dans sa voix tandis que ses doigts graciles rejoignaient les mèches folâtres échappées de sa tresse pour les torturer, toute à sa réflexion, ne prêtant pas d’attention aux Nautes et autres badauds les entourant.

Un simple hochement de tête de sa part répondit à ce qui tenait plus de l’ordre qu’autre chose de la rousse, adressant tout de même un petit sourire en coin sans réel affect à la jeune femme à lunettes avant de se détourner légèrement pour observer l’inquisiteur rejoindre l’olibrius criard sur son perchoir et qui ne paraissait pas vouloir en descendre de sitôt. La prêtresse écouta néanmoins d’une oreille les paroles geignardes s’échappant de la bouche de la plus timorée des deux femmes légèrement en retrait à ses côtés.

« J’ai passé je ne sais combien de temps dans un bateau pour venir jusque sur cette île. Je ne pense pas que l’air marin soit un quelconque problème, peu importe la classe sociale de la personne. » Elle détourna un instant ses yeux pers de la haute silhouette de Vaast et du prêcheur pour les poser sur le petit bout de femme timoré. « Mais soit. Le calme et une certaine intimité vaut mieux pour ce genre d’affaire qu’en plein milieu d’une voie passante, aux regards de n’importe qui.»

Après ses paroles dites d’une voix chaleureuse malgré l’amusement et la touche de cynisme qui s’en dégageaient, Adoraciòn croisa les bras sous sa poitrine menue, ses pupilles chocolat s’arrimant au spectacle qu’offrait les deux hommes au milieu de la foule attentive.




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Accrochage


Le prêcheur adresse un regard du haut de son estrade à Vaast et jauge visiblement le fait que l’inquisiteur arrive déjà très haut, alors que lui n’est pas perché sur un tabouret de bois. Il serre un peu contre lui ses liasses de papier et abaisse son long index accusateur.

Le groupe de Nautes, ravi de ce revirement, encouragent Vaast en éclatant de grands rires qui soulignent leur jeunesse et leur manque de réelle hostilité.

- Bonjour, mon frère.

Répond le prêcheur avant de laisser planer un silence où il se perd un peu dans les yeux de Vaast et où sa pomme d’Adam tressaille plusieurs fois. Il desserre son col visiblement un peu trop serré et finalement descend maladroitement de son perchoir. Il n’est pas rasé de près et n’a pas des vêtements de grande qualité. Il ne porte même pas ses anneaux. Il doit appartenir à quelque ordre mineur car il ne porte aucune marque qui le démarquerait comme un missionnaire, un inquisiteur, ou un membre de la Confrérie de l’Aube.

- Voilà je… je suis descendu.

Malgré la barbe qu’il semble tenter de garder foisonnante justement pour cacher ce fait, le prêcheur a l’air jeune. Il doit probablement avoir le même âge que Vaast, peut-être un peu moins. Jeune… Mais déjà très zélé. Il se tient très droit, comme s’il portait un corset de la Congrégation mal ficelé qui lui rentrait dans les côtes. Il semble attendre de voir ce que Vaast va lui dire mais malgré sa face rougie par ses vitupérations, il n’a pas l’air agressif du tout.

De son côté,  Adoraciòn reçoit un sourire de la part jeune femme aux lunettes alors que la rousse fixe Vaast de loin, un sourire amer aux lèvres, mais un sourire tout de même. La femme aux lunettes les rajuste sur son nez et se tourne sur le côté.

- Nous pouvons aller vers la taverne, qu’en dites-vous ?

Elle propose à la religieuse.

- Attend. Je veux voir comment le blondinet baraqué se débrouille.

Coupe la rouquine en soufflant de nouveau dans sa grande pipe.
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Vaast ignora les Nautes. Ils semblaient surtout être désœuvrés et en manque de divertissement. Se donner en spectacle ou leur répondre provoquerait d’autres réactions qui ne lui seraient d’aucune aide.

L’inquisiteur examina avec attention le jeune prêcheur. Non armé. Voulant bien faire. Sensible, même, à en juger par son teint. Vaast lui offrit donc un léger sourire et se pencha légèrement vers lui. Il baissa également la voix.

Avant de faire un esclandre qui ne manquerait pas, avec un public pareil, de faire parler de lui, il allait tenter une méthode plus douce, recette Domnius.

-Puissiez-vous marcher dans la lumière. Je me nomme frère Vaast, missionnaire sous les ordres de sœur Juliette. Toutes mes excuses pour cette interruption, mais je suis diligenté par père Callistus pour mener une importante mission.

Son ton était aimable, mais ferme, et il avait asséné cette liste de noms comme s’il était évident que l’homme face à lui saisissait l’importance qu’ils avaient. Sans laisser au religieux le temps de fouiller sa mémoire pour voir s’il connaissait ces fameuses personnes que Vaast citait avec tant d’aplomb, il poursuivit.

-Je vous avoue que je suis ravi de croiser un prêcheur assez courageux pour venir transmettre la sainte parole auprès de ces âmes difficiles.

Nouveau sourire. Voilà qu’il se mettait du côté de l’homme tout en traitant les Nautes criards avec une condescendance toute bien intentionnée.

-Mais ma mission m’impose de dialoguer avec plusieurs personnes du port et je crois qu’il serait bien plus efficace que nos efforts se conjuguent au lieu de s’opposer. Peut-être ces âmes seront-elles plus réceptives à vos sages conseils demain après avoir reçu ma visite, du moins je l’espère. Nous aurions tous à y gagner et je sais qu’une âme comme la vôtre comprend l’importance d’un effort commun.

Son ton s’était fait grave. Vaast regarda au loin une longue seconde, comme s’il songeait à quelque plan grandiose, puis il regarda de nouveau le prêcheur.

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Par la porte dérobée


Au début, le prêcheur ne semble pas spécialement satisfait par ce que lui dit Vaast. Il balbutie un « m-m-mais » alors que son visage passe de rouge à pourpre. Cependant, comme l’inquisiteur lui assure qu’il pourra reprendre son travail bientôt, il se détend.

- Je comprends l’importance de votre tâche, mon frère. Mais les desseins des grands de ce monde ne devraient pas empêcher la parole de notre Prophète de se glisser dans l’oreille, même récalcitrante, des gens d’ici.

Sans patronage, probablement d’un ordre mineur, l’air pas bien riche, jeune, et pire que tout ; idéaliste. Soit il ne durera pas longtemps, soit il fera un martyr, soit il deviendra un Saint. Difficile à dire.

- Mais soit. L’effort commun, j’y consens le premier. Nous sommes frères et non ennemis, je ne me mettrai pas sur votre route.

Assure le prêcheur. Avec toute la dignité qu’il peut, puisque les Nautes ont commencé à faire des bruits de « smack » avec leurs bouches quand Vaast s’est penché sur le jeune homme tout rougissant, ce dernier ramasse son tabouret, salut Vaast et Dora, et s’éloigne, très raide.

- Le Lumineux vous garde ! Vous tous !

Il lance à la cantonade, comme pour se faire plus imposant, en dépassant deux dockers à l’air blasé. Ces derniers, en voyant Dora et Vaast près de la rousse, se tendent cependant et l’avisent. Elle leur fait un imperceptible signe de la tête, comme pour les décourager. Ces deux personnes n’étaient pas là voilà quelques minutes et ne sont pas passées devant Vaast et Dora depuis tout le temps qu’ils sont sur le port. A croire que tout le monde dans le parage est de mèche, ou au courant de quelque chose, et qu’on refuse de leur dire.

La rousse, pendant que Vaast faisait son office, continuait de tirer sur sa pipe. Elle n’a pas l’air très impressionnée.

- J’suis déçue, il aurait pu lui casser le tabouret sur sa petite tête d’œuf.

Elle commente à l’attention de Dora.

- M’enfin. J’ai qu’une parole, tout ça…

La jeune femme à lunettes semble sur le point de défaillir de soulagement face à cette déclaration. Voilà que la rouquine s’éloigne d’une démarche chaloupée, et sa comparse de dire « après vous, mes seigneurs », d’un ton très ampoulé.

Malgré toute sa vaillance, la rousse boîte. Elle a dû recevoir plus qu’un coup à la tête. Impossible de dire, sous ses frusques, dans quel état elle est. Elle semble maîtresse à déguiser ses maux.

C’est comme le début d’une mauvaise blague : deux prêtres et une prostituée dans les rues de San-Matheus… Heureusement, la rousse ne fait rien pour embarrasser les membres du clergé. La jeune femme aux lunettes babille sur le trajet de toute et de rien et, si ça n’avait pas été pour sa nervosité avant d’entrer par l’arrière de la taverne du Denier, il aurait été impossible de le dire. Mais la femme à lunettes se retourne un instant pour scruter les alentours, et si un œil attentif fait de même, il pourra remarquer un des Nautes qui était sur le port au droit de la ruelle que le groupe vient de traverser.

Il doit toucher sa bille pour avoir été assez discret qu’on ne repère pas la filature. Cependant, il n’est pas armé et ne semble pas agressif. Il semble faire office de guetteur.

Les deux membres du clergé traversent un présent un univers qui peut leur être tout à fait étranger : celui de la pauvreté. Ils s’engagent dans un couloir percé d’alcôves où on a poussé des lits ci et là, les dortoirs des travailleurs du bordel. Quelques effets personnels ça et là, signes de leurs propriétaires absents, un beau bijou mais abimé là, un gros coquillage qui vient d’une plage de San-Matheus ici, un petit tableau qui semble avoir été réalisé de la main d’un enfant là-bas. L’intimité est pour ainsi dire inexistante avec seulement des rideaux pour se cacher les uns des autres. Un homme est toujours au lit, dans la pénombre. La rousse le dépasse, les épaules raides, sans le regarder, probablement par habitude. Un regard et Dora pourra aviser à son teint que le malheureux souffre probablement de problèmes biliaires tant il a le visage cireux et jaunâtre.

La rouquine doit être une travailleuse bien placée dans les environs car elle a sa propre chambre, avec une porte et une clef, bien que celle-ci soit petite et humide, comme tous les logements insalubres de l’île. Les tentures font un bien piètre cache misère pour la moisissure. Singulièrement, il y a un autel dans la pièce, modeste mais une bougie y brûle et, à côté, il y a une petite figurine en bois qui représente une Sainte très mineure et peu populaire auprès des élite. Le visage de la statuette, dans un sourire doux et mystérieux, et les voiles qui lui tombent un peu de des épaules, le doigt qu’elle lève comme pour demander à ceux qui l’entourent de garder un secret, sont bouleversants de réalismes sur une échelle pourtant si réduite. Le travail est signé Gregorius, Vaast et Dora ont assez vu de ses statues pour l’affirmer, mais il s’incarne ici dans sa forme la plus aboutie, la moins stérile… La moins thélémite, d’une certaine façon, car on ne dirait pas une Sainte, et on ne la reconnaîtrait pas si elle n’avait pas ses attributs. On dirait une femme du peuple.

