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Il était une fois... | Dilay

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Autour d’elle, la taverne grouille de monde, de bruit et de fumée. Bavardages, jurons, éclats de rire… C’est la première fois que Rim entre dans la taverne du Denier, et ce n’est pas très différent de ce qu’elle imaginait – pas très différent des bars et des bistrots d’Al Saad qu’elle pouvait fréquenter, en un peu plus grand, peut-être, et un peu plus animé. L’atmosphère n’a en tout cas pas grand-chose à voir avec celle de l’Auberge du Griffon, où cela fait à présent quelques semaines qu’elle a pris l’habitude de conter, en contrepartie d’une petite chambre, de repas gratuits et d’une somme d’argent qui varie en fonction du nombre de clients – et de l’humeur du propriétaire. Là-bas, les tablées sont constituées de personnes plutôt aisées, généralement peu portées sur la boisson, qui viennent avant tout pour se restaurer et profiter d’un couchage confortable. Les veillées de contes les distraient, les amusent et aiguisent leur curiosité, et leur attention n’est guère difficile à captiver. Alors qu’ici…

Un léger sourire se dessine sur les lèvres de la jeune femme. Elle a toujours aimé les défis.

Après avoir terminé son verre, elle le repose sur le comptoir, adresse un petit signe de tête au tenancier et saute sur ses pieds pour se diriger vers le haut tabouret qui a été disposé en face des tables et des bancs de bois, aménagés en demi-cercle pour l’occasion. Peu de clients la remarquent, et les discussions ne faiblissent pas tandis qu’elle s’installe.

- Bonsoir.

Voix chaude et puissante, mélodieuse – les premiers temps, elle était sans cesse enrouée à force de conter tous les jours, et elle a dû s’entraîner dur pour parvenir à ce timbre plein et modulé, capable de se faire largement entendre sans rien perdre de son chantant.

- Je m’appelle Rim et, aussi étrange que ça puisse paraître, je suis là pour vous raconter des histoires.

Face à elle, les conversations s’éteignent peu à peu et elle devine, aux œillades et aux chuchotement qui s’échangent dans la salle, que les clients ne s’attendaient pas à cela. Sans doute imaginaient-ils une vieille femme toute ridée, ou un homme à la longue barbe blanche, et non pas une jeune femme au sourire insolent dont la tunique sans manche laisse entrevoir un tatouage aux fines arabesques florales entrelacées. Rim attend encore quelques secondes que le silence s’épaississe avant de reprendre la parole.

- Bon, maintenant que je me suis présentée…

Elle balaie son public du regard. Beaucoup d’hommes, certains habillés en civil, d’autres revêtus de l’uniforme vert et argent de la garde. Cela lui a fait un petit coup au cœur, en arrivant, de voir tous ces soldats – enfant-voleuse dans les rues d’Al Saad, elle passait son temps à essayer de leur échapper et, même à présent, elle les associe encore davantage à la peur qu’à la sécurité. Et puis à la vue de tous ces jeunes hommes en uniforme, l’image de Selim ne peut s’empêcher de remonter à la surface – et elle a beau essayer de se concentrer et de se barricader la mémoire, elle sait que la silhouette est là, flottante, à la lisière du souvenir. Prête à surgir au moindre faux pas.

- … à votre tour ! Tiens, toi, comment tu t’appelles ?


Elle s’est adressée à un jeune garde au crâne rasé qui l’observe d’un air mi-interrogateur mi-intéressé. Elle a remarqué un peu plus tôt qu’il était au centre des bavardages et des plaisanteries de sa tablée et elle a l’intuition que, si elle réussit à retenir son attention, les autres suivront.

- Moi ? Je… Aziz.
- Et de quelle région viens-tu ?
- Euh… Un tout petit village des montagnes, sur les hauteurs, à plusieurs jours de marche des steppes qui entourent Al Saad. Les sommets sont couverts toute l’année de glaciers et de neige éternelle, c’est magnifique.

Quelques ricanements fusent autour de lui tandis que ses pommettes se colorent légèrement. Tout à coup, il ressemble un peu à un petit garçon perdu et nostalgique, avec le mal du pays, dans un costume militaire trop grand pour lui. Rim lui sourit.

- Les pics de glace et les monts enneigés, même au cœur de l’été… J’ai toujours entendu dire que c’était splendide. Est-ce que tu connais des histoires de là-bas ?
- Des histoires ?

Il hésite un instant, fouillant ses souvenirs. Pris au jeu malgré lui.

- Eh bien… Je me rappelle que ma grand-mère me racontait des choses sur le vent… Elle me disait qu’en réalité, il était une belle jeune fille prénommée Ournia, ou Soufia, peut-être… je me souviens plus très bien…
- Sousnia, c’est bien ça ?

Une demi-seconde de réflexion puis Aziz hoche la tête, un peu interloqué. Les autres clients se sont à présent entièrement tus, suspendus à leur échange.

- Sousnia, le vent plaintif des sommets et des hauts plateaux, qui chante, pleure et sanglote toutes les nuits de pleine lune… Est-ce qu’il y en a d’autres ici qui ont entendu parler de ce mythe ?


Quelques mains timides se lèvent dans la salle.

- Et parmi vous, qui connaît la légende de ses fiançailles avec Souhaila la blanche, cascade des glaciers ?

Les mains se baissent. Sur les visages des hommes et des femmes qui lui font face, Rim reconnaît ce mélange d’attente et de curiosité qui fait scintiller le regard de tous ceux qui l’écoutent tandis que  le conte, chatoyant, commence à se déployer. La moindre pause, la moindre intonation a alors son importance, et elle sait que la plus légère des respirations peut suffire à détourner ou captiver définitivement l’attention de son public.

C’est un jeu d’équilibriste, ou peut-être d’illusionniste. Mais cela lui plaît.

- Dans ce cas, laissez-moi vous la raconter…

*

- Rim, si je me souviens bien ?

La jeune femme suspend son geste, sa cuillère à quelques centimètres de l’assiette de potage qu’on vient de lui servir, et se tourne vers la voix qui a résonné à son oreille. Un homme d’une trentaine d’années, un peu corpulent, dont elle déteste aussitôt le sourire suffisant. Elle acquiesce en silence, sans reposer sa cuillère.

- J’ai assisté à la soirée de contes, et j’ai beaucoup aimé. Vraiment. Tu as eu un sacré succès. Ça te dit de prendre un verre, pour fêter ça ?


Sans même attendre sa réponse, il pose sur la table deux chopes remplies d’un alcool blond, prêt à prendre place à ses côtés. Déjà il tire une chaise, et Rim se crispe devant son expression satisfaite et arrogante. Elle a envie de le gifler, mais hors de question de provoquer un esclandre après sa première représentation à la taverne du Denier – pas alors que tout s’est si bien passé et qu’elle s’est sentie à la fois si fière et si heureuse, au milieu des regards brillants d’Aziz et des autres, ces visages d’adultes couturés de cicatrices mais aux grands yeux d’enfants, emportés par le rêve, le souvenir et la nostalgie… Ce serait stupide de ruiner un contrat qui a si bien commencé.

- Merci, c’est très aimable à vous.

Toujours ménager les clients. Et en profiter pour instaurer une petite distance avec le vouvoiement, en passant.

- J’accepte la boisson avec plaisir mais, pour le reste…

Elle lui décoche un sourire poli. Et inexorable.

- … je crains de devoir vous décevoir. Je suis toujours fatiguée, après une veillée de contes, et je ne suis pas alors de très bonne compagnie. Vous comprenez, j’espère ?


L’homme semble sur le point de vouloir protester, mais quelque chose le retient au dernier moment. La note décidée de la voix de la jeune femme, peut-être. Ou bien l’éclat glacé qui fait étinceler son regard – un regard qui, lui, ne sourit pas.

- Bien sûr, bien sûr. Une autre fois peut-être.

Il reprend hâtivement son verre, lance un dernier coup d’œil à Rim puis fait demi-tour d’un pas pressé et vaguement rageur. Elle le suit du regard jusqu’à ce qu’il ait disparu dans la volée de marches menant au sous-sol de la taverne, puis elle se saisit de la chope d’alcool blond qu’il a laissée devant elle, entrouvre la fenêtre qui se trouve près de sa table et verse discrètement le contenu de son verre à l’extérieur. Première règle de prudence – élémentaire : ne jamais accepter de boisson de la part d’un inconnu.
Alix
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Il était

Une fois...

Feat Rim


Dilay est absorbée dans la contemplation du liquide ambré. Boire, ne pas boire… Telle est la question.

C’est juste une lampée de bière ! Peut-être celle de trop.

Si Mitra était venue, comme prévu, Dilay ne serait pas aux prises avec ce dilemme parce que son amie l’aurait eu aux lèvres. C’est elle qui lui a donné rendez-vous ici, elle qui lui a rebattu les oreilles au sujet de cette soirée. Des contes – bien sûr que cela va intéresser la linguiste. Dilay, moins. Elle pourrait probablement être en train de faire quelque chose de bien plus lucratif que de regarder son reflet jauni dans un verre d’alcool.

Aucune distraction possible : Dilay pourrait se glisser à une table animée mais elle ne connaît personne ce soir. Ce n’est pas une habituée, et la disciple d’un savant – une chercheuse elle-même – ne devrait pas écumer les tavernes plus ou moins bien famées. Elle ne détonne pas dans la foule pourtant, avec sa dent pivot, la myriade de petites cicatrices sur ses avants bras. On pourrait la prendre pour un membre de la Garde, ou peut-être une travailleuse de force et Dilay n’a pas envie d’être confondue avec quoi que ce soit d’autre. Elle n’a guère le désir d’être ni regardée, ni approchée.

Il y a une distance entre elle et le reste du Pont. Elle n’éprouve aucune hostilité envers les gens attablés ci et là mais le sentiment de n’être qu’une observatrice et non une participante ne la quitte jamais vraiment.

Au moment où Rim monte sur la table, Dilay ne s’attend pas à grand-chose, persuadée qu’elle n’entendra de toute façon pas la femme parler. Elle a tort – la salle fait silence et cela pousse au moins la mathématicienne à relever le nez pour regarder la conteuse.

Elles doivent avoir dans les mêmes âges. Difficile à dire, Dilay fixe surtout la bouche de Rim quand elle parle, lit sur ses lèvres, tout en profitant de son ton. Qu’elle aimerait avoir cette diction-là, la capacité de faire taire d’un coup tout un tas de gens… La pointe d’admiration qu’éprouve la mathématicienne la pousse à prêter son attention à Rim, jusqu’à même se désintéresser totalement du verre. Au fur et à mesure que la conteuse défile ses récits, les mains de Dilay desserrent leurs poignes autour du contenant, jusqu’à reposer à plat sur la table. D’accord, elle ne peut s’empêcher de tapoter parfois des doigts, de la pulpe du doigt car ses ongles contre le bois attireraient l’attention sur elle.

Ce n’est pas ce que Dilay veut. Elle craint presque que Rim l’interroge, détourne le regard quand celle-ci balaie la salle d’une œillade. Parler, parler ça va maintenant. Mais parler dans un tel silence, devant tant de gens… Dilay sent sa gorge se serrer rien qu’à cette pensée, et le rythme de son tapotement accélère. Le seul trait remarquable qu’elle possède ce sont ses nombreux anneaux au visage qui attirent la lumière et la mathématicienne tâche de les dissimuler d’une mèche, le visage de biais, dès que Rim cherche un participant parmi son public.

Piteuse de ce réflexe, Dilay n’est pas réconfortée par l’évocation de Sousnia. Elle aussi vient d’une ville des steppes – pourquoi n’a-t-elle jamais entendu parler de cette histoire ? Peut-être parce qu’Al Saad est trop loin ? Mais que se disait-on à Khorshid ? Dilay a beau réfléchir à toute allure, ses ruminations ne lui apportent aucune réponse. L’une des montagnes près de la ville a un nom singulier, sûrement qu’on lui a déjà dit pourquoi, et qu’elle l’a oublié…

Ce sont des choses qu’on enseigne aux enfants et enfant, Dilay n’a appris de sa culture que ce que ses yeux lui permettaient de voir. Les légendes, on ne lui a pas raconté. Elle aurait été incapable de profiter des inflexions du ton du conteur – et qu’elle puisse lire sur les lèvres, cela n’effleurait pas l’esprit de grand-monde.

Mais, d’une certaine façon, ne rien pouvoir dire de Khorshid que des choses qui se voient d’un regard – où est la ville, de quelle couleur sont ses bâtiments – chagrine Dilay et la frustre alors même que le sujet ne lui avait jusqu’ici même jamais traversé l’esprit.

Peut-être est-ce cela qu’il faut pour se sentir appartenir à quelque part ?
La gêne latente qu’éprouve Dilay ne l’empêche pas de profiter pleinement des histoires de Rim – en tout cas aussi pleinement que son esprit vagabond le lui permet. Parfois, elle se concentre tant que le fait qu’il faut se concentrer, qu’elle revient aux bruits ambiants après quelques instants de flottement.

Mitra présente, sûrement qu’elle aurait pris des notes. Dilay n’est pas inquiète pour elle – l’heure n’est pas trop avancée et son amie et collègue est d’une nature tête en l’air. Probablement a-t-elle tout simplement oublié qu’elles devaient se retrouver ici. Tant pis pour elle, elle rate un spectacle – un spectacle gratuit.

A la suite de cette pensée acerbe, Dilay songe tout de même qu’il faut qu’elle retienne assez pour dire ce qu’elle a entendu à Mitra.
Une fois la veillée finie, Dilay est laissée là avec sa bière, et des images plein la tête qu’ont fait naître les mots de Rim. Son imagination fertile est facilement stimulée par ces récits, plus qu’elle ne l’aurait imaginé et elle éprouve un drôle de mal du pays, davantage pour l’idée de sa ville natale que pour ce qu’elle est vraiment.

Absente pendant une dizaine de minutes à ce qui l’environne, plongée dans ses pensées, Dilay finit par se redresser, décidée à s’adresser directement à la conteuse.

Un type semble déjà avoir eu la même idée. Dilay se rapproche pour lire sur ses lèvres, alors qu’elle ne voit Rim que de côté, et est incapable de savoir ce qu’elle répond. Peu douée pour lire le langage corporel des autres, Dilay n’est pas certaine de déceler une tension chez la conteuse, mais malgré tout elle garde un œil sur elle et le type.

Il finit par partir, Dilay hésite. Peut-être Rim veut-elle rester seule ? Le mieux c’est d’aller demander, et la timidité n’est pas au tableau des traits de caractère de Dilay. D’un pas souple la grande femme se glisse près de la conteuse. Elle ouvre la bouche, la referme pour se racler la gorge. Elle n’a rien dit depuis une petite heure, et ses cordes vocales lui semblent toutes ensuquées.

- S-Salut.

Parvient-elle à lancer malgré tout.

- J-Je suis Dilay. Tu es… Je suis pas douée avec les noms. Je suis plus sûre.

Avoue Dilay avec honnêteté, préférant redemander que d’écorcher le patronyme de son interlocutrice. Elle enchaine, le tutoiement lui venant naturellement :

- ‘Fin, j’ai écouté tout ce que tu as dit. C’était bien. Très bien. Je savais pas que c’était… possible.

Est-ce que Rim se fait payer pour ça, se demande tout d’un coup Dilay. Est-ce que c’est un métier, comme musicien ? Et si oui, comment devient-on conteuse ?

Peut-être qu’Erika apprécierait entendre parler de ce genre d’animations. Elle ne semble jamais se défiler devant les innovations et Dilay n’a jamais rien vu dans une taverne du Denier comme ce que Rim vient de faire. Ce n’est pas faute d’avoir été, un temps, un véritable pilier de comptoir…

- T-Tu vas refaire ça ici ? Les contes.
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Contre toute attente, le potage est plutôt bon – en tout cas, meilleur que ce que ne le laissaient présager sa couleur verdâtre et les morceaux légèrement suspects qui flottent à sa surface. Rim rompt un morceau de pain qu’elle trempe dans son assiette pour y mordre avec appétit. Elle évite toujours de manger juste avant une séance de contes, de peur que cela n’altère sa voix ou son souffle, mais c’est l’un des points positifs à travailler dans des auberges ou dans des tavernes : à la fin de la soirée, elle n’a guère de peine à commander un repas…

- S-Salut.

Elle aperçoit la silhouette une fraction de seconde avant que la voix, dotée d’un léger bégaiement, ne parvienne à son oreille. Une grande femme à la peau sombre, sans doute à peine plus âgée qu’elle, aux cheveux courts et à l’air assuré – à travers ses vêtements, Rim devine sa silhouette musclée et athlétique. Aux piercings qui illuminent son visage de reflets métalliques, la conteuse reconnaît l’une des clientes qui ont assisté à la veillée – ses anneaux faciaux avaient justement attiré son attention tandis qu’elle détaillait son public, mais elle avait renoncé à l’interroger en remarquant son expression gênée et son regard fuyant. Rien de tel qu’une personne mal à l’aise pour gâcher l’ambiance d’une soirée.

