Anemloidád - Native - Doneigad

I. Rien ne vient sans conséquences.

Née d'un parent exilé et abandonnée aux portes du villages, elle n'a jamais réellement connu ses géniteurs et ne chercha pas de réponse. Elle fut simplement adoptée par la communauté, traitée aussi bien que les autres enfants. Mais elle avait toujours eu peu de proches, d'un caractère plutôt taciturne et peu sociable.


Anemloidád aussi loin que les habitants du village de Víghulgsob s’en souviennent à toujours fait bonne figure, malgré un désir intense de liberté, bien que son histoire n’est guère intéressante et finalement assez banale tant elle fut cantonnée aux normes de l’apprentissage en vue de devenir Doneigad. Si bien que nous ne nous y attarderons pas.

Ce n’est qu’une fois pleinement devenue Doneigad qu’elle devint parfaitement excentrique, même au sein de son peuple, devenant nomade et solitaire. Se libérant de son identité pour se plonger entièrement dans le culte du dieu aux milles visages, pensant entendre son appel. Notre protagoniste sera la première à vous le dire : un nom c’est comme une adresse, c’est utile aux autres, à vous ça ne vous sert pas vraiment. Ainsi on en utilisa un certain nombre pour la décrire au cours de son histoire, si bien qu’il est difficile de tous les citer, à commencer par son nom d'adoption, son premier demeurant perdu au même moment que ses géniteurs. Avec le temps et pour son peuple, elle ne devint rien de plus que Anemloidád, l’âme s’échappant, son véritable nom fut presque complètement oublié à commencer par elle-même. Ou même Egsregaw, signifiant celui qui reste en dehors.

Mais tout cela l'indiffère et elle n’en fait même pas mention. Les questions étant : participe-t-elle à la vie de sa communauté, vient-elle lorsqu’on a besoin de sa présence ? Oui et toujours au bon moment, n’hésitant pas à rapporter les fruits de sa chasse et elle tâche de repartir lorsque sa présence n’est plus nécessaire. Si bien qu’il peut s’écouler plus d’une lune sans qu’on l'aperçoive au village.

Elle ne devint guère plus qu’un spectre au fil du temps, une présence, errant en périphérie du territoire de son clan, soutenant les affrontements ayant lieu avec les colons, perdant au fur et à mesure ce qu'elle pourrait qualifier de proches. Et avec ceci davantage de questions d’ordres philosophiques. Si quelqu'un ne laisse aucune empreinte sur le monde, existe-t-il seulement ?

En dehors de la religion, elle maîtrise deux sujets sur le bout des doigts, la forêt et tout ce qui l’entoure, ses habitants, sa faune et sa flore, jusqu’aux moindres de ses pièges. Et l’art de la traque, outil éminemment important de sa survie. Elle sait attirer ses proies là où elle le désire pour fondre sur elles comme un egsregatt. On la compare souvent à un animal sauvage et indompté, en résulte un certain respect mêlé de crainte.

Mais pensez-vous vraiment que cette vie presque d’ermite mue par le silence ne vient pas sans conséquences ou coûts ? L’homme est une créature née sociable, même lorsque En on míl frichtimen lui murmure à l’oreille. Et cette chose si nécessaire fut catalysée en la personne de l’étranger, sans haine, elle lutte activement contre leur avancée, leur interdisant ce que l’on pourrait caractériser comme étant “son” territoire. Autrefois, elle fuyait si elle ne parvenait pas à les maintenir à distance respectable, à présent et depuis quelques années elle ne s’encombre plus d’autant de principes.

Bien sûr, il n’y eut pas que de splendides victoires, elle et Abdalg s'échappant quelques fois des griffes de la mort, mais il semblerait que même elle soit en mesure de l’oublier.

Elle avait souhaité il y a bien longtemps la liberté, ardemment de tous ses vœux. Mais n’y a-t-il pas plus grande liberté que l’oubli ? Être libre, sans attache ni entrave, sans liens.

II. Les défunts sont dans nos cœurs.

Un jour où elle devait se rendre à l'est sur un site sacré, elle fit une curieuse rencontre.

Pour eux elle n’est guère plus qu’un bruissement dans la végétation épaisse, quelques empreintes qu’elle ne se donne pas la peine de dissimuler. Ils firent davantage la connaissance de Abdalg, qui n’hésite pas à s’assurer que la limite ne soit pas franchie, leur donnant la chasse à quelques occasions. Et ainsi, ils se côtoyèrent à distance respectueuse durant quelque temps, sans jamais réellement se fréquenter et puis ils n’auraient pas grand-chose à se dire, ne parlant même pas la même langue.