Cependant, le travail est exécuté d’une main de maître pour un homme aussi jeune, à peine sorti du moule de l’adolescence. La rousse ne s’attarde elle pas sur la statuette. Elle s’assoit sur son lit et un bref soupir de soulagement passe ses lèvres. Elle confie sa pipe à sa comparse qui s’empresse de venir à ses côtés pour l’aider à retirer sa robe. Fil par fil du corset, et la rousse reprend un peu de couleur sous son maquillage, mais son expression n’en laisse rien paraître.

Sans sa robe, quand la voilà en sous-vêtements, impudiquement mais visiblement pas gênée, devant les deux religieux, ces derniers peuvent attester qu’elle n’a pas simplement pris une claque. On l’a passé à tabac et elle porte une marque malheureuse dont on peut attester la provenance : quelqu’un l’a frappée avec un sort d’ombre au niveau du flanc. Comme une aiguille, assez acérée pour piquer, pas suffisante pour infliger trop de dommages au long court. On a voulu lui faire mal. Sa jambe est couverte de bleus, comme si elle avait été tordue.

C’est un travail que Vaast peut malheureusement reconnaître. Quelqu’un s’est essayé à des méthodes de torture sur la pauvre femme, probablement un membre de l’inquisition. Si ça se savait, ce serait probablement de l’huile sur le feu pour les missionnaires et tous les opposants à l’Ordre et ses méthodes. Mais pour une raison ou pour une autre, la rousse n’a pas jugé bon d’en parler à quiconque… Pour le moment.

La rousse se laisse admirer en silence alors qu’elle reprend sa pipe, et une grande inspiration dedans. Elle doit être extrêmement endurante pour parvenir à rester si longtemps debout, si apprêtée, à dormir dans ces conditions, alors que l’air colle à la peau tant il est moite. D’ailleurs, la prostituée reprend enfin la parole :

- On n’est pas tous des gamins effarouchés par les hurlements, les menaces, et les poings levés, hein ? Sur qui vos petites techniques de tarées fonctionnent ? Je sais que vous cherchez Gregorius mais je suis pas la seule à pouvoir en prendre une ou deux pour lui. On lui est tous redevables ici, et pas qu’ici. Or, ici, et pas qu’ici, z’êtes pas en odeur de sainteté.

Elle étend pourtant sa jambe vers Dora en haussant les sourcils, comme pour lui demander ce qu’elle attend.
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“Les desseins des grands de ce monde.”

Vaast fut brutalement ramené dix ans en arrière, à une table de bois noir couverte de vaisselle fine. Il était onze heures du soir, toutes les chandelles étaient encore allumées. Domnius, confortablement assis dans son fauteuil favori, lui expliquait posément qu’il ne devait précisément pas mépriser les desseins des grands de ce monde.

-Mépriser quelque chose revient à l’ignorer, à le sous-estimer, à le méconnaître. On ne déjoue pas un plan en l’ignorant. On ne maîtrise pas la théologie sans maîtriser la politique.

Quel âge avait-il à l’époque, quatorze ans ? Quinze ?

Il tâcha de revenir au présent et de se concentrer sur le prêcheur. Il lui adressa un sourire contraint, comme si ah ! Comme il était d’accord ! Comme il aurait aimé avoir son courage pour dire non à ses puissants maîtres !

Vaast inclina la tête et regarda le prêcheur partir sans prêter attention aux Nautes. Il se sentait triste et contrarié et avait du mal à saisir pourquoi. Le prêcheur était naïf. Crédule. Risible. Peu importait qu’il soit convaincu du bien-fondé de ses actions. Les gens comme lui qui ne faisaient aucun compromis et n’avaient pas de talent d’orateur pour compenser n’allaient jamais loin.

L’inquisiteur se détourna de la scène et fixa la rousse. Elle aussi avait l’air de fixer quelque chose - quelque chose auquel elle faisait un signe de tête minime. Vaast épousseta son épaulette et en profita pour regarder derrière lui. Deux hommes fixaient la prostituée.

Du coup, l’inquisiteur ne prêta que très peu attention à ce que racontait la femme à lunettes sur le chemin. Il était bien trop occupé à se concentrer sur tout le reste.

Même s’il crut repérer une ou deux personnes déjà vues sur le port, il n’aperçut aucune arme et personne ne chercha à les rattraper. Peut-être était-ce une embuscade, mais il connaissait le quartier et les abords de la taverne du Denier n’étaient pas le meilleur endroit où orchestrer une attaque. La Garde risquait de rappliquer. Non, il se passait autre chose. Peut-être les camarades de la rousse cherchaient-ils à la protéger ? Ou tout cela tournait-il autour de Gregorius ?

Vaast fut brutalement déconcentré quand il passa la porte avec la prêtresse.

Jamais il n’avait vu l’envers de ce décor-là. Le seul dortoir qu’il avait connu était d’une propreté rigoureuse. Le sol était toujours glacé, ils n’avaient pas le droit à un seul objet personnel et on les faisait tous mettre en prière à genoux pendant une heure si un seul problème survenait pendant la nuit - mais il n’y avait pas cette atmosphère étouffante. Cela lui rappelait un peu le logement d’Alix près de la mer, à Nouvelle-Sérène. C’était petit, sombre, humide, et inconfortable.

On aurait pu croire qu’après le Front, ce n’était pas ça qui allait l’émouvoir, mais il était mal à l’aise quand même. Quelques mois d’enfer n’avaient visiblement pas suffi à le rendre indifférent à tout. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Il tâcha de ne pas sentir les relents moites qui lui prenaient la gorge et se concentra sur la pièce où la rousse les emmenait. Une chambre fermant à clé. Tant mieux, ils seraient plus tranquilles pour discuter.

Le regard de l’inquisiteur, comme aimanté, se posa aussitôt sur l’autel. Une bougie y était déjà allumé et la statuette… La statuette était réalisée avec une telle finesse et une telle… humanité.

Il avait envie de s’en approcher, de l’examiner, de trouver le nom de la sainte, mais on les traitait avec assez de suspicion comme ça. L’icône était sûrement une création de Gregorius. S’il la fixait avec trop d’insistance, il se ferait remarquer. Il détourna donc très vite les yeux et les posa sur le corps en train d’être dénudé.

Une moue amère, consternée, se dessina sur les lèvres de l’inquisiteur. La femme portait une marque semblable à la sienne au flanc, quoique moins étendue. Sa jambe avait subi de sévères dommages et il pouvait parier que son visage n’était pas en meilleur état sous l’épaisse couche de maquillage.

Vaast fixa en silence la prostituée qui se vantait de sa résistance à la torture et les défiait. Il prit une profonde inspiration, qu’il regretta aussitôt, et se retint de répliquer. Son visage reprit plutôt une expression calme et impassible. Le cerveau en ébullition, l’inquisiteur essaya de redonner un sens à tous les indices qui se mettaient en place.

Premièrement, Gregorius n’avait pas disparu. Il n’avait pas été enlevé. Il n’avait pas été tué non plus. Il était bien vivant et était parti de lui-même. Son oeuvre de charité au port avait manifestement pris de l’ampleur, au point d’offrir des statuettes de maître à la lie de la société thélémite et de s’en servir comme bouclier en retour.

Deuxièmement, Gregorius n’était pas recherché que par son père. Jamais un missionnaire n’aurait ainsi levé la main sur la rousse pour la faire parler. La plupart des missionnaires n'était même pas capable d’infliger la moitié des sévices qu’elle avait subis. Un inquisiteur, lui, aurait pu, mais alors pas un élément bien brillant. Laisser des marques aussi visibles était stupide et la prostituée ne décrivait pas un travail bien mené. Frapper au visage et utiliser la magie étaient les deux meilleurs moyens pour que les gens alentours se posent des questions. De même, hurler et menacer n'étaient pas l'apanage des spécialistes. Vaast était bien placé pour savoir comment se déroulait une vraie séance de torture.

Dans quel genre d’ennuis s’était fourré le gamin ?

Vaast s’assit lourdement au sol pour cesser de dominer la scène.

-Nous ne sommes pas de mèche avec la personne qui vous a infligé cela. Inquisiteur ou non, elle pourrait se prendre de sévères remontrances si vous en parliez à la Garde ou à l’ordre des missionnaires. Mais vous ne l’avez pas fait, sans doute parce que cela attirerait encore plus d’attention sur Gregorius.

La priorité de Vaast n’était plus de retrouver le jeune homme. Après tout, il était adulte, et visiblement il était là de son plein gré. Qu'il veuille fiche sa carrière en l'air et partir se dévergonder à Nouvelle-Sérène ou juste fuir la maison de son père, peu importait. L’urgence actuelle était plutôt de démêler la situation.

Qu'un inquisiteur soit impliqué changeait tout. A côté de cela, les souhaits de Callistus n’avaient plus d’importance. Peut-être même le père était-il au courant de quelque chose. Au pire, il devrait apprendre à se satisfaire des nouvelles : son fils était sain et sauf mais avait souhaité partir.

Partir. Vaast comprenait malgré lui que Gregorius ait souhaité fuir sans un mot. Mais apparemment, il ne s’était pas juste agit d'abandonner un père trop étouffant, puisqu'il avait un inquisiteur sur le dos. Que s'était-il passé ? Gregorius avait-il été accusé de blasphème ou d'hérésie, avec ses statues si particulières ? Avait-il vu ou entendu quelque chose qu'il n'était pas censé voir ou entendre ? Était-il utilisé contre Callistus dans une machination politique ?

L’inquisiteur jeta un coup d’œil à Dora. Elle s’était montrée utile en coopérant et en proposant ses soins, mais maintenant, il se retrouvait à marcher sur des œufs. Il ne pouvait pas dire n’importe quoi en sa présence. Il ignorait tout d’elle.

