[Event] Aelina - Anselme - Vaast
-Pardonnez-moi... Tout va bien, Lysha ? souffle-t-elle avec sollicitude. Je vous ai vu discuter avec un Natif et il semblait un peu...
Derrière Darya, sur une modeste estrade de bois rapidement montée, on s'agite. Maeva d'Austian en monte les marches en relevant le menton ; vraisemblablement, il est l'heure du discours. Vaast, imité par plusieurs invités, se retourne pour l'écouter.
-Vous tous qui... entonne l'oratrice.
Elle ne va hélas pas plus loin. Un jeune homme grimpe les marches à sa suite, l'air affolé, et lui secoue littéralement la manche en lui chuchotant quelque chose à l'oreille.
Le visage de Maeva se ferme soudain, et il semble bien à la lueur des flammes qu'elle pâlit. Tout autour, dans le silence soudain, on se met à chuchoter avec inquiétude...
Ordre de réponse : Aelina – Anselme – Vaast
Quand c’est à votre tour, vous avez une semaine pour répondre.
Nous vous déconseillons de regarder les autres posts pour ne pas vous faire spoil.
[Event] Feat Anselme & Vaast
L’herboriste n’eut pas le temps de décider si elle souhaitait expliquer ou non la situation puisqu’elles furent aussitôt interrompues par une animation… Ou plus précisément le discours attendu par beaucoup. Elle tourna la tête, comme bien d’autres, plus intéressée par l’oratrice que sa petite personne, mais à peine quelques mots furent prononcés que déjà celui-ci fut réduit à néant. Que venait-on de lui chuchoter à l’oreille pour que Madame d’Austian se referme ainsi, l’air préoccupé ?
« Que se passe-t’il ? » s’affole aussitôt la jeune femme, tournant de grands yeux inquiets vers Darya. « J… Je n’aime pas ç-ça, j’ai un mauvais pressentiment… »
L’herboriste se tourne, furette du regard comme une biche à l'affût. Sans savoir pourquoi, elle sent son sang se glacer et ses sens en alerte. Quelque chose ne va pas. Elle ne sait pas quoi mais elle en est certaine.
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Ah, voilà que l’organisatrice se décidait à débuter son discours. Il était temps, songea Vaast ; encore une heure et les participants seraient trop occupés à digérer les petits-fours pour lui prêter attention.
A vrai dire, la soirée le mettait mal à l’aise. Il n’avait pas l’habitude qu’on essaie ainsi de mêler divertissement et sujets sérieux. C’était bien la Congrégation, ça, songea-t-il avec humeur. Quelle excellente idée ! Réunissons donc des factions en guerre par le pouvoir du vin et des conventions sociales ! Que pourrait-il donc arriver !
Mais malgré toutes ses pensées ironiques, l’interruption soudaine du discours de Maeva le prit au dépourvu. Une alarme se déclencha dans sa tête - il s’était bel et bien passé quelque chose. Evidemment.
Avant qu’il l’ait réalisé, le verre qu’il avait à la main avait été posé au sol et il plongeait la main à l’intérieur de sa veste. Pas d’armes visibles, avait dit Juliette. Mais elle devait bien se douter qu’il aurait ses anneaux quelque part - et puis aux yeux d’ignorants, ils passaient très bien pour de simples bijoux.
Vaast quitta la d’Austian des yeux et observa les alentours. Il y avait de l’agitation, mais avec le feu qui brûlait encore bien vivement, sa vision était affectée : il ne voyait pas au-delà de quelques mètres.
Il s’attarda sur l’envoyée de l’Alliance qui parlait avec une jeune femme, se rapprocha même d’un pas pour mieux la voir. Avait-elle prévu quelque chose ? Pourquoi rester dans les parages, dans ce cas ? Il étudia son expression en silence.
Il y avait beaucoup de murmures, tout autour. Autant précipiter les choses.
-Que se passe-t-il, madame ?
Sa voix portait aisément jusqu’à Maeva. Quoique poli, son ton était dépourvu de chaleur.
-Ce n'est sans doute rien de grave, très chère.
L'optimisme de la diplomate est néanmoins rapidement mis à mal : en réponse à la question de Vaast, Maeva se redresse, et le silence se fait.
-Je suis au regret d'annoncer que... qu'un incident a éclaté. Si vous voulez bien m'excuser, il faut que je m'entretienne avec mes pairs.
Darya relâche aussitôt Aelina et marche à grands pas en direction de l'estrade, dont descend Maeva. Nombre d'invités se mettent à discuter entre eux sur un ton soucieux, mais d'autres fondent droit sur le malheureux messager, figé au bas de l'estrade.
-Jeune homme, je vous somme de me dire ce qui s'est passé !
-De quel incident s'agit-il ? Qui est impliqué ?
-C'est un scandale ! On nous avait promis que la soirée se déroulerait...
-Dames, sieurs, du calme, je vous en prie, halète le messager. Il semble qu'un corps ait été trouvé dans les bois...
Cette révélation, faite à portée des oreilles de Vaast, d'Aelina et d'Anselme, est loin de calmer l'agitation naissante.
-Un corps ? Je vous demande pardon ? s'offusque un riche marchand. Mais qui ? Le connaît-on ?
-Il serait naturel qu'on nous demande notre expertise, lâche une femme en ajustant son turban. Une autopsie réalisée par nos soins pourrait de toute évidence dissiper...
-Mais bien sûr ! grince un petit homme. Que l'Alliance mène un de ses affreux examens pour pouvoir dissimuler toute preuve et clamer que c'est Thélème la coupable !
Au-delà de ce bruyant petit groupe, Darya et Maeva, vite rejointes par d'autres dignitaires, sont en pleine discussion ; mais les deux femmes jettent brièvement un coup d'oeil suppliant aux premiers qui croisent leur regard - Aelina et Anselme. Visiblement, elles aimeraient qu'ils tentent de calmer le jeu... ou de les aider à comprendre ce qui s'est passé.
[Event] Feat Anselme & Vaast
Comme en écho à son inquiétude, une autre voix s’élève. Aelina pose ses yeux vairons sur son propriétaire. Un homme, l’air austère, portant sur lui des couleurs criardes de son appartenance : Thélème. Cela explique la froideur glissée sur ces mots pourtant intéressés. Peu importe, la tignasse brune reporte bien vite son attention vers Darya. Celle-ci avait déposé une paume rassurante sur la frêle épaule de la damoiselle mais pourtant elle ne pouvait dissimuler son trouble à l’homme qui s’était adressé à elle. L’envoyée prend alors vite congé, s’avançant à grandes enjambées vers l’estrade.
Un incident… C’est rien de le dire. Très rapidement, ce qui devait rester discret se propage et prend une telle dimension que la panique éclate autour de Maeva. La pauvre porte parole et le messager venu à sa rencontre se retrouvent bien vite sous une cohue agitée. L’herboriste ressent aussi une vague de panique à l’évocation du corps retrouvé dans les bois, ses yeux s’écarquillent de surprise mêlé de crainte et sa main se porte aussitôt à sa sacoche. Si elle ne possède aucune arme, la jeune femme est toujours équipée pour faire face aux problèmes. Somnifères, poudres corrosives ou encore onguents médicinaux font souvent partie de ses préparations qu’elle emporte partout. Et si elle se retrouvait en danger ou qui que ce soit d’autre, elle en ferait usage… Enfin si elle arrive à ne pas se laisser dompter par sa peur.
Pour le moment, le seul danger réside dans cette foule indisciplinée sur le point de s’étriper. Sans trop réfléchir, Aelina s’élance vers le groupe, tentant de s’infiltrer parmi eux. Petite et fluette comme elle est, elle parvient assez bien à glisser entre eux, se plaçant au plus près des dignitaires.
« Mais bien sûr ! Que l'Alliance mène un de ses affreux examens pour pouvoir dissimuler toute preuve et clamer que c'est Thélème la coupable ! »
« Du… Du calme mes… »
« Ah parce que vous pensez vraiment que vous avez les qualifications nécessaires pour étudier une scène de crime avec vos petits tours de magie ridicules ? »
« Qui est-ce que vous traitez de ridicule ?!»
« Je vous en prie, calmez-vous, ce-ce n’est pas la sol… »
Prise au milieu de la cohue, la jeune femme n’était de toute évidence ni écoutée ni même existante puisqu’elle venait de se faire busculer par le premier protagoniste. Le poids plume rebondit sur quelqu’un d’autre, qui ne prend pas la peine de la rattraper, bien trop prise elle aussi par ses propres préoccupations. Finalement c’est par terre que la brune atterrit. Légèrement sonnée, elle dût pourtant rapidement s’extirper totalement de ce groupe agité. Et puisque que ces gens ne souhaitaient pas faire attention à elle, elle trouverait bien un autre moyen de se faire écouter…
L’estrade. Oui, pourquoi pas, elle n’en était plus très loin. Aelina se redressa et s’y dirigea à grandes enjambées. Elle se hissa dessus et se retourna vers le groupe, toujours aussi agitée. Certains assommaient de questions les dignitaires tandis que les autres continuaient de s'accuser les uns les autres.
« Messieurs dames, ca-calmez-vous ! » tenta-elle à nouveau, sans succès.
Un soupir glissa hors de ses lèvres pincées de frustration mais elle n’avait pas dit son dernier mot : Se saisissant d’une fiole, elle leva le bras avant de la jeter avec fracas sur le sol de l’estrade. Le son retentissant des bris de verre eut l’effet escompté. Les regards se rivèrent sur elle. Intimidée, les joues de la jeune femme se rosirent mais elle réuni le peu de courage dont elle disposait pour tenter de les raisonner :
« Ecoutez-m-moi, il ne sert à r-rien de vous disputer. C’est… C’est exactement ce que le-le coupable veut qu’on fasse. Calme-ez vous, je vous en p-prie, il faut que l’on reste soudés l-le temps de comprendre ce qu… Qu’il se passe. M-moi aussi cette situation m’inquiète m-mais ce n’est p-pas la solution. »
Restait à voir si cela suffirait. L’écoutaient-ils ou s’en prendraient-ils à elle d’avoir osé intervenir de la sorte ?
Et bien non, encore une fois, quelqu'un venait gâcher ses plans. Un messager, venu annoncer une nouvelle visiblement mauvaise. Sans doute qu'il n'y avait plus de vin, ou qu'un convive se l'était renversé sur une étoffe hors de prix.
Visiblement, on lui donnait tort une fois de plus. On avait retrouvé un corps plus loin, dans les bois. La foule s'agitait, ici par peur, là par orgueil. Anselme ne s'en préoccupait pas plus que ça. Bien sur, c'était malheureux pour l'individu qui y avait laissé la vie, mais après tout, des ennemis étaient rassemblés ici. Les natifs eux-mêmes pouvaient avoir des raisons d'éliminer des convives. Voire tous.