Rim continue de mâcher son pain tout en écoutant son interlocutrice se présenter. Dilay, donc. Un très léger accent, qu’elle ne parvient pas à situer, et des paroles exprimant à la fois surprise et sympathie – accompagnées d’une honnêteté que la jeune femme apprécie. Il est rare que les gens avouent sans honte une faiblesse, dès le premier échange. Même si la faiblesse en question est aussi anecdotique qu’une mauvaise mémoire des prénoms.

- Rim.

Elle lui offre un petit sourire puis lui désigne la chaise vide, face à elle, que l’homme a rapprochée quelques instants plus tôt.

- Vas-y, je t’en prie, assieds-toi. Enfin, sauf si tu préfères rester debout.

Une dernière déglutition, qui lui permet de finir d’avaler son morceau de pain.

- Merci, en tout cas. Ça fait toujours plaisir d’entendre que son travail est apprécié.

À vrai dire, elle ne pensait pas, en arrivant à Hikmet, que son activité susciterait un tel étonnement parmi son public, et que les clients seraient si nombreux à venir la voir pour l’interroger ou la féliciter après ses séances, ou simplement discuter avec elle. Certes, tous ses interlocuteurs ne sont pas agréables ni guidés par de bonnes intentions et elle doit parfois couper court, mais elle sent que les compliments de Dilay sont sincères, et cela la touche.

- Si je vais de nouveau conter ici ? Eh bien, ça ne dépend pas seulement de moi...

Elle s’interrompt pour boire une gorgée de bière.

- … mais j’espère. En fait, c’était une sorte de soirée d’expérimentation : c’est la première fois que je viens conter là, à la taverne du Denier – généralement, je travaille à l’Auberge du Griffon, mais aujourd’hui ils ne pouvaient pas m’accueillir. Alors j’ai tenté ici et, si le tenancier est satisfait de la séance, il se peut qu’il me propose de revenir. D’ailleurs, ajoute-t-elle dans un sourire en coin malicieux, si par hasard tu es une habituée des lieux, n’hésite pas à faire ma promotion auprès des serveurs et du patron, histoire de faire pencher la balance en ma faveur ! Je te revaudrai ça en pintes d’alcool… ou, selon tes préférences, en bols de potage, conclut-elle en désignant son assiette d’un menton ironique.

Elle reprend une cuillerée de soupe tout en dévisageant brièvement la jeune femme – se demandant, l’espace d’un instant, qui elle peut bien être. Une membre de la Garde ? Possible, au vu de sa silhouette et de sa musculature. Tout au long de la soirée, elle était pourtant seule à sa table, et n’avait pas l’air de connaître grand-monde…

- Et toi ? C’était la première fois que tu assistais à une veillée de contes ?

Sans doute, si elle en juge par l’ombre admirative qui avait, un peu plus tôt, fugitivement affleuré sur son visage. Il est des regards qui ne mentent pas.
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Feat Rim


Rim. Très bien. Rim, c’est facile à retenir tout de même, ce n’est qu’une syllabe. Dilay adresse à la conteuse un signe du menton, tire la chaise et s’y pose, le dos pas droit, le bras pendant sur le dossier.

Dilay a un sourire facile. Ce n’est pas grand-chose de complimenter quelqu’un, surtout quand c’est vrai.

- Comment ça s’apprend ? Ton travail ?

S’enquiert la mathématicienne avec un bref haussement de sourcils. La question fuse sans vraiment que Dilay y prenne garde, trop curieuse pour se retenir d’interroger. C’est si nouveau, et donc si intriguant.

- T-T’as été à une Académie ?

De toutes les matières qui y sont enseignées, peut-être existe-t-il quelque chose de similaire à ce que fait Rim, même quelque chose de très méprisé quand certaines disciplines sont mises à l'honneur avec davantage de ferveur ? Est-elle une sorte d’historienne ? Ou a-t-elle simplement appris d’un autre conteur avant-elle ? Dilay a toujours supposé que si de tels gens existaient, leurs veillées étaient bénévoles. Et Rim parle tellement bien… Mais elle n’a pas l’air d’une fille de bonne famille, non.
A la façon dont la conteuse explique qu’elle a besoin qu’on glisse un mot en sa faveur auprès du tenancier, Dilay en conclut qu’effectivement, il s’agit du gagne-pain de Rim. L’air songeur, la mathématicienne embrasse la pièce d’un regard.

L’Auberge du Griffon… C’est un lieu mieux fréquenté que la Taverne du Denier, Dilay en a vaguement entendu parler mais n’y a jamais mis les pieds. Elle ne s’est que rarement risquée au-delà des institutions qui appartiennent à la Garde, et quand c’était le cas, un ami l’y trainait généralement, avec la promesse qu’il paierait consommations et repas.

D’ailleurs, c’est bien ce que dit Rim. Dilay reporte son attention sur la conteuse, les yeux brillants derrière ses lunettes, et fixe le bol qu’elle lui désigne du menton.

- J-Je connais pas le patron d’ici mais la fille qui a la Taverne de Nouvelle-Sérène est une amie. Elle pourrait te trouver une place ré-régulière.

Nouvelle-Sérène est plus petite qu’Hikmet mais elle grandit aussi bien plus vite. Quoi de plus normal : tout le monde sait que la Congrégation a bien plus de moyens que les autres factions, parce que ses économies ne sont pas englouties par la bête vorace qu’est la guerre. Peut-être un peu biaisée parce que Dilay apprécie Erika et son établissement, elle ne peut s’empêcher de se faire la remarque : la taverne d’Hikmet est moins jolie, ça oui.
Le hic, c’est que Nouvelle-Sérène est à presque une journée de marche de la place force de l’Alliance. Dilay ferait le chemin pour l’argent, rien que de temps en temps, mais impossible de deviner si Rim est aux abois.
La mathématicienne avise un serveur qui passe entre les tables.

- Mais leur glisser un mot ici coutera rien.

Après tout, si c’est pour aider quelqu’un sans que ce soit ni long, ni difficile ? Et puis c’est la taverne de la Garde, autant dire que Dilay s’y sent plus à l’aise que dans le reste d’Hikmet.

La mathématicienne dévisage la conteuse en retour quand celle-ci la fixe, curieuse autant que son interlocutrice l’est, sans une once de dissimulation. Finalement, elle sourit. Un sourire un peu canaille, un peu bravache, qui découvre sa dent pivot, veut cacher sa gêne sans y parvenir.

- O-Oui. Je me souviens pas qu’il y en avait là où j’habitais. Et toi ? T’es d’où ?

L’Alliance du Pont a uni des tas de territoires. Peut-être, se dit Dilay, peut-être que les contes ce n’est que là d’où Rim vient. Mais ce n’est qu’une excuse pour se sentir un peu moins penaude.

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Elle ? À une Académie ? La stupeur que fait naître en elle cette question la laisse muette une demi-seconde puis, face au ridicule et à l’absurdité de cette idée, elle éclate de rire. S’imaginer, elle, la clocharde, la voleuse, la vagabonde, entre les murs finement décorés d’une Académie, au milieu d’enfants de bonne famille dont elle a davantage l’habitude de dérober la bourse que de partager la conversation, l’amuse profondément. Oh, elle a certes côtoyé quelques personnes aisées dans la bibliothèque ou la vaste demeure de Mansour, et lorsqu’elle l’accompagnait aux laboratoires ou à l’observatoire d’Al Saad elle a souvent croisé des savants de renom suivis par des flopées d’étudiants soigneusement habillés, mais jamais elle ne s’est mêlée à ce milieu de fortune et d’insouciance. Son univers à elle, c’est la rue, la foule, la faim qui creuse le ventre, l’incertitude des lendemains – et la fraternité bruyante des pavés, des marchés bigarrés et des fontaines publiques où, à l’heure où oscille le jour, on vient chercher eau, fraîcheur et ragots.

- C’est pas contre toi, hein, se hâte-t-elle d’expliciter une fois qu'elle a repris son souffle, consciente que son rire pourrait être mal interprété. Mais une Académie ? Jamais, non… Disons que je n’ai pas vraiment le… statut social adéquat…

À vrai dire, elle n’avait jusqu’à alors jamais considéré son travail de conteuse comme une activité qui s’apprenait – encore moins dans l’atmosphère ouatée d’une salle de classe. Quelque chose qui se tente, se découvre, se pratique, ça, oui. Mais peut-on dire qu’elle a appris à conter, comme elle a appris à lire ou à écrire ? Pourrait-on être professeur de contes, comme il existe des professeurs de mathématiques ? L’idée lui semble grotesque, mais après tout, pourquoi pas ? Ces réflexions la laissent pensive tandis qu’elle termine lentement son verre de bière.

- En fait, je ne suis pas sûre qu’on pourrait dire que j’ai appris à conter… J’ai seulement eu la chance d’avoir accès à une immense bibliothèque, dont j’ai dévoré les livre. Et comme j’aimais ça, peu à peu, les histoires sont entrées en moi, se sont installées dans ma mémoire. Bien confortablement, comme dans un salon.

À cette image, un sourire amusé se dessine sur ses lèvres.

- Après, je me suis entraînée bien sûr. J’ai commencé à raconter des histoires à mes amis, un peu par hasard, parce qu’ils ne savaient pas aussi bien lire que moi. J’y ai pris goût, alors j’ai continué, j’ai essayé de m’améliorer, de mieux parler, de retenir toujours plus de nouveaux contes, de comprendre ce qui marchait ou ce qui, au contraire, ne fonctionnait pas… Et voilà.

Du tâtonnement, de l’expérimentation. Et du plaisir, aussi.

- Mais qui sait, peut-être qu’il existe quand même des cours de contes ou des enseignants spécialisés ? Je connais pas assez les Académies pour le savoir, conclut-elle dans un haussement d’épaules.

À la réflexion, Mansour avait bien dû évoquer devant elle un ou deux chercheurs et professeurs qui s’intéressaient aux mythes et aux légendes de l’Alliance du Pont, mais elle n’y avait pas réellement prêté attention. Si elle se sent attirée par le savoir et les nouvelles connaissances, le monde académique la rebute un peu – trop différent de ce à quoi elle est habituée, peut-être, de son entourage vagabond d’Al Saad, auquel elle n’a jamais renoncé même après sa découverte du lustre poli des érudits. À moins qu’elle ne craigne simplement d’y perdre son indépendance, sa liberté.

Dilay change ensuite brièvement de sujet, pour lui parler d’une amie tenant la Taverne du Denier de Nouvelle-Sérène, ce à quoi Rim opine avec entrain – elle ne compte guère se rendre là-bas régulièrement, mais pourquoi pas une fois de temps en temps, histoire de poursuivre sa découverte de l’île ? Et en profiter pour confronter les contes, les mythes et les légendes qu’elle connaît avec ceux des habitants de cette autre ville – de cette autre nation ?

- Te sens pas obligée mais si tu as l’occasion d’en discuter avec elle, ce serait avec plaisir !

Elle est en train d’essayer d’estimer le temps de trajet entre Hikmet et Nouvelle-Sérène et de réfléchir au moyen d’organiser cette excursion pendant sa semaine quand Dilay l’interroge de nouveau. D’où elle vient. Le sourire de la jeune femme est sympathique, sa curiosité sans animosité, mais le brun doré de son regard se superpose soudain à une autre image, jaillie avec la force d’un coup de poing – Selim.
Les yeux de Selim.
Rim ne s’y attendait pas. Prise à la gorge, elle baisse la tête, préférant concentrer son attention sur son assiette vide. D’où elle vient.

- D’Al Saad.

Reprendre contenance. Laisser sa voix profonde de conteuse – de menteuse – faire le reste. Tenir les souvenirs au loin, dans les ruelles, le vent et la poussière.
Et puis, elle n’a jamais beaucoup aimé parler d’elle.

- Ça peut paraître étonnant mais, avant de venir sur Teer Fradee, je n’avais même jamais franchi les murs de la capitale… Ce sont les livres qui m’ont permis de voyager. Et ensuite les Nautes ont pris le relais.

Pitoyable tentative d’humour pour essayer de faire oublier son trouble – et dévier la conversation.

- Mais assez discuté de moi ! Je parle depuis le début de la soirée, c’est fini maintenant. À ton tour !

Avisant un serveur qui passe, la jeune femme lève le bras pour commander deux nouvelles choppes, et attend qu’elles aient été posées sur leur table avant de sourire à Dilay. Elle a remarqué la gêne qui sourd parfois de ses mouvements, de sa posture – peut-être l’alcool la mettra-t-elle plus à l’aise.

- Alors, qu’est-ce que tu fais sur Teer Fradee ?

Une histoire contre une autre, c’est équitable, non ?
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Une fois...

Feat Rim


Dilay attend patiemment que Rim ait finit de s’esclaffer. Elle-même ne s’en formalise pas, bien qu’elle se demande la raison de l’hilarité soudaine de son interlocutrice. Quand la conteuse lui en fournit la raison, la mathématicienne s’avachit un peu plus dans son siège. Elle se met à pianoter contre la table, et adresse un bref sourire à Rim.

- Hm.

Ce n’est pas bien éloquent mais Dilay ne l’est pas. Elle comprend le sentiment de la jeune femme – elle-même ne s’est pas sentie à sa place du tout à l’Académie, et encore maintenant elle fait tache parmi ses collègues. Il ne viendrait à l’idée de personne de l’appeler « savante » ou « chercheuse ».

Mais tout de même, malgré le fait d’évoquer un statut social probablement peu aisé, Rim a eu accès à de beaux ouvrages. Pas que Dilay trouve l’un et l’autre incompatible – peut-être, comme elle, était-elle au service d’une riche personne qui la laissait déambuler dans sa demeure à sa guise.

La mathématicienne n’est pas dotée de la mentalité adéquate pour envier la fortune des autres. Ceux qui ont réussi quand ils sont issus de son milieu social, elle ne leur souhaite que réussite et bonne fortune.

- Au-Autodidacte, alors.

Remarque Dilay. Elle écoute Rim, mais ne l’interrompt pas. Elle a davantage de facilités à relancer les autres qu’à prendre une part très active dans la conversation. Si tout ce que lui dit son interlocutrice éveille son intérêt, elle ne voit pas de raison de commenter plus que de mesure.

- T-T’es un peu comme une… barde mais avec des contes ? C’est toi qui as eu l’idée toute seule d’en faire un gagne-pain ?

Ce genre d’initiatives, à nouveau, impressionne Dilay. Rim parle bien, avec ça, alors si elle n’a reçu aucun enseignement d’aucune sorte, n’a fait que pratiquer de son propre chef…
Cela demande un sacré paquet de volonté – que Dilay est certaine de ne pas posséder.

- T’as été quand devant ton premier public ?

Ca intéresse Dilay, forcément. Parce que d’abord, c’est atypique. Parce qu’elle a la conversation facile, surtout avec une femme de son âge et de sa condition. Mais des raisons personnelles se glissent au mélange : Kismet a eu beau faire de son mieux pour lui apprendre à améliorer sa diction, Dilay n’en est toujours pas satisfaite. Peut-être y a-t-il un truc…

Ou pas. Parfois, la mathématicienne est déçue de découvrir que des choses sont ancrées dans les gens comme une gravure dans de la pierre. Si quelqu’un est petit, il le restera. Peut-être faut-il une disposition particulière pour bien parler ?

- Y-Ya des di-disciplines qui sont… pas aimées dans les A-Académies. Je connais une fille qui étudie les langues. Sa famille a jamais compris. Inutile, qu’ils disaient. Si étudier les contes ça existe alors… Ce doit être pareil.

Dilay hausse les épaules. Tout ça semble être un peu ridicule pour elle. Elle n’a jamais aspiré à être l’apprentie d’un grand alchimiste – pas qu’elle ait pu y prétendre de toute façon. Parfois, se trouver un sujet de niche ne demande ni coûts ni intrigues, et on peut toujours se faire son petit trou. Dilay préfère de loin cette idée. Se démener contre la concurrence demande des efforts indécents et n’apporte que des ennuis.

- Je joue aux cartes là-bas. Le faire en t’entendant conter de temps en temps… Ton adresse est au… à l’é-établissement que t’as mentionné ?

S’enquiert très familièrement Dilay. Parler affaire est tellement naturel dans la Congrégation que, hors de la noblesse, on prend peu de détours avant d’aller directement au fait.

Dilay va écrire une lettre à Erika, Erika écrira une lettre à Rim. Plus Erika a de clients, plus Dilay a de potentiels adversaires à plumer, et Rim pourrait en apporter. Alors pourquoi pas ?

