Brid - Native - Cueilleuse - DC

Brid n’a jamais connu ses parents. Personne ne sait de quel clan ils venaient : elle a été trouvée errant seule sur la plage par des cueilleurs de Vígnámrí. Il a été supposé que ses géniteurs étaient des vagabonds exilés, car malgré les appels de Vígnámrí aux autres clans durant la grande chasse de cette année-là, personne ne réclama Brid.

Elle grandit donc à Vígnámrí sans tuteur fixe. Le village entier était sa maison plutôt qu’un bâtiment en particulier, et plusieurs adultes se relayaient pour faire son éducation. Une sortait du lot pour Brid : la doneigad Efa. Elle était avancée en âge et s’occupait de sa petite fille, Ceri. Ceri avait également été privée de ses parents par la vie et Brid et elles s’attachèrent très vite l’une à l’autre.

Brid était on ol menawi, sa marque héritée de l’un de ses géniteurs, bien qu’elle ne sût pas lequel. Pendant un temps, Efa souhaita que Brid devienne son élève. L’enfant était calme et patiente, mais ces qualités ne faisaient pas tout. Malgré sa dévotion au dieu aux mille visages, Brid avait d’autres desseins que de se lier à lui.

Depuis le début, depuis le premier jour, Brid aima la mer. Elle revenait souvent au lieu où le clan l’avait trouvé, et passait des heures à arpenter la plage pour y ramasser ce que le ressac y apportait. Brid voyait dans l’océan une des manifestations les plus évidentes d’En on míl frichtimen : nourricier et destructeur à la fois. Chaque cadeau que les marées portaient sur le rivage, Brid le prélevait en remerciant la divinité.

De l’avis de tous, Brid était une gentille fille : serviable, souriante, mais… ailleurs. On n’aurait su la décrire autrement. D’aucuns disaient que peut-être quelque chose de terrible s’était passé sur cette plage pour que Brid y revienne toujours – que quelque chose, dans son âme, résonnait avec les lieux. Brid ne fut pas une adolescente entourée de beaucoup d’amis, la plupart de ses proches étaient des adultes et si on lui avait demandé, elle aurait affirmé qu’elle n’avait pas besoin de gens de son âge parce qu’après tout, elle avait Ceri.

Brid et Ceri étaient terriblement proches, comme la lune et le soleil disait-on parfois. Complémentaires. On n’imaginait pas voir l’une sans l’autre. Ceri choisit de suivre les pas de sa grand-mère et Brid fut présente durant le rituel qui la lia à En on míl frichtimen, et sur tout le chemin qui en fit une doneigad accomplie.

Quant à Ceri, malgré les bizarreries de Brid, elle ne cessa de la soutenir. Brid devint l’apprentie d’un cueilleur à ses 12 ans et s’illustra dans ce rôle. Petite et discrète, elle se fondait entre les arbres, évitait la plupart des prédateurs, et ne ménageait pas sa peine. Tout pour pouvoir revenir au plus vite vers l’océan. Là, elle y amassait ses « trésors » qu’elle conservait dans une boîte. Elle taillait sa lance de toutes sortes de façon pour en faire un harpon pour la pêche, goûtait des mollusques que personne n’avait encore osé cuisiner. Elle se donna des maux d’estomac, mais persévéra, jusqu’à même manquer de se noyer en essayant de s’apprendre à nager.

L’arrivée des continentaux piqua l’intérêt de Brid. Elle était presque une jeune adulte à ce moment, et elle fit le déplacement jusqu’aux falaises pour voir de loin les navires arriver aux abords d’Hikmet. Dès qu’elle aperçut la première coque, elle sut ce qu’elle voulait faire : naviguer.

Ceri la canalisait. Plus traditionnaliste et très ancrée dans la vie du clan, Ceri donnait davantage de cadre et de raison à Brid. C’était aussi facile, socialement : Brid était l’amie de la doneigad, d’une grande doneigad. Car c’est ce que Ceri était, prometteuse, un espoir pour son village. Brid et elle étaient unies dans un but : ramener sa gloire d’antan à Vígnámrí, qu’importe si pour Brid cela voulait dire arpenter une route plus expérimentale.