Toujours est-il que ses plans, principalement celui qui consistait à venir ici dans le seul but de se faire connaitre, étaient contrariés. Jusqu'au moment où son regard croisa celui de Maeva. Elle avait elle aussi l'air contrariée. Et la foule continuait de s'agiter. Il y avait surement quelque chose à tenter... Et ce fut tenté par une petite dame qui fit une entrée en matière assez spectaculaire. Anselme interpella un homme à côté de lui à qui il confia les restes de son repas avant de détaler sans lui laisser ne serait-ce que le temps de réfléchir à l'éventualité de pester. En un instant, il rejoint l'estrade, grimpa dessus, et s'approcha de la jeune femme, lui posa la main sur l'épaule en souriant, comme pour lui dire "bravo gamine", et il se tourna à son tour vers l'assemblée.
"Allons allons, mesdames, messieurs, je vous en prie. La petite dame a raison. Nous nous sommes tous présentés ce soir avec une promesse, faite à notre hôte. Celle de laisser de côté nos vilaines querelles et de passer un moment, ensemble, unis. Il ne s'agit probablement que d'un banal accident, une mauvaise chute, ou l'ingestion précipitée d'un de ses délicieux mets, resté coincé dans un gosier. Quoi qu'il en soit, le plus sage serait de rester ici, et d'envoyer quelqu'un de neutre, ou envoyer un représentant de chaque faction comprendre ce qu'il s'est passé."
Il se tourna vers la demoiselle aux fioles comme pour demander son approbation.
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Un incident ? Vaast n’eut pas le temps de se creuser les méninges : déjà le pauvre messager lâchait le morceau sous la pression.
Un corps. Un meurtre, donc. L’inquisiteur jeta un nouveau regard en direction des bois, mais le feu limitait toujours drastiquement son champ de vision.
Sans surprise, ce fut rapidement la cohue. Vaast se tourna vers Maeva, mais elle était en train de parler avec ses pairs. S’ils ne réagissaient pas rapidement, pourtant, la foule risquait de paniquer, et alors ils auraient d’autres problèmes sur les bras.
Près du groupe, une jeune femme tentait non pas d’accuser ses voisins mais de ramener le calme. Bel effort, songea mornement Vaast en la regardant grimper sur l’estrade.
Le léger bégaiement qui la saisit alors qu’elle tentait de se faire entendre lui fit l’effet d’une douche glacée. Alix. Elle était là, elle aussi. Avait-elle pu…?
Non. Non. Alix était intelligente. Avec ou sans armes, elle aurait su se défendre. Elle n’aurait pas bêtement…
A présent nerveux, Vaast approcha du groupe pendant qu’un homme rejoignait l’oratrice improvisée. Il était tout prêt à écarter de force tous ceux qui s’échauffaient : on empêchait rarement un groupe de paniquer sans le disperser avec juste de jolis mots.
Seulement voilà, on n’en était pas au stade du mouvement de panique. Et s’il commençait à agripper des dignitaires de l’Alliance par le bras pour les faire reculer, c’était lui qui risquait de déclencher quelque chose ! Il se contenta donc de murmurer à l’oreille des thélémites les plus proches que frère Ariel leur demandait de se replier en douceur vers le feu de camp. Ce serait toujours ça de gagné.
Heureusement, Anselme vient un peu consolider les positions précaires d’Aelina. On entend bien le gueulard dans la clairière, et pour le moment tous sont pendus à ses lèvres. C’est en tout cas le cas de Maeva qui le zieute après qu’elle se soit séparée des autres dignitaires. Elle et une autre femme discutent à voix basse. Ce ne sont pas les seules. Vaast peut sentir le regard d’Ariel peser sur lui pendant un instant. Le dignitaire semble préférer garder ses distances avec l’ancien inquisiteur – pas étonnant si ce que l’on dit sur le passé de frère Ariel est avéré. Il se détourne cependant bien vite de la cohue à laquelle il n’a même pas tenté de se mêler, contrairement à ses comparses de la Congrégation et de l’Alliance pour discuter avec un garçon vêtu de noir qui accourt à ses côtés.
- … Une jeune femme…
Peut-on entendre le garçon dire alors qu’il s’éloigne avec Ariel. Un œil avisé pourra remarquer avoir vu ce jeune garçon pour la première fois depuis le début de la fête. La confidente de Maeva s’en tenait aussi éloignée. Qui sait s’ils ne les ont pas envoyés faire du repérage ou quelque autre tâche durant les festivités ?
Darya, elle, est seule. Elle scrute d’ailleurs la foule mais son visage ne trahit rien de ses émotions. Quant à Odran il est en pleine conversation avec plusieurs Natifs. Trois de son village mais la troisième vient de Vigsoneigad.
Tandis que les dernières paroles tombent de la bouche d’Anselme, un bref silence se fait car Maeva revient sur l’estrade aux côtés de l’homme et d’Aelina. Ses talons claquent derrière elle. Elle jauge Anselme du regard – visiblement, la voilà surprise que quelque chose de censé ait été prononcé par le moins avisé des frères Beauchene.
- Envoyer un représentant de chaque faction sur les lieux me semble légitime. Ils agiront comme témoins et pourront rapporter exactement ce qu’ils ont vu devant cette audience assemblée.
Dans un geste théâtral, elle retire le chapeau de sa tête. Elle a encore bien du flegme pour une femme qui voit son beau projet de paix s’effriter devant ses yeux. Elle ne scrute personne en particulier mais au contraire braque ses yeux au-dessus de toutes ces têtes, indifférente aux œillades insistantes tout autour d’elle.
- Nous tirerons les noms au sort.
La proposition ne provoque pas que l’assentiment dans la foule mais comme elle est immédiatement appuyée par Darya, qu’Odran n’est pas long à suivre, Ariel décide visiblement de faire figure d’unité pour que cette soirée ne soit pas un désastre total.
- Merci ma chère.
Fait Darya directement à Aelina tandis qu’elle insiste pour la raccompagner au bas de l’estrade. Elle n’est pas la seule à apprécier le geste de la jeune herboriste. Les factions s’assemblent par petits groupes et, parmi les représentants de l’Alliance, deux personnes abordent Aelina pour lui présenter des félicitations. Elle a été la voix de la raison parmi une bande de gueulards ! D’autres semblent penser qu’elle était trop molle mais personne ne paraît réellement vouloir qu’un conflit éclate ce soir.
Du côté d’Anselme, Maeva lui fait signe de descendre de l’estrade sans vraiment lui dire grand-chose. Elle lui fait cependant un digne signe du menton.
Quant à Vaast, Ariel lui lance :
- Vérifiez-bien que tout le monde inscrive son nom !
Comme s’il était évident qu’il ferait respecter l’ordre si ce n’était pas le cas. Le prêtre dit la même chose à la seule membre de l’inquisition (officiellement) présente sur place, une plutôt jeune femme qui semble prendre ce devoir très au sérieux.
Voilà que chacun se trouve à griffonner dans un silence fébrile. Les rumeurs vont vite : tous cherchent à savoir qui manque, et effectivement il manque des gens à l’appel. La très bruyante Erika, tenancière de la taverne du Denier. La grande perche qui l’accompagnait, Dilay et la petite Rosmunda.
Odran doit s’occuper des noms de tous les siens puisqu’il a appris à écrire la langue des renaigse. On se sert de couvre-chefs pour recueillir les papiers, on les fait tourner. Chaque dignitaire pioche une fois.
- Ne…ve ?
Hasarde Darya et une Native lève la main. Ses pairs la regardent et elle s’avance en pleine lumière, devant le feu, les joues légèrement empourprées.
- Anselme Beauchene.
Enonce Ariel.
- Lysha.
C’est au tour de Maeva et enfin, Odran déchiffre :
- Vaaaast ?
Chaque candidat est regardé, autant par les représentants de sa faction que par les autres. On se récrie un peu du côté de l’Alliance, murmurant que la gamine n’a l’air d’avoir aucune expérience avec les cadavres ! Personne ne semble d’ailleurs ravi des choix : Neve est aussi très jeune, Anselme a une réputation de soiffard et Vaast a un air patibulaire qui tranche avec la suite pomponnée aux basques d’Ariel.
C’est pourtant eux que Maeva propose qu’on mène jusqu’au cadavre. La foule, déjà divisée, s’écarte de mauvaise grâce au passage des « témoins » avec à leur tête le messager venu en premier porter la nouvelle de la découverte.
[Event] Feat Anselme & Vaast
Un léger, presque imperceptible, tremblement trahissait la nervosité de la jeune femme. Elle dérive le regard vers les bris de verre étalés sur le sol comme si elle ne réalisait que maintenant le gâchis de matériel. “Heureusement, cette fiole était vide” pense-t-elle pour ne pas se laisser emporter par de plus grands regrets car, évidemment, son éclat de voix bafouillant n’est pas passé inaperçu et pas forcément en bien. Quelques mots plus ou moins railleurs portent à ses oreilles, et c’est à peine si le mouvement encourageant de Darya rassure la jeune femme.
C’est alors qu’un homme vint se hisser à son tour sur l’estrade, surprenant la jeune femme. Elle eut un mouvement de recul cependant c’est une main bienveillante qui se posa sur son épaule. Aelina cligna des yeux, étonnée mais ravie de constater que sa bienveillance ait finalement été communicative. Une pointe de fierté s’insinue en elle alors qu’elle écoute les paroles sensées de cet orateur à la voix puissante.
« Il a raison. » renchérit-elle, retrouvant un peu d'aplomb. « Il faut agir ensemble. »
Soutenant le regard de l’homme venu à son aide, elle le remercie silencieusement. Sans lui, elle se serait sûrement mise à paniquer. L’herboriste n’était pas une oratrice et ce n’était pas dans sa nature de se confronter aussi fortement aux autres. Elle aurait craqué à la moindre pression. Là, même la dignitaire revenait à leurs côtés, appuyant l’idée lancée dans la foule.
Maeva est impressionnante vue de près : Ses paroles transpirent de conviction et de hardiesse comme si même ce malheur ne saurait la détourner de ses objectifs. Ainsi il serait fait un tirage au sort. C’était effectivement une bonne idée pour éviter toute jalousie ou autre sentiment d’injustice, et puis tous les dignitaires étaient d’accord alors… C’était forcément la chose à faire non ?
« Merci ma chère. » chuchote une voix douce à l’intention de la jeune brune.
C’est Darya, constate aussitôt Aelina, lui témoignant un léger sourire ravi. Elle se raccroche à elle telle une bouée de sauvetage, redescendant de l’estrade à ses côtés. Celle-ci était tout simplement apparue à point nommé. Un peu plus et la pauvre herboriste se serait transformée en statue de sel ainsi entourée de ces visages importants, à la vue de tous. Pourtant, Aelina ne manque pas d’attirer l’attention même ainsi exportée des regards, puisque quelques personnes s’avancent vers elle afin de la féliciter.