Al Saad… Cela explique le ricanement de Rim. Al Saad est la capitale, Dilay s’imagine que son Académie doit être à mille lieues de celle où elle a étudié, dans une petite ville de province, si loin de la mer que tout ce qui était importé valait de l’or. C’est ce qui a frappé Dilay la seule fois où elle s’est rendue à Al Saad pour prendre la mer : la variété de gens, de choses…

La façon dont Rim baisse soudainement la tête fait incliner la tête à Dilay. Mauvais souvenirs ? Tout le monde n’a pas un lien agréable à son lieu de naissance.

- J-J’y suis allée qu’une fois, et j’y suis restée une nuit.

Lance Dilay. Comme ça, si Rim veut relever, décrire, elle peut. Sinon… Tant pis.
Certains viennent sur Teer Fradee pour oublier avant, quoi que ce soit, et comme Dilay en fait partie, elle se voit mal replonger la tête des autres dedans.
La mathématicienne sourit une nouvelle fois :

- C’est un grand bond de jamais voyager à… Ici.

Dilay songe que si elle avait pu rester à Sérène, jamais elle n’aurait éprouvé le besoin d’en partir de toute façon. Le monde semblait déjà s’y retrouver. Et Al Saad… Al Saad avait un peu de ça. Un peu seulement. Forcément, quand on est en guerre contre la moitié du continent, on ne peut pas être aussi cosmopolite qu’un lieu tout à fait neutre.

La mathématicienne regarde arriver les chopes avec une légère moue. Boire, visiblement, est le programme de la soirée. Il aurait fallu choisir elle-même un peu plus vite.

Elle peut tenir ça. Bien sûr, se raisonne-t-elle en lançant une œillade à la bière. Malgré tout, elle a un rire nerveux, pour ça, et pour la question de Rim.

- J-Je suis venue avec l’ex-expédition d’un Professeur. Hassan. L’ex-expédition étudie les Natifs.

C’est un peu maigre face à tout ce que Rim lui a dit mais Dilay n’est pas douée quand c’est elle qui est la cible de questions. Elle fait la moue, se creusant la tête pour une façon pas trop plate de présenter les choses.

- Je… Viens de Khorshid. C’est dans l’intérieur, intérieur de l’Alliance. Loin dans les steppes.

Quoi d’autre ? Rim a surtout parlé de son métier, alors…

- J-Je suis mathématicienne. Et d’autres trucs aussi. Je protège les savants de l’ex-expédition. Je prends un peu tout le boulot qu’on peut prendre. Et y en a pas mal sur l’île.

Plus qu’à Khorshid, en tout cas.
Dilay trempe le bout de ses lèvres dans la bière. Elle hésite à en prendre une franche rasade.
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Une barde avec des contes. L’idée lui plaît. Rim esquisse un sourire tout en enroulant une boucle de cheveux sombres entre ses doigts, songeuse.

- Un gagne-pain… C’est moi qui y ai pensé, oui, mais ce n’est qu’ici, à Teer Fradee, que j’ai mis cette idée en pratique. Quand j’étais à Al Saad, je ne gagnais pas d’argent de cette manière. C’est seulement en arrivant sur l’île que j’ai commencé à en faire mon métier.


L’image de Mansour lui traverse l’esprit, et elle se sent obligée de préciser – par respect et affection pour le vieil homme :

- Aucun conteur ne m’a montré la voie, c’est vrai, mais je ne suis pas partie de rien pour autant. C’est un savant d’Al Saad, un érudit, qui m’a appris à lire, à écrire, à m’exprimer avec plus de correction que je ne le faisais alors… Il m’a enseigné énormément de choses, et c’est grâce à lui que j’ai eu accès à toutes les histoires que je connais maintenant, grâce aux livres de sa bibliothèque. Je lui dois beaucoup.

Sans oublier l’argent et les biens matériels qu’il lui a toujours fournis lorsqu’elle était dans le besoin – à elle et à sa bande d’amis. Un mélange de sévérité, de rigueur et de générosité envers lequel elle ressent, un peu malgré elle, une immense gratitude.

- Quand j'ai été devant mon premier public ? En fait, comme je te le disais, je n’ai commencé à gagner ma vie en contant dans les tavernes et les auberges qu’en m’installant ici : ça fait donc quelques semaines, pas tout à fait un mois. Avant Teer Fradee, je racontais des histoires seulement pour le plaisir, à des gens que je connaissais… J’ai dû commencer à, je sais pas… une quinzaine d’années, je dirais ?

Sept ans, déjà. Ce laps de temps lui semble à la fois extrêmement long et ridiculement court. La jeune femme garde le silence lors des autres interventions de Dilay, acquiesçant d’un hochement de tête lorsque celle-ci lui demande son adresse.

- C’est ça. L’Auberge du Griffon, préfère-t-elle toutefois souligner, puis, dans l’éclat d’un sourire : Merci.

Elle le pense sincèrement. Elle apprécie Dilay, sa simplicité, la manière dont elle lui offre spontanément de lui rendre service. La façon dont elle se tient, à moitié avachie dans son siège, sans paraître accorder d’attention à sa posture, lui souffle des origines sociales sans doute proches des siennes, et cela contribue à la lui rendre encore un peu plus familière. C’est une femme de son âge, de son milieu – une femme qu’elle pourrait, peut-être, avec un peu de temps et d’envie, considérer un jour comme une amie.

La conversation dévie ensuite sur Al Saad, et Rim préfère ne pas relever tandis que le serveur leur apporte leurs deux nouvelles choppes de bière. Elle trempe les lèvres dans son verre en écoutant Dilay, remarque la manière dont la jeune femme tente de la relancer sur la capitale avant d’abandonner, face au silence obstiné de son interlocutrice. Et, enfin, elle finit par parler d’elle à son tour. Rim se redresse sur sa chaise, attentive, brusquement intéressée. Une expédition étudiant les Natifs ? Depuis qu’elle est arrivée à Hikmet, elle a bien essayé de poser quelques questions sur la population de l’île aux personnes qu’elle croisait – connaissances de taverne, personnel de l’Auberge du Griffon – mais elle n’a obtenu que des réponses confuses, parcellaires et souvent chargées d’une défiance latente. Les membres de l’Alliance du Pont n’aiment pas les Natifs, et les considèrent avec un mépris hostile qu’elle soupçonne empli de crainte. Nombreux ne voient en eux que des sauvages, parfois même des animaux, et il est rare de rencontrer quelqu’un d’avis contraire à Hikmet. Elle le sait. Et n’en est que plus intéressée par les propos de Dilay. Bien que ce terme d’ « étude » puisse, lui aussi, prêter à confusion.

Elle laisse la jeune femme finir de présenter son parcours sans lui couper la parole – Khorshid, un nom de ville qu’elle n’a croisé que dans les livres de géographie, et puis son travail. Mathématiques, protection d’expédition… D’une certaine manière, Rim ne se trompait donc pas en s’interrogeant sur son appartenance à la Garde du Denier. Certes, elle n’en fait pas officiellement partie, mais elle assume bien des missions de combattante, comme son apparence pouvait le laisser supposer.

- Intéressant, sourit la jeune femme en reposant sa choppe, une fois que Dilay a terminé de parler. Mathématicienne et garde rapprochée de savants, ce n’est pas commun comme combinaison ! Ça doit te faire pas mal de travail, l’air de rien. Ça fait longtemps que tu fais ça ? Comment ça se passe ?

Puis, le menton dans la main, l’air de rien, avec la souplesse d’un serpent qui se glisse entre deux lattes de plancher pour observer une souris et jauger de l’intérêt, ou non, de se rapprocher davantage :

- Et c’est la première fois que j’entends parler d’une expédition sur les Natifs, ça a l’air… intriguant. Qu’est-ce qu’elle étudie, exactement ?

Leur langue, leur mode de vie, leurs coutumes et leurs traditions, comme elle l’espère, car ce sont des centres d’intérêt qu’elle partage ? Ou bien ces chercheurs sont-ils, de manière beaucoup plus brutale et prosaïque, des scientifiques venus étudier les Natifs comme des rats de laboratoires afin de leur arracher leurs secrets biologiques – auquel cas elle n’a guère d’intérêt à évoquer sa curiosité pour les mythes et légendes de l’île, et sa conviction que ce peuple est composé d’êtres humains à l’image de n’importe qui ?
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Il était

Une fois...

Feat Rim


- C’est la terre des possibles, alors inventer un nouveau métier… Pourquoi pas.

Remarque Dilay, comme une pensée formulée à voix haute. Rim a bien raison de saisir une opportunité quand elle en voit une, s’il y a demande pour son travail…

La mathématicienne hausse les sourcils. Un savant mécène ? Un peu comme Hassan, finalement.

- Il étudie quoi ?

Cet érudit d’Al saad… Est-il à l’Académie ? Les places s’y vendent cher. Mais s’il a des livres, s’il éduque une jeune fille de milieu modeste… Peut-être est-il historien ? Ça ne fait pas partie des matières où les places s’arrachent. Parfois, les savants étudient une multitude de choses, sans être véritablement maîtres de rien. Malgré tout, parce qu’elle vient de province, Dilay n’est familière du monde académique que par des on-dit. Elle n’a jamais rencontré de chercheur d’envergure, le genre dont les écrits font autorité.

- Y-Y’en a beaucoup des histoires à raconter ? Tu finis par tomber à court ?

La question peut paraître un peu naïve, surtout pour une femme qui lit autant que Dilay, mais elle n’a jamais ouvert un livre de contes, encore moins un de l’Alliance du Pont. Comme les nations se sont unies, que le Pont a eu à cœur d’intégrer toujours plus par la langue, les vêtements, les noms, la forme des bâtiments, Dilay ne s’est jamais trop interrogée sur les spécificités que chaque peuple a conservées. Son père s’habillait différemment que des gens qu’elle a vu à Al Saad, il portait un petit couvre-chef carré avec un pompon, là où la mode de l’Alliance lui préfère le turban. Les gens, les gens dans la rue, les gens de tous les jours, sont différents. Les officiels, eux, ont tous l'air pareils aux yeux de Dilay, comme s'ils avaient simultanément reçu une note, que seuls ceux qui adhéraient le mieux à ce que devait représenter le Pont, l'union, pouvaient accéder à ces fonctions.

- On dirait que les gens s’intéressent plus qu’à l’alchimie et tout ce qui est lié. Je me disais que ce genre de choses, c’était en train de tomber en… dé-dé-désuétude.

Un siècle ? Un et demi ? La malichor existe depuis bien, bien avant la naissance de Dilay mais sa dispersion à cette échelle, à cette vitesse, est récente. Peut-être est-ce un mirage de l’esprit mais il semble toujours à la mathématicienne que dans son enfance, il y avait moins de malades dans les rues, et moins de tempêtes de poussière.

Quelques semaines ? Alors Rim n’est pas là depuis bien longtemps. Dilay a une moue compatissante : Hikmet a beau copier l’architecture des villes du Pont sur le continent, ce n’est que de la poudre aux yeux. Personne ne peut trouver la transition vraiment aisée, songe la mathématicienne. Tout sur l’île est si… différent. Différent, pas comme pénétrer dans un autre monde. C’est presque pire : la végétation, les animaux, les gens, tout ressemble un peu à Gacane, assez pour que tout ce qui n’est pas similaire crée une impression de malaise.

- C-Ca fait pas longtemps. Tu t’en sors ?

L’auberge du Griffon. Oui. Griffon. Il faut que Dilay s’en souvienne. Elle change l’épaule qui est contre son dossier, et change aussi de main pour pianoter contre la table. Elle laisse le silence couler, peu indisposée.

Comment ça se passe ? Dilay hausse les épaules. Plutôt bien, au vu des circonstances ? Elle a beau s’en plaindre, ça pourrait être pire. Probablement qu’elle repensera à ces moments avec davantage d’affection quand elle aura sorti la tête des ennuis – si elle sort la tête des ennuis.

- C’est un travail, tu sais... ça va. Ça paie… assez.

Assez pour couvrir les dettes, pas qu’il reste grand-chose ensuite.

- J-J’ai eu mon diplôme y a… deux ans. Mais la protection, les armes ? Je suis née dans la Garde. C’est un truc qui te colle à la peau.

En réalité, cela ne fait pas si longtemps qu’elle endosse le rôle de garde du corps, et son entrainement date. Mais elle l’a mis à profit. Le boulot qu’elle a tenu le plus longtemps était dans une boutique de pistolets, les clients appréciaient ses conseils. Oh, Dilay le referait bien, le travail était paisible, avait des horaires fixes…

Mais l’argent ne suffirait plus.

- Mathématicienne c’est un rôle de soutien. Je travaille quand ils travaillent plus. Et quand ils travaillent, je patrouille. Ça va ensemble. Puis je suis la seule à savoir tenir une arme dans le groupe. On est là depuis trois mois bientôt.

Intriguant, c’est le mot. Dilay aurait partagé la perplexité de Rim à sa place :

- J-Je sais que c’est bizarre. D’ailleurs ça risque de pas durer si la situation continue à…

Elle prend une gorgée de bière sans même vraiment sentir le goût de l’alcool comme elle s’empresse de l’avaler. Après, elle soupire.  

- T’as entendu parler des tensions entre les Natifs et l’Alliance ? C’est… Moche.

Euphémisme, si on en croit certains des concernés.

- O-On étudie surtout ce qu’ils mangent pour le moment. C’était le but principal. Puis comme on était là, y en a qui ont appris la langue. Qui sont allés à leurs fêtes. On a une linguiste dans le groupe.

A la façon dont Dilay roule légèrement des yeux, cela semble être une matière qui ne la fascine pas, mais son petit sourire indique de l’affection pour la femme dont elle parle.

- C’est elle qui m’a fait venir ce soir. Elle devait être là, le travail a dû la retenir. Elle et les Natifs, tu sais… Elle arrête pas.

Et depuis que Mitra soupçonne que l’expédition puisse être rappelée si les relations entre Natifs et membres de l’Alliance s’enveniment encore davantage, elle est habitée d’une frénésie comme si elle espérait tout voir, tout noter, avant qu’on l’arrache à ce village où elle est si heureuse. Ça serre un peu le cœur de Dilay en y pensant. Elle-même n’a pas vraiment envie d’être confinée à Hikmet, quand elle y pense.  
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- Oh, il n’étudie pas une matière en particulier mais s’intéresse un peu à tout, les sciences, la philosophie, l’histoire, l’astronomie… Il est trop vieux pour travailler, maintenant, et de toute manière je pense qu’il vient d’une famille assez riche pour n’en avoir jamais eu vraiment besoin. Mais je sais qu’il connaît pas mal de savants, et qu’il a beaucoup œuvré pour la grande bibliothèque d’Al Saad… notamment en prodiguant des conseils sur les ouvrages à acquérir et en s’occupant parfois lui-même de l’achat de manuscrits, ce genre de choses.

La question suivante de Dilay arrache un sourire amusé à Rim. Combien y a-t-il d’histoires à raconter… Sans doute autant qu’il existe de personnes dans le monde – et même plus encore. Certes, elles sont loin d’être toutes recensées, mais son rôle est également de tendre l’oreille aux chuchotement des comptoirs et des pas de porte, aux murmures qui se glissent entre deux poignées de main, aux contes soufflés du bout des lèvres. Elle lit, bien sûr, mais elle écoute, aussi – les légendes des ruelles et des marchés à Al Saad, celles des voleurs et des marchands, des mendiants et des ivrognes, des commères et des lavandières… et, depuis qu’elle est arrivée à Hikmet, tous ces mythes qui fleurissent au fil des tavernes, des auberges et des voyageurs qu’elle fréquente. Et bientôt enrichis, elle l’espère, de ceux des Natifs.

- Je pense qu’il y aura toujours des histoires à raconter – des anciennes, mais aussi des nouvelles… Ce n’est pas mort un conte, tu sais, même une fois qu’il a été enfermé entre les pages d’un livre. En se les transmettant de ville en ville et de génération en génération, les gens les modifient, les transforment, les enrichissent… Et puis, il y a des mythes qui continuent à naître, d’autres qui se cachent et qu’on finit par découvrir au moment où on s’y attendait le moins… Tout ça, c’est de la vie, du mouvement. Surtout que Gacane est un grand continent, composé de plein de cultures différentes… et toutes ces cultures ont leurs propres légendes, leur propre imaginaire. Je t’assure que ça fait beaucoup d’histoires.

Sans compter que, d’un soir sur l’autre, jamais elle ne conte de la même façon. Les réactions de ses auditeurs font partie intégrante de ces veillées et, en fonction du déroulement de la soirée et de la participation de son public, elle peut raconter une histoire identique de différentes manières – et s’agit-il vraiment, dès lors, de la même histoire ?