-Le père de Gregorius va continuer à envoyer du monde à la recherche de son fils. La personne qui vous a infligé cela va continuer de le chercher aussi. Combien de temps Gregorius tiendra-t-il en vous voyant être blessés de la sorte pour lui ? Quelque chose pourrait très mal tourner à tout moment.

Il regarda la blessure au flanc de la rousse et dut se retenir de poser une main sur celle qu’il avait au même endroit.

-Je n’ai qu’une requête. Je souhaite voir Gregorius et lui parler pour comprendre qui est prêt à commettre de tels sévices pour lui mettre la main dessus. Si vous voulez qu’il vienne accompagné de dix combattants ou me bander les yeux ou que sais-je, allez-y. Mais il est de toute évidence en danger et quoi que vous pensiez, nous sommes là seulement pour nous assurer que Gregorius va bien. Il est grand, n’est-ce pas ? Il peut faire ce qu’il veut de sa vie. Mais celle-ci est bien partie pour être courte s’il ne nous laisse pas l’aider.

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Par la porte dérobée


La rouquine écoute ce que lui dit Vaast alors qu’elle reste très stoïque durant les soins, ses paupières légèrement abaissées. La lumière au creux des paumes de la jeune soigneuse fait ressortir l’éclat de la pilosité de la prostituée, jusqu’au bout de ses mèches, jusque dans ses yeux clairs, elle semble un instant un peu perplexe, comme songeuse, face à la magie, mais se laisse faire, et pendant un instant on dirait même qu’elle abaisse la tête en prière.

Mais il est fugace. Très vite, elle a reposé ses yeux sur Vaast et lève le menton. Il est déjà évident qu’elle va lui dire non, mais sa collègue à lunettes s’exclame :

- Nous allons vous mener à Gregorius.

La rousse ouvre de grands yeux et se relève d’un bond en s’exclamant :

- Ingrid !

D’une voix où se mêle de la peine et de la colère, mais sa comparse poursuit, quoi que la voix un peu tremblante :

- Les yeux bandés, sans armes, avec quelque chose sur les oreilles et une teinture sur le nez, pour que vous ne puissiez rien sentir.

Un silence se fait. La jeune femme à lunettes tente de tenir ses mains l’une dans l’autre pour qu’on ne voit pas comme elles tressautent de peur, elle essaie de soutenir le regard de Vaast. Il incarne l’autorité, c’est un homme grand, bien portant, qui n’a pas l’air exactement dans le besoin. Ici, à San-Matheus, il pourrait probablement la rosser. La tuer, même. Il y aurait des répercussions, mais s’en soucierait-elle si elle était morte ? Pourtant, elle tient bond, et la rousse, cette fois-ci plus doucement répète.

- Ingrid…

Elle inspire, sa poitrine pigeonnante alors qu’elle envoie ses épaules en arrière pour également faire face à Vaast, encore partiellement dénudée. On dirait un oiseau qui bombe son jabot pour avoir l’air plus impressionnant.

- Vous avez entendu mon amie. Z’avez qu’à laisser vos trucs à votre copine.
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Au geste du menton de la rousse, Vaast sentit la moutarde lui monter au nez. Qu’elle ouvre la bouche pour l’envoyer paître et il ne répondait plus de rien. Avait-elle écouté ses paroles ? Etait-elle donc si bornée, ou si craintive ?

Mais fort heureusement, la dénommée Ingrid intervint. L’inquisiteur tourna les yeux vers elle et ne la lâcha pas du regard, même quand la prostituée insista pour qu’il obéisse. Vaast laissa planer un très inconfortable silence pendant une poignée de secondes.

Il réfléchissait. Ingrid allait loin. Accepter d’être privé d’armes et de la vue était déjà une énorme concession de sa part. Mais non, elle insistait pour le priver aussi de son ouïe, et de son odorat, avec ça. Comptait-elle l’emmener dans un endroit où l’odorat pourrait lui servir ?

C’était dangereux. Vaast savait que sans ses anneaux, il demeurait capable de produire de l’ombre, mais c’était une mesure purement défensive et aléatoire. Il serait incapable de projeter l’ombre où que ce soit, il pourrait juste en recouvrir sa peau. Et si on tentait de l’abattre à distance ? Une proie aux yeux et aux oreilles bandés - il ne verrait même pas le coup de fusil partir, ne l’entendrait pas. Il se sentirait juste mourir.

Il s’obligea à desserrer les mâchoires. Les deux femmes n’étaient pas des combattantes. Elles ne maîtrisaient pas la situation, c’était une évidence. Malgré toutes leurs précautions, tout leur dévouement, tous leurs contacts, les choses étaient en train de partir en vrille. S’attaquer à lui ne les aiderait pas à redresser le gouvernail. Mort, il serait encombrant ; on viendrait s’enquérir de son sort. Mais il ne pouvait compter sur le fait qu’elles seraient parfaitement rationnelles et leurs alliés avec.

Devait-il négocier ? Il pourrait peut-être obtenir de ne pas être incapacité à ce point, mais le risque était que la porte se referme pour de bon. N’empêche. Vaast se sentait trop en danger pour accepter sans demander aucune garantie. Il prit une inspiration.

-Vous en demandez beaucoup. Mais j’accepte, pour Gregorius, à condition que vous me juriez sur le salut de votre âme qu’aucun mal ne me sera fait.

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Gregorius


Si Ingrid paraît surprise de la réponse de Vaast, la rousse ne laisse rien paraître de ses émotions, et Ingrid tente de rapidement l’imiter. La rouquine tourne un regard vers son petit autel, couronné par la petite statue.

- Je le jure.

Elle déclare, et Ingrid se contente d’opiner rapidement du chef et de murmurer qu’elle aussi, avec moins de conviction cependant, pas nécessairement parce qu’elle ne compte pas tenir sa promesse mais peut-être parce que cette histoire de foi ne la touche pas autant que la prostituée. La rouquine se redresse et se rhabille lentement, alors qu’Ingrid commence à préparer de quoi bander les yeux de Vaast. Elle s’approche de l’ecclésiastique sans beaucoup d’aplomb et chuchote

- S’il vous-plaît, monsieur.

En tendant les mains pour qu’il lui remette ses anneaux. Elle les récupère avec un grand soin, mais on dirait qu’elle a peur que Vaast ne lui décoche un crochet du droit, et, en outre, elle traite les objets avec révérence lorsqu'elle les passe à Dora. La rouquine ne fait pas tant de manières.

- Prend celui en feutre, il est plus couvrant.

Elle braille sur sa collègue à lunettes quand celle-ci s’empare des cache-yeux. Ces objets appartiennent au bordel et sont, Vaast pourra en témoigner, sacrément plus efficace qu’un simple morceau de tissu posé sur son visage. Bientôt, il se retrouvera dans le noir, et avec une teinture odorante près du nez.

- Je vais vous conduire.

Il peut entendre la rouquine déclarer.

- Z’allez devoir supporter que je vous tripote les épaules. Y a des virages.

Est-ce dans un réseau de mines qu’elle l’emmène ? C’est tout comme à la façon dont elle le fait tournicoter dans tous les sens par la suite. Mais peut-être essaie-t-elle de le priver de son sens de l’orientation. Dans tous les cas, ses mains sont fermes mais délicates, elle n’essaie pas de lui faire mal, même si dans ces tours et ces détours, tous les sens ou presque obstrués, on peut commencer à avoir le vertige, la nausée, et à avoir le sentiment d’entendre et de sentir les choses les plus étrangers. Vaast peut le sentir sur sa peau, il fait humide, humide et froid, le genre de froid qui pénètre jusqu’à l’os. Il descend des escaliers à un moment, la rousse retire ce qui bouche ses oreilles pour le lui dire. Il peut alors entendre des cris dans une autre pièce ; une dispute. On dirait qu’un client a des mots durs envers son amant. Quelqu’un pleure au loin, de douleur peut-être, et puis à nouveau, Vaast n’entend plus que son propre sang taper à ses oreilles.

On laisse attendre Vaast immobile pendant environ 3 ou 4 minutes en bas de l’escalier. On lui dit avant qu’il faut attendre, c’est la voix de la femme à lunettes, qu’elles demandent la permission avant de le libérer.

Quand on le délivre enfin, la lumière est feutrée. Elle provient d’une lampe à huile qui pend d’un crochet au plafond. La pièce est taillée dans la pierre, elle est en souterrain, et on a essayé de lui donner l’aspect d’une chambre mais tous les meubles sont passés, quoi que colorés. Les tissus sont imbibés d’humidité, abimés, effilochés. Les boiseries sont jolies pour certaines, le lit obscènement grand a été arrangé il y a peu, semble-t-il. Dessus est assis un jeune homme, et Vaast pourrait croire qu’on se fiche de lui tant il ne ressemble pas à Callistus. Certes, il a son nez, mais c’est là bien tout. Ses yeux sont sombres, ses traits sont fins et délicats, sa bouche pleine, ses cheveux d’un châtain clair, et il n’est pas très grand ni très élancé. Son teint est pâlot, mais il n’a pas l’air malade.

Il semble simplement fatigué.

- Que voulez-vous ?

Demande simplement Gregorius. Ses vêtements sont propres mais il n’a pas l’air du fils d’un grand homme, vêtu comme un des employés d’ici. Rien dans son port n’est particulièrement notable, c’est le genre à disparaître dans sa foule. Il n’y a que ses yeux, ses yeux d’un vert très sombre, qui sont particuliers. Le regard qu’il pose sur Vaast est doux et triste, il ne fait pas son âge, on lui donnerait facilement une dizaine d’années de plus. De toute évidence, il n’a pas peur, mais il n’a pas l’air résolu non plus. Il est difficile à lire, même pour le très perspicace inquisiteur, peut-être parce qu’il semble s’être préparé à tout et avoir décidé que rien ne valait la peine ou l’effort d’être craint ou anticipé.
La rouquine et la femme à lunettes se sont écartées et se tiennent à une distance respectable de Gregorius, comme s’il était quelque figure pieuse qu’elles pouvaient observer avec un mélange d’anxiété et de fascination.
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Vaast confia à regret ses anneaux à Ingrid. Sans eux, il se sentait nu. Il espérait surtout qu’il ne prendrait pas aux femmes la lubie d’aller les vendre, parce qu’elles pourraient en tirer un bon prix, et bon courage pour les retrouver après ça. Il n’aurait plus qu’à en racheter et il ignorait à qui s’adresser à San-Matheus. Ses fabricants de confiance étaient tous sur le continent.