« Non, non, ce n’est rien. » rétorque-t-elle, ses joues rougissantes. « Si ce n’était pas moi, quelqu’un d’autre aurait tenté d’agir j’en suis certaine. »
D’ailleurs, bientôt d'autres vont bientôt partir enquêter sur ce malheur. Le temps que chacun remplisse à son nom un morceau de papier. Aelina, elle aussi, s’exécute bien qu’elle n’espère pas être choisie. Elle préférerait retrouver les deux gentilles dames qui étaient venues à sa rencontre un peu plus tôt. Celles-ci étaient introuvables, pourvu qu’il ne leur soit rien arrivé…
« Lysha. »
« Q-Moi ? » Sursaute-t-elle.
Pas de doutes. Trop de regards sont posés sur elle pour que ce soit une erreur. Aelina déglutit, se frayant un chemin pour rejoindre les autres envoyés désignés. Elle ne peut s’empêcher d’avoir l’impression de prendre la place de quelqu’un de plus qualifié et… Beaucoup ont l’air de penser que c’est le cas. Bon… Et bien, il ne lui resterait plus qu’à prouver qu’ils se trompent. Facile, hein ?...
Au moins, Aelina est bien entourée. Presque, en fait. La native avait l’air aussi jeune et perdue que l’herboriste mais… Il y avait au moins l’homme qui avait l’air plein de bon sens, Anselme, si elle se rappelait bien le nom énoncé. Vaast, lui, il lui donnait un peu la chair de poule mais il avait l'air plus inquiet de la situation que son air austère ne le laissait penser. Vu ses fréquentations, il devait être quelqu’un d’assez important en plus, et avec beaucoup d’expérience.
Ça irait. Surement.
Lorsque le petit groupe fut assez éloigné, la jeune femme s’approcha de leur guide afin de le questionner sans la présence d’oreilles indiscrètes. Plus ils en sauraient sur la situation et plus… Et bien, ça les aiderait à appréhender la situation dans son ensemble.
« E-Excusez-moi. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? C’est une jeune femme qui a été agressée c’est ça ? Vous savez de qui il peut s’agir ou… Si vous avez vu quelque chose, n’importe quoi, même un détail ? »
Les questions étaient un peu bancales mais la jeune femme n’ayant jamais pu recevoir l’éducation adéquate à son réel statut, c’était le mieux qu’elle pouvait bredouiller sans avoir l’air idiote.
Pensant en avoir fini avec cette histoire - il se voyait déjà rentrer chez lui, s'ouvrir une bonne bouteille, et attendre les pieds sur le bureau une lettre de remerciement - il s'éloigna de l'estrade, alors que Maeva prenait le relais avec une idée pleine de bon sens. Envoyer un représentant de chaque faction pour enquêter. Quelle était chouette, cette idée. Ingénieuse. Splendide, même. Jusqu'au moment où l'on attrapa Anselme par la manche pour lui demander d'écrire son nom sur un morceau de papier.
Il était serein malgré tout. Quelle chance avait-il d'être choisi? Une sur le nombre d'invités. Pas beaucoup, donc. C'était suffisant pour qu'il patiente, tout sourire, le temps de voir la mine déconfite des élus qui sauveront le monde en résolvant la mystérieuse affaire de "l'os de caille au travers de la gorge ou peut être une chute bête ou qu'importe puisqu'on s'en contrefout". Il fut soulagé de ne pas entendre son nom cité la première fois. Mais lorsque le deuxième nom tiré au sort, avec si peu de chances, était le sien, il ne put voir sa propre mine déconfite. Quelle idée stupide.
Deux gamines, et un ivrogne. Heureusement qu'il restait le grand gaillard au nez cassé. Belle gueule, bien que l'air patibulaire. Il fallait tout miser sur lui pour dénouer cette affaire. Alors, mon grand, comment qu'elle est morte, la dame?
En tout cas, Anselme laissait le soin à la jeune femme, dont il n'avait pas plus retenu le prénom que ceux de ses deux autres comparses, poser les questions. Lui, il préférait soupirer. C'était une bonne alternative. Cela évitait d'user trop d'énergie avec des mots, et ça en disait suffisamment.
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Si Vaast avait encore eu son verre à la main, il l’aurait levé à la santé d’Ariel qui le regardait. Comme il l’avait posé, il se contenta d’un sourire ironique. C’était parfaitement déplacé, mais il se doutait que le message passerait. Oui, il savait qui Ariel était et non, il n’était pas surpris de la tournure que prenaient les choses.
Son instant d’amusement féroce passa néanmoins bien vite. “Une jeune femme.” Il se retint de courir droit sur le garçon. Un espion, sans doute. Ariel était optimiste, mais pas stupide. Il avait manifestement pris des précautions.
Saint Matheus, ayez pitié.
Tenaillé par l’envie de fuir l’assemblée pour se mettre à la recherche d’Alix, Vaast mit un moment à comprendre ce qui se passait. Tout le monde écrivait son nom, à la demande de Maeva qui voulait en tirer au hasard pour désigner des enquêteurs. Grommelant, Vaast évita cette fois-ci le regard d’Ariel et fit la sourde oreille. Il avait autre chose à faire que de tirer les flemmards présents par l’oreille. Pour la centième fois, il se demanda s’il devait se faire inscrire “missionnaire” sur le front. Peu de chance que ça suffise à faire oublier au monde qu’il avait été inquisiteur, mais on ne savait jamais…
Quand son nom fut appelé, Vaast ne s’empourpra pas et ne se renfrogna pas. Avec l’assurance de celui dont la prière a été entendue, il se fraya un passage dans la foule et parvint jusqu’au trio qu’on venait de lui assigner. Au moins, il était en bonne position pour découvrir rapidement l’identité du cadavre présumé.
-Lysha, c’est cela ?
Son ton était poli, mais sans chaleur.
-Faites vite pour les questions. S’il y a bien un corps, il faut le retrouver le plus vite possible. On ignore qui pourrait être dans les parages. Plus on tarde, moins on risque de trouver d’indices.
De fait, dès que les réponses furent données, il se mit en marche dans la direction donnée par les dignitaires.
Commence le message à l’attention de Lysha avant que Vaast n’intervienne. L’homme accélère le pas et scrute chacun des présents. Neve trottine à son rythme sans rien dire. Elle a la foulée longue.
Le messager se mord l’intérieur de la lèvre, visiblement peu sûr de ce qu’il peut dire ou non. Il a entamé sa trentaine, a une carrure svelte et de très beaux atours comme la Congrégation sait en faire. Ses chausses ne sont pas du tout adaptées au temps, si blanches qu’elles semblent demander à attirer les tâches, et ses cheveux frisés ont attrapés des feuilles probablement de branches basses sans qu’il s’en aperçoive.
Pour un regard inquisiteur, l’homme peut paraître bizarrement mal fagoté. Il semble avoir remis son haut un peu à la hâte.
Finalement, après une dizaine de mètres plongés dans le silence, l’homme pousse un soupir. En présence de « témoins désignés » il se décide à parler :
- Nous nous promenions dans les bois avec un ami. Nous en émergeons, et voilà que nous tombons sur un macchabée. Très déplaisant ! Je lui ai dit « reste-là », ne touche à rien puis je…
Un cri émane de la direction vers laquelle se dirige le groupe. C’est celui, un peu étranglé, d’un homme. Il est plein de rage.
Le messager se précipite. Il n’est pas bien rapide, on peut aisément le suivre et c’est ce que Neve fait. Il n’a pas besoin de passer la lisière, le corps a apparemment été découvert là, entre forêt et prairie, mais ce qui attire d’abord l’œil c’est que deux types sont là, debout, et se disputent.
L’un est un thélémite, on le voit au premier regard avec son grand chapeau et sa bure noire. Le second est un homme qui vient probablement de la Congrégation. Sa veste de cuir bien que de bonne facture est élimées, tout comme ses bottes. Son chapeau est lui tombé au sol.
Il est aux prises avec le thélémite, ou plutôt le thélémite est aux prises avec lui. L’homme de la Congrégation, pourtant large d’épaules et probablement capable de se défaire de son opposant aisément, tente surtout de le calmer à coups de « Mais arrêtez ! » « Mais enfin, écoutez-moi ! ».
Sauf que quoi qu’il essaie de dire, le thélémite ne semble rien vouloir entendre. Il lui a déjà griffé méchamment le visage et tente furieusement de glisser sa main dans sa poche. Le réflexe est assez clair pour qui est familier – c’est un prêtre, et donc un mage, il doit chercher ses anneaux. Son adversaire fait tout pour le tenir à distance et qu’il arrête de lui écharper la joue comme un chat sauvage.
- Cédric !
S’exclame le messager d’un air consterné, presque avec un brin de réprobation de trouver son compagnon en train de se chamailler avec un autre homme. Comme si la situation n’appelait pas à une réponse immédiate, le messager se tourne vers les quatre témoins pour tenter s’expliquer :
- Je ne sais pas qui est cet homme, le thélémite je veux dire, je… Attendez !
Avant qu’il ait pu la retenir, Neve lui a filé entre les doigts. Elle a repéré la silhouette étendue qui se situe un peu en retrait après les deux hommes aux prises l’un avec l’autre. La Native, indifférente à la querelle, se plante devant le corps dont les contours sont préservés par l’ombre des arbres. Là, on peut voir Neve s’immobiliser, se couvrir la bouche, et ne plus bouger du tout, comme pétrifiée par l’horreur ou le chagrin.
[Event] Feat Anselme & Vaast
Le temps que l'homme bafouille, ils entendirent des grands éclats de voix : Un thélémite et un autre homme étaient sur le point d'en venir aux mains visiblement. Ils étaient assez proche de la victime signalée et peut-être que l'un d'entre eux était coupable ou témoin de ce qu'il s'était passé mais pour l'instant ils n'étaient pas en condition pour aider le groupe venu à leur rencontre.
Au lieu de se diriger vers les deux hommes en prise, Aelina suivit la native. Hors de question de se retrouver au milieu d'une bagarre : Les deux hommes qui l'accompagnaient se chargeront très bien de les calmer.
Elle se figea lorsque ses yeux se posèrent sur le corps. Se couvrant la bouche, elle ne peut réprimer un haut-le-cœur.
« N…Neve ? Tu la connais ? » Demande-t-elle en langue native, la gorge nouée.
L'herboriste se rapprocha doucement de la jeune femme, s'osant a poser une main réconfortante.