Dilay s’enquiert ensuite de sa vie à Hikmet, et Rim acquiesce d’un léger haussement d’épaules.

- Oh… Ça va, oui. Forcément, ça change du continent, mais je ne suis pas encore sortie de la ville, alors… Je suppose que le dépaysement pourrait être pire. Mais ça changera sans doute quand j’aurai commencé à voir l’extérieur d’Hikmet.

Elle sait que le paysage, la faune et la flore de Teer Fradee sont radicalement différents des environs d’Al Saad – et elle a déjà pu en avoir un certain aperçu, avec l’abondance de toute cette végétation si étrangère aux steppes arides et désertiques qui entourent la capitale de l’Alliance du Pont. Le climat aussi est différent, bien plus frais et humide que ce à quoi elle était habituée, et elle ne peut certes réellement comparer les rues d’Hikmet à celles d’Al Saad. Mais, tant qu’elle reste entre les murs de la ville, elle a conscience de demeurer en vase clos, préservée de l’étrangeté de ce nouveau monde – et de ses habitants.

- Financièrement, je m’en sors… Et je connais pas encore grand monde, mais ça va venir.

Puis il y a tout de même Tarik, le patron de l’Auberge du Griffon, Marwan, un serveur de l’auberge avec lequel elle a rapidement sympathisé… À vrai dire, elle ne se fait pas réellement de souci pour cela, et c’est loin d’être le sujet qui la préoccupe le plus ces derniers temps. Elle a toujours été plutôt douée pour se fondre dans la foule.

Dilay entreprend ensuite de répondre à ses questions, et la jeune femme l’écoute attentivement tout en jouant avec son verre. Diplômée et née dans la Garde ? Une combattante, donc – note mentale : éviter de chiper sa bourse. Pas que Rim ait prévu de renouer avec ses habitudes de voleuse sur Teer Fradee, mais enfin, si par hasard elle se retrouvait un jour dans la nécessité… Cela reste toujours, après tout, une possibilité.

Son interlocutrice détaille un instant son travail de mathématicienne et de patrouille, et Rim incline la tête avec intérêt.

- Tu sais tirer, alors ? Tu crois que tu accepterais de m’apprendre ?

Ces mots se sont échappés de ses lèvres presque sans qu’elle n’y prenne garde – mais il est maintenant trop tard pour regretter sa spontanéité. De la rue, la jeune femme a gardé le réflexe de ne jamais se séparer de son poignard, dont elle sait relativement bien se servir, mais cela fait quelques années qu’elle se fait la réflexion qu’un pistolet serait bien plus pratique. Et efficace. Aucun de ses compagnons d’Al Saad n’avait les moyens d’en posséder un, mais peut-être est-ce le cas de Dilay ?

La mathématicienne enchaîne avec les relations qui unissent – ou plutôt séparent – les Natifs et l’Alliance du Pont, et Rim hoche la tête avec une petite grimace.

- Je sais, oui. À quoi c’est dû, exactement ? Et ça a tendance à encore… empirer, ces temps-ci ? Pourquoi ?

C’est dommage pour son projet, mais elle avait bien conscience de ces difficultés avant d’arriver sur Teer Fradee – et elle se donnera, quoi qu’il en soit, les moyens d’atteindre son objectif.

Puis Dilay lui explique le but de leur expédition auprès des Natifs, et la grimace de la conteuse se transforme en une moue de franche surprise. À vrai dire, elle s’attendait à beaucoup de choses, mais définitivement pas à ça.

- Ce qu’ils… mangent ? C’est… c’est lié à la recherche d’un remède à la malichor ?

Cette raison mise à part, la jeune femme a du mal à comprendre ce qui pourrait pousser les chercheurs de l’Alliance du Pont à s’intéresser à la nourriture consommée sur l’île… Quoique. Beaucoup de choses la dépassent, dans la recherche.

- Et vous avez donc une linguiste dans le groupe ?

Intéressant. Apprendre la langue native fait partie de ses objectifs, et elle aurait déjà commencé à s’atteler à la tâche si elle avait eu davantage de temps pour elle – mais entre son arrivée, son installation à Hikmet, la recherche de lieux où conter et la préparation de ses veillées, les journées lui ont désespérément filé entre les doigts.

- C’est dommage qu’elle n’ait finalement pas pu venir, j’aurais bien aimé la rencontrer… Me familiariser avec la langue des Natifs me plairait bien, à moi aussi…

Elle sourit à Dilay tout en reprenant une gorgée de bière.

- En somme, vous étudiez leur manière de vivre. Vous avez découvert des choses intéressantes ? Enfin, si tu as le droit de m’en parler, bien sûr.
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De nouveau, Dilay opine du chef. Le mentor de Rim est riche alors. Tant mieux pour elle ! Sûrement que c’est lui qui lui a permis de venir jusqu’à Teer Fradee. Le voyage n’est pas toujours facile à financer, il faut soit des fonds, soit des contacts, soit les deux. C’était probablement différent au tout début de l’installation sur l’île mais la mathématicienne est trop jeune pour bien se rappeler de cette époque.

Dilay regarde Rim avec de grands yeux tandis que celle-ci disserte au sujet des mythes et légendes.

« Elle parle si bien… » se dit à nouveau la mathématicienne en posant son coude sur la table, et sa joue sur son poing.

- T-T’as l’air d’y avoir réfléchi. J’y ai jamais donné plus d’une pensée.

Avoue Dilay, sans mâcher ses mots. A la façon dont elle le dit, la réflexion de Rim lui semble être une bonne chose.

- Dans l’idée on dirait que les contes sont des gens.

« De la vie », « naître » ce sont des tournures de phrases qu’a utilisé la conteuse, comme si les histoires avaient une existence propre, comme si elles étaient de petites entités autonomes. C’est poétique. Dilay aime trop s’échapper dans les pages d’un livre pour penser le contraire. Ce supporte lui semble quand même plus pratique que l’oralité, parce que quand quelqu’un parle, il faut l’écouter, tout le temps que dure son récit. Impossible de faire une pause, de reprendre plus tard. Peut-être est-ce fait pour les gens avec plus de discipline et de capacité de concentration que Dilay n’en a.

Mais c’est aussi peut-être pour ça que c’est « vivant ». C’est un moment qui passe et ne reviendra plus.

- T-Tu connais vraiment des histoires de partout ?

S’enquiert la mathématicienne, parce que la conteuse évoque tout Gacane. Des légendes de Thélème ont-elles pu lui parvenir jusqu’à Al Saad ? Dilay en doute.
Cette dernière opine vigoureusement du chef quand Rim suggère qu’elle sera peut-être dépaysée en quittant Hikmet :

- C-C’est pas comme chez nous ! Ni même comme nulle part à Gacane ! Autour de Sérène, y a des forêts. Mais elles ont rien à voir ! Ici, tout pousse dans tous les sens. Tu es perdue au bout de deux pas. Et puis les bêtes !

Oh, Dilay en a une bonne ! Elle se sent presque fière, parce qu’elle a l’impression de ne pas avoir grand-chose à dire face à Rim :

- En ex-expédition j’ai croisé des traces. Grandes comme ça.

Elle écarte les mains, pour former la taille d’une petite bassine.
- C-C’est un truc qui se balade. Ca s’appelle… Ah, j’ai plus le nom. Nada ? En tout cas une native m’a dit que c’était son an-ancêtre. Tu te rends comptes ? Bizarre. Le … nada avait déjà tué des éclaireurs mais je l’ai pas vu en vrai.

Si l’argent va, tout va, a envie de répondre Dilay. Elle s’abstient, se contente d’un nouveau sourire. Tant mieux si Rim n’est pas dans le besoin ! Elle-même a du mal à se figurer d’autres préoccupations qui pourraient être plus importantes qu’amasser un pécule confortable, alors elle attribue souvent la même intention aux autres.

Tirer ? Dilay hausse les épaules et répond du tac au tac, sans avoir vraiment réfléchi :

- Oui.

Puis elle porte sa chope à ses lèvres. Oui… Pourquoi pas ? Elle est une bonne gâchette, elle n’a jamais enseigné à personne mais elle a vu son père le faire des tas de fois. Et puis Rim ne veut probablement pas entrer dans la Garde, simplement savoir se défendre.

Le truc, le truc… C’est que son temps n’est pas gratuit. Dilay doute que Rim puisse se payer des leçons, pas avec un travail comme ça, et elle ne saurait pas vraiment combien lui facturer. Alors…

- J-Je veux un truc en échange. Parler comme toi.
Dilay a un nouveau sourire, et même un petit grognement pour signifier son ricanement. Visiblement, elle se moque – mais d’elle-même. Jamais elle ne pourra s’exprimer tout à fait de la même façon que Rim, évidemment.
- Aussi proche que possible. Ça s’apprend ?

La question suivante de Rim fait un peu grimacer Dilay. Elle abat son second coude sur la table et regarde la conteuse de par-dessus ses lunettes, l’air très sérieux. Elle se tord les lèvres : visiblement, elle réfléchit à comment répondre.
- Ya un village pas loin. Pas si loin. Y a eu des es-escarmouches avec lui. Y a un Natif de là-bas que j’ai croisé…

Dilay soupire. Elle ne révèle pas un secret d’état – les alchimistes de l’Alliance ont un contrat avec la Garde pour pratiquer des autopsies. C’est dans tout leur fatras de compétences où, parfois, ils oublient de glisser l’éthique
- … Y dit que l’Alliance vole les morts.

La mathématicienne essaie de garder une expression neutre mais son visage la trahit, quoi qu’elle fasse : cela a l’air de la contrarier.

- P-Plus on gagne du terrain, plus on s’approche d’eux et moins ça leur plaît.

Il n’y a pas de raison officielle, pas de communiqué qui expliquerait le comportement des Natifs. C’est une question générale, qui concerne toute l’île : là où les continentaux étaient si cantonnés à des terres sauvages qu’ils ne faisaient qu’à peine croiser un Natif de temps à autre, leurs villes maintenant qu’elles sont bien établies tentent d’attirer de plus en plus d’âmes. Et ainsi, les Natifs ont de plus en plus de risques d’entrer en contact avec les colons.
Dilay fait un signe affirmatif du menton.

- La malichor à long terme. Pour le moment… Le professeur pense que les Natifs ont une sorte de relation sym-symbiotique avec l’île. Comme un parasite. Parce qu’ils disent entendre des voix et ont de la mousse sur le visage. Alors peut-être que ça vient de ce qu’ils mangent, peut-être que c’est dans l’air…

Pour l’instant, Hassan n’écarte aucune possibilité, mais évidemment la dernière est moins probable : des enfants de l’Alliance sont nés sur Teer Fradee sans aucune forme de modifications physiques.

Tout ça semble, pour Dilay, un peu tiré par les cheveux, mais elle paraît aussi faire de son mieux pour y croire parce qu’elle respecte profondément Hassan. Et ce n’est pas la plus stupide des conjectures – moins stupide que les savants qui ne veulent pas reconnaître qu’ils n’ont pas la moindre piste quant à la raison pour laquelle certains Natifs ont de véritables cornes sur le front.

- M-Mitra… La linguiste… Elle t’apprendrait si tu voulais. Quand elle a le temps.

A l’entendre, tout le monde devrait au moins s’initier à cette nouvelle langue ! Dilay n’est pas d’accord – elle, elle s’en fiche.

- Tu trouveras bien quelqu’un sinon.

La mathématicienne les épaules.

- C’est pas secret. Je peux en parler. J’ai juste pas grand-chose de passionnant à dire. Les Natifs ont une vie très réglée. Ils se lèvent tôt, ils travaillent, ils vont se coucher. Y a quelques fêtes or-orchestrées par des sages qui apprennent aussi aux enfants. Eux sont vraiment étranges mais on a pas encore trop eu le droit de leur parler, beaucoup de ce qu’ils font est secret. Les autres Natifs tu sais…

Elle a un geste vague. Ils ont un métier, comme tout le monde. Ils le font. Et ils en vivent. Rien que Dilay trouve particulièrement fascinant.

- P-Parfois les sages veulent bien parler mais souvent ils essaient pas. Ils disent que les étrangers savent pas écouter. Ils ont un dieu, tu sais. Comme les thélémites. Mais avec un nom compliqué.

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Les contes, des gens ? Il faut avouer que c’est assez plaisant à imaginer – un bon sujet d’histoire, tiens. Pendant quelques instants, des phrases pourvues de petites jambes sautillent dans l’esprit de Rim, qui en perd un peu le fil de la conversation. C’est au mot « partout » et au silence interrogatif qui lui succède qu’elle reprend contact avec la réalité, et concentre de nouveau son attention sur Dilay. Questionner sa mémoire, consulter les paroles qu’elle n’a pas vraiment écoutées mais qui se sont tout de même inscrites en elle, habituée qu’elle est à tendre l’oreille aux discussions qui ne lui sont pas adressées… Des histoires de partout ? Elle esquisse un mouvement à mi-chemin entre le signe de tête et le haussement d’épaules.

- De partout… On peut pas dire ça, non. Je connais principalement les mythes que j’ai eu l’occasion de lire, c’est-à-dire ceux des territoires de l’Alliance du Pont, et quelques uns des Nautes et de Sérène. Mais, comme tu t’en doutes, je n’ai eu accès ni à ceux de Thélème, ni à ceux de Teer Fradee… Et, captant le coup d’œil étonné de Dilay, elle clarifie : Ceux des Natifs, je veux dire. Si ce sont des hommes et des femmes comme nous, ils devraient bien avoir des histoires qui leur sont propres, eux aussi.

Elle ébauche un léger sourire, finement malicieux :

- Donc tu vois, pour le moment, je suis loin de tomber à court…


Et c’est aussi pour cela que conter à Nouvelle-Sérène pourrait être si intéressant – tous les moyens sont bons pour enrichir sa collection de légendes, y compris auprès de la Congrégation.

- Mais, pour revenir sur les contes comparés à des gens… Pourquoi pas ? Après tout, ils naissent, ils grandissent, ils changent, ils voyagent… Un peu comme nous, finalement.

Elle lance un bref regard à son interlocutrice, songeuse. À vrai dire, elle a un peu de mal à cerner Dilay, sans doute parce qu’elle n’a pas encore beaucoup parlé – pour le moment, elle se contente de l’interroger et de la relancer, apparemment sincèrement intéressée par son activité de conteuse. Peu portée sur la parole, visiblement, mais d’un naturel curieux. Et en particulier concernant les histoires qu’elle raconte. Sans doute parce que c’est la première fois qu’elle rencontre une conteuse ? Ou bien a-t-elle elle-même une relation spécifique avec les livres, ou les légendes ?

- Et toi, tu en penses quoi ? Tu aimes ça, les contes, les mythes, les histoires ?

Puis Dilay entreprend de lui décrire la faune et la flore de l’île, et Rim acquiesce lentement. Des forêts qui poussent dans tous les sens… C’est conforme à ce qu’elle a lu chez Mansour, avant d’embarquer pour Teer Fradee – une végétation particulièrement riche et luxuriante. Elle ne peut cependant s’empêcher d’écarquiller les yeux à la vue des empreintes que lui mime la mathématicienne. Un animal avec des pattes de cette taille ? Réellement ? Oh, elle est loin d’être naïve mais, en bonne fille de la ville, elle n’a été que rarement confrontée à la vraie nature, brute, sauvage, non domestiquée – et encore, rarement… « Jamais » serait certainement plus juste. Des animaux, elle connaît les insectes et les rats qui courent dans les caniveaux d’Al Saad, les chats errants et les chiens des rues, les poules qui s’échappent parfois des étals des marchés dans des nuées de plumes et de caquètements pour zigzaguer à perdre haleine entre les jambes des mules, des bœufs et des chevaux… Tout le reste, elle ne l’a croisé qu’au détour des pages des livres, et elle doit avouer qu’elle n’est guère pressée de s’y retrouver confrontée dans la réalité.

- Un… nada, tu dis ? Qu’est-ce que c’est ? Tu as déjà vu beaucoup d’animaux… dangereux, sur l’île ?


Elle sait qu’il y en a, bien sûr. La question étant de savoir s’il est fréquent d’en rencontrer. Mais son esprit ne tarde pas à se concentrer sur la seconde information importante des propos de Dilay – le nada, ou quel que soit son nom, ancêtre d’une Native ? Un frisson de curiosité et d’impatience mêlées parcourt sa colonne vertébrale – sentiment qu’elle reconnaît aussitôt pour l’avoir éprouvé tant de fois dans la bibliothèque de Mansour, tout en haut de son observatoire, ou à la porte d’un nouveau laboratoire qu’il s’apprêtait à lui faire visiter : cet intérêt aigu pour une chose qu’elle ne connaît pas, ne comprend pas, mais qu’elle brûle de découvrir. Et cette sensation lui fait oublier, à elle seule, toute l’appréhension qui l’avait envahie à l’évocation de l’animal.