L’inquisiteur réprima un ricanement nerveux en sentant qu’on ajustait le cache-yeux sur son visage et . Il devait avoir l’air fin ainsi accoutré et désarmé.

-Je survivrai, répliqua-t-il à la rousse.

Une fois qu’elle eut posé ses mains sur ses épaules, il n’eut plus qu’à suivre ses instructions. Il s’appliquait à respirer plus souvent par la bouche que par le nez pour ne pas trop inspirer de la teinture, et se concentrait sur son sens du toucher, bien le seul qu’on avait laissé en paix. Mais sentir qu’il faisait humide ne l’avançait guère.

L’attente en bas des escaliers fut difficile. La posture et l’expression de Vaast ne trahissaient rien d’autre que de l’assurance et du calme, mais c’est bien tout ce qu’il pouvait faire sans voir ni entendre. Il s’efforça de ne pas imaginer un archer le visant et récita mentalement un sermon jusqu’à ce qu’on le libère enfin.

Le regard de Vaast tomba d’abord sur l’homme au centre de la pièce, chercha à voir s’il était armé, puis passa le reste de l’endroit au peigne fin. Une lampe à huile. Des meubles vieillis. Et les deux femmes toujours là, à regarder celui qui était sans doute Gregorius comme s’il allait faire quelque miracle.

Premièrement, ils se trouvaient certainement dans un souterrain. Probablement pas bien éloigné du bordel. Gregorius devait être installé là depuis un certain temps, et de toute évidence ses suivants - Vaast ne pouvait se résoudre à les qualifier d’amis au vu de leurs regards - avaient fait de leur mieux.

Deuxièmement, ça ne suffisait pas. Gregorius était coincé. Il n’avait pas l’air en mauvaise santé, ni effrayé, ni prêt à combattre ni… rien. Peut-être en avait-il assez de cette fuite.

Alors ? Avait envie de demander Vaast. Est-ce que ça a valu le coup ? Est-ce qu’on se sent mieux, après être parti ?

Si la réponse était oui, elle ne sautait pas aux yeux.

Il attrapa une chaise, la posa face à lui, et s’assit à l’envers dessus pour croiser les bras sur le dossier. Premier avantage : cela lui donnait une allure plus détendue et informelle. Deuxième avantage : il n’avait qu’un mouvement à faire pour se servir de la chaise comme arme ou bouclier.

-Je suis frère Vaast. Votre père m’a envoyé à votre recherche. Je suis soulagé de voir que vous allez bien.

Vaast avait adopté un ton bas et calme, dépourvu de la chaleur appuyée qu’il utilisait parfois pour paraître amical. D’une certaine façon, Gregorius semblait bien peu sensible à ce genre d’artifices.

-Vous êtes adulte, Gregorius. Si vous êtes ici de votre plein gré, je respecterai votre choix. Vaast marqua une pause afin de mettre l'accent sur ces mots, puis il poursuivit. Mais de toute évidence, vous avez de sérieux problèmes. Vos amis ont été brutalisés pour vous protéger. Ce qu’a subi madame - il montra la rousse d’un geste de la main - ne pouvait être l’oeuvre d’un simple missionnaire envoyé par votre père, ou alors il lui aurait transmis des consignes drôlement plus musclées qu’à moi.

Il fit une brève pause, sans lâcher l'homme des yeux.

-Je comprendrais que vous ne vouliez pas vous en remettre à un étranger, mais votre position est fragile. Demain, un de vos proches pourrait être tué pour vous avoir protégé la fois de trop. Et combien de temps pourrez-vous rester ainsi caché ?

Il engloba la pièce d’un nouveau geste.

-Je veux et je peux vous aider, Gregorius, mais pour cela, j’ai besoin de comprendre ce qui est en jeu.

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Gregorius


Gregorius regarde Vaast s’assoir. Il a les épaules basses, et, l’inquisiteur peut le voir, sous son vêtement ample se cachent des signes de quelque chose de plus malin, qui a commencé probablement bien avant son arrivée ici. Si on en juge à une maigreur caractéristique qui n’a rien à voir avec de la malnutrition et des traces sur son corps, le jeune homme ne s’est pas traité avec beaucoup de gentillesse.

- Bonjour, Frère Vaast.

Fait-il d’une voix d’enfant de chœur, comme par habitude, les yeux un peu dans le vague. Il finit par les reposer bien droit sur Vaast alors que ce dernier lui parle.

- Voulez-vous me tirer un élan de culpabilité ?

Il lui demande, sans détour, le ton empreint d’une certaine douceur.

- Voulez-vous m’entendre me dire qu’être cloitré ici, alors que mes amis prennent pour moi des risques inconsidérés me ronge ? C’est le cas.

Il n’a pas le ton particulièrement chargé d’émotions ou la voix d’un orateur. Il s’étire. Il y a quelque chose de bizarre avec deux de ses doigts. Leur angle n’est pas tout à fait droit, comme s’ils avaient été cassés ou tordus à répétition, tant que les soins avaient fini par être inefficaces, mais ils semblent cicatriser depuis longtemps.

- J’ignore tout à fait ce qui est en jeu, Frère Vaast. Je suis allé au port, comme mon père me le demandait.

Ses lèvres tressautent – la marque du dédain, ou du mépris, ou peut-être retient-il des larmes, mais alors il est doué. Très, très doué pour paraître bien moins inaffecté qu’il ne l’est en réalité. Mais ce n’est qu’un un sculpteur, pas un prêtre, pas un politicien.

Ce n’est qu’un gamin.

- Je m’y suis rendu chaque soir et je m’y suis fait des amis. Dites-moi, Frère Vaast, est-ce mal ? Vous allez me dire que non, que j’ai fait travail de charité.

Il fixe les deux femmes, et se laisse tomber sur le lit, comme sans force.

- Vous devriez prendre garde, un rival de mon père est sur mes traces, il a envoyé un inquisiteur chercher la trace de mes transgressions. De ma débauche. Demandez, à Catherina.

Il désigna la rousse du menton.

- Il me croit… Enfermé ici des heures car je pratiquerais des… Orgies, ou je ne sais quoi.

Il reste des mains blessés. Il essaie de les plier. Il ne peut pas. Pourtant, il essaie encore. A un moment, ils émettent un craquement.

De toute évidence, Gregorius est absolument apathique.

- Combien mon père vous paie-t-il ? Ce n’est que de la curiosité, je n’ai pas davantage à vous offrir et si vous arrivez à apaiser cette malheureuse situation, je jure de rentrer.
- Quoi ?


S’écrit la rousse, la donc dénommée Catherina.

- Et madame de Nuzzo ?

Elle proteste.

- C’est trop tard, Catherina, nous sommes retrouvés !

Réplique Gregorius, qui retrouve un peu plus d’emphase dans le ton avant de rouler sur le côté, dos à Vaast. Celui-ci pourrait le transpercer, l’attraper par le col, ou quoi que ce soit, mais il ne semble pas s’en soucier du tout. Il continue de faire craquer un de ses doigts.

- Pourquoi ne pouvez-vous pas me laisser ?

Fait le jeune homme, avec sa diction parfaite qui tranche tant sur la façon dont sa camarade crache ses mots. Il ne s’adresse visiblement pas à Vaast car Ingrid dépasse l’inquisiteur et sa collègue, qui fulmine en insultes colorées, pour s’assoir au bord du lit de Gregorius. Elle effleure son front.

Quoi qu’il ait vécu, les deux femmes estiment que c’est pire que la terreur à laquelle elles-mêmes ont eu le droit – et qu’elles doivent le protéger pour cela. Et le tout ne semble pas un numéro bien orchestré pour attirer leur pitié, Gregorius sursaute au contact et Ingrid y va, très, très doucement comme si elle avait l’habitude alors que le jeune homme a ce réflexe, celui qui appartient aux chiens battus. Hésitant entre mordre et tendre la tête pour recevoir un peu plus d’affection.
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Les yeux si clairs de Vaast ne perdaient pas une miette de la scène. Dès que Gregorius détournait la tête, l’inquisiteur observait le reste de sa personne.

Si le bilan n’était pas brillant, il avait le mérite d’être clair.

Vaast revit en pensée le prêtre, dans sa maison austère, prêt à jurer que son fils lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. La chambre si vide. Les croquis acharnés de saint Gregorius et le coup de burin dans la statuette. Et puis ces marques sur sa peau, qui le consternaient sans le surprendre.

Vaast ne répondit rien. Gregorius faisait les questions et les réponses. Il était pourtant loin de s’épancher, il avait même l’air rompu à l’art de la dissimulation. Il avait une voix si douce et atone… Et le père qui disait qu’ils ne se disputaient jamais… Evidemment. Gregorius s’éteignait de l’intérieur, mais poliment. Discrètement.

Quel âge avait-il ?

L’inquisiteur ne réagit que quand Gregorius en arriva à l’histoire du rival. Il se redressa, opina lentement.

Ah. On y est. Le père avait bien dit compter quelques rivaux mais il ne les imaginait pas enlever son enfant. Solliciter les services d’un inquisiteur pour qu’il brutalise la population en quête de preuves par contre, ça, c’était apparemment envisageable.

Vaast n’avait aucune idée de l’identité de l’inquisiteur, mais il avait d’office peu d’estime pour son compère. Les traces sur le corps de Catherina et le peu de résultats vraisemblablement obtenus démontraient qu’au mieux, il débutait dans le métier. Au pire, il était irréfléchi et cruel. Il lui faudrait un peu de temps pour le retrouver… A moins d’aller à la pêche… avec Gregorius comme appât…

Mais parti comme c’était parti, le gamin allait lui claquer entre les doigts s’il se servait de lui ainsi. Il n’était pas en état de prendre part à un plan compliqué. Mangeait-il seulement assez ?

-Qui est madame de Nuzzo ? s’enquit-il poliment sans répondre à la question ni à la proposition de Gregorius.

Pourquoi rentrerait-il chez son père ? Il n’y était pas obligé. Il était adulte, comme l’avait souligné Vaast. Que plus aucun inquisiteur ne lui coure après ne signifiait pas que tout devait redevenir comme avant, mais Vaast n’était pas naïf au point de poser la question. De toute évidence, pour Gregorius, tout ceci n’était que temporaire. Il n’avait jamais cru pouvoir réellement échapper à sa vie. Et comment y croire, enfermé dans un sous-sol, à fixer la porte en priant pour que personne d’hostile ne l’ouvre sans prévenir ?