Son intérêt s'éveilla pourtant lorsqu'un cri retentit plus loin. Il pressa le pas, toujours en retrait du groupe - il aurait été idiot de se précipiter vers le danger, quelqu'un était mort après tout - en direction des cris et s'amusa de la situation. Une simple querelle entre deux hommes. Rien de bien méchant, donc.
Tandis que les deux femmes se précipitaient vers le corps, Anselme se posta près de Vaast, qu'il gratifia d'une tape sur l'épaule.
"Vous devriez faire quelque chose." et ajouta, sans lui laisser le temps de répondre "vous avez l'air plus coriace que moi, et puis, j'ai déjà sauvé la situation plus tôt, je ne vais pas tout faire tout seul, nous sommes une équipe!"
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Le regard de Vaast s’attarda sur les feuilles dans les cheveux de l’homme et son haut mal attaché. Quand il mentionna une balade dans les bois, l’inquisiteur souffla par le nez. Ce n’était pas le moment de faire un commentaire railleur, mais il rangea l’information dans un coin de sa tête. Juste au cas où.
Le cri de rage subit fit tressaillir Vaast. Il se précipita avec les autres et ne s’arrêta qu’un très bref instant pour comprendre ce qui se passait.
Il n’eut pas le temps de s’intéresser au corps dans l’ombre, à la réaction de Neve ou aux paroles mielleuses d’Anselme ; le geste du thélémite avait réveillé des réflexes trop bien ancrés en lui. Vaast ne pesa pas le pour et le contre. Il lança directement un projectile d’ombre.
Un débutant en magie devait d’abord s’appliquer à faire naître une lumière suffisante avant d’essayer d’en manipuler l’ombre. Vaast, lui, avait tant et tant répété ce sort qu’on ne voyait quasiment plus de lueur au bout de ses doigts quand il le lançait. “Plus d’ombre que de lumière”, disait Amadeus, et il n’avait jamais su si c’était une bonne chose ou non.
Cette fois ne fut pas différente des autres. Elle fut même pire. Trop nerveux pour bien doser sa puissance, Vaast fit déferler une ombre gigantesque sur le thélémite. Il risquait d’être sonné. Tant pis ; l’inquisiteur en profita et courut droit sur l’autre homme. Cette fois, il ne lança aucun sort. Il se contenta d’attraper sa cible et de lui faire une clé de bras. Appuyant brutalement du pied dans le creux du genou, il le força ensuite à s’allonger au sol. Il ne fouilla que sa ceinture et ses poches ; il n’avait pas le temps de faire une fouille complète.
-Lysha, Neve, identifiez le corps. Dites-moi s’il y a du sang, s’il est sec, s’il y a une trace de blessure et de quelle faction il est. Fouillez ses habits.
Sa voix était glaciale et saccadée, mais il avait haussé le ton et bien articulé pour être sûr que les deux femmes le comprennent bien puisqu’elles s’étaient éloignées. Son intonation était claire : il s’agissait d’un ordre et il ne lui venait visiblement pas à l’idée qu’on puisse l’envoyer paître.
-Anselme, ramenez-moi le messager et enlevez-lui ses chaussures !
Sans attendre, il appliqua le même sort aux deux hommes qu’il venait d’attaquer. S’ils tentaient de fuir en courant, ils s’allaient s’amuser pieds nus sur un terrain pareil - sans compter qu’ils seraient facilement repérables.
Il se redressa ensuite et ferma les deux poings. Il était en bonne position pour lancer rapidement un sort si quelqu’un tentait quelque chose.
-Messieurs, il y a un cadavre à deux pas et vous étiez tous les trois aux alentours. Répondez honnêtement, dans l’ordre : qui êtes-vous, que faisiez-vous là et connaissiez-vous la victime ? Vous d'abord, ajouta-t-il en fixant le thélémite des yeux.
Aelina peut découvrir un sinistre spectacle. Devant Neve il y a une jeune femme, probablement pas plus âgée que celles qui la regardent.
Le cadavre est étendu sur le sol, les deux bras le long de son corps, les jambes dépliées. Il a des cheveux roux et frisés, très abondants, qui devaient être retenus en tresses. On voit encore les cordons de cuir qui les retenaient. Plusieurs sont défaits. Ils semblent avoir été sectionnés.
Le visage de la victime est pâle, presque gris. Totalement exsangue. Ses lèvres sont légèrement violettes, entrouvertes. Ses yeux sont voilés. Ils étaient verts. Quant à son expression, a encore les paupières entrouvertes. Elle a l’air las. On dirait qu’elle lutte contre le froid ou le sommeil.
Sa tête repose contre le tronc d’un arbre mais son cou est un peu tordu.
Le tout est macabre, peut-être à cause du calme de la scène. Entre les arbres frémissants, loin de l’agitation des hommes, la jeune femme repose comme une endormie. Il n’y a pas de sang au sol. Pas de blessure abominable. Elle est là, et elle est morte.
- Andevaurshd tír se.
Murmure Neve. Elle sursaute un rien à la pression de la main d’Aelina mais comme celle-ci parle sa langue, elle semble se permettre de partager avec elle son deuil. Elle secoue légèrement la tête.
- De vue. Elle s’appelle Merryn.
Elle souffle dans sa langue, ses traits contractés dans une expression de profond chagrin. Elle tente d’inspirer à plusieurs reprises pour s’apaiser et à l’ordre de l’inquisiteur, se baisse.
C’est là qu’elle peut repérer, si Aelina ne l’avait pas fait avant, quelque chose d’étrange : il y a deux balles au sol. Neve se saisit d’une branche pour en faire rouler une. La balle a un peu de sang dessus, juste sur le bout, mais il est tout coagulé, comme de la peinture qui s’effrite. Une balle qui aurait traversé de part en part quelqu’un ou aurait pénétré ses chairs seraient probablement couvertes de fluides peu ragoutants. Ce n’est pas le cas.
Si Aelina s’intéresse au cadavre, elle pourra remarquer que Merryn avait amorcé un geste pour approcher sa main de sa poche. Elle porte un vêtement de peau typique de son peuple, rehaussé de fourrures et de parles de couleur. Des fleurs y étaient accrochées. Il n’en reste que des tiges.
La jeune femme devait se réjouir de la fête ou considérer l’évènement comme important. Elle s’est vêtue en conséquence.
Si Aelina fouille les poches de Merryn elle n’y trouvera rien. Quelle que soit la signification du dernier effort de la victime, il était vain.
L’habit de Merryn est plein de branches et de feuilles. Il est déchiré à certains endroits. Elle a aussi tout le flanc couvert de boue séchée, comme si elle s’y était étalée. Le trou le plus large est dans son torse. Il a été pratiqué par on ne sait quoi, et il y a une blessure en-dessous, une sorte de petit trou où est nichée une balle à la verticale, pas très profondément.
La blessure est très étrange. Le tissu autour de l’impact n’a pas été roussi ou brûlé, chose qu’un coup de feu devrait normalement provoquer et la plaie semble avoir à peine saigné. La balle n’a guère que du sang tout sombre, comme les deux autres, et elle n’a pas pénétré profond. Pas jusqu’aux organes vitaux en tout cas.
En manipulant Merryn, on peut constater que la rigidité de sa mâchoire a commencé. Son visage est fixe. Elle est morte depuis probablement au moins une heure, probablement une heure et demi, mais pas beaucoup plus. Le reste de son corps est mobile, bien qu’un peu raide et froid.
Sa nuque d’ailleurs repose d’une drôle de façon parce que l’articulation ne se plie plus correctement. Il faut un luxe de précautions, et Neve épaule Aelina à toutes les étapes. La jeune native n’a pas semblé apprécier qu’on lui donne un ordre mais elle se sent en droit de manipuler un membre de son peuple, ce qu’elle fait avec une lenteur et une précaution qui ne serait être remise en question. Toute tentative de la presser la ferait enrager. Elle intime souvent à Aelina « doucement », d’une voix un peu tremblante.
Une des bottes de Merryn est à deux doigts de tomber de son pied. La jeune femme ne porte aucun effet personnel sur elle. Le dernier point qui peut attirer l’attention est la tête de la victime. Si on la soulève, on peut sentir qu’elle est humide de façon abondante, mais pas poisseuse.
C’est de l’eau. Elle a le derrière du crâne et les cheveux pleins d’eau.
Cependant, il y a tout de même un peu de sang noirâtre dans ses mèches et, surtout, malgré l’épaisseur de sa tignasse qui le cache, on peut tout de même apercevoir en la manipulant qu’elle est blessée. Une longue balafre de plusieurs centimètres de long et de large qui lui a retiré une partie du cuir chevelu. Et, à cet endroit, la forme de son crâne ne paraît pas juste.
Neve a un haut le corps visible. L’os est un peu enfoncé. Probablement cassé. C’est la blessure la plus impressionnante et sévère que Merryn a. Au-dessus de la dépression, la peau de la jeune femme est un peu tendue par une poche de sang. Il y a une fracture et un hématome de très bonne taille. Beaucoup de pression sur la boîte crânienne.
Pourtant, le tronc derrière Merryn n’a pas de sang, si ce n’est quelques copaux noirâtres, comme les balles, comme tout le reste.
- Je ne crois pas que du poison l'ait emporté.
Hasarde Neve. Cela semble être la seule chose à laquelle elle se raccroche, peut-être la seule chose qu’elle sait au sujet de la médecine. Elle s’est occupée des mains de Merryn pour tenter de les détendre, de les croiser sur son torse.
La victime s’est cassé un ongle, et elle a les paumes, les phalanges, écorchées. S’est-elle battue ? S’est-elle accrochée à quelque chose de coupant ou de rugueux ? C’est la seule chose dans cette scène qui ne donne pas un sentiment d’immaculé, comme si Merryn avait été pourfendue d’une seule balle et était morte là, dans les feuilles, sans saigner d’une goutte. On ressent la violence de ce qui a pu se passer.
Du côté de Vaast et Anselme, le thélémite se mange le projectile en pleine poire, ce qui le fait chanceler et finalement tomber sur ses fesses. L’homme contre lequel il se battait était visiblement prêt à le rattraper mais il se fait charger par Vaast et ne cherche pas à se battre. Il est pourtant très bien bâti mais au lieu de faire quoi que ce soit, il pousse un gros soupir comme s’il s’agissait d’un autre lundi difficile.
Le message lui couine quand Vaast sonne les deux hommes et au moment où l’ordre retentit qu’on lui retire ses chaussures il s’exclame :
- Ah non ! Je les retire moi-même !
Et voilà qu’il s’y attèle en grognant d’un ton mécontent, peu désireux qu’Anselme lui mette rien que le petit doigt dessus. Il les apporte à Vaast d’un air un rien pincé et toujours digne. Le thélémite s’est mis à sangloter. Le troisième type semble simplement blasé.
