Alphonse Fléchard - Congrégation marchande - Contrebandier

Né il y a soixante-trois ans dans une petite bourgade de campagne, au sein du territoire de la Congrégation Marchande, Alphonse est le cadet d'une fratrie de quatre enfants. Sa famille est pauvre, et il n'y a pas toujours du pain sur la table pour tout le monde - Alphonse est le dernier, le plus petit, on considère que c'est normal qu'il mange moins ou qu'il récupère les affaires de ses grands frères.

S'il y a bien une activité où l'enfant s'épanouit, c'est lorsqu'il accompagne son grand-père à la "chasse", ou pour parler plus franchement, quand il l'accompagne braconner. Relever les collets, pêcher en cachette, vendre à la sauvette ce qui a été cueilli sur les terres des nobles, courir quand on entend les chiens...autant de choses qui lient l'enfant et le vieil homme, entre petites frayeurs et grands éclats de rire.

Le décès du grand-père, mort de vieillesse dans son sommeil, laisse un grand vide dans la vie du jeune Alphonse. Privé d'un cadre et de repères, ses parents et ses frères sont trop occupés par les travaux des champs pour voir que le petit dernier file un mauvais coton. Il traîne avec d'autres jeunes pour aller protéger leur "territoire" (qui s'avère être une bête grotte avec un pommier près d'un ruisseau), se bagarrant avec les autres enfants d'un autre village pour le contrôle de celui-ci. Il se met à voler des tartes laissées à refroidir sur les fenêtres, des bouteilles dans les réserves du père, des prises de pêches au bout des lignes laissées sans surveillance...

Ça finit par faire jaser le village et agacer la famille, mais c'est vraiment l'incident d'un gosse qui manque de se noyer dans la rivière après une rixe de trop qui met le feu aux poudres. Alphonse est une bouche à nourrir de trop, il est intenable et même dangereux : on l'envoie chez son oncle, qui est Garde, à la capitale, afin de le faire rejoindre les rangs des cadets dès que possible.

Changement d'ambiance, et si les premiers temps sont difficiles - c'est toujours une tête de bois - cela fait curieusement du bien au gamin d'être un peu cadré, et de faire partie d'une famille. Il se révèle être un excellent tireur, un bon buveur, et un très bon menteur quand il s'agit de se couvrir mutuellement au sein de sa petite bande, ce qui lui vaudra le trou plus souvent qu'à son tour.

Le temps passe et les affectations aussi. Alphonse se rend rapidement compte que ce