Sans doute se sent-elle encore plus seule que ce qu’elle veut bien admettre, ou tout simplement se dit-elle que la compagnie d’ennemis est toujours mieux que son absence. Et pourtant elle ne voit là guère plus que d’immondes colonisateurs, hormis un freluquet silencieux - sans doute la bête faible du troupeau - qui maniait quelques fois le crayon à charbon tout en semblant être la seule personne à percevoir son camouflage.

Cependant, après plusieurs semaines de cohabitation “pacifiste”, la garde des naturalistes profondément épuisée par les avertissements réguliers de la native et de sa créature. On ignore encore aujourd’hui qui fit le premier pas vers la violence, mais ce fut un réel bain de sang, si bien qu’il fut difficile de compter les victimes.

Il était aisé de croire qu’elle s’était cachée loin des siens pour mourir, elle avait senti l’Appel si tôt, devenir un Nádaig signifie aussi devenir une menace et en a-t-elle eu suffisamment conscience pour s’écarter par elle-même ? Sans doute. Ce fut tout de même une disparition considérée comme tragique.

Toujours est-il qu’à partir de ce jour la Doneigad fut simplement considérée comme morte par son clan. Sa bête revint grièvement blessée au village, seule et une fois pleinement guérie, elle disparut à son tour, n’apparaissant que sporadiquement à l’Est.

« »

Voici les mots qui parsèment son esprit, comment peut-on croire que cette âme soit heureuse ou même que cette situation lui convient ? Elle est en réalité désespérée et désespérément seule, de cette solitude qu’elle s’est imposée pour protéger les siens. Et même si En on míl frichtimen est toujours à ses côtés, il y a des nuits où elle ne parvient pas à trouver le sommeil et où elle rêve de mourir.

Au fil des années, rongée par le doute, elle a fini par oublier, par s’oublier, être abandonnée à soi-même. Venant même jusqu’à douter de sa propre existence. Plus de passé ni d’avenir, se concentrant uniquement sur sa lutte et au jour actuel. Finissant par ne plus vraiment parler aux autres, préférant se parler à elle-même et ce qu’elle croit entendre. Elle craint de déranger, alors elle se tait, au point de finir par faire preuve de maladresse dans ses silences.

Son cœur est fêlé au point de laisser entrer la lumière comme les tempêtes, tout rentre. Sauf l’amour ou la haine, deux choses qui la laissent profondément indifférente. Elle a toujours préféré se concentrer sur ses différentes missions, elle n’a jamais refusé d’apporter son aide où un précieux conseil, mais demeure un profond vide qu’elle ne parvient pas à combler.

On peut la prendre aisément pour une excentrique, ce fut le cas, bien peu de monde en dehors des Doneigada peut comprendre la moitié de ce qu’il se passe dans son esprit. Et de l’Est à l’Ouest, elle demeure un être dont l’essence s’est échappée.

Elle se ressource uniquement au sein de la nature, dont elle entend l'Appel depuis bien trop longtemps.

Alors pour échapper à ses angoisses elle se plonge à corps perdu dans la religion, avec un zèle qui peut s’avérer déroutant, enchaînant régulièrement retraite spirituelle et méditation. Espérant trouver des réponses à ses prières. Si bien qu’avec les années, elle est devenue sage, mais pas dénuée de défauts. Observant ce monde et agissant de manière active.

Il n'y a rien de plus tentant que de rendre justice soi-même, n’est-ce pas ? Ce fut longtemps son erreur, vis-à-vis des colons, qu’elle ne méprise pas, les considérant simplement comme une espèce invasive qu’il faut réguler de toute urgence. Ainsi elle ne fait pas preuve de cruauté à leur égard. S’ils respectent les limites, tout ira bien, même si elle n’est pas un monstre de tolérance.

Souvent considérée comme un animal sauvage autant par ses pairs que ses adversaire. Elle se montre farouche et primitive, et est un prédateur froid et méthodique parfaitement adaptée à l'environnement dans lequel elle évolue, il n'est vraiment pas aisé de percevoir sa présence tant elle fait corps avec ce dernier.

Cette mort lui a offert l’occasion de respirer, cela faisait tant de temps qu’elle n’avait pas repris son souffle, et si le dieu aux mille visages ne l’a pas rappeler à lui, peut-être n’était-ce tout simplement pas son heure ? Et si cet appel n'est pas vraiment réel ?