- Dans quel pétrin je me foutrais pas pour tes beaux yeux...
Il glisse au messager.
Le thélémite ne paraît pas intimidé pour un sou par Vaast. C’est à peine s’il le voit et le sort n’a pas dû aider à lui mettre les idées en place. Il s’est mis à se tordre les mains et hoquète :
- Mon frère, vous vous trompez de cible ! Si vous me croyez un instant impliqué dans la mort de Merryn vous êtes fou ! Fou ! Fou ! Fou !
Le voilà qui gémit de plus belle. C’est donc le type le plus charpenté du lot qui se décide à parler, par-dessus la litanie :
- Caporal Cédric Orgeval, régiment bleu azur, cinquième compagnie. Je ne connaissais pas cette femme. Vincent et moi étions en train de compter fleurettes dans les bois quand nous sommes tombés sur le corps. C’était il y a une vingtaine de minutes. Peut-être trente. Vincent n’a pas voulu que je le suive pour en informer d’Ortian. Il y a sa mère à la fête, vous comprenez, et il lui a promis de plus me voir. Donc voilà, je veille la décédée, un peu à l’orée des arbres là-bas.
Il désigne l’endroit du menton.
- C’est là que l’autre barge me saute dessus en m’accusant d’être un meurtrier. Peux pas lui en vouloir. A vous non plus d’ailleurs.
Il lève ses mains, poings fermés, paumes vers le haut.
- Mettez-moi aux arrêts si vous le désirez. Je répondrai aux questions de qui il faudra.
Le dénommé Cédric a dit tout cela avec calme et professionnalisme mais, Vincent, le messager, s’est un rien étranglé à la mention de son auguste maman et de sa petite escapade nocturne. Maintenant tout empourpré, Vincent prend une inspiration pour répondre avec autant flegme que possible. Malgré le fait qu’il semble avoir une envie folle de fixer ses minuscules chaussures à talonnettes qu’on lui a honteusement dérobées et qui valent probablement un certain prix, il fixe Vaast puis Anselme :
- Malgré le fait que je trouve vos méthodes un peu cavalières puisque j’ai été envoyé par Maeva d’Ortian elle-même je me plie de bonne grâce à ce petit interrogatoire et espère qu’il n’est pas dans vos plans immédiats de martyriser deux éminents représentants de la Congrégation.
Il toussote un rien. Pendant ce temps-là, le thélémite a enfoui sa tête entre ses mains. En position fœtale il est d’un silence un peu inquiétant.
Vincent reprend :
- Je suis Vincent de Livois, aide de Madame d’Ortian. Tout ce que mon… camarade a dit est exact et Madame d’Ortian a tout entendu de ma bouche si ce n’est la raison de mon absence momentanée des festivités. Je n’ai aucune connaissance de la victime. Je n’ai rien vu, et rien entendu.
Il ne reste que le cas du thélémite, donc, qui relève le nez, les yeux si écarquillés qu’on dirait qu’ils vont lui sortir du crâne.
- Je l’ai vu il y a à peine une heure. Tout allait bien.
Vincent a une moue qu’il veut compatissante. Cédric se contente d’hausser lourdement les épaules. Il ne semble pas se sentir plus concerné que ça. C’est là que le thélémite éructe à la tête de Vaast :
- Elle ne voulait pas la ville, vous comprenez. Pas trop loin entre les pierres. Alors j’ai cherché un cabanon, quelque chose en bois, quelque chose d’agréable, tout près de la forêt. Elle est allée trouver une fleur que je puisse mettre sur le devant de la porte, qu’elle la reconnaisse au moment d’y frapper. Un instant, c’était tout ce que…
Tandis qu’il parle d’une voix saccadée, ses ongles s’enfoncent de plus en plus dans la terre jusqu’à ce qu’il se mette purement et simplement à hurler en direction du ciel. Le son est inarticulé, et quand il retombe, plane l’écho du désespoir, avant qu’une série d’autres plaintes similaires n’échappent au thélémite. Il semble demander pourquoi. Peut-être au Lumineux. Peut-être à la dénommée Merryn. En tout cas, on a probablement entendu son exclamation jusqu’au feu où les dignitaires sont assemblés.
[Event] Feat Anselme & Vaast
Le corps de la jeune herboriste est parcouru d’un long frisson n’ayant rien à voir avec le froid ambiant, son manteau de fourrure lui réchauffant allègrement la peau. Non. C’est la vue du cadavre qui lui provoque des tremblements. Une femme, jeune, ça aurait très pu être Aelina à la place de l’inconnue. Pâle, dans une posture étrangement droite, cette étrangère gît au sol. C’était comme si on l’avait déposée là, assise pour lui donner un semblant de naturel et pourtant il avait suffit d’un regard pour retourner l’estomac de la noiraude.
« Andevaurshd tír se… » souffle à son tour Aelina. « On trouvera qui lui a fait ça, on-on la ramènera auprès des siens... »
Au loin, Aelina entendit Vaast leur donner des directives. Très bien. Ce n’était pas ce que lui hurlait son instinct de faire mais il fallait agir avec raison et non le cœur. Pourtant… Aelina ne voulait qu’une chose : Qu’on puisse ramener cette jeune femme auprès de son peuple et l’inhumer avec la décence qu’elle méritait. Pas qu’on la bouscule et la fouille comme si elle n’était plus qu’une chose… Comme ce qui arrive à ceux qui ne passent pas l’hiver dans les rues austères de la ville. Mais non. C’est différent, se rassure-t-elle en secouant la tête.
Neve, déjà accroupie, venait d’attraper quelque chose : une balle. L’herboriste s’abaisse également, scrutant l’objet. Du sang séché ? Elle lève les yeux vers la rousse à l’air endormit, approche sa paume et abaisse ses paupières avec douceur.
« Je suis désolée… Je vais la manipuler un peu, il y a quelque chose d’étrange… »
C’est là que la conscience professionnelle mêlée de la curiosité scientifique se mettent au premier plan dans l’esprit agité de la jeune femme. Elle glisse le bout de ses doigts sur la nuque à la posture étrange puis elle fouille les poches. Rien de significatif à l’intérieur. Détail. Ce qui l’interpelle le plus c’est l’absence de sang autour de la défunte. Si elle avait été tuée par une balle, elle aurait dû saigner… C’est un mystère qu’elle va devoir percer en premier.
Délicatement, poussée par Neve à la manipuler en douceur, elle ausculte en détail les blessures. Elles sont étranges. Peu profondes aussi. Pas assez pour mettre à mort quelqu’un. Et pourquoi a-t-elle tant de feuillage et de boue sur elle ? Malgré la présence de tiges de fleurs sur son vêtement, il est évident qu’elle ne se serait pas ainsi salie pour la cueillette de quelques boutures.
« Tu peux m’aider à la retourner ? »
La nuque avait une posture étrange, il devait bien y avoir une raison. Malgré tout, même à deux, cela se révèle délicat car la blessure est bien plus impressionnante que les “éclats de balles”. Lui a-t-on brisé la nuque ? Ou alors est-ce arrivé après sa mort ? Aelina se questionne. Mais c’est avec un hoquet de stupeur qu’elle découvre l’état de sa tête à l’arrière. Elle glisse sa main dans la chevelure, sentant une lourde balafre sous ses doigts. Celle-ci est visible aussi car du sang est apparent et son cuir chevelu est abîmé, son os enfoncé. Mais pourquoi ses cheveux sont mouillés et non poisseux ? Il n’y a pas non plus de sang sur le tronc.
« Je ne crois pas que du poison l'ait emporté. »
« Moi non plus. Je n’ai pas relevé des symptômes d’empoisonnement. »
Et c’est d’ailleurs un sujet qu’elle maîtrise bien. Certaines plantes sont toxiques et il est important de les identifier, connaître leurs effets et comment fabriquer des antidotes. A vrai dire c’est comme ça que la jeune femme à commencé à s’intéresser à la biologie et la médecine. Elle n’a pas suivi de formation approfondie, même si elle aimerait bien, mais Galleren, son mentor, lui en avait enseigné des bases et par la suite elle avait continué à s’instruire, sa soif de savoir l’ayant poussée à approfondir ses connaissances, ne serait-ce qu’avec la théorie inscrire sur des pages de papier illustrés. Il faut bien avouer d’ailleurs que dans la situation actuelle ces connaissances pourraient les aider.
Neve tenta de donner une posture décente à la défunte, ce qui attira le regard de l’herboriste sur ses mains. Tient, elle a semblé se débattre à un moment. Une lutte ? Ce n’était qu’un détail de plus mais cela avait conforté l’hypothèse glaçante qui se formait déjà dans l’esprit de la scientiste.
« Elle n’est pas décédée ici et encore moins de ces balles. La blessure au torse est superficielle mais celles à son cou et sa tête ont bien pu provoquer sa mort. Et… Il y aurait dû y avoir du sang. Tout parait faux. Je-Je vais avertir les autres de ce que l’on a découvert. Tu veux rester auprès d’elle ? »
Se relevant, elle s’éloigna de la défunte. Même si elle se sentait toujours aussi nauséeuse, elle tentait de faire bonne figure. Mais au moins, elle n’était plus confrontée à l’image terrible de la mort choquante de cette pauvre âme. C’est avec un léger raclement de gorge qu’elle vint interrompre le dialogue en cours entre les quatre hommes.
« P-Pardonnez-moi de vous interrompre. On a découvert beaucoup de choses. La jeune femme s’appelait Merryn, c’était une native. Elle est placée assise contre un arbre et on a trouvé des balles près d’elle mais… Pour moi, c’est une mise en scène. Le sang est sec sur les balles, la blessure apparente est peu profonde et le sang peu abondant et sec lui aussi. Pa-Par contre on lui fr… Fracassé le crâne. Mais pas ici, il n’y a vraiment pas de sang ici et puis j’ai trouvé étrange qu’elle est pleine de boue, d’eau et de branchages… Je crois qu’on l’a tuée ailleurs, placée ici et fabriqué de fausses preuves en lui faisant une blessure par balle. Le tueur à eu le temps, vu son corps ça fait au moins une heure qu’elle nous à quitté.»
Les joues de la jeune femme s’enflammèrent d’un coup, réalisant qu’elle avait parlé avec appuie malgré son léger bafouillement de stress. Elle détourna les yeux, bredouillant de plus belle.
« M-Mais ce n’est que ma théorie. J’ai-j’ai quel-quelques notions de médecine m-mais je-je ne sais pas tout. »
Il adressa un large sourire, hypocrite, à Vaast lorsque celui-ci lui intima l'ordre d'aller chercher le messager et de lui ôter ses chaussures. Fort heureusement ce dernier était un grand garçon, doté d'oreilles en état de fonctionnement, et s'en était chargé lui même. Il aurait été hors de question qu'Anselme ne lui touche les pieds, de toute façon. Sa tâche accomplie, il n'avait plus à attendre que les jeunes femmes terminent d'examiner le corps.