C’est avec des yeux brillants de curiosité qu’elle s'accoude à la table, buste légèrement penché en avant, pour encourager son interlocutrice à poursuivre son récit :

- Cet animal, ancêtre d’une Native… Bizarre, c’est le mot. D’autres Natifs t’avaient déjà dit des choses similaires ? Ça fait sans doute partie de leurs croyances…

Ou alors, c’est autre chose. Mais ça demande, dans tous les cas, à être creusé. Que cela se révèle du domaine du mythe… ou non.

Oui. Dilay accepte de lui apprendre à tirer – l’intuition de Rim était donc bonne, elle sait bien se servir d’un pistolet. Mais pas gratuitement, évidemment. La conteuse, à vrai dire, s’y attendait – elles se connaissent à peine et la jeune femme qui lui fait face semble être, comme elle, résolument pragmatique. Conter et enseigner à tirer sont des activités qui se monnayent – ou qui, du moins, ne se font pas de manière désintéressée. Pas, en tout cas, avec des quasi inconnus. La demande que lui fait la mathématicienne ne manque toutefois pas de la surprendre. Parler… comme elle ? Elle hausse un sourcil étonné et un peu perplexe, pas certaine de bien comprendre ce que souhaite Dilay.

- C’est-à-dire ? Tu parles de ta diction, ou bien des mots que tu utilises, de tes tournures de phrases, du… contenu, en somme, de tes paroles ?

Désire-t-elle améliorer son intonation, corriger peut-être son bégaiement, ou simplement « mieux » parler, avec de belles phrases et des mots élégants ? Mais, quoi qu’il en soit…

- Bien sûr que ça s’apprend.

Elle lui décoche le sourire assuré qu’elle réserve aux personnes avec qui elle s’apprête à passer un contrat. Affirmé par au-dessus, et jubilatoire par en-dessous. Enfin, elle va apprendre à utiliser un pistolet.

- Marché conclu.

Le tour que prend ensuite leur conversation ne paraît pas vraiment plaire à Dilay, qui lui jette un regard soucieux par-dessus ses lunettes. L’Alliance, voleuse de morts. Rim fait la moue. Ah, évidemment, si les Gardes qui se battent contre les Natifs les empêchent de récupérer leurs guerriers défunts et les privent de cérémonies et de sépultures… Elle se doute qu’ils agissent ainsi pour des raisons scientifiques, mais elle imagine sans peine la colère et l’incompréhension de la population de l’île. Tant d’histoires, de légendes et de croyances se rattachent à la mort et aux usages qui l’entourent… Refuser aux combattants décédés le droit de reposer avec leur peuple ne peut que susciter leur rage et leur indignation, elle le suppose aisément.

Puis Dilay évoque la possibilité d’une relation symbiotique des Natifs avec leur île et la jeune femme fronce les sourcils, à la fois intéressée et légèrement incrédule. Après tout, pourquoi pas… Ce ne serait sûrement pas la première étrangeté de Teer Fradee… Et n’ayant pour l’instant jamais vu de Natifs, elle n’est certes pas la mieux placée pour émettre un jugement sur cette hypothèse… Son interlocutrice enchaîne ensuite avec la linguiste du groupe, Mitra – arrachant un hochement de tête enthousiaste à Rim.

- Si elle avait le temps et l’envie de m’initier à leur langue, ce serait idéal, oui ! Même si je suppose qu’elle doit être très prise…

Et sinon, il y a toujours les dictionnaires. Elle a entendu parler d’une bibliothèque, à Hikmet, et elle a la ferme intention d’y faire un tour dès que possible pour consulter la documentation qui existe à propos de l’île et de ses habitants.

La jeune femme écoute en silence la description des Natifs faite par Dilay – des gens normaux, à l’entendre. Si elle a envie de découvrir leurs mythes, c’est donc auprès des sages qu’elle pourrait en apprendre le plus… Mais ce sont aussi, apparemment, les moins accessibles. Sans compter la méfiance instinctive qu’ils éprouveront à son égard, en tant que membre de l’Alliance du Pont…

- Je vois… Tu en sais un peu plus sur ce dieu ? Leurs croyances, et tout ce qui va avec ?

Elle-même a toujours considéré la foi avec une profonde ironie – comme si une entité surnaturelle en avait quelque chose à faire, de leurs vies à eux tous, petites fourmis affairées, pauvres chenilles rampantes qui peuvent se faire écraser sous le talon de n’importe qui d’un peu plus puissant, chanceux ou malintentionné que les autres… Mais il n’empêche que ça doit faire de jolies histoires – elle reconnaît au moins cela.

- Et d’ailleurs, j’ai entendu dire que les Natifs sont divisés en plusieurs clans, non ? Ils ne doivent pas être tous semblables, je suppose ? Vous en étudiez un en particulier ?
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Il était

Une fois...

Feat Rim


Dilay fait un lent signe de tête. Les Natifs ont probablement des tas de choses à se raconter au coin du feu – en tout cas ils en ont l’air quand ils se réunissent, même si Dilay ne comprend pas un traître mot de ce qu’ils disent.

- J-Je connais des histoires de Sérène.

Peut-être pourra-t-elle finalement apprendre quelque chose à la sagace Rim ? Dilay avait même un livre sur la ville, prêté à Vaast, jamais rendu. Probablement disparu dans le feu de toutes ses affaires, au front…

- T-Tu crois que Thélème a aussi des légendes ? On pourrait que chez eux les contes ils les considèrent juste comme… vraies.

Quelle différence entre le sacré et le mondain dans la théologie ? Dilay doute que Rim puisse l’informer sur le sujet puisqu’elle n’a jamais quitté Al Saad. Elle accompagne sa question d’un sourire narquois, comme s’il fallait se moquer du grand méchant ennemi. En réalité, elle est sincèrement curieuse.

Elle rend son sourire à Rim. Tant mieux s’il lui reste encore tout plein de choses à raconter ! Statistiquement, elle n’ennuiera jamais son public. Avec une voix comme ça, aussi…

- J-J’aime les histoires. Je lis beaucoup.

D’ailleurs, l’analogie entre un conte et des gens parle bien plus à Dilay quand elle l’applique à sa propre pratique de la littérature. Elle aime revisiter le monde de l’écrivain, le changer à sa façon. A Sérène, elle faisait même passer dans les cercles d’amateurs un billet mensuel qui retraçait ses propres affabulations dans un univers qu’elle n’avait pas créer mais qui s’était trouvé une place bien confortable dans son esprit où il pouvait s’étendre à loisir. C’était ce qu’une histoire faisait aux gens – pas deux lecteurs ne seraient tout à fait d’accord sur le visage d’un personnage même si le créateur de l’œuvre leur faisait envoyer un croquis qui représentait l’exact contenu de ses pensées quand il l’avait imaginé.

- Aimer c’est trop faible.

Ajoute Dilay après une pause, un bref sourire ourle ses lèvres. Lire, cela tient de l’essentiel, de la nécessité. Elle ne lit pas vite, elle a appris trop tard, mais c’est l’une des seules activités où elle arrive à déployer un semblant de patience. Le livre l’attendra de toute façon. Le livre ne se fâchera pas de ses difficultés, le livre la laissera revenir dix fois en arrière si elle a oublié un nom, un détail.
- L-Les contes oraux j’en pense… Rien. C’est bien ? En tout cas tu les rends intéressants. Comme je te l’ai dit c’est la première fois que j’entends quelque chose comme ça. C’est moins facile que d’avoir un livre entre les mains.

Probablement que c’est au contraire bien plus simple pour beaucoup de gens. Dilay hausse les épaules :

- Au moins il faut pas savoir lire mais il faut savoir écouter.

Cryptique, cela définit bien la mathématicienne, sa tête fourmillante d’idées qu’elle a du mal à retranscrire en mots à l’oral.

Une veillée, c’est un évènement, et un évènement a des règles, des usages. Il faut s’y préparer. C’est agréable une fois, deux, dix même – mais pas quotidiennement.

- J-J’ai été in-introduite à la lecture par des romans pas par des contes. Quoi que… Ca dépend ce que c’est un conte. Y a des histoires dans la Garde sur des compagnies qu’ont fait des choses…

Elle agite la main dans un geste vague, comme pour mettre l’emphase sur la grandiloquence de ces récits.

- C’est comme si ça servait toujours un but au-delà de juste divertir. Ou raconter. Y a une morale. Y a quelque chose à retenir.

Et Dilay n’a jamais eu beaucoup d’intérêt pour ces choses là, cela se voit à la façon dont elle le dit, à la tête qu’elle tire. Elle n’était pas galvanisée par les exploits de ses aînés, pas prompte à rentrer dans le rang parce qu’on lui avait rapporté le sort funeste de ceux qui s’acharnent à désobéir. Ses leçons, elle les apprenait de façon beaucoup plus… directe. Toutes les cicatrices sur son corps en attestent, toutes de petites erreurs du quotidien : jouer avec un couteau, une allumette, ne pas écouter un conseil, pousser ses limites à l’entraînement.

Dilay a une moue. Elle aimerait pouvoir fournir plus d’informations à Rim, mais les informations fournies par la native n’avaient pas beaucoup de sens :

- Nada, c’est ce dont je me souviens. Donc c’est pro-probablement pas ça.
-
Au moins, elle est réaliste.

- C’est… un animal ? Qui se tient sur deux pattes. Les traces avaient de petits ap-appendices devant. Comme des orteils. Personne m’en avait jamais parlé avant.

Le visage de Dilay se tord tandis qu’elle se concentre pour se rappeler des détails. Elle a un grognement, presque amusé, à la question de Rim.

- Y-Ya beaucoup de bestioles qui défendent leur territoire ici. T’approche pas des grottes, surtout. Y a des chauves-souris grandes comme un gamin de 10 ans qui vivent en colonies. Y a des loups énormes… Si tu prends les caravanes dehors tu verras déjà tes premières bêbêtes. Ça ressemble à des bœufs mais avec des écailles.

La curiosité de Rim reflète celle de Dilay. Si elle n’a pas beaucoup d’intérêt pour les Natifs, elle est en revanche fascinée par tous les autres habitants de l’île – sa faune et sa flore. La mathématicienne se satisfait de parler avec une citoyenne du Pont dont l’intérêt premier n’est pas de savoir quel carré elle compte déforester pour poser les fondations de sa future demeure. L’engouement pour Teer Fradee – pour l’île elle-même, pas pour ce qu’elle peut apporter – est trop rare et quand il existe il est souvent naïf.

- L-La diction.

Réplique Dilay sans marquer de temps d’hésitation. Elle a tout le lexique à sa disposition, avec ses mains, qu’elle signe ou qu’elle écrive. Tout est là, dans sa tête, bien qu’impossible à retranscrire avec sa bouche.

Si cela s’apprend ! Il semble à la mathématicienne que Rim a l’air sûre d’elle, et elle lui rend un sourire canaille avant de tendre une main pour sceller leur petit accord informel. Que quelqu’un soit persuadé de quelque chose ne le rend pas vrai mais Dilay a envie d’espérer alors ça rend le fait d’y croire beaucoup plus facile.

Et puis quoi ? Elle aura appris à quelqu’un à ne pas se faire manger par les dosantats et son bégaiement ne sera effacé que d’un tiers ? D’un quart ? Tout progrès serait mieux que rien.

Dilay se doutait que Rim tirerait une drôle de tête quand elle la met au courant des théories d’Hassan. Qui ne le ferait pas ?

- E-Elle est plutôt occupée. Mais elle peut faire une ex-exceptions. Tu seras surprise de savoir que y a pas beaucoup de gens qui sont intéressés par apprendre la langue. Peut-être parce qu’elle s’écrit pas, faut forcément demander à la source.

Explique la mathématicienne du mieux qu’elle peut. Elle-même est très pénalisée dans cette histoire, incapable de bien entendre et donc d’articuler correctement de nombreux sons de la langue native. Elle préfère se dire que c’est mieux comme ça, que de toute façon elle s’en fiche que d’être amère.

Mitra serait probablement tout à fait enchantée d’avoir quelqu’un à qui apprendre. Cela dépend, bien sûr, peut-être que la première impression de Dilay la trompe mais elle songe que Rim et Mitra auraient probablement beaucoup à se dire si elles venaient à se croiser rien qu’à cause de leurs occupations respectives.

- J-Je sais pas grand-chose sur leur dieu. Ils disent qu’il est l’île elle-même. Une fois y a eu une petite secousse, trois fois rien, mais ça a suffit à leur faire tous tirer des têtes très grave. Certains rejettent les étrangers simplement à cause de ça… Ils vont te brailler dessus que c’est nous qui mettons en danger leur… Je vais pas essayer de le prononcer. Il a un nom trop long.

Dilay opine du chef rapidement. Jusqu’ici elle devait se creuser les méninges pour trouver une réponse satisfaisante à apporter à Rim, mais ce sujet là elle s’y est intéressée. Les relations entre les clans sont plus faciles à comprendre à comprendre que leurs délires mystiques, plus proches de ce qu’elle connaît :

- Ils sont différents dans leurs façons de s’habiller et de se peindre le visage. Leurs noms viennent des spé-spécificités de leurs villages. J’en connais que trois : là où je suis, c’est le village des eaux chantantes. Y a de petits carillons qui font le même bruit qu’un cours d’eau. Les Natifs ont des dessins de vague sur la face. Y en a un autre, un village avec de grands os de baleine. A Nouvelle-Sérène j’ai entendu dire que des gens de ce village là vont venir vendre en ville. On en croise parfois sur les routes. Ils sont pa-pacifiques.

Même s’ils ont toujours quelque chose à proposer ou à vendre. Un service, un objet, qu’importe. Dilay ne leur en tient pas rigueur : les étrangers n’ont aucune idée de règles de survie basiques sur l’île, autant en tirer partie pour faire une forme de bénéfice. Elle-même, entraînée à résister à un environnement hostile, doit encore souvent improviser, rien que parce qu’elle ne connaît qu’un pourcentage infime de ce qui est comestible autour d’elle.

- P-Puis y a le village avec lequel on a des querelles. C’est le plus près d’Hikmet mais il est tellement dans les montagnes et la forêt que personne l’a jamais vraiment vu, ni vraiment parlé à ses membres. Le seul que j’ai croisé, il a voulu m’attaquer tout de suite.
Dilay reprend une gorgée de bière à ce souvenir.

- Alors quand tu sors de la ville va pas à l’Ouest. Y a des marécages en plus.

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Le regard de Rim se fait intéressé quand Dilay évoque les histoires de Sérène.

- Vraiment ? Beaucoup ? Tu les as trouvées dans des livres ? Ou alors ce sont des gens qui te les ont racontées ? En tout cas, si t'as un jour envie de m’en faire partager certaines, je suis tout ouïe !

Sans doute en connaît-elle déjà quelques unes parmi celles de Dilay mais, au vu de son assurance, la mathématicienne semble être plutôt bien renseignée sur le sujet. Peut-être est-elle liée à Sérène, d’une manière ou d’une autre ?

Lorsque la jeune femme la questionne sur Thélème, Rim ne peut cependant empêcher son visage de se fermer – malgré tous ses efforts pour masquer la violence de ses émotions, certains sujets la touchent trop pour qu’elle parvienne à demeurer enjouée ou impassible, et elle sait que les conversations un peu approfondies tournant autour de Thélème assombrissent inévitablement son regard.

- Tous les peuples ont des légendes, élude-t-elle en haussant les épaules, la voix glaciale. C’est constitutif de toute culture, de toute société. Leur religion, pour moi, est une forme de mythe. À la différence, comme tu le dis, qu’ils le considèrent comme vrai.

Nouvelle gorgée de bière, pour oublier la froideur qui s’est soudain emparée d’elle. La conteuse ne se détend que quand Dilay confesse son amour pour les histoires et la lecture – un point commun entre les deux jeunes femmes, donc. Le sourire qui se dessine sur les lèvres de la mathématicienne est d’une profonde sincérité, et son attachement pour les livres a les couleurs de l’évidence. Lorsqu’elle les compare aux contes oraux, Rim accueille son compliment en la remerciant d’un signe de tête et d’un petit clin d’œil :

- Heureuse de t’en avoir donné un premier aperçu intéressant, comme tu dis.