La fréquentation de Ceri rejaillissait positivement sur Brid, d’autant que certains finissaient par questionner sa santé mentale à la façon dont elle évoquait la taille des voiles et l’allure du mât des navires nautes qu’elle avait pu observer.
Ce n’était pas une déloyauté à son peuple : Brid ne souhaitait pas rejoindre les continentaux et s’embarquer sur une de leur embarcation. Elle aurait voulu donner quelque chose de similaire à son peuple. Pas de cette taille ! Mais au moins un outil pour remonter les fleuves, ou caboter autour de l’île. Des filets pour pêcher des quantités aussi extraordinaires de poisson.

On oublia un peu d’avoir traité Brid d’excentrique quand il s’avéra que le Mal du village voulait faire commerce avec eux. Ce fut assez naturellement que certains se tournèrent vers Brid, qui avait déjà pu épier certains continentaux à leur insu durant son travail. Elle fut présente la première fois que Vígnámrí reçut un hôte venu d’au-delà des mers mais, peu sociable, elle n’était pas intéressée par le fait de jouer aux diplomates.

Elle avait déjà fort à faire, entre ses expérimentations, son travail, et sa dévotion à Ceri. Ceri ne prit pas d’apprenti : quand elle avait besoin d’une plante particulière, elle demandait à Brid d’aller la chercher et quand il fallait une aide dans l’un de ses rituels, c’était Brid qu’elle choisissait. Leur relation n’était pas très orthodoxe. On crut un temps qu’elles deviendraient Minundhanem. Il n’en fut rien. Mais, en arrivant à l’âge adulte, elles ne choisirent jamais de se lier à quelqu’un d’autre non plus. Elles se suffisaient l’une à l’autre – la moitié d’un tout. Jusqu’à ce que Ceri disparaisse.

Ce fut soudain. Peut-être avait-elle trop de potentiel. Brid ne s’expliqua jamais ce qui avait poussé le dieu aux mille visages à la rappeler à elle si tôt, ou pourquoi Ceri lui avait cédé sans discuter. Elles n’en avaient jamais parlé et, quand la transformation eut lieu, Brid n’était même pas là.

Voilà un an que Ceri est devenue Nádaig et Brid visite souvent le lieu qu’elle garde, quand elle n’est pas dans un bosquet à observer les continentaux de loin. Pour le moment, elle n’a pas encore souhaité en aborder un directement avec l’espoir que copier leurs mouvements et leurs outils suffirait… En vain pour le moment.

On dira de Brid qu’elle est assez originale, et si c’était le cas avant la transformation de Ceri, cela ne s’est pas arrangé depuis. Brid passe le plus clair de son temps hors du village et pourtant on ne peut lui reprocher de manquer de dévotion à celui-ci : elle accomplit toujours son travail avec la régularité de la course du soleil dans le ciel. Levée et couchée toujours aux mêmes heures Brid est une femme qui compense ce qu’elle n’a pas en travaillant très dur pour l’obtenir.

Rêveuse, elle semble souvent absorbée par ses pensées, bien qu’elle ait en réalité une conscience aigue de son environnement. Casanière, elle n’aime pas se départir de sa routine, ou sortir de sa zone de confort, même pour toute sa curiosité : elle préfère la répétition des tâches, dix, cent, mille fois, jusqu’à les maîtriser complètement. Cela lui a bien réussit… Jusqu’ici. Parce que pour copier les étrangers, il faudra soit les voler, soit leur parler.

La vie de Brid pourrait paraître à certains monotone et sans saveur. Ce n’est pas le cas pour l’intéressée. Elle a ses petits rituels, ses inventions qui, même si elles marchent rarement, lui demandent astuce et patience pour être crées.
 
Brid est d’une honnêteté qui désempare. Elle dit les choses comme elle les voit, et, fine observatrice, on ne peut douter qu’elle en constate beaucoup. Pas sociable pour un sou, Brid n’est pas non plus dérangée par la présence des autres. Elle semble simplement toujours dans sa bulle, même entourée de beaucoup de gens. Pourtant, elle ne manque pas d’empathie. Si elle repère qu’un membre de son village est triste, elle déposera un objet susceptible de lui plaire sur le pas de sa porte mais n’ira pas le réconforter avec des mots.