En jetant un oeil dans leur direction, il senti un frisson le parcourir. Il ne s'était jamais retrouvé si près d'un corps. Une fois cette sensation d'écœurement passée, et malgré quelques plaisanteries de très mauvais goût qui lui passèrent par la tête, qu'il eut tout de même la bienséance de garder pour lui, étant donné les circonstances, il souffla du nez, longuement. Cette jeune femme, qui qu'elle puisse être, était morte. Plus de promenade ne forêt pour elle. Plus de bon repas. Plus de bons moments avec ses amis ou sa famille. C'était terminé. Fini. Il adressa une prière silencieuse à n'importe qui, ou n'importe quoi, qui serait susceptible d'apporter la paix à la défunte.
Anselme se rapprocha du reste du groupe juste avant qu'Aelina ne revienne vers eux, et écouta son analyse. Puis vint les explications des personnes présentes avant leur arrivée. Il sursauta lorsque le thélémite se mit à hurler, et quelque chose vint prendre Anselme aux tripes. Les hurlements de l'homme serrait quelque chose à l'intérieur d'Anselme, il ne saurait trop dire quoi, son coeur, son estomac, mais ça le remuait.
Il le fixait, avec autant de compassion qu'il le pouvait. Puis il se tourna vers Aelina.
"Une heure, ça laisse peu de temps à quelqu'un pour commettre un meurtre, déplacer un corps et tenter de maquiller ça en... en quoi, d'ailleurs?"
Il laissa à la jeune femme le temps de répondre avant de poursuivre.
"Vous parlez d'eau et de boue. Il y a de ça, près d'ici?"
Décidément, la soirée prenait une drôle de tournure. Anselme ne s'attendait pas lui même à s'intéresser à l'affaire, et le voilà qui posait des questions.
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Musclé. Se laisse faire. Sang-froid.
Fier. Pas habitué à la violence.
Le type et son compagnon n’étaient pas difficiles à cerner. En revanche, le thélémite…
Vaast dut le quitter des yeux un court instant pour se concentrer sur la tirade du Garde. Son honnêteté et sa précision l’amenèrent à le gratifier d’un hochement de tête. Il ne voyait ni regard en coin, ni pouls qui accélérait soudain dans le cou, ni geste nerveux - et surtout, tout concordait. Peu lui importait que le messager soit gêné à l’idée que son amourette soit dévoilée.
-Pas besoin de vous mettre aux arrêts, finit par déclarer Vaast. J’ai vos noms et vos déclarations concordent.
Il ajouta à l’adresse de Vincent :
-Vos relations ne me regardent pas. Je n’ai aucune raison d’en parler à qui que ce soit, n'est-ce pas ?
Puisqu’apparemment c’était un sujet sensible, autant le rassurer sur ce point-là. Il avait néanmoins fini sur une note interrogative pour lui rappeler qu'il pourrait être dans son intérêt de ne pas dépeindre un tableau trop noir de l'inquisiteur. Il était toutefois inutile d'aller plus loin qu'un sous-entendu : le Garde, manifestement, se fichait lui de garder le secret.
La jeune femme de l’Alliance se dirigeait vers eux. Il se tourna vers elle et écouta ses conclusions sans l’interrompre. La description clinique allait avec les conclusions qu’elle en tirait ; l’inquisiteur sentit son front se plisser. Certes, elle était de l’Alliance, mais il y avait la Native avec elle et le corps à quelques mètres s’il voulait aller vérifier. Lui mentir ne faisait pas sens.
-Quelqu’un qui sait se servir d’une arme à feu fabrique de meilleures preuves que ça, finit-il par laisser tomber. A-t-on seulement entendu un coup de feu ?
Ce qui innocentait aisément la Garde et l’Alliance du Pont. Voire ceux qui avaient combattu contre des fusiliers, aussi. La scène pouvait avoir été fabriquée par un Natif, un noble de la Congrégation, un thélémite ignare… Cela laissait trop de possibilités.
-Si vous avez de quoi écrire, notez toutes vos observations. Vous risquez d’avoir les idées beaucoup moins claires d’ici quelques heures et il faut rendre le corps aux siens.
Il put enfin se tourner de nouveau vers le thélémite.
Lui avait l’air d’être beaucoup plus concerné par l’affaire. Merryn, avait-il dit. Vaast s’accroupit pour lui parler, mais avant qu’il ait pu ouvrir la bouche pour le relancer, le mage se lança dans une longue déclaration saccadée qui se termina par un hurlement.
Vaast tendit la main et appuya légèrement sur sa pomme d’adam pour couper court au cri naissant. Le mage était bon pour tousser un peu, mais il avait fait attention à ne pas provoquer de sensation d’étranglement. Sans attendre, il l’attrapa par les épaules.
-Regardez-moi, ordonna-t-il.
Il avait l’air tellement loin… Aucun sort ne pouvait le ramener. Si la tentative de Vaast échouait, il serait vite à court d’options. Il se contenta donc de le fixer droit dans les yeux comme s'il s'agissait d'une urgence.
-Vous êtes innocent. Je vous crois.
C’était une exagération. Il ne lui faisait pas confiance. Le trouble de l’homme et son emportement pouvaient très bien avoir causé la mort de la Native malgré lui. Mais il avait besoin de le rassurer pour obtenir plus d’informations.
-Vous la connaissez, dit-il en optant pour le présent - parce qu’en parler au passé avait l’air trop dur. Merryn aime la forêt. Elle veut vous retrouver, mais pas en ville…
Que le mage réussisse à ajouter quelque chose qui soit digne d’intérêt ou non, Vaast se releva ensuite. Il lui semblait sentir que quelque part, tout au fond, quelque chose en lui n'allait pas bien, mais il refoula ce sentiment.
-Messieurs Orgeval et de Livois, merci pour votre coopération. Vous pouvez bien sûr reprendre vos possessions et faire votre rapport. J’arrive dans un instant avec monsieur et mes propres conclusions.
Affirme Neve dans sa langue maternelle à Aelina, l’air plein un peu assuré et un peu buté à la fois. Apparemment, l’idée que quiconque en décide autrement ne lui traverse pas l’esprit, et elle semble trouver un peu de réconfort en songeant que ses proches vont au moins pouvoir retrouver Merryn, même ainsi.
Tandis que la manipulation avance, c’est résolue mais pragmatique que Neve répond à Aelina :
- Vas-y.
Elle veille à chacune de ses actions mais semble déjà avoir apprécié les gestes délicats de la jeune herboriste et la façon dont elle a fermé les yeux de Merryn. Elle-même aplatit un peu ses cheveux, elle les effleure si doucement qu’on dirait qu’elle cherche à bercer la victime alors qu’elle est simplement endormie.
Le fait qu’il y ait effectivement « quelque chose d’étrange » pousse Neve à suivre Aelina et à ne pas lui interdire l’accès au corps. Avec mille précautions elle l’aide à retourner Merryn mais tient la main de cette dernière comme si elle craignait de la laisser seule. Ou de lui faire mal. Elle murmure des choses dans sa langue, des paroles de réconfort, mais aussi des promesses : que si c’est la main d’un Homme qui s’est abattu sur Merryn, le responsable recevra une punition terrible.
Quand Aelina propose à Neve de rester aux côtés de la native celle-ci acquiesce. Elle ne lâche pas les doigts glacés ne Merryn et l’allonge, comme pour détendre son corps crispé à jamais.
- Je vais m’occuper du corps. Je suis Voglendaig.
Explique Neve. A la façon dont elle le dit, la mâchoire serrée, elle n’est pas heureuse de le faire. Peut-être est-ce même la première fois. Mais il s’agit de son devoir, et elle s’y attèle tandis qu’Aelina s’éloigne.
Cédric opine simplement du chef pour Vaast. Quant à Vincent, qui n’est probablement pas un noble de la Congrégation pour rien, il comprend tout de suite le sous-entendu et s’exclame :
- Bien sûr ! Un homme de votre qualité sait rester discret !
Assure Vincent tandis que Cédric se contente de pousser un bref soupir. A la remarque de Vaast sur un potentiel coup de feu, il répond :
- On n’a rien entendu.
Quant à Anselme, il lui lance :
- Près de la falaise, c’est très boueux mais on pourrait dire de même de toute la futaie.
Vincent, lui, est davantage intéressé parce qu’Aelina raconte. Il se couvre la bouche.
- Vous voulez dire que vous pensez à un meurtre ? Oh, non, non…
Il se frotte le front, apparemment pas ravi d’être celui qui devra apporter une telle nouvelle à tous ces grands personnages. Cédric lui frotte légèrement le dos dans un signe de soutien.
- Pauvre fille.
Commente le Garde, et sa compassion, bien que très lasse, n’a pas l’air d’être feinte.
Le thélémite, de son côté, s’est fait clouer le bec par Vaast. Il ne semble pas l’avoir entendu, pas plus qu’il n’a prêté oreille à Aelina. Prostré dans son coin, il a l’air de vouloir faire disparaître le reste du monde, la tête enfouie dans ses mains.
Que Vaast l’ait assuré qu’il croyait en son innocence ne l’a pas apaisé. Il s’est contenté d’opiner du chef, les yeux hagards, quand l’inquisiteur a signifié qu’il connaissait la victime. Après s’être donné en spectacle en gémissant, l’homme a opté pour la tactique inverse : il se tait, et flotte probablement dans le brouillard de ses pensées.
Il ne faut pas le dire deux fois à Vincent. Il se relève et reprend ses chaussures. Cédric est plus lent, mais commence également à se rechausser. Voyant cela, Neve les pensant tous sur le départ se rapproche du groupe. C’est avec visiblement l’idée d’aider qu’elle leur tend les balles qu’elle a récupéré autour de Merryn.
Les petits morceaux de métal produisent une réaction viscérale chez le thélémite. Il les fixe et se redresse comme un diable qui sort de sa boîte, si vite que Neve recule quand il tend une main qui n’a rien de douce vers elle. La jeune native parvient à lui échapper, vive, et va s’abriter près d’Aelina non sans avoir fait tomber une des balles dans sa précipitation. Elle a l’air apeuré, et le thélémite ne s’en aperçoit même pas, lui dans son bel habit au col amidonné qui signale, dans sa coupe, une appartenance probable à l’ordre des missionnaires, fait fi de terroriser une membre du peuple qu’il est venu convertir.
Il ramasse la balle. Il a vu le sang avant de vraiment voir le métal. Le souffle lourd dans sa poitrine, il éructe :
- Alors c’est ça ! Evidemment ! C’est l’Alliance ! J’ai vu un des sbires de la catin qui les dirige ici nous tourner autour durant la fête. Il a osé questionner Merryn sur sa décision !