Et puis cette question, comme si une part de lui espérait pouvoir évaluer l’amour de son père à l’aune de la prime touchée par Vaast…

L’inquisiteur s’aperçut qu’il serrait trop fort le bois de la chaise et s’appliqua à détendre ses doigts. Tandis que Catherina s’énervait, il se mit à réfléchir.

La priorité était de faire cesser l’enquête. Il pouvait jurer avoir rencontré Gregorius et se porter garant de sa moralité. Il était toujours inquisiteur. Sa parole avait du poids. Peut-être que cela suffirait pour arrêter son camarade… mais pas le commanditaire. L’occasion était sans doute trop belle pour salir son adversaire.

Que dirait ledit commanditaire, alors, si le fils si bien élevé quittait la maison paternelle du jour au lendemain ? Peut-être même que Gregorius trouverait chez lui un refuge. Quelques informations sur son père, compromettantes si possible, et il aurait la paix.

Mais Vaast, qui envisageait tout et son contraire comme on retournerait un plateau de jeu pour mieux en examiner le revers, sut en un coup d’œil au jeune homme que ça ne marcherait pas. Il ne voulait pas se retourner contre son père. Il voulait juste respirer.

Il ne l’avait pas dit ainsi pourtant. Peut-être Vaast présumait-il un peu trop.

Mais ça lui semblait si clair…

Pourquoi est-ce que ça semblait si clair ?

Vaast sentit ses pensées s’embrouiller et se mordit la langue pour s’obliger à se concentrer de nouveau. L’époque où le monde était plus simple lui manquait - où les choses étaient blanches ou noires, où il savait distinguer le bien du mal, où s’il avait des questions les réponses tombaient du ciel.

Même s’il n’aurait pas su dire quand se situait cette fameuse époque.

-Gregorius, reprit Vaast d’une voix calme. Votre père voulait que je vous retrouve : j’ai fait ce à quoi je m’étais engagé. Maintenant, écoutez-moi. Vous ne pouvez pas rester ici, mais vous ne pouvez pas non plus rentrer comme si de rien n’était. Vous allez vous éteindre comme une bougie par une nuit venteuse ou exploser comme un baril de poudre. Il y a d’autres portes. Vous pouvez vous faire marchand à Nouvelle-Sérène,  devenir missionnaire, vous pouvez même juste louer une bicoque et reprendre votre travail mais en vivant seul ! Vous êtes doué. Vous auriez les fonds pour. Que voulez-vous ?

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Dilemme


- Madame de Nuzzo est une mondaine de Nouvelle-Sérène.

Intervient timidement Ingrid. Catherina renchérit avec hargne.

- Elle a l’œil ! Même qu’elle a repéré les talents de Gregorius !

Mais ce qui semble réjouir Catherina n’a pas l’air d’enthousiasmer Gregorius. Il a l’air brièvement gêné, mais il est difficile de lire ses émotions, tant la lassitude et l’apathie se mêlent à tout. La culpabilité qui commençait déjà à se peindre sur ses traits s’accentue lorsque Vaast évoque son père, puis le fait de s’éteindre comme une bougie. Il recommence à tirer sur ses doigts, ses doigts qui ont été blessés. Ingrid caresse ses cheveux, sans chercher à l’en empêcher. La scène ne la désarme pas, elle semble avoir l’habitude et lève des yeux presque suppliants vers Vaast. On dirait qu’elle aussi a essayé d’avoir tous les mots – en vain.

Au début, à la grimace que fait Gregorius, on dirait qu’il va répondre quelque chose de provocant, ou de terrible, pour qu’on le laisse tranquille. Qu’il va s’énerver, repousser tout le monde, partant du postulat qu’il mérite de ce noyer seul. Mais il commence à recracher, petit à petit, l’eau qui lui oppresse les poumons, celle de cet océan de culpabilité dans lequel il se noie.

- Je ne sais pas, Frère Vaast. J’ignore même pourquoi je suis parti. Je crois que je me suis endormi sur mon travail et quand je me suis réveillé j’étais… sur le pas de la porte de Catherina.

Il explique de son mieux, et les mots se cognent les uns aux autres alors qu’il poursuit.

- Si je m’en vais, si je me fais marchand pour reprendre votre exemple, mon père en sera très fâché et déçu. Sa réputation en souffrira. Il n’est plus en âge de produire un autre fils, et il vit seul. Qui lui tiendra compagnie ? La maison n’est pas encore à son goût.

Il s’étrangle presque à ça, comme si ce souvenir était insupportable, parce que cela lui rappelait qu’il avait ça aussi sur le feu, et qu’il était là, étendu, à sangloter. Pathétique. Il tord son doigt.

- Catherina et Ingrid seront également en danger par ma faute si les opposants de mon père retournent à leurs trousses.  

Il parvient à murmurer, comme s’il était à bout de souffle. Sentant probablement la crise venir, il se tourne sur le ventre. Le geste réflexe de quelqu’un qui a l’habitude de vivre avec.

- J’ai gravé un camé pour Madame de Nuzzo. Elle m’a écrit plusieurs fois depuis. C’est une incroyante.

Et ce point semble important pour lui, il n’a pas l’air à l’aise avec l’attention d’une telle femme. Ce commentaire, somme toute fait en passant, paraît indiquer que ce n’est pas une rébellion contre la foi qui agite Gregorius, une subite envie de jouer aux apostats.

- … Mais c’est une très gentille femme.

Il ajoute, et il regarde Ingrid, comme pour se rappeler que oui. On peut être les deux. Etait-il sorti de sa bulle avant de rencontrer ces deux prostituées ? L’y autorisait-on ? S’était-il jamais demandé si on pouvait être gentil quand on ne passait pas ses matinées à genoux devant l’autel ?

- Elle m’a proposé de m’offrir un patronage. Elle aussi est… Très seule. Ce… Ce ne serait pas tout à fait illégitime de tenir compagnie à une dame de noble lignage au crépuscule de ses jours ? Mais enfin, je sais fort bien ce que l’on dira si je m’en vais sculpter des figures laïques à l’étranger. Ce n’est point ce qui sera retenu contre moi.

Ils sont à l’étranger. Nouvelle-Sérène est sur la même île. Et pourtant, cela doit lui paraître l’autre bout du monde. Et ce n’est pas forcément un bon point s’il est dans la poche d’une membre de la Congrégation Marchande, une noble en particulier. Il devra probablement se faire à des intrigues et des développements auxquels son père ne semble absolument pas l’avoir préparé. Or, en tant que religieux, les arcanes de la politique ne doivent pas lui être tout à fait étrangères.

Les contours de la cage de Gregorius se dessinent plus clairement à chaque mot ; mais alors qu’il a échappé à la maison austère, à la chambre anonyme, les barreaux sont encore fermement accrochés sous son crâne.  
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Une mondaine, disait Ingrid. Une noble sans doute, au vu du nom. Gregorius n’avait pas été repéré par n’importe qui. La famille de Nuzzo était inconnue de Vaast et il n’avait pas le temps de faire des recherches, mais une part de lui était déjà en train de relier des fils : si à travers Gregorius il pouvait établir un lien avec madame de Nuzzo, alors peut-être qu’Alix y trouverait aussi un intérêt… Elle avait besoin d’alliés…

Le regard de Vaast tomba sur les doigts du jeune homme. Il allait s’empêcher de guérir s’il continuait de tirer dessus ainsi, mais c’était peut-être le but. L’inquisiteur était même à ça de supputer qu’il s’était blessé lui-même.

Et puis les yeux de l’inquisiteur, si semblables à de l’acier en cet instant, remontèrent pour inspecter son visage tendu. Gregorius allait-il hurler qu’il n’y comprenait rien ? Non, apparemment non, il faisait l’effort de poursuivre le dialogue.

Sa réponse ne fut pourtant pas du goût de Vaast.

La situation était plus grave pour le gamin qu’il ne l’avait envisagé. Si Gregorius en était à se déplacer sans s’en rendre compte, sa propre prophétie sur la bougie et le baril de poudre risquait de s’accomplir bien plus tôt que prévu. Vaast écarta plusieurs de ses plans d’office - tous ceux qui s’étalaient sur la durée. Cela n’en laissait pas beaucoup.

Il allait devoir être bon.

L’inquisiteur regarda en silence le sculpteur se torturer au sujet de son père. Il eut la vague impression d’entendre pleurer quelqu’un, quelque part, et effleura ses tempes. L’idée le traversa qu’il n’était pas la bonne personne pour ça, qu’il faudrait un autre Vaast, plus gentil, plus patient, un qui pourrait dire sans mentir qu’on se sentait mieux après être parti. Pas tout de suite, mais au bout d’un moment peut-être qu’on se réveillait en se sentant plus léger, ou quelque chose comme ça…

-Je vois, murmura Vaast.

Cela devait paraître effrayant à Gregorius. Ça, il pouvait se sentir bien placé pour le comprendre. La première fois que Vaast avait rencontré des incroyants, il n’avait pas été très à l’aise. Ni très doué. Mais maintenant…

L’inquisiteur inspira et se redressa sur sa chaise. Le tableau était clair, le trio lui avait fourni tout le nécessaire. C’était maintenant à son tour de jouer.

-Gregorius, je viens de l’Ordo Luminis. J’en suis parti pour rejoindre l’ordre des missionnaires, mais j’y ai toujours d’importants contacts. Je peux m’assurer que ces incursions au port s’arrêtent. Ce sera plus rapide qu’en y mêlant mon ordre actuel.

Ce n’était pas vraiment une réflexion de missionnaire. L’idée que la politique ralentissait tout au lieu de régler les problèmes était plutôt répandue chez l’Ordo Luminis. Mais ce que Vaast ne disait pas, c’est que s’il présentait bien les choses à ses supérieurs, l’inquisition lui serait reconnaissante. Reporter les agissements douteux d’un des leurs avant qu’il ne soit impliqué dans une machination politique trouble serait bien vu.

…Ce qui l’aiderait à faire passer la pilule pour le reste.

-J’ai des amis, hors de Thélème, à force de voyager. Ils ne sont pas tous croyants mais ils respectent ma foi et ont de grandes qualités. Je suis certain que c’est le cas de madame de Nuzzo, puisqu’elle t’a fait cette proposition.

Par ces mots, il tâchait d’ouvrir un peu l’horizon de Gregorius. Non pas que Vaast s’imaginât que ce serait suffisant. Il enfonça donc le clou et plaça le reste de ses pions d’une voix sereine.