Le point de vue de Dilay n’est en tout cas pas banal : la plupart des gens jugent au contraire qu’il est bien plus simple d’écouter des contes plutôt que de se plonger dans un livre – sans compter que la lecture n’est accessible qu’à une petite partie de la population, qui a eu la chance d’apprendre à lire et possède les moyens économiques de se procurer des ouvrages… Alors qu’écouter, cela s’étend à toutes les couches sociales de la population, les plus riches comme les plus défavorisées. Sur quels critères la mathématicienne se base-t-elle pour trouver la lecture plus facile ? L’attention portée au conteur, peut-être, qui demande une concentration nécessairement continue, tandis que la lecture d’un livre peut être interrompue n’importe quand ? Ou bien est-ce lié à son bégaiement – peut-être ses soucis de diction reflètent-ils également des problèmes d’écoute ? Savoir écouter, mis sur le même plan que savoir lire… Bien entendre s’est-il apparenté, pour elle, à un apprentissage, ce qui expliquerait ses difficultés ?

- C’est pas commun, de penser ça… Mais dans un sens, je te comprends : c’est vrai que quand tu écoutes des contes, tu dois faire l’effort de maintenir ton attention jusqu’au bout, alors que pendant ta lecture tu peux t’arrêter quand tu veux, ou bien revenir en arrière, sauter des pages… Tu es plus libre que face à un conteur – ou une conteuse.

Puis Dilay lui parle des histoires de la Garde – que Rim ne connaît absolument pas – et elle hoche la tête :

- Des morales… Il y en a aussi, dans certains contes. Mais là, si je comprends bien, ce sont plutôt des histoires qui doivent servir d’exemples, de modèles – ou au contraire de contre-modèles, c’est ça ?

Pas vraiment du goût de Dilay, en tout cas, si elle en juge par son expression vaguement ennuyée.

La jeune femme lui fait ensuite la description de quelques animaux de l’île, et Rim émet un léger sifflement. Des bipèdes mangeurs d’hommes, des loups et des chauve-souris géants, des bœufs à écailles… Il y a de quoi y réfléchir à deux fois avant de s’engager sur les chemins de Teer Fradee…

La diction.


Très bien. Sans doute plus compliqué à améliorer qu’une simple question de vocabulaire ou de tournures de phrases, mais la conteuse suppose qu’il existe des livres qui se penchent sur le bégaiement et les manières de le faire disparaître… Et elle pourra aussi envoyer une lettre à Mansour pour lui demander conseil sur le sujet – bref, quoi qu’il en soit, elle trouvera bien quelque chose.

Le serrement de mains que les deux jeunes femmes s’échangent scelle définitivement leur accord, et Rim précise :

- Je fais souvent des veillées le soir, mais pendant la journée je suis généralement assez disponible. Alors si un jour tu as du temps devant toi, hésite pas à venir à l’Auberge du Griffon, et si je suis pas là tu peux laisser un message !

La conteuse acquiesce ensuite à l’évocation de Mitra – la linguiste a décidément l’air intéressante et la rencontrer lui plairait beaucoup, et pas seulement par rapport à son apprentissage de la langue native : sans doute aurait-elle de nombreuses autres choses à lui faire découvrir, au moins concernant Teer Fradee.

- En réalité, je trouve pas si surprenant que peu de gens aient envie d’apprendre la langue des Natifs, du moins à Hikmet… Les gens de l’Alliance paraissent peu… désireux de comprendre les peuples de l’île.

C’est le moins que l’on puisse dire – et les voleurs de mort lui reviennent à l’esprit.

- Mais c’est peut-être différent à Nouvelle-Sérène ? Je crois qu’ils essaient de tisser des liens commerciaux avec les Natifs, non ? Pour cela, ils doivent sans doute s’initier à leur langue… Enfin, pour Mitra, tu sais où me trouver. Comme à toi, ma porte lui est ouverte.

Rim écoute avec attention les éléments que lui livre ensuite Dilay à propos du dieu des Natifs – un dieu qui représenterait leur île ? Ça ne lui semble pas plus absurde que le dieu-soleil des Thélémites – et même, d’un certain côté, beaucoup plus logique. Au moins ce dieu-là est-il présent concrètement, sous leurs pieds, contre leurs mains, et non perdu dans un éther nébuleux et insaisissable. Un dieu-terre contre un dieu-lumière… Le premier lui paraît bien plus accessible que le second.

- Je vois… Ils doivent avoir une vision du monde très différente de la nôtre.

Puis la mathématicienne lui décrit les trois villages qu’elle connaît à Teer Fradee – le village des eaux chantantes, le village des os de baleine et le village des querelles. Plutôt poétiques, comme désignations... Retenir les deux premiers dans un coin de sa mémoire, et songer à éviter soigneusement le troisième quand elle sortira enfin d’Hikmet… Dont la jeune femme a déjà croisé un des membres, apparemment. Rencontre qui a l’être de s’être plus ou moins bien déroulée. Rim écarquille les yeux.

- Ah oui, vraiment ? Comment ça s’est passé, finalement ? Comment tu t’en es sortie ?

Autant en profiter pour apprendre quelques astuces utiles pour faire face à des Natifs agressifs.

Et à propos de marécages…

- Et il y a quoi comme reliefs et paysages, globalement, ici ? Ça a l’air d’être assez diversifié, non ? Tu m’as parlé de montagnes, de forêts, de marécages…
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Une fois...

Feat Rim


- C-Ca dépend ce qui t’intéresse. Ce que tu trouves dignes d’être raconté. J’ai eu de tout. Y a beaucoup d’histoires sur des quartiers, des familles, ou des bâtiments.

« Les du machin ont été frappés par le mauvais sort après avoir tenté d’arnaquer les Nautes ! Tout le monde sait ça ! »

« C’est le premier dispensaire qui a été construit pour les malades de la malichor. Il est à l’abandon mais tu peux entendre leurs cris dans le vent. »

Dilay en connaît des plus campagnardes, aussi. Les terres autour de Sérène ont dû être belles un jour mais elles sont tellement balafrées de mines que la mathématicienne comprend bien l’imagination fertile des ouvriers des dernières exploitations agricoles.

- J’ai lu. J’ai entendu. Je retiens pas tout, je saurais que te dire de grandes lignes. Tu le rendras plus intéressant que moi.

Dilay ne dit pas ça pour se déprécier. Ce n’est pas son fort, c’est comme ça, si ça peut aider quelqu’un et ne rien lui coûter !

Peu réceptive aux signaux non verbaux de ses interlocuteurs, Dilay ne perçoit pas l’ampleur du changement d’humeur de Rim mais elle comprend que quelque chose cloche probablement. Elle ne crève pas le silence avec que la conteuse de le fasse et ne l’accable pas de question, puis elle opine simplement du chef. Sans possibilité de savoir ce qui la chiffonne dans le sujet, Dilay préfère ne pas relancer du tout.

Elle sourit au clin d’œil de Rim, reprend un peu de bière, puis jette un œil à celle-ci. Diantre. C’est qu’elle descend vite. Dilay expire. Elle peut boire les premières comme du petit lait, sans même y prendre garde. Ce n’est pas une pinte qui va rendre pompette mais tout de même, elle doit faire attention. Elle se l’est promis.

Puisque Rim décrit très bien le sentiment de Dilay quant à la lecture, la mathématicienne fait de vifs signes d’assentiment de la tête.

- Bien formulé.

Elle dit en levant sa bière comme à la santé de Rim. Dilay repose sa chope sans y avoir trempé les lèvres avant d’ajouter :

- ‘Puis j’entends pas très bien.

Dilay ne s’est jamais trop penchée sur les quelques histoires de son enfance dont elle a un souvenir relativement net. Elle les a entendues répétées jusque sur l’île, ou des variantes, mais ne s’est jamais apesantit sur le fait qu’il s’agit d’une forme de patrimoine pour la Garde, puisqu’elle semble les importer partout où elle va et en farcir les oreilles de toutes ses recrues.

La mathématicienne fait tourner la bière entre ses mains dans un geste lent mais régulier tandis qu’une moue songeuse habite ses traits.

- C-C’est de la propagande.

Ouh, le vilain mot. Surtout dans l’Alliance du Pont qui la chérit tellement.

- E-En quelques sortes. On forme les recrues aux bonnes et aux mauvaises choses. Comme des gamins. Y a des exemples. Y a des contre-exemples. Ca met dans le moule, ça met en tête le bon Garde. Personne veut être un mauvais Garde. Personne veut être le méchant d’une histoire.

Dilay a un bref sourire. Elle a parfois de l’affection pour les antagonistes de ses romans et, adolescente, en grande romantique, elle pouvait s’attacher à leur récit plus que de raison. Ils étaient simplement déduits comme des hommes et des femmes plus séduisants que le Garde moyen.

- ‘Fin ça dépend lesquels.

Un sourcil haussé, elle interroge :

- E-Et donc tous les contes ont des morales ? C’est pour apprendre aux enfants ?

Ce dont Dilay se souvient de plus proches de veillées était à destination d’un public plutôt jeune, même si les adultes faisaient cercle aussi. Impossible de se rappeler ce qu’ils disaient ou apportaient à l’évènement.

La mathématicienne serre fermement la main de Rim, l’agite une fois, avant de la relâcher. Elle retombe dans sa chaise, un sourire aux lèvres. C’est une vraie aubaine, heureusement qu’elle est venue là ce soir finalement !

- ‘Suis pas souvent à Hikmet. Je te préviendrai quand ce sera le cas.

Il faut qu’elle commence les cours au plus vite mais un contrat est un contrat. Dilay roule des épaules en réfléchissant à la question du tir.

- O-On va s’entrainer trop près des bois et les Natifs vont nous bouder. Trop près de la ville et ça va être les habitants. On peut peut-être utiliser le champ de tir de la caserne. T’y es déjà allée ? Ils ont des armes réglementaires. C’est bien pour commencer.

La mathématicienne n’a pas autant de contacts dans la Garde à Hikmet qu’elle n’en a à Nouvelle-Sérène mais pour quelqu’un de l’intérieur c’est bonnet blanc, blanc bonnet. La couleur de l’uniforme ne veut pas dire grand-chose sur l’allégeance de celui qui le porte. Beaucoup de Gardes sont loyaux envers leur organisation avant toute chose, et puis ils se connaissent sur une île aussi petite.
Dilay a un mouvement de la main comme pour chasser une mouche quand Rim affirme que le Pont n’a guère envie d’apprendre au sujet des Natifs. Elle semble dire « si tu savais », bien ralliée à l’avis de la conteuse.

- I-Ils veulent comprendre mais comment ça marche, tu sais. C’est sûrement pour ça qu’ils les di-dissèquent. Veulent pas comprendre les gens. Les choses de leur vie.

A bien y penser, les alchimistes traitent les Natifs comme des sortes d’animaux à les considérer tout juste bons à épingler sur leur table de travail. Dilay a un frisson à cette pensée, ce n’est pas une voie qu’elle aime que ses pensées empruntent. Elle se sent malade avant même d’y avoir sérieusement réfléchi.

- L-La Congrégation tu la connais... ‘Sont neutres. Comme partout. Alors ouais, s’ils se sont pas mêlés de la guerre au pays, ils vont pas se mêler des conflits ici. Ils veulent faire amis-amis avec les Natifs. Paraît que la Gou-gouverneuse de Nouvelle-Sérène parle même un peu la langue des Natifs. C’est un type qui travaille au Palais qui me l’a dit. Si tu veux mon avis, y en a qui verront ça comme une mode.

… Et il ne faudra pas longtemps avant que des nobles se piquent d’intérêt pour le peuple de Teer Fradee avec toute l’hypocrisie donc ils sont capables. Bien que déplacée, leur attitude n’est pas aussi dangereuse que celle de certains scientifiques du Pont.

Dilay hausse les épaules. Oui, les Natifs voient le monde à leur façon. Elle est un peu penaude, en son for intérieur, de ne vraiment rien avoir de plus intéressant à dire alors qu’elle fait partie d’une des rares expéditions de l’île mais c’est comme ça. Ils se comprennent pas. Ils se comprendront jamais. Elle s’en est de toute façon persuadée.

La parodie d’un petit rire échappe à Dilay à la question de Rim sur la façon dont les choses se sont déroulées avec le Natif. Elle fait un geste de la main pour essayer de faire comprendre à la conteuse qu’elle ne se moque pas d’elle. C’est nerveux. En fait, le souvenir la met en colère.

- J-J’ai eu un blâme pour la façon dont j’ai traité la si-situation.

Lâche Dilay, non sans insolence. Elle semble presque être fière de s’être faite taper sur les doigts, ce qui n’est pas du tout le cas mais en face de ce qui lui semble injuste elle préfère faire l’arrogante que baisser la tête.

- J’ai filé des balles au Natif. Je voulais de la pierre. J’ai fait du commerce. C’est un langage qu’on parle tous.

Pour ça, on reconnaît bien l’éducation de la Congrégation par laquelle Dilay est imprégnée. Quand Rim évoque la géographie, la mathématicienne lève son index pour lui faire signe de patienter un instant. Elle fourre ses mains dans sa besace et en ressort son carnet ainsi qu’un crayon. En dégageant la table pour mettre le carnet au milieu, Dilay repousse sa chope qui se retrouve tout au bord. Avec un peu de chance, elle va se casser la figure et alors la mathématicienne n’aura plus à la boire.

Dilay attrape son compas et, en un instant, la voilà avec un cercle. Elle fait un point au milieu.

- L-Là t’as le volcan. On le voit depuis Nouvelle-Sérène. Qui est là.

Dilay écrit le nom de la ville au sud. Son écriture n’est ni souple ni rapide mais au moins elle sait rédiger, ce qui est vraiment tout ce qui compte pour la mathématicienne. Elle place Hikmet au Nord-Est.

- Sur toute la côté t’as des grottes. Juste après Nouvelle-Sérène ya une région qui s’appelle « les bois rouges ». C’est ce que son nom indique. Là, ce sont les Natifs pas très gentils. Y a un peu de tout comme je t’ai dit. Plus loin c’est de la plaine près du village des os.

Dilay ne sait pas trop le placer sur la carte, elle le fait un peu au hasard entre Nouvelle-Sérène et Hikmet.

- C’est jamais plat, faut te dire ça. Y a des falaises vers la mer, et des tas de sur-surplombs qui sur-surgissent partout. Plus tu vas au centre de l’île plus ça a l’air de monter. Personne y est encore par-parvenu de ce que je sais. Là…

Dilay désigne le Nord-Ouest.

- Y a les thé-thélémites. Connais pas comment c’est. Entre la Con-Congrégation et eux y a de la plaine près de la mer, et du marécage si tu vas vers le volcan. Beaucoup de flotte. Beaucoup de boue. In-interminable.
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- Oh, moi je prends tout, tu sais, répond la conteuse sur un ton léger, plaisantant à moitié, et je fais le tri ensuite. Et puis, je pense pas forcément qu’il y ait des histoires qui soient plus dignes d’être racontées que d’autres… Juste qu’il y en a qui, en fonction des contextes, sont plus intéressantes pour le public.

S’adapter à son auditeur : l’un des premiers gages, selon elle, d’une soirée de contes réussie. Répondre aux attentes des spectateurs tout en les surprenant assez pour qu’ils n’aient pas la sensation de s’ennuyer et aient envie de revenir l’écouter. Un équilibre à trouver, pas toujours évident, mais qui a déjà prouvé son efficacité.

Lorsque Dilay lui avoue avoir des problèmes d’audition, Rim se contente de hocher la tête, guère étonnée : son intuition était donc juste, la jeune femme a bien des difficultés à entendre qui expliquent sa circonspection initiale envers les veillées de contes et qui sont aussi, sans doute, liées à son bégaiement. Si elle hésite un bref instant à l’interroger davantage sur le sujet, elle préfère finalement rester silencieuse : elle-même n’apprécie pas que des personnes qu’elle connaît à peine s’immiscent dans son passé, comme si la moindre parcelle de sa vie pouvait être détaillée, dissertée et analysée par n’importe qui, et elle ne veut pas donner l’impression de faire preuve d’indiscrétion. Si Dilay le souhaite, elle parlera – maintenant, ou peut-être plus tard, peu importe. Et sinon, tant pis.

Le terme de propagande appliqué à la Garde fait hausser un sourcil à la conteuse mais, après tout, peut-être ce terme convient-il en effet ? Dilay est très certainement bien mieux placée qu’elle pour en juger. La jeune femme esquisse cependant un sourire à l’évocation des méchants des histoires. Gentil, méchant… Qu’est-ce que cela veut vraiment dire, au fond ? Peut-être est-elle étrange, mais les considérations morales n’ont jamais eu de réelle importance pour elle – ni dans la vie, ni dans les histoires. Il y a seulement des personnes – ou des personnages – qui ont des désirs, des objectifs, et essaient de les satisfaire. Parfois cela leur permet de faire plaisir du même coup à d’autres protagonistes, parfois cela leur demande d’entrer en conflit. Certains gagnent, d’autres perdent. C’est tout.