Le thélémite plante ses yeux dans ceux de Vaast. Les siens sont pleins de larmes. Il doit se figurer que l'inquisiteur comprendra mieux ce qu'il veut dire :
- Merryn s’était promise au Lumineux ! Mais je ne sais pas si c’est suffisant ! Elle n’avait encore pu prononcer aucun vœu officiel ! Et si c’est votre démon qui a son âme…
Il s’adresse évidemment à la native, la voix pleine de dégoût, tout en astiquant frénétiquement la balle jusqu’à ce que les petites croutes de sang tombent au sol ou volètent dans une bourrasque.
[Event] Feat Anselme & Vaast
Les regards s’étaient tournés vers la jeune herboriste comme on s’accroche à une bouée jetée à la mer. Chacun allait de sa théorie, Anselme affirmant qu’en une heure cela devait être difficile de maquiller un meutre en le mettant en scène. Aelina haussa les épaules.
« Je ne sais pas Anselme, mais… C’est une certitude que ce n’est pas un accident. Les… Les coups à l’arrière de son crâne sont bien trop violents pour ne pas avoir été volontaires et tout semble montrer que sa mort n’a pas eu lieu ici. »
« Quelqu’un qui sait se servir d’une arme à feu fabrique de meilleures preuves que ça. A-t-on seulement entendu un coup de feu ? »
« On n’a rien entendu. » affirme l’homme nommé Cédric.
« Ça-ça m'étonnerait aussi. La blessure par balle avait l’air fabriquée comme si quelqu’un l’avait juste… charcutée assez pour placer la balle. »
« Vous parlez d'eau et de boue. Il y a de ça, près d'ici? »
« Près de la falaise, c’est très boueux mais on pourrait dire de même de toute la futaie. »
Plutôt vague comme information, au final… Vaast formula l’idée de noter ce qu’elle avait découvert, ce qui était une bonne idée. Aelina hocha la tête, fouillant dans sa besace. Elle en sort le carnet à croquis et un crayon… Heureusement qu’elle ne quittait jamais son matériel habituel. C’était tout de même triste que ce soit pour annoter sur les circonstances d’un décès que pour faire de jolis dessins. Mais ce n’était pas le moment de râler. Aussitôt, la jeune femme se mit à griffoner tout ce dont elle se souvenait et ses conclusions ainsi que celles de ses compagnons de fortune… Enfin, elle essaya, car rapidement le thélémite se mit à déblatérer avec force.
Il l’avait vue il y a une heure ? Avant sa mort donc. Sans doute peu avant… Mais ce qu’il disait n’avait pas de sens pour la jeune femme. Qu’était donc partie faire la Native avec le thélémite pour qu’il y ait tout une sorte de rituel ? Étaient-ils amants ? Cela pourrait expliquer la réaction surdimensionnée à laquelle ils firent tous face. Il s’était mis dans tous ses états, hurlant à la mort.
Vaast tenta de le calmer mais cela n’avait aucun effet de toute évidence. Alors l’herboriste se dit qu’un petit coup de pouce pourrait sûrement l’aider à reprendre ses esprits. Très vite, elle se saisit d’une fiole contenant de l’essence de basilic et la plaça sous ses narines. En général, la réaction ne se fait pas attendre.
Clac. La fiole échappe des mains de l’herboriste alors que le thélémite se relève brutalement. Par réflexe, Aelina se recule, s’interpose entre l’homme fou et Neve. Celle-ci se blottit d’ailleurs derrière elle, apeurée par l’homme au bel habit… Serait-ce… L’un de ces fameux missionnaires de Thélème ? Ceux qui sont envoyés pour répandre leur “bonne parole” ?
Aelina sursaute elle aussi lorsqu’il se met à éructer en leur direction. Son cœur se met à battre la chamade, ainsi bousculée par cet élan de violence verbale. Il se tient là, les surplombant de sa hauteur, les veines saillantes, accusant, insultant le peuple de la noiraude. Au fil des mots s’échappant de la bouche de cet être odieux, la timidité de la jeune femme se mue en un sentiment plus profond. Comment se permet-il un tel irrespect ? Ses larmes n’ont rien à voir avec de l’affection envers Merryn, ce qu’il pleure c’est lui-même ! Qu’il aille s'auto-flageller dans sa cathédrale ! S’en est… Trop !
Un claquement net retentit soudain, imposant un calme estomaqué. Et pour cause : Aelina faisait face au thélémite, une main en l’air, celle qui venait de réchauffer copieusement la joue de l’homme. La respiration saccadée mais forte, on voyait parfaitement sa poitrine se soulever avec agitation comme si elle ne parvenait à calmer la tempête qui s’était infiltrée en elle. Les pupilles étirées tel un chat sur le qui-vive lui donnaient l’air furieux d’un tigre prêt à mordre.
« Votre attitude me débecte. » articule-t-elle avec une froideur inhabituelle. « Vous profanez de vos paroles la défunte. Tout ceci n’est qu’une chouinerie d’enfant gâté. C’est donc cela qui vous peine tant au point de vous faire perdre la raison ? Une conversion ratée ?! »
Aelina assène ses mots sans laisser le temps à quiconque de l'interrompre. La mâchoire de la jeune femme est serrée à l’extrême. La colère l’avait enveloppée de son manteau vengeur. Comment osait-il ? De quel droit…?
« Qui nous dit que ce n’est pas vous le coupable, d’ailleurs ?! Vous avez échoué, il est même possible que vous ayez tenté de la forcer… Peut-être vous a-t-elle résisté alors vous l’avez tuée ? Quelle belle opportunité, non, pour vous de placer ces balles, dont vous venez d’ailleurs d’effacer les traces sur l’une d’elle ? Et que faisiez-vous exactement, à cet endroit précis, proche de la défunte si vous deviez vous rencontrer dans ce cabanon ? Hein ?! Vous accusez les miens sous prétexte que des balles sont ici, or je vous l’ai dit à tous, allez voir si vous ne me croyez pas, il est impossible qu’on ait tiré sur elle alors n’essayez pas d’embrouiller l’esprit de Vaast. Il n’est pas de votre côté mais du nôtre, à tous. Du sien. »
Ajoute-t-elle en désignant la défunte.
Au moment où le thélémite se mit à réagir plus vivement, à hurler et même à devenir menaçant, Anselme fit un pas en avant. Son instinct d'habitué de taverne lui hurlait que sa raison ne lui servirait plus à rien et qu'il fallait juste lancer son poing dans la direction de l'homme. Mais la réaction fut aussi brève que soudaine. Anselme se stoppa net, coupé dans son élan par un bruit sec. Ses yeux écarquillés laissèrent place à un plissement, et un rire lui échappa. Il aurait bien félicité la gamine pour sa réaction si spontanée, mais il n'en fit rien. Elle n'avait laissé le temps à personne de rétorquer. Le thélémite se faisant salement engueuler. C'est qu'elle en avait de la voix, pour quelqu'un qui manquait d'assurance à peine un instant avant.
Tout de même, l'homme était un homme, en face d'une jeune femme. Anselme s'était donc rapproché d'elle, restant tout de même à distance pour ne pas se faire trop menaçant, mais était à présent suffisamment près pour s'interposer si le bonhomme se laissait emporter. Il espérait aussi que Vaast, plus à même de de neutraliser le thélémite en cas de réaction violente à la gifle d'Aelina, n'hésiterait pas à lui rentrer dans le lard.
Dansez les yeux fermésFeat Aelina & Anselme
Que Vincent soit désemparé en apprenant qu’il s’agissait d’un meurtre donnait à Vaast envie de se mettre à crier. A quoi s’attendaient-ils, tous ? A ce que cette soirée se déroule sans le moindre accroc ? A ce qu’il soit normal de trouver des cadavres dans les bois ? Mademoiselle a dû se tromper, voyons, cette Native a dû tousser un peu trop fort, et voilà, vous savez ce que c’est !
Mais il n’en dit rien, même s’il dut se mordre la langue.
Et puis tout alla très vite. L’envoyée des Natifs arriva avec les balles, Vaast voulut se pencher pour voir, le thélémite fit tomber le flacon de l’alchimiste et se rua sur elle, et ses élucubrations reprirent. Mais cette fois-ci, l’inquisiteur ne fit rien pour le faire taire, parce qu’il avait enfin ce qu’il souhaitait : des réponses.
Une Native qui avait voulu rejoindre Thélème. A supposer bien sûr que l’homme dise vrai - mais s’il disait faux, ce serait bien malgré lui, songea Vaast en fixant le mage. Un type de l’Alliance avait dû avoir vent de l’affaire… Evidemment, l’Alliance aurait de quoi s’inquiéter si les Natifs commençaient à s’allier à leurs ennemis. Mais le montage de la scène semblait si grossier… Quelqu’un d’autre avait dû avoir un motif. Peut-être que cette conversion n’avait pas été du goût de tout le monde…
Un bruit interrompit ses réflexions : l’herboriste venait de gifler le mage - et voilà qu’elle s’énervait ! Et elle le défendait, en plus ! C’était le monde à l’envers !
Il n’allait tout de même pas la laisser passer ses nerfs sur leur principal témoin.
-Assez.
Vaast attrapa le poignet de la jeune femme et le baissa de force, mais il conserva un ton calme.
-Je comprends que vous soyez en colère, mademoiselle, mais on ne parle pas d’une cérémonie écourtée, on parle du salut d’une âme.
Il se doutait que cela risquait de n’avoir aucun sens pour elle. Alix aurait louché. Il ajouta donc :
-Je sais que ça ne veut rien dire pour l’Alliance, et je ne vous demande pas de comprendre les thélémites en cinq minutes. Je ne dis même pas que vous avez tort - peut-être que notre suspect est allé trop loin avec la victime - mais réfléchissez un peu. La nouvelle de cette conversion aurait pu agiter beaucoup de monde. Monsieur n’est pas le seul qui aurait pu avoir des raisons de vouloir s’en prendre à la victime.
Se tournant vers le mage, il ajouta :
-Si Merryn était sincère, alors elle repose à présent aux côtés du Lumineux. Pour l’heure, venez avec nous. Nous devons retourner au feu de camp annoncer nos découvertes. Marchez devant moi.
Avant de se mettre en marche, il eut une pensée pour Juliette et se tourna vers Neve.
-J’espère que nous pourrons mettre la main sur le coupable. Je suis navré.
- Comment osez-vous espèce de sale petite garce ! Insinuer des choses aussi abjectes alors qu’il est évident que les vôtres sont responsables ! Merryn est venue me voir de son propre chef ! Si vous voulez blâmer quelqu’un, blâmez le harcèlement constant que les vôtres font subir à son peuple ! Je ne me justifierai pas devant vous ni pour ma présence ici ni pour quoi que ce soit d’autre ! Vous venez de lever la main sur un homme dans un sommet pour la paix ! Vous allez en répondre devant la justice !