-Je pense que tu devrais accepter, Gregorius. Mets mon nom sur la table si quiconque te pose trop de questions. Explique à madame de Nuzzo que tu as discuté avec frère Vaast et qu’il t’a convaincu de venir travailler auprès d’elle. Je peux aussi t’aider à dire en substance la même chose à ton père dans une lettre. Il faudra qu’elle soit brève. Qu’elle dise simplement que tu as fait ce choix, que tu vas bien, et que tu ne souhaites pas le revoir.

Cacher ce que devenait son gamin au père ne servirait à rien. Il en entendrait sans doute parler de nouveau un jour, s’il ne lançait pas lui-même de nouvelles recherches. Certes, Vaast doutait qu’il accepte la lettre et passe à autre chose, mais là était tout l’intérêt de madame de Nuzzo : une noble de la Congrégation Marchande, si vieille et isolée soit-elle, aurait le pouvoir de protéger Gregorius. Faire un esclandre pour récupérer le gamin serait très mal vu. Si Callistus en arrivait là, Thélème lui taperait sur les doigts.

Et si Vaast arrivait le premier, il taperait peut-être même un peu plus que ça.

-Il y a quelques chapelles, à Nouvelle-Sérène, et bien des croyants y vivent. Moi-même, je m’y rends souvent pour aller à l’ambassade. Si quoi que ce soit se passe mal avec madame de Nuzzo, tu pourras me contacter. Je peux aussi parler de toi à ma supérieure, soeur Juliette. Elle sera enchantée de faire ta connaissance et pourra peut-être en profiter pour saluer ta bienfaitrice. Comme tu le sais, l’ordre des missionnaires aime entretenir de bonnes relations avec la noblesse de la Congrégation Marchande.

Vaast venait implicitement de donner à Gregorius des raisons très défendables d’aller mettre le pied à Nouvelle-Sérène. Il s’était même proposé comme filet de secours ; ça, il ne l’avait pas prévu. Pourquoi voulait-il autant protéger Gregorius ? C’était sans doute juste une idée de dernière minute pour gagner sa confiance. Oui, c’était sûrement ça.

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Gregorius écoute tout ce que lui dit Vaast, ses yeux calmes, il semble tout comprendre plutôt vite et on peu voir les rouages de son cerveau commencer à se mettre en branle. Jusqu’à ce que l’inquisiteur évoque le père du jeune homme. Ce dernier prend une grande inspiration, serre ses poings. Fort. Ingrid couvre ses mains des siennes :

- Doucement.

Elle souffle gentiment. Il balbutie :

- Brève ? M-Mais… N-N...

Il déglutit, fait claquer sa langue, agite sa tête, dans des mouvement saccadés, comme s’il ne contrôlait pas son propre corps alors qu’il cille à toute vitesse, désespérément. On dirait qu’il essaie d’y voir clair à nouveau. Il n’y a aucune larme dans ses yeux, pourtant. Ingrid lui ouvre ses bras, mais même dans les tréfonds de la panique, Gregorius jette un regard hésitant à Vaast. Il n’a pas envie qu’il s’imagine quoi que ce soit, qu’il étreint une prostituée dans un sous-sol sordide. Mais malgré cette hésitation, son désir de réconfort semble le pousser, sans même qu’il ait l’air d’en avoir très conscience lui-même parce qu’il continue de fixer l’inquisiteur, à se recroqueviller contre Ingrid. L’étreinte n’a rien de sensuelle, on ne dirait pas que les deux travailleuses voient Gregorius autrement que comme une sorte de fils, ou de petit frère, et il est évident que malgré sa répugnance liée à son éducation le sentiment est mutuel. Ce doit faire encore plus mal, que les seules personnes qui lui procurent de l’affection soient aussi celles qu’il doit se sentir si coupable de fréquenté. Il a le bruit d’un animal blessé contre Ingrid, et se met à respirer fort. La rouquine, Catherina, s’adresse à Vaast dans l’intervalle.

- Vous pouvez le faire sortir de la ville sans que son père ou le gars qu’il a aux trousses soit trop au courant ? On a déjà proposé de le mettre dans des chargements, le gars qu’est aux commandes des chariottes il me dit jamais trop non, mais Gregorius dit qu’il veut pas partir comme un voleur.

Elle paraît trouver l’idée agaçante : il est en danger ! Faut-il qu’il fasse toutes ces histoires ! Mais elle ne le dit pas. Elle le soutient malgré tout. Pendant ce temps, Gregorius chuchote à Ingrid qu’il ne veut pas la laisser, et elle lui promet de lui écrire. Souvent demande ce qui ressemble sur l’instant à un gamin, et elle lui dit que oui, s’il faut, tous les jours. Finalement, il s’extrait de ses bras, d’un air presque un peu rebuté, comme si sa peau devenait plus petite, qu’il se recroquevillait dedans après l’acte. Il inspire, se lève pour faire face à Vaast qui lui est assis. Puis se rassoit aussi sec comme s’il mesurait qu’il avait peut-être donné l’impression à l’inquisiteur qu’il essayait de le dominer physiquement. Et il ne faut pas. Il faut se montrer poli. Et mesuré.

Il tord encore son doigt.

- J’accepte tout ce que vous proposez, Frère Vaast. Je dois cependant insister sur l’importance de deux points : il faut qu’Ingrid et Catherina soient sauves, et il faut que… que quelqu’un aille parler à mon père. Une lettre ne suffira pas quoi que je l’écrirai selon vos instructions. Il n’est plus tout jeune, un tel choc pourrait le frapper et le bouleverser, qui sait alors ce qui arriverait ?

Explique Gregorius en répétant à peu près la même rhétorique que plus tôt, avec le naturel de quelque chose qu’on a appris par cœur.


- Je sais fort bien que j’en demande beaucoup mais pourriez-vous venir me visiter à Nouvelle-Sérène ? M’indiquer l’emplacement de ces chapelles ? Peut-être, si je dois devenir le protégé de madame de Nuzzo…

Il inspire. L’idée ne semble pas encore facile à accepter.

- … Peut-être, oui, pourrais-je vous rendre quelque service pour vous remercier. Ou compenser financièrement tous vos efforts, car je doute que mon père le fasse à présent. J’imagine que vous n’avez pas été appâté par l’idée du gain !

Il précise, craignant probablement que Vaast n’en prenne ombrage.

- Mais tout de même… Votre présence est une bénédiction, et j’aimerais vous recevoir dûment un jour, autrement que… Que la vue obstruée, dans un sous-sol humide. Mais si vous fréquentez Nouvelle-Sérène, peut-être nous croiserons-nous à l’office ?

Il a un pâle sourire. Il semble à peine oser espérer, et à peine oser croire qu’il espère pareille chose, dansant entre dégoût et incrédulité.

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Vaast serra plus fort le dossier de la chaise quand Gregorius se réfugia dans l’étreinte d’Ingrid. Ses jointures étaient toutes blanches. Le gamin avait l’air très nerveux - il ne pouvait pas lui en vouloir - mais il ignorait comment le rassurer. Les deux femmes avaient l’air de le considérer comme un frère, et l’inquisiteur pouvait difficilement le blâmer d’avoir affecté leur affection. Auprès de qui d’autre pouvait-il se réfugier ?

Et puis, il était mal placé pour critiquer, après avoir retrouvé Alix le premier soir dans la piaule d’Abel…

Il tourna la tête vers Catherina.

-Oh, oui, rien de compliqué. Mieux vaut que nous partions rapidement, ceci dit. Ce soir au plus tard.

La Garde n’avait aucune raison d’arrêter un missionnaire et son ami sur la route. Cela laisserait à Gregorius le temps de dire au revoir, mais Vaast redoutait de le faire rester plus longtemps à San-Matheus. Son père pouvait avoir le bras plus long qu’il ne le supposait. Mieux valait être prudent.

Vaast suivit Gregorius du regard quand celui-ci se releva puis se rassit.

-Ingrid et Catherina n’ont aucune raison d’être impliquées. Officiellement, j’entends. Moi, je saurai ce qu’elles ont fait pour toi.

Son ton était doux.

-J’irai remettre la lettre moi-même à ton père et je ferai attention à ne pas le laisser en désarroi, promit-il.

Vaast doutait fort que Callistus soit si isolé que ça de sa communauté, et il se fichait bien de s’il était bouleversé, mais il n’ajouta rien. Il était manifestement primordial, pour que Gregorius soit tranquille, qu’il sache que son père n’était pas abandonné à lui-même.

-Je reviendrai ce soir et nous partirons pour Nouvelle-Sérène, si cela te convient. Je n’ai pas d’engagement avant trois jours.

Il en profiterait pour voir Alix, si par chance elle était dans le coin. Toutes les excuses étaient bonnes.

-Je n’ai besoin de rien, Gregorius, mais je serai heureux de te revoir à l’occasion.

Il était sincère. L’idée de ne pas savoir ce que le gamin deviendrait l’inquiétait.

-Je te donnerai mon adresse, que tu puisses m’écrire au besoin.

Il ne pouvait guère en faire plus. Il se releva lentement, reposa sa chaise, puis s’assura que Gregorius avait de quoi écrire avant de lui donner ses instructions pour la lettre.

Il avait un jour écrit à Domnius une longue lettre en forme de supplique pour qu’il lui permette de retrouver sa famille, si indigne soit-elle. Il était tout jeune à l’époque. Son mentor s’était montré inflexible : il savait mieux que Vaast que cette quête ne mènerait qu’à davantage de chagrin.

Peut-être. Vaast ne le saurait jamais, maintenant, mais il avait appris sa leçon : rien ne servait de vouloir convaincre quelqu’un qui n’était pas prêt à écouter. Si Callistus n’avait pas vu les signes chez son fils, ce n’était pas une lettre, si bien tournée soit-elle, qui allait le faire changer d’avis.

Vaast recommanda donc à Gregorius d’être bref et précis. Oui, il était sauf, mais il n’était plus à San-Matheus. Il poursuivait sa vie ailleurs et demandait à son père de ne pas chercher à le revoir. Il lui souhaitait le meilleur et lui disait adieu. Point.

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Au dehors


Gregorius hoche lentement la tête à tout ce que Vaast lui dit. Ingrid fixe l’inquisiteur. Catherina, quant à elle, fait une grimace.

- Et on saura ce que vous avez fait pour nous, mais faudra que Gregorius nous écrive quand il sera bien arrivé qu’on sache qu’il lui est rien arrivé, vu ?