- Oui, comme tu dis. Ça dépend lesquels. Personnellement, je m’identifie toujours davantage à des personnages qui véhiculent, je sais pas… Une certaine force, une certaine énergie, une certaine liberté. Et peu importe qu’ils soient « bons » ou « mauvais » – les guillemets qu'elle applique à ces deux mots sont perceptibles rien qu’au ton de sa voix, et au sarcasme discret qu'elle y instille.

Une pause, légère, qui lui permet de rassembler ses idées.

- Je ne dirais pas que tous les contes ont une morale… mais c’est tout de même le cas de beaucoup d’entre eux – pour les enfants comme pour les adultes, d’ailleurs. Mais tu sais, les contes ne sont pas les seuls à répondre à une certaine… finalité. Les mythes, par exemple, ont été inventés à l’origine pour répondre à des questions que les êtres humains se posaient – des énigmes sur le fonctionnement du monde, de la vie… Pourquoi la nuit est-elle noire ? Pourquoi le soleil se lève-t-il tous les matins ? Pourquoi les terres sont-elles posées au milieu d’immenses étendues d’eau ? Maintenant les sciences permettent d’apporter de vraies réponses, bien sûr, mais avant, quand ce n’était pas le cas, les mythes pouvaient expliquer tout ce qu’il y avait de mystérieux et d’incompréhensible autour de nous. En fait, je pense qu’une histoire n’est jamais totalement désintéressée, qu’elle a toujours un but, au fond, même caché… mais enfin, ce n’est que mon avis, bien sûr.

Le sourire de Rim s’élargit lorsque Dilay lui donne quelques précisions sur leurs futurs entraînements. Le champ de tir de la caserne… L’idée lui plaît. Avec des pistolets de la Garde – en attendant qu’elle puisse acheter le sien, une fois elle aura appris à s’en servir, évidemment, et lorsqu’elle aura mis un peu d’argent de côté. Elle a hâte – déjà.

- J’y suis jamais allée non, mais ça me paraît parfait. Vraiment.


Qui aurait cru que cette soirée se terminerait non pas par un seul contrat, mais par un double marché – celui avec la taverne, du moins elle l’espère, et celui avec Dilay ? Sans compter la propriétaire de la Taverne du Denier de Nouvelle-Sérène, que la mathématicienne lui a promis de contacter… Un soir fructueux, décidément – et, le sourire aux lèvres, la jeune femme reprend une gorgée de bière. Sa chope est déjà à moitié vide.

Elle se contente d’acquiescer lorsque son interlocutrice lui fait part de ses sentiments vis-à-vis du comportement de l’Alliance du Pont et de la Congrégation marchande à l’égard des Natifs. La science brutale et sans scrupule pour les uns, l’intérêt économique mâtiné d’hypocrisie pour les autres. Assez bien résumé…

- Un blâme ?

La conteuse n’a pu retenir son interrogation de surprise. Dans l’attitude tout à coup volontairement insolente de Dilay, elle a l’impression d’apercevoir son reflet, toutes ces fois où elle mime le culot pour dissimuler sa gêne ou son malaise. La jeune femme a beau feindre une certaine nonchalante arrogance, cette situation doit sans doute la toucher pour qu’elle mette une telle énergie à prouver qu’elle ne considère sa sanction qu’avec ce mélange affirmé de distance et d’impertinence.

Donner des balles à un Natif – et qui plus est, à un Natif hostile… Rim comprend le raisonnement de Dilay – il s’agissait après tout d’un échange commercial –, mais elle imagine aisément combien sa hiérarchie a dû en être horrifiée. Fournir des armes à un peuple potentiellement ennemi n’est certes pas la meilleure manière de rassurer l’Alliance du Pont… Ni aucune grande puissance de Gacane, au demeurant.

- Ah oui, ce troc n’a pas dû plaire à tout le monde,
ironise-t-elle, sans méchanceté toutefois. Mais une attaque qui se termine en opération commerciale, ça aurait pu plus mal tourner - pour toi, en tout cas. Et à propos de langage, d’ailleurs, comment les Natifs se débrouillent avec notre langue ? En général ?

Lorsque la mathématicienne entreprend de dessiner une carte de Teer Fradee dans son carnet, Rim rapproche sa chaise de la sienne afin de mieux voir. Penchée au-dessus de son bras, elle observe avec attention les cercles, les points et les noms qui envahissent petit à petit la page de stries sombres.

- Un volcan… Il est actif ?


Elle a réfléchi à voix haute, et est presque étonnée d’entendre sa voix résonner près de l’oreille de Dilay.

- Ça a l’air… varié. C’est quoi la taille de l’île, à peu près, par rapport aux territoires de l’Alliance ? Et t’es déjà allée où, toi ?
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Il était

Une fois...

Feat Rim


Dilay a un petit signe du menton pour acquiescer. Sûrement que Rim fait partie de ces gens – mystérieux pour la mathématicienne – qui savent jauger les autres et leurs humeurs. Et puis, Dilay songe que Rim doit pouvoir rendre beaucoup de choses intéressantes avec la façon dont elle parle.

- J-J’en connais bien une…

Se décide à tenter Dilay. Il lui semble que c’est la plus intéressante qu’elle a entendu !

- U-Une légende des alentours de Sérène. Si tu croises une fille qui danse et fô-fôlatre dans les champ au zénith, faut pas t’en approcher. Elle va t’entrainer dans sa danse jusqu’à ce que tu ais plus de semelles. A mon avis c’est pour pousser les enfants à pas aller s’é-égayer quand il fait très chaud.

La chaleur de Sérène est différente de celle de Khorshid. Les steppes ne pardonnent pas à ceux qui n’y sont pas préparés, mais justement : les peuples du Pont ont l’habitude de leur environnement. Les paysans de Sérène ont vu leur campagne être de plus en plus ratiboisée et des anciens soutenaient à Dilay que le soleil était moins cruel quand les forêts abondaient davantage.

- Certains disent que c’est un démon, mais ce sont des trucs de thélémite. D’autres que c’est l’esprit d’une fille morte d’une façon injuste. J’ai aussi entendu une version où elle emmène les gens jusque dans les bois pour les y perdre.

Les paroles de Rim prennent tout leur sens, maintenant que Dilay y réfléchit.

- C’est une ancienne version. Je pense. Parce que plus personne a peur des bois de Sérène. Ils sont épars et on y voit très bien même la nuit.

Sans parler du fait que leur accès est souvent réservé à la chasse de ces grands personnages !

Dilay acquiesce vivement à l’analyse de Rim.

- J’aime pas quand un personnage est trop… parfait.

Elle répond. Ce n’est pas tant qu’il faut qu’elle puisse se reconnaître dans les personnages, mais s’ils sont tout à fait éloignés d’elle elle ne les comprend simplement pas. Comme avec les gens. Le seul avantage des personnages c’est que leurs pensées sont écrites sur le papier. Chez les gens, paraît-il qu’on les voit sur leurs visages, dans leurs yeux – Dilay n’y est jamais parvenue. Elle aime les monologues internes, fussent-ils tortueux, pour se plonger dans l’intériorité de quelqu’un d’autre comme elle ne peut jamais le faire autrement.

Dilay écoute avec attention Rim évoquer les morales dans les contes. Elle se demande un instant si ces mythes étaient plus répandus avant la formation de l’Alliance du Pont et le début de la guerre.

- Quand tu en parles avec des savants, ils en pensent quoi ?

Dilay suppose que cela dépend auquel on s’adresse. Elle hausse les épaules.

- P-Parler, c’est toujours pour dire quelque chose. Transmettre une intention. Une impression. Ces histoires se répéteraient pas si elles avaient pas de but ou si elles trouvaient pas un écho chez les gens.

Très bien, Rim est partante pour s’entrainer dans les locaux de la Garde. Dilay aura du courrier à envoyer après cette discussion, pour sûr…

Son sourire bien accroché à ses traits, presque féroce, la mathématicienne fait un geste vague de la main quand Rim évoque que le petit troc n’a pas dû plaire à tout le monde. Dilay en a été blessée, vraiment. Le manque de confiance, la remise en question de sa décision dans une situation de vie et de mort, le fait Basir refuse tout bonnement de lui adresser la parole…

Elle n’est pas douée pour mentir. C’est juste qu’elle ne s’avoue pas à quel point ça fait mal.

- C-C’était ça où je faisais un gros trou dans la poitrine du Natif. Le truc c’est que j’avais aucune idée d’où se trouvait son village. Le coup aurait ré-résonné dans la vallée. On aurait eu des tas de Natifs aux trousses.

… Et puis elle n’aurait pas voulu tuer quelqu’un, pas voulu découvrir si elle avait le cran d’appuyer sur la détente face à un autre être humain.

- Ce sont juste des balles. Pas comme s’ils avaient des fusils pour s’en servir. ‘Vont pas nous les lancer dessus.

Dilay a eu beau l’arguer, encore et encore, avancer que même si un natif s’en procurait le nombre des balles était fini, qu’ils ne savaient pas travailler le métal, et qu’apprendre à tirer n’était pas inné quand personne dans leur culture ne savait le faire, son raisonnement était tombé dans l’oreille d’un sourd. Il faut dire qu’elle n’a pas vraiment eu le temps de le dérouler de bout en bout sans qu’on l’interrompe et la frustration l’a empêchée de posément détailler ses arguments.

La colère lui remonte dans la gorge et, malgré elle, ses yeux dérivent vers sa chope. Dilay s’en détourne, le nez froncé.

- I-Ils ont un accent. Un gros accent pour certains. Ils pro-prononcent des sons vraiment différemment comme… Oï. Pour Hey.

Dilay agite la main pour mimer le « hey » parce qu’elle-même ne le dit pas très bien.

- Y en a qui sont intéressés pas apprendre. La majorité s’en fiche.

La mathématicienne n’en est pas si étonnée : face à des évènements extraordinaires comme la rencontre de deux peuples, beaucoup de gens continueront à vaquer à leur quotidien comme si de rien n’était, tant que celui-ci n’est pas trop perturbé.

Dilay opine du chef pour signifier que le volcan est bien en activité.

- I-Il y a une trainée rouge à son sommet qu’on voit depuis Nouvelle-Sérène.

Dilay, qui habite dans une cabane de pêcheur, a une petite échappée sur la mer mais si elle pouvait choisir de s’installer n’importe où elle aimerait qu’au moins une de ces fenêtres donne sur le volcan. La nuit, notamment, la lave qui git en son sommet, comme toujours incandescente, est hypnotisante.

- L’île est petite. Plus petite qu’une province.

La mathématicienne a une moue. Elle semble vouloir rectifier ce qu’elle vient de déclarer, agite son crayon.

- P-Peut-être de la même taille que la plus petite des pro-provinces.

Elle n’est pas géographe, après tout. Elle met de petits points aux endroits qu’elle a visité : Hikmet, Wenwhaveye, Nouvelle-Sérène le bas des marécages, le territoire des Natifs hostiles, et celui des Natifs amicaux. Elle n’a fait que passer dans les trois dernières localisations alors elle fait un plus petit cercle à ces endroits en ponctuant chaque dessin d’un « là ».

- Où est ce que tu voudrais aller en premier ?

S’enquiert finalement Dilay.

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La légende de la jeune danseuse tournoie un instant dans l’esprit de Rim. Un esprit tentateur qui emporte ses victimes dans des rondes endiablées, jusqu’à les brûler au soleil ou les perdre dans les bois… Des motifs plutôt communs mais dont les couleurs, les nuances, les résonances, ont des saveurs qui leur sont propres. Les images esquissées par Dilay se mêlent à des sons, à des odeurs – tout un monde qui se dessine peu à peu dans l’imaginaire de la conteuse, tissant déjà les trames chatoyantes d’une narration. Elle ébauche un sourire.

- C’est une belle histoire.


Autrefois ce fantôme emmenait les humains en forêt, aujourd’hui il les laisse se calciner sous la morsure du soleil. Qui sait quel sera son prochain lieu de tourment, au gré des peurs et des angoisses de Sérène ? C’est ça que Rim aime tant, dans les contes : leurs variations, leurs transformations, leurs changements, comme l’eau qui ondule et ne cesse de former de nouveaux motifs, de refléter de nouvelles images, au creux de ses vagues.

À la question de Dilay, qui s’interroge sur ce que pensent les savants de ses théories à propos des mythes et des contes, Rim se contente de hausser les épaules. Hormis Mansour, ce n’est pas comme si elle connaissait beaucoup de savants… Et de toute manière, elle se moque bien de leurs jugements. Oh, elle respecte leur travail et leurs connaissances, bien sûr, mais elle n’a jamais cru avoir besoin de la validation intellectuelle de qui que ce soit pour avancer des opinions. Elle n’a pas besoin d’eux pour se faire ses propres idées sur ce qui l’entoure, et elle se sent autant capable qu’eux de réfléchir et d’émettre des hypothèses – autant capable, et tout aussi légitime.

- À l’exception de Mansour, l’érudit dont je t’ai parlé, je n’ai jamais eu l’occasion de discuter avec beaucoup de savants, tu sais… J’en côtoyais seulement de loin, disons. Mais ce sont à la fois mes lectures et l’enseignement de mon maître, Mansour, qui m’ont permis d’arriver à ces conclusions.

Manière implicite de dire qu’elle n’est tout de même pas la seule à partager ces idées.

La jeune femme hoche ensuite la tête pour appuyer l’assertion de Dilay – effectivement, on ne parle généralement pas dans le vide. Et ce qui est complètement inutile finit souvent, selon elle, par disparaître.

- C’est sûr que trouer la poitrine du Natif n’était pas la meilleure solution non plus, vu la situation géopolitique de l’île…

À vrai dire, elle n’est pas tout à fait d’accord avec la mathématicienne quand celle-ci affirme que les Natifs ne risquent pas d’apprendre à se servir des balles : leur observation des continentaux – sans compter les attaques de l’Alliance – a bien dû leur permettre de comprendre à quoi servent ces objets, de constater qu’elles sont utilisées avec des fusils ou des pistolets… Et des armes, ça se vole. Mais elle préfère ne rien rajouter, peu désireuse d’entretenir la rancœur de Dilay.

- Je suppose que la langue des Natifs doit être extrêmement difficile à prononcer, pour nous aussi, remarque-t-elle lorsque son interlocutrice évoque l’accent de ces derniers.

Elle ne sait pas trop si elle se davantage inquiète ou fascinée en apprenant que le volcan est toujours en activité, mais c’est avec surprise qu’elle accueille l’information de Dilay concernant la taille de l’île.

- Ah oui, vraiment ?

Elle a regardé quelques cartes, pourtant – certes, l’île ne lui a jamais semblé très grande, mais à ce point…

- Je ne pensais pas qu’elle était aussi petite, observe-t-elle sur un ton songeur. Mais je suppose que dans notre imaginaire, les territoires inconnus sont toujours plus grands que ceux qui nous sont familiers…

Elle détaille ensuite la carte crayonnée par Dilay, notant avec attention les endroits traversés par la mathématicienne.

- Moi ? Mmh…

Elle réfléchit un instant, les yeux fixés sur la carte, les noms et les petits points gris.

- En fait, j’aimerais beaucoup rencontrer des Natifs… Mais si possible amicaux, bien sûr – ou en tout cas, pas franchement hostiles, précise-t-elle en désignant la zone concernée. Ce qui me laisse donc… toutes les autres régions, finalement, conclut-elle avec un petit rire. Et puis Nouvelle-Sérène, aussi, évidemment. Surtout si tu me dis que certains Natifs comptent s’y rendre pour faire du commerce.

La jeune femme s’interrompt quelques secondes, le temps de boire une longue gorgée de bière. Lorsqu’elle repose son verre sur la table, il est pratiquement vide.

- Après, au niveau des paysages, je t’avoue que les marécages me tentent moyennement… Mais les falaises, au bord de la mer, doivent être splendides. Je pense que cet endroit me plairait beaucoup.

Si la traversée en bateau avec les Nautes n’a pas été la plus agréable de ses expériences, elle garde en revanche un souvenir émerveillé de son arrivée au port et de son embarcation sur le navire. Directement arrivée d’Al Saad, c’était la première fois qu’elle voyait la mer, et cette immensité d’eau et de ciel, d’horizon et de lumière, lui avait littéralement coupé le souffle. Jamais elle n’avait vu de plus beau spectacle, et même le mal de mer n’avait pu arracher l’émotion qui lui avait empoigné le cœur alors que, debout, accrochée au bastingage, arrosée d’embruns, les cheveux ébouriffés par le vent et les oreilles remplies du cri des mouettes et du bruit du ressac, elle regardait le rivage s’éloigner, jusqu’à disparaître dans une harmonie de bleus, de verts, de gris et de violets griffés d’écume.
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Il était

Une fois...