Ironique quand son propre camp l’a frappé bien plus durement – en la personne de Vaast – mais cela semble bien arranger le thélémite de ne pas le reconnaître. Il s’avance vers Aelina mais s’arrête net en voyant qu’Anselme se glisse aux côtés de l’herboriste. Cédric et Vincent observant la scène, et le Garde semble lui aussi avoir envie d’intervenir, les poings serrés, mais son comparse lui murmure de se contenir.
Quand Vaast s’interpose, le thélémite fixe la main qui tient le poignet d’Aelina comme s’il avait souhaité que l’inquisiteur le broie entre sa poigne.
- Je n’attends pas l’illumination de la part de deux gamines, deux hérétiques de surcroît, mon frère. Croyez-bien que je conserve cette balle pour en montrer la preuve accablante à Frère Ariel.
Lance le thélémite à Vaast entre ses deux serrées :
- Le salut de l’âme de Merryn est plus important que tout ce pour lequel elle a œuvré dans sa vie mortelle. C’est son chemin vers l’éternité ! Qu’est ce qui pourrait m’importer d’autre que sa conversion en cet instant ? Ce n’est nullement un signe de ma culpabilité, s’il faut que cela prouve quelque chose c’est mon souci pour elle !
Neve roule des yeux. Elle a regagné un peu d’aplomb grâce à Aelina. Qu’elle s’interpose de la sorte et se montre si virulente, si assurée, lui a donné le temps de se reprendre.
- Alors, poursuit le thélémite à l’attention de Vaast, qu’attendez-vous pour la mettre aux arrêts ? Vous avez tous vu ce qu’elle a fait !
Cette idée ne semble pas du tout plaire à Vincent qui s’exclame d’un ton un peu aigue :
- Ah non, hein ! Vous êtes des témoins pas des forces de loi ! Personne n’emmène qui que ce soit, surtout pas des factions rivales ! Monsieur, je vous en conjure, la tension plane dans l’air, nous avons tous été un peu… asticotés !
Vincent jette une œillade à Vaast puis à ses propres chaussures.
- Comprenez donc mademoiselle, c’est probablement l’un des premiers cadavres qu’elle voit et vous êtes… Eh bien vous êtes… Un rien sur les nerfs, s’il faut tout vous dire sans détour.
Euphémisme du siècle, mais Vincent le dit comme s’il s’agissait d’une terrible insulte et qu’il osait à peine la murmurer. Le discours n’a guère l’air de détromper le thélémite.
Neve se tourne vers Vaast quand celui-ci s’excuse. Cette-fois, c’est elle qui semble avoir envie de s’interposer entre Aelina et l’inquisiteur . Malgré leurs différences de taille, la jeune native ne semble pas intimidée. Elle secoue légèrement la tête :
- Je suis navrée pour vous.
Elle lui répond, non sans glisser une œillade à l’autre thélémite. Et elle semble habitée d’une pitié sincère, comme si elle voyait en Vaast tout sauf un géant aux allures de bourreaux, mais quoi qu’elle distingue, quoi qu’elle veuille dire, elle ne développe pas. Elle ajoute plutôt en direction de l’assemblée :
- Merryn est partie. Je ne sais pas exactement ce que vous appelez « âme » mais vous n’aurez rien d’elle qu’elle ne vous aura pas donné librement. Elle ira là où elle doit aller, selon sa volonté. Personne ici n’essaie de vous l’arracher, embrume-esprit. Elle nous a déjà été prise à tous. Si vous l’aimiez, vous pleureriez avec le peuple qui l’aimait tout autant. Et si vous considérez même son cadavre comme une bataille, alors je ne vous envie pas car elle est bien amère.
La tirade de la jeune femme est accueillie par un silence de la part du thélémite. Pas qu’il ait sincèrement l’air de se remettre en question. Il se contente de secouer la tête, comme si personne autour de lui ne pouvait comprendre que ce qu’il disait était du bon sens, que tout le monde alentours était fou sauf lui mais…
Il y a effectivement de l’amertume dans sa silhouette voutée et ses poings serrés, une amertume butée, comme si son comportement émanait d’un refus d’accepter la mort de Merryn, ou peut-être d’une volonté d’un dernier contrôle sur quelque chose lui appartenant. Neve, elle, semble considérer que ces affaires spirituelles ne sont plus de son ressort, et qu’il lui faut parer aux choses sur lesquelles elle peut exercer une influence.
Vincent brise l’instant en se raclant la gorge.
- Monsieur... Vaast a soulevé un point tout à fait intéressant, et je dirais même pertinent, en suggérant que nous retournions auprès des dignitaires.
Le thélémite prend une brève inspiration.
- Soit.
Mais au regard qu’il adresse à Aelina et à la Native, la partie ne semble pas finie pour lui, loin de là. Neve décoche une œillade au thélémite, chargée de la pitié qu’elle a témoigné à Vaast mais qui se teinte ici de dégout. Ensuite, elle pose une main sur l’épaule d’Aelina et lui souffle.
- Merci. Je raconterai ton comportement exemplaire aux miens… Lysha.
Neve articule le nom avec application, comme pour le graver dans son esprit. Elle-même décide de rester en arrière pour veiller le corps de Merryn.
Comme le thélémite prend la tête, Cédric se met à ses côtés et interpelle Anselme.
- Hey, mon gars ! Viens l’escorter avec moi.
Le thélémite n’est visiblement pas ravi qu’il lui faille une « escorte » mais Cédric ne le colle pas. Il se contente de marcher à ses côtés, devançant Vaast comme prévu, et lance tout de même à Vincent.
- Si j’avais su qu’on pouvait amener une arme…
- Cédric !
Proteste le noble. Le reste du chemin se fait dans le silence.
[Event] Feat Anselme & Vaast
C’était prévisible. Le thélémite n’était qu’un homme empli de haine envers ceux qui lui étaient différents mais il était aussi imbu de sa personne. Concrètement, il représentait tout ce qui donnait la nausée à la jeune femme. Il hurlait de plus belle, l’insultant avec tout le dédain dont il était capable. Sale petite garce ? Voilà ce qu’elle était à ses yeux. Rien de plus qu’une sale gamine qui avait l’outrecuidance de le contredire. Comment pourrait-il bien l’écouter une seconde, lui qui n’était seulement aveuglé que par son mépris de l’Alliance ? C’est eux les responsables tout désignés, forcément. Et la jeune femme était une ennemie à ses yeux. Elle, en répondre devant la justice ?
Qu’il essaie.
Anselme venait de s’interposer entre eux, se plaçant de la manière à dissuader l’homme de faire pression sur la frêle jeune femme. Celle-ci tremblait de la tête aux pieds, accusant le contrecoup de sa colère légitime, la peur face à la véhémence du mage et le choc d’avoir dû ausculter une défunte. Mais ce fut la poigne ferme de l’inquisiteur qui lui arracha un hoquet de stupeur. Ce fut aussi instantané qu’un électrochoc : La protestation mourut dans la gorge de l’herboriste avant même qu’elle ait pu commencer.
Aelina resta interdite, se contentant de plonger son regard empli de désarroi dans celui intransigeant de l’inquisiteur. C’est vrai… Elle s’était laissée emportée sans réfléchir à ses paroles. La gifle et ses premières paroles avaient été parfaitement sincères mais elle avait eu tort d’accuser le mage ainsi, sous prétexte qu’il avait été confortable de retourner les accusations du thélémite envers les siens. Répondre à la haine par le même biais… Ce n’était pas dans sa nature. L’instabilité émotionnelle de la jeune femme n’avait de toute évidence par joué en sa faveur.
La jeune femme devait garder son calme, c’était la seule manière de rester objective et réfléchie. Elle inspira longuement, tâchant de retrouver ses esprits. Mais c’était sans compter sur le missionnaire qui ne faisait qu'augmenter les tensions en continuant de pester, manquant à nouveau de respect envers elle. Il osa même à nouveau parler de Merryn et de son salut, estimant que c’était ce qui prouvait qu’il se souciait d’elle. Abruti. Il alla même jusqu’à demander à ce qu’on mette Aelina aux arrêts pour une simple gifle. Gifle qui lui avait permis, tout de même, de cesser de hurler comme un loup à l’agonie et retrouver suffisamment ses esprits pour qu’il arrive à formuler des phrases cohérentes.
Heureusement, Vincent intervient en sa faveur, tentant d’apaiser les tensions. Puisque tout le monde tentait de montrer patte blanche, la jeune femme consentit à faire quelques efforts aussi. Mais qu’on soit clairs : Elle ne regrettait ni ne s’excusait de son comportement envers ce malappris.
« J-J’admet m’être emportée, mais avouez que la situation n’est pas n-on plus en votre faveur. Vous agissiez comme un dément et avec une telle hostilité envers mon peuple et celui de Neve. »
Celle-ci se montrait d’ailleurs d’une grande sagesse. Bien qu’elle ne comprenne pas non plus ce qu’était le concept d’âme et le cautionne pas le comportement de ceux qu’elle appelait embrume-esprit, les mots qu’elle venait de prononcer plongèrent les autres dans un grand silence. Au moins, cela permet à tous de prendre une décision, à savoir de retourner faire leur rapport sur la situation.
Si tous s’étaient un tant soit peu apaisés, le thélémite restait empli d’aigreur et de dégoût. Le regard qu’il porta à Neve puis à Aelina n’eut pour effet que de serrer davantage la mâchoire de cette dernière. Quoi qu’il ait en tête, la jeune femme fera en sorte que ce soit “elle” qu’on écoute et non “lui”. D’ailleurs, laissant les autres commencer à marcher, elle resta quelques instants, le temps de dire quelques mots à la Native.
« Merci à toi de m’avoir fait confiance. » prononce-t-elle en langue native, bien qu’elle soit approximative. « Peux-tu me confier les deux balles restantes ? »
Aelina comptait bien garder des preuves entre ses mains plutôt que celles de ce menteur de Thélémite. Qu’il ose dire que c’est une balle qui a tué la Native, elle prouvera le contraire, preuve à l’appui. D’ailleurs, elle averti les autres qu’il fallait qu’elle note ce qu’ils avaient découvert avant de les rejoindre. Elle resta donc encore un instant, le temps de recopier soigneusement chaque information puis rejoignit la troupe en quelques foulées.
Elle était prête à exposer les faits. Le nez plongé dans son carnet, elle décortique chaque détail. Le temps de la marche lui permettrait d’analyser la situation dans son ensemble. Le moindre détail avait un sens et une importance dans le déroulement des événements… Restait à voir si elle avait raison.