Lance la rouquine à Vaast. Gregorius semble atrocement gêné de la remarque : ce n’est pas une façon de parler à un membre du clergé ! Ses épaules s’affaissent légèrement et il fait craquer ses doigts, incapable pourtant de trouver en lui la force de protester. Ingrid lance « un instant » et va chercher de quoi écrire, un papier qui ne soit pas trop humide et une encre pas trop diluée. Elle aide Gregorius à s’assoir et s’éloigne de lui pour qu’il ait un peu d’intimité pour écrire. Il est resté mutique depuis la remarque de Catherina et il écrit quasiment mot pour mot ce que Vaast lui suggère. Il appelle Callistus « Mon père » et achève par « Votre dévoué ». Il plie le document avec le soin et le remet à Vaast. Il a le regard éteint, pas tout à fait présent, mais il est pourtant incroyablement fonctionnel. Il marche, bouge, ouvre même la bouche pour remercier l’inquisiteur d’une façon si formelle qu’on dirait qu’ils ne viennent pas d’avoir toute cette discussion intime. Il le vouvoie même, trahissant qu’il n’est pas tout à fait là.

Ingrid remet un papier à Vaast également et lui suggère d’écrire là son adresse pour Gregorius et qu’il la trouvera « à son réveil », comme si le jeune homme dormait déjà et qu’il était aisé de dire des choses sans qu’il les entende alors qu’il est planté là, les lèvres exsangues. Il a tout à fait le visage d’un saint tel qu’on les représente traditionnellement : dénué d’expression, le port humble mais pas trop bas, une intensité voilée comme si sa peau frémissait de quelque chose de contenu.

- Je vous attendrai ce soir par l’entrée que nous avons prise tantôt.

Propose Ingrid à Vaast puisqu’il n’a pas pu mémoriser leur long chemin. A ce sujet là, elle ajoute d’elle-même.

- Nous n’aurons pas besoin de tant marcher ! Mais mieux vaut que Gregorius ne soit pas dehors à ces heures ci.

Elle avise le jeune homme et remet sa mantille en place sur son giron. Ce n’est pas un quartier bien famé du tout et leur protection ne s’étend probablement pas beaucoup plus loin que de prendre des coups à sa place.

- ‘Vais vous raccompagner.


Ajoute Catherina qui s’est contentée de fumer dans son coin en silence depuis qu’elle a bien senti sa bourde. Elle fait un signe impérieux à Vaast de passer devant alors qu’il remonte les escaliers. Ils se trouvent manifestement dans un souterrain aménagé sous la taverne du Denier qui doit servir à demi de cave à vin, peut-être y emmène-t-on certains clients. L’air humide est moite et une odeur âcre pique les narines. Catherina expire profondément. Vaast pourra passer devant l’origine de tous ces bruits étranges qu’il a entendu à l’allée, les yeux grands ouverts cette fois : des malades. Il n’y en a que trois mais l’un d’entre eux est attaché par une jambe à son lit de fortune. Il suit Vaast du regard alors qu’il passe, la tête pendante, le corps agité de tressautements.

Pas la Malichor, commentera Catherina. Juste la syphilis. Elle ajoute que Vaast va leur briser le cœur en leur prenant Gregorius mais que tant pis et elle ne dira pas grand-chose d’autre sur le trajet jusqu’à dehors.



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Vaast souffla par le nez, plus amusé qu’agacé par la remarque. Et sinon quoi ? Catherina le retrouverait et le lui ferait payer ? Croyait-elle qu’il allait obliger Gregorius à écrire sitôt arrivés, ou que Gregorius n’y penserait pas de lui-même ?

Ou ne lui faisait-elle pas confiance pour l’amener à bon port ?

Il avait très envie de répliquer quelque chose mais la tête que tirait le gamin l’en dissuada.

-Vu, se contenta-t-il de répondre.

Vaast s’attela ensuite avec Gregorius à la rédaction de la lettre, puis prit le document en main.

Le gamin avait l’air de n’être qu’à moitié là, comme une marionnette qui attendrait qu’on tire sur ses fils pour en faire quelque chose. Sachant très bien l’effet que cela faisait, Vaast se détourna de lui après lui avoir répété qu’il le retrouverait ce soir.

L’inquisiteur suivit ensuite Catherina, sans faire de commentaires en voyant les malades, mais il serra les mâchoires. L’idée lui vint que Marisa, qui avait un réel talent pour soigner, serait plus utile ici qu’à courir la lande avec Juliette pour tenter de débusquer des Natifs.

Il se sentit brièvement coupable. Le travail des missionnaires était important. Les Natifs avaient une âme, et elle méritait de recevoir la bénédiction du Lumineux. Mais ces pauvres gens souffraient au sein même de la ville érigée en l’honneur de Saint Matheus et les avoir vus gisant là, seuls, lui mettait un goût amer en bouche.

Une fois revenu au port, Vaast quitta Catherina et respira l’air frais à pleins poumons. N’ayant pas de temps à perdre, il se dirigea vers le cœur de la ville. Il y avait peu de chances qu’il soit suivi, mais il prit quand même plusieurs détours tortueux pour perdre un éventuel curieux. Cela le rassurait.

Une fois devant la porte de Callistus, l’inquisiteur se composa une expression neutre avant de frapper et rentrer. Il expliqua au prêtre avoir retrouvé son fils et constaté qu’il allait bien et avait choisi de débuter une nouvelle carrière ailleurs. Il lui tendit la lettre en affirmant que son ordre - celui des missionnaires - était fier de la décision de Gregorius. Après tout, maintenir des liens entre croyants et dignitaires étrangers était une excellente chose !

S’il prit l’envie à Callistus de poser des questions ou de se montrer désobligeant, Vaast se borna à répondre que tout était dans la lettre, à assommer Callistus de formules de politesse religieuses qui l’obligeaient à répondre de même sous peine de passer pour quelqu’un de discourtois, et se retira en expliquant être attendu.

Il prit ensuite le chemin du quartier-général de l’inquisition. Sans se cacher, cette fois. On ne pourrait tirer aucune conclusion en sa défaveur en voyant qu’il entrait là.

Après s’être brièvement recueilli à l’autel, Vaast demanda à parler à la personne la plus haut-gradée présente ce jour-là. Il avait une mine sérieuse, plus grave que d’ordinaire, et un regard préoccupé.

Calmement, méthodiquement, il dressa un portrait particulier de la situation. Dans la bouche de Vaast, Callistus était un homme qui était passé maître dans l’art de sauver les apparences, mais personne n’avait jamais rien à cacher. Il en avait encore eu la preuve en rencontrant Gregorius, un jeune homme très talentueux et remarquablement pieux, étouffé par son père qui jalousait son don. Vaast laissa sous-entendre que le gamin portait toutes les traces de quelqu’un qui a été maltraité et non aimé, mais il ne s’attarda pas là-dessus. Il embraya sur les turpitudes dans lesquelles Callistus s’était embourbé et qui avaient eu pour conséquences que son adversaire politique embauche un inquisiteur.

Vaast ménagea une pause dramatique avant de poursuivre.

Cet inquisiteur s’était rendu au port, où Gregorius faisait souvent œuvre de charité auprès des pauvres gens, et avait tant brutalisé ces derniers que Vaast assura que même un œil non-entraîné y verrait l’œuvre de la magie. Il amplifia même un rien les blessures de Catherina, guéries depuis de toute façon et donc invérifiables. Il la décrivit comme une pauvre femme qui avait tenté de cacher ses blessures terribles afin de gagner son pain quotidien au port, sans quoi bien sûr elle périrait de faim.

Pourvu que Catherina n’apprenne jamais qu’il l’avait décrite comme une pauvre femme sans ressources ou il était sûr d’y laisser des plumes.

Vaast s’attacha ensuite à démontrer à quel point cette affaire pouvait avoir de fâcheuses conséquences. Un inquisiteur ainsi mêlé à de la politique ! Qui torturait le peuple innocent de San-Matheus ! En laissant des traces que n’importe quel missionnaire aurait pu remarquer et utiliser contre l’Ordo Luminis ! Et le Lumineux savait qu’il y en avait, des missionnaires au port, Vaast en avait encore croisé un en allant enquêter ! Non, vraiment, Vaast était soulagé d’être intervenu à temps et d’avoir extrait le jeune prodige de cette terrible situation. Il l’avait encouragé à accepter un poste à Nouvelle-Sérène où il pourrait pratiquer son art en paix. Oh, bien sûr, Nouvelle-Sérène n’était pas l’idéal, Vaast en convenait, mais il avait pensé à tout : il avait la confiance du gamin et avait promis de l’introduire personnellement auprès de la communauté religieuse de la ville. Et puis, sa supérieure, sœur Juliette, serait ravie de cette nouvelle s’il la présentait à Gregorius. Elle ferait ainsi davantage confiance à Vaast et pourrait lui confier plus de choses. Voilà qui arrangerait bien les affaires de l’inquisition.

Une fois sorti du quartier-général de l’Ordo Luminis, Vaast alla se laver chez lui, comme pour se débarrasser des odeurs et des images. Il s’habilla ensuite avec un soin particulier : sa tenue était sobre, mais le noir de très bonne qualité. Il enfonça sur sa tête son chapeau de missionnaire, prépara son sac, et alla retrouver Gregorius à l’endroit convenu.

Il affirma très vite au jeune homme que tout s’était bien déroulé, sans rentrer dans les détails, sauf si le jeune homme en demandait - et encore, Vaast prit garde d’édulcorer. Il s’appliqua surtout à changer les idées de Gregorius, même quand celui-ci n’avait pas l’air de pouvoir écouter.

Pour lui, Vaast se fit bavard. Il lui parla des variantes des sermons dans les autres villes, expliqua l’intérêt des psaumes plus en vogue à Sérène. Il raconta à quel point la cuisine était différente et lança quelques plaisanteries et recommandations à ce sujet. Il vanta les mérites de telle ou telle personne qui avait commis des actes d’une grande bonté sans pourtant être très pieuse, et le mit en garde contre les filouteries des marchands, monnaie courante dans la Congrégation. Il encouragea Gregorius à parler de madame de Niuzzo, de ce qu’il savait de la Congrégation, et parla d’art lui-même, avouant être plus sensible à la musique qu’à toute autre chose. Il se tint éloigné du sujet de la sculpture et de la politique.