Feat Rim


Dilay sourit de façon spontanée, simplement contente que l’histoire plaise à Rim, que la conteuse la « valide » en quelques sortes. Elle est toujours anxieuse d’évoquer un sujet sur lequel elle n’a pas l’impression de connaître quoi que ce soit, angoissée qu’on la rabroue. Et Rim a l’air intelligente et sûre d’elle…

La mathématicienne hoche la tête quand la conteuse évoque à nouveau Mansour. Dilay ne comprend pas bien qui l’homme est pour Rim – son mentor mais il ne l’a pas envoyé à l’Académie. Il ne travaille plus, a dit Rim. C’est qu’il doit se tenir loin des disputes des savants. Une démarche salutaire, ils ont une façon unique de tailler les cheveux en quatre pour des questions triviales.

- J-Je vois… C’est bien. Même si c’est pas commun. C’est même bien que ce soit… pas commun.

C’est que Dilay commence à en dire beaucoup de tristes choses – elle parle de propagande, tempête contre les directives de ne rien donner aux Natifs. Il ne faudrait pas qu’elle dire tout haut ce qu’elle pense : que le consensus scientifique actuel est une vaste connerie et que le domaine d’étude de Rim devrait être plus reconnu. Qu’elle aurait dû avoir la chance de pouvoir étudier de façon formelle.

A ne vouloir étudier que la mort – la malichor, la guerre – on en oublie les sujets qui ont trait à la vie.

La mathématicienne a l’air un peu gêné un bref instant, presque renfrogné. Sa jambe est prise d’une impatience.

- Tu parles de ce Mansour... Je me demande si mon mentor le connaît.

Hassan est originaire d’Al Saad et le monde de la science ne peut pas compter tant de gens aux idées décalées…

Sur le sujet de l’échange de bol, Dilay se renfrogne un peu.

- Puis quand un type veut te tuer avec sa hache en pierre, t’as intérêt à réfléchir vite.

Elle renchérit :

- Les gens qui donnent des sanctions ont pas à faire ce genre de choix.
Ne vient-elle pas de se promettre d’arrêter de jouer aux révolutionnaires ? Sa bouche se pince et elle soupire. Ce n’est pas le moment de discuter le choix des bureaucrates de l’Alliance.

- …’Fin j’ai fait ce qui semblait approprié sur l’instant. Avec du recul ça l’était peut-être pas.

Ah, ça lui arrache la gorge de le dire ! D’ailleurs, à la tête qu’elle tire on dirait qu’elle vient d’avaler quelque chose de très amer. La voilà qui tente de camoufler sa grimace. Ce n’est pas facile de courber l’échine, vraiment pas. Et l’emphase qu’elle a mise sur le « peut-être » ne la fait pas du tout paraître repentent.

- Sa-Sacrément difficile, ouais. Je m’y essaies pas.

Dilay a un bref grognement. Elle ne peut pas faire de démonstration à Rim sur ce sujet, elle se ridiculiserait en essayant de dire un seul mot.

- Mitra veut essayer de faire un dictionnaire pho-pho-phonétique. Pour avoir une forme écrite de leur langue et l’apprendre plus facilement.

Un projet que la jeune linguiste mène virtuellement seule. Autant dire qu’elle en a pour une éternité et encore – seulement si les Natifs veulent bien collaborer.

Dilay contemple sa propre carte improvisée. C’est vrai que Teer Fradee est petite, mais elle n’a pas l’air de l’être quand on l’explore. En s’humectant les lèvres, elle fait de son mieux pour retranscrire cette impression à Rim :

- Y a tellement… d’ob-obstacles. On se perd. Tant. Que… ça paraît grand quand même.

Mais, dans les faits, il y a tout de même trois nations continentales qui se disputaient pour un caillou dans l’océan.

Dilay écoute Rim exposer ses projets et fait un petit signe du menton de temps à autre pour signifier qu’elle l’écoute, parce qu’elle s’est remise à regarder le carnet.

- Tu devrais aller au village des Natifs pas hostiles. Entre Nouvelle-Sérène et Hikmet.

Elle lui pointe l’endroit.

- C’est comme…

« Vinari » écrit Dilay à la place de Vignamri puisqu’elle n’a aucune idée de l’orthographe du mot et ne se rappelle que sa sonorité – à peu près en tout cas.

- T-Tu demandes à un car-caravanier il saura. Y a des falaises chez eux. Et des Natifs prêts à discuter.

Le second point n’intéresse pas Dilay mais le premier… Elle rejoint Rim à ce sujet. Elle a un sourire un peu rêveur.

- Si tu te tiens à certains endroits de l’île tu vois toute la côte. Du sable au pied des falaises. Se découper… Comme à l’infini.

Il y a un vent rugissant, à décorner les bœufs, mais le spectacle en vaut le coup.
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Est-ce que le mentor de Dilay et Mansour se connaissent ? À vrai dire, cette interrogation n’avait jusqu’alors pas effleuré l’esprit de Rim, mais c’est une bonne question, en effet. La jeune femme s’accorde quelques secondes de réflexion.

- Mmmh… J’en sais rien, mais si ton mentor avait l’habitude de fréquenter Al Saad, ça ne m’étonnerait pas. Et puis, ses recherches par rapport aux Natifs et à leur relation symbiotique avec l’île… Ce serait le genre de choses qui pourrait intéresser Mansour. Ou l’intriguer, disons.

Son maître est un esprit fondamentalement curieux et touche-à-tout, qui met un point d’honneur à s’intéresser à des domaines aussi divers et variés que possible. Pour lui, les sciences n’ont pas de sens si elles sont dissociées de l’histoire, de la philosophie ou même de la littérature, et l’étude des sociétés humaines a tout autant de noblesse que celle des virus ou des bactéries. Décidément, plus elle y réfléchit, plus elle pense qu’il y a des chances que Hassan et Mansour s’entendent bien.

- Tu pourras toujours poser la question à ton maître, la prochaine fois que tu le verras… Et me tenir au courant de sa réponse !

L’amertume de Dilay vis-à-vis de sa rencontre avec le Natif transparaît encore clairement dans sa voix, dans sa posture, dans son expression – les épaules crispées, les lèvres pincées, les soupirs rageurs qu’elle laisse parfois échapper. Rim incline la tête tout en jouant distraitement avec sa chope.

- Là où je suis d’accord avec toi, c’est que ce ne sont pas les personnes qui font les reproches qui sont confrontées aux problèmes. Elles punissent sans avoir eu l’expérience des difficultés. Les grandes leçons de morale sans la pratique, c’est bien utile, mais pas très juste.

Pas que la justice soit une notion qui la concerne beaucoup… Mais elle comprend la colère et la frustration de Dilay – elle-même est beaucoup trop susceptible pour imaginer accepter calmement ce type de sanction. Se retrouver dans une situation similaire à celle de la mathématicienne la rendrait furieuse, sans aucun doute.

- Un dictionnaire phonétique ? C’est une bonne idée !

Bien que Rim ait une bonne mémoire auditive, elle a toujours trouvé plus aisé de retenir quelque chose en passant au préalable par l’écrit, et le projet de Mitra lui semble réellement prometteur.

- Si ça peut l’encourager, dis-lui que je serai l’une de ses premières clientes,
lance-t-elle avec un clin d’œil. Même si je suppose que ça va lui prendre énormément de temps… D’ailleurs, ajoute-t-elle après quelques secondes de réflexion, si par hasard je pouvais aider… Enfin, pour le moment je ne parle pas un mot de la langue native, bien sûr, mais si dans l’avenir je l’apprends et que Mitra a besoin d’assistance… Je trouverais intéressant de m’associer à ce projet. Ou au moins de contribuer, un peu.

Une taille ressentie de Teer Fradee qui n’a pas de rapport avec sa taille réelle : c’est compréhensible. La conteuse imagine aisément que quand on confrontés à des marais ou à des créatures monstrueuses tous les trois pas, tout paraît soudain plus gigantesque…

Vinari. Rim fixe le mot écrit par Dilay jusqu’à être sûre qu’il s’est bien fixé dans sa mémoire.

- Des falaises et des Natifs prêts à discuter ? Mais c’est le paradis, dis-moi ! plaisante-t-elle, le regard espiègle. Puis, sur un ton plus sérieux : Merci pour le renseignement, j’irai faire un tour là-bas. Ça a l’air magnifique.

Pour le coup, ça la changera vraiment d’Al Saad. Et, pour la première fois depuis qu’elle a mis le pied sur Teer Fradee, Rim a réellement la sensation d’avoir changé de monde.
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Une fois...

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- Hassan… Est d’Al Saad mais il a beaucoup travaillé à l’étranger. Si ça t’intéresse je suppose que tu peux trouver un bouquin de lui.

Au moins un. Tout du moins, Dilay se prend à l’espérer. Hassan, grand philosophe et orateur, collaborateur précieux de l’armée. Hassan, dont elle a tant entendu parler, perd peu à peu de sa superbe, notamment depuis l’intensification des activités de l’Alliance sur Teer Fradee et de la stagnation du front. Dilay a toujours un peu de peine pour lui, d’autant que rien qu’on puisse dire au sujet du vieil homme ne soit en mesure d’éroder sa loyauté à son égard.

- Et Mansour ? ‘L’a déjà publié ?

Dilay a accès à la bibliothèque du laboratoire central d’Hikmet mais celui-ci est ridiculement petit, même par rapport à une ville de province comme Khorshid, et elle évite de malmener plus que de raison les pauvres ouvrages qui s’y entassent. Trop de mains les tripotent déjà sans ménagement toute la journée.

La mathématicienne opine du chef. Elle ne manquera pas de questionner Hassan, d’autant qu’elle passe virtuellement la moitié de sa vie dans le même camp que lui. Il faut bien trouver des sujets de conversation.

Nouveau mouvement de la tête alors que Rim prend une position similaire à celle de Dilay. Cette dernière a envie de préciser que ce n’est pas une question de justice mais de logique – on devrait se retrouver dans cette situation avant de la juger ! Mais cela relève de la morale, du ressenti. C’est probablement ce qu’elle ressent, une impression d’injustice, d’amertume et de frustration. Il est rare qu’elle entreprenne quoi que ce soit et la rare fois où elle décide seule d’une chose durant une affectation…

Peut-être l’encaisse-t-elle comme un jugement de caractère.

Dilay fixe Rim tandis que celle-ci approuve le dictionnaire phonétique.

- J-Je lui parlerai de toi.

Promet la mathématicienne car elle pressent que les deux femmes vont bien s’entendre. D’ailleurs…

- … Y a une fille. Une her-herboriste. Elle a boutique à Hikmet. Elle s’appelle Lysha. Elle est passionnée par les Natifs et a commencé à apprendre leur langue.

C’est toujours une information bonne à placer. Lysha, bien qu’enthousiaste, est une petite chose et Dilay n’a cessé de s’inquiéter pour elle de tout le temps de son séjour à Wenshaveye. Rim a l’air davantage taillée pour l’aventure, et plus déterminée. Cela se voit tout de suite à la façon dont elle se tient, juge Dilay avec le peu d’expérience qu’elle a pour déterminer le caractère par l’apparence de quelqu’un. Peut-être que les deux femmes pourraient partir en vadrouille ensemble ? Lysha a déjà des bases de savoir académique et Rim a l’air d’avoir soif d’entreprendre. Elles pourraient s’épauler.

- Je pourrais vous mettre en contact.

Même si Lysha ne semble pas parler couramment la langue des Natifs, elle a déjà quelques bases. Elle sera probablement moins affairée que Mitra. Il faudra d’ailleurs que Dilay envoie aussi une lettre à la petite herboriste quant à ce projet de dictionnaire…

La mathématicienne plie avec un certain soin la page de son carnet puis la déchire pour la retirer. Elle la plie et la fait glisser vers Rim.

- Tiens. Garde ça. Tu pourras comparer avec une vraie carte.

Elle lui décoche un sourire avant d’ajouter :

- S-Si la fille de la taverne du Denier marche pour une veillée, je lui file ton adresse ?

Dilay est contente de cet échange avec Rim. Elle aime pouvoir aider une nouvelle venue à se retrouver sur l’île, à se faire des contacts. Elle-même aurait pu en bénéficier, et cela veut dire qu’elle ne doit plus être tant que ça en terre étrange ! Et plus si seule qu’avant…

Elle hausse donc les épaules alors que la conteuse la remercie. Ce n'est pas grand chose. Et puis elle lui a payé à boire.
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- S’il a déjà publié ? Je me rappelle avoir déjà vu traîner un ou deux livres de lui dans les rayons de sa bibliothèque – sans doute des sciences humaines… Mais je ne pense qu’ils aient connu un succès retentissant, Mansour est davantage un érudit qu’un chercheur. Les idées, il préfère les analyser plutôt que les inventer.

C’est du moins ainsi qu’il se comporte à présent. Mais peut-être était-il, dans ses jeunes années, un de ces savants ambitieux convaincus de leur vocation à révolutionner le monde de la science et de la connaissance ?

La jeune femme a en tout cas bien retenu le nom d’Hassan – elle cherchera un ouvrage de lui lorsqu’elle trouvera enfin le temps d’aller à la bibliothèque d’Hikmet, si elle en a l’occasion. Et elle pourra aussi en toucher un mot dans la prochaine lettre qu’elle écrira à Mansour – même si, le temps qu’il la reçoive et lui réponde, elle aura probablement déjà été renseignée par Dilay…

- Lysha, tu dis ?

Une herboriste intéressée par les Natifs, la découverte de leur culture et l’apprentissage de leur langue… Ça pourrait constituer une bonne partenaire d’exploration, en effet ! Rim hoche la tête avec enthousiasme.

- Ce serait bien, oui ! Tu connais mon adresse, maintenant, de toute façon… Mais si tu n’as pas le temps de te charger toi-même de faire le lien, ne t’en fais pas, je pourrai aller lui rendre visite un jour dans sa boutique. Il ne doit pas y avoir tant d’herboristes que ça à Hikmet… Et puis, je connais son nom, ça facilitera les choses.


Dilay lui tend ensuite la feuille de son carnet où elle a dessiné sa carte approximative de Teer Fradee, et la conteuse l’accepte avec un sourire. Sourire qui s’élargit lorsque la jeune femme lui reparle de la propriétaire de la taverne du Denier de Nouvelle-Sérène.

- Bien sûr, oui, avec plaisir !

Elle a tout de même eu une sacrée chance de tomber sur Dilay, ce soir – Dilay et toutes ses informations, toutes ses connaissances, tous ses contacts. C’est la première fois qu’elle discute autant avec quelqu’un depuis son arrivée sur l’île – discuter vraiment, profondément, d’autres choses que d’affaires ou d’argent – et elle doit reconnaître que ça lui a fait plaisir. Elle a du mal à se l’avouer, mais ses amis d’Al Saad lui manquent et elle a eu l’impression, l’espace d’une soirée, d’une conversation, de retrouver un peu de cette chaleur qui l’étreignait quand ils partaient dans d’interminables discussions ou d’inexplicables fous rires. Et c’est pour ça, en plus de tout le reste, qu’elle sourit de nouveau à Dilay, sincèrement, avec une réelle affection qui commence à poindre derrière la belle harmonie de ses mots.

- Merci pour tout. Vraiment. Heureusement que je ne suis ni religieuse ni superstitieuse, sinon je te finirais par te prendre pour mon ange gardien et tu ne réussirais plus à te débarrasser de moi ! plaisante-t-elle en terminant son verre.

L’idée est plutôt amusante, d’ailleurs, et elle est en train d’imaginer la mathématicienne avec de petites ailes dans le dos et une auréole de lumière, essayant désespérément d’échapper à sa présence suppliante et béate de gratitude, lorsqu’un toussotement retentit à son oreille.

- Hum, mademoiselle ? Excusez-moi ?

Un serveur, qu’elle n’a pas entendu arriver, se dresse à côté d’elle.

- Désolé d’interrompre votre discussion, mais le patron aimerait vous voir…

Au petit sourire qui flotte sur ses lèvres et au clin d’œil qui ponctue sa phrase, Rim comprend aussitôt : le tavernier souhaite lui parler de sa veillée de contes – et de l’éventuel contrat qui en découlera. Et, si elle en juge par l’expression bienveillante du serveur, le message a l’air d’être plutôt positif. Elle repousse aussitôt sa chaise et saute sur ses pieds.

- J’arrive tout de suite. Puis, se tournant vers Dilay : J’espère que tu ne m’en veux pas si je te quitte maintenant… Mais on se revoit bientôt pour nos leçons, de toute façon ! Tu n’auras qu’à m’écrire quand tu seras disponible !

Sur un dernier geste de la main, elle emboîte alors le pas au serveur, et s’enfonce dans la taverne en zigzaguant d’un pied agile entre les tables.
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