Une fois arrivé à bon port, Vaast guida Gregorius dans les rues de Nouvelle-Sérène. Il lui acheta une carte de la ville et entoura dessus les endroits qui l’intéresseraient, notamment la chapelle où Vaast lui-même se rendait quand il venait et l’ambassade de Thélème. Il l’accompagna ensuite jusque chez madame de Niuzzo et enleva son chapeau de missionnaire. Il expliqua à Gregorius que ce geste mettait les Congrégationnistes plus à l’aise : il ne voudrait pas que sa protectrice pense qu’il venait pour autre chose que lui confier le jeune homme.

Vaast se présenta comme un ami du sculpteur et laissa Gregorius faire le reste, n’intervenant que s’il en voyait le besoin. Il promit ensuite au jeune homme de vite venir lui rendre visite et lui souhaita avec sincérité que saint Matheus éclaire son chemin.

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Le mot de la fin


Callistus n’avait visiblement même pas l’envie de feindre la politesse. Si au début il se montra pondéré dans ses mots autant que dans sa posture, un agacement aussi bref que dévastateur lui fit donner un coup contre le mur alors qu’il s’exclamait « Au fait, mon fils, au fait ! ». Il se fit probablement plus mal qu’autre chose, et agit comme si rien ne s’était passé. Le mur, quant à lui, puisqu’il était nu, n’en souffrit point.

Une fois la lettre en main, Callistus l’ouvrit et s’avachit petit à petit sur lui-même en la lisant. Il congédia Vaast, l’air terrassé comme si on venait de lui ouvrir le ventre.

On aurait dit que la chance de Vaast n’allait pas s’améliorer ce jour-là car au quartier de l’inquisition, ce fut Junia, pâle et exsangue, vers qui on l’adressa. Mais, singulièrement, Junia prit les choses avec beaucoup de sérieux. De sa voix si douce, comme celle d’une enfant, elle gémit sur ce pauvre Gregorius, que jamais un enfant ne devrait avoir à subir une telle chose. Peut-être était-elle si familière à la douleur que derrière chaque mot de Vaast se glissait une image, et qu’elle mesurait le poids de chacune. En outre, Junia ne montra aucun dégoût à la mention de Catherina. En revanche, ses yeux très pâles cillèrent à peine lorsque Vaast évoqua un inquisiteur. Un inquisiteur en politique. Grave, dira Junia, très grave, et vraiment à voir sa tête c’était là un euphémisme. Vaast venait de jeter celui qui avait fait cela entre des mains très patientes… Trop patientes.

Contrairement à Callistus où les précautions de Vaast avaient échoué, le jeune homme n’eut pas à en faire des masses pour convaincre Junia de quoi que ce soit. Que « l’enfant » comme elle appelait parte pour Nouvelle-Sérène. Qu’il soit pieux, et ne se laisse pas séduire par les mœurs de ces pauvres âmes ! C’était un fardeau, assurément, jugeait Junia, qu’un enfant aussi talentueux leur soit arraché mais l’île entière était celle du très Saint Mattheus à ses yeux. C’était leur terre sainte, et si l’exil devait être la voie de Gregorius, fort bien. Junia cita même quelques saints qui avaient dû faire de même, et congédia Vaast en insistant sur le fait qu’elle avait du travail, mais qu’il dise à « l’enfant » de bien se porter, de bien prier, et d’ouvrir l’œil. Quoi qu’il voie, qu’il le porte à l’Ordo Luminis, qu’il se rappelle leur protection, de leur dévotion, et soit leurs yeux en terres païennes ! Cela omettait bien vite le fait que si Gregorius avait dû se cacher c’était en premier lieu à cause d’un inquisiteur.

Plus tard, bien plus tard, Vaast put apprendre par des rumeurs que Junia avait de la tendresse pour la cause de la Confrérie de l’Aube ; leur message de cesser la conversion massive et de s’occuper de leurs ouailles, la façon dont ils revenaient au texte, toujours au texte. Peut-être connaissait-elle déjà les œuvres du jeune Gregorius à l’époque.

Ce dernier attendait Vaast à l’endroit convenu, vêtu bien humblement, son chapeau enfoncé sur la tête. Il semblait avoir recouvré ses esprits et salua Catherina et Ingrid, sans étreintes cette-fois, l’air gêné de ce que pourrait penser Vaast en le voyant se jeter dans les bras des deux femmes. Ingrid toucha simplement le front du jeune homme, comme une ultime bénédiction.

Gregorius s’enquit seulement de l’état de son père, puis s’inquiéta surtout de Vaast. N’était-il pas trop fatigué ? Avait-il eu des ennuis par sa faute ? Avait-il faim ou soif ? Discuter religion sembla au moins le remettre dans un élément connu. Gregorius avait une maîtrise fine des sermons et de leurs interprétations, le verbe agile ; l’éducation qu’on réserve d’habitude à des membres du clergé. Que son père devait avoir été déçu en découvrant que Gregorius ne possédait en lui pas une once de magie…

Gregorius se fit très attentif à toutes les recommandations de Vaast. Encore très guindé, sur ses gardes presque, il ne posait que des questions quand il semblait absolument certain que Vaast avait fini de dire tout ce qu’il avait à dire. Il s’informait mais toutes ses formulations avaient quelque chose de flatteur pour son interlocuteur, dès qu’il lui semblait repérer un sujet que Vaast avait de l’aisance à aborder, Gregorius le relançait. On aurait pu ne pas s’en rendre compte, sans entraînement, et décrire Gregorius comme une personne à laquelle parler était « facile », qu’on aurait « connu toute sa vie », d’aucuns se seraient aventurés à dire. Ce n’était pas parce qu’il passait les murs de la ville qu’il avait si longtemps connu qu’il se défaisait des habitudes qu’on avait engrainé en lui. Il observa les murs s’éloigner, puis fixa la route devant lui, les yeux écarquillés. Il proposa à Vaast de prier avec lui pour s’apaiser.

Le voyage s’avéra assez similaire à cette première soirée. Gregorius avait toujours des questions prévenantes, il ne parlait que quand on s’adressait à lui et prenait grand soin à toujours écouter tout ce qu’on lui disait en regardant bien en face la personne, un sourire aux lèvres. Pas trop large. Pas trop enjoué. Pas trop timide non plus. Mesuré. Il ne semblait pas savoir faire la conversation à quelqu’un qui était pourtant proche de son âge sans parler des sujets où il lui semblait que Vaast avait une appétence ou des choses qu’il savait, pour sûr, qu’ils avaient en commun. La religion, la nourriture, jamais de questions, jamais rien qui fâche, qui heurte, ou même qui interroge…

Mais, au fil de la route, il s’émerveilla ci ou là d’un arbre, d’un rocher, et affirma même à un moment qu’il aimerait beaucoup voir ces pierres que les Natifs érigeaient. Un jour.

Il pouvait y avoir quelque chose de crispant à avoir cette presque créature à ses côtés, prête à exécuter toutes les tâches, à préparer le couchage dans le sens exact où elle l’a vu être mis la veille, repérant la façon de parler, d’insister sur des mots en particulier en à peine quelques heures ; on pourrait se sentir surveillé, voire moqué, mais les intentions de Gregorius n’avaient rien de malicieuses. Il était ainsi, et il avoua même à Vaast tandis qu’ils discutaient cuisine qu’il n’avait jamais goûté de vin.

Il savait sculpter. Et il était versé dans le culte. Tout ce qu’on pouvait dire d’autre de lui semblait s’appliquer à ce qu’il faisait pour les autres. Il lui faudrait probablement longtemps pour se découvrir.

Il pleuvait quand le duo arriva à Nouvelle-Sérène. C’était une petite pluie, une gentille pluie, et au domaine de Madame de Niuzzo proche du centre-ville mais assez excentré pour bénéficier d’un jardin qu’elle avait emprunté sur les bois alentours, les domestiques s’afférèrent à accueillir Vaast et Gregorius – et surtout à ce qu’ils ne mettent pas de boue partout.

Madame de Niuzzo elle-même était une femme d’une soixantaine d’années, que les années avaient faite potelée et bien portante, ce qui contrastait avec sa voix de souris. Signe rassurant, elle portait dans ses cheveux une broche frappée d’un soleil. Elle invita Vaast à rester diner s’il le souhaitait. Elle marchait avec une canne et Gregorius eut à peine une minute de réflexion avant de parfaitement s’accommoder à son pas. Madame de Niuzzo fut une hôtesse parfaite, que Vaast décline ou accepte, courtoise et mesurée, à la bouche des sujets légers, pas une remarque sur l’état de Gregorius qu’elle envoya découvrir sa chambre avec une domestique alors qu’elle restait avec Vaast.

Madame de Niuzzo, de ses petits yeux noirs, dévisagea Vaast avant de le remercier et de lui offrir une somme d’argent qu’elle refusa qu’il décline. Avec tous les effets de manche de la Congrégation, elle avait déjà fait envoyer un de ses serviteurs la chercher alors même qu’elle était encore en pleine conversation avec les deux thélémites.

Quoi qu’elle suspecte, quoi qu’on lui ait rapporté, de Niuzzo n’était pas dupe.

Gregorius vint bien aux offices de la communauté de Thélème en Nouvelle-Sérène. Il s’y intégra sans mal, mais se remit bien vite à fréquenter les indigents, extérieurs à la foi. Rapidement, il s’attira des ennuis, bien malgré lui, et sa protectrice lui conseilla de faire profil bas quelques temps. Ce fut durant cette période que Vaast reçut une lettre de la part de Gregorius l’assurant de sa bonne santé, devisant de ses mésaventures en quelques lignes. La missive était courte, comme toutes celles qu’envoyaient Gregorius mais elle contenait un élément nouveau : une statuette de bois, façonné pour représenter Saint Gregorius. Le jeune homme assurait qu’il désirait que Vaast l’ait, pour sa protection.

Le visage de Saint Gregorius était celui d’un homme, plus tout à fait dans la fleur de l’âge. D’un homme mortel, que le temps avait creusé. Assis, son langage corporel était relâché mais sa figure, comme tournée vers l’horizon semblait veiller, patiente, inaltérable, comme un rocher, érodé par vents et marées mais toujours solidement accroché. Saint Gregorius, au lieu de porter une arme, maintenait en place un bouclier. Et sa seconde main, posée presque avec nonchalance sur ses jambes, avait la paume ouverte au lieu d’un poing fermé.


Vaast améliore ses relations avec la Confrérie de l’Aube pour être venu en aide à l’un de leurs membres fondateurs.
Il gagne 100 pièces d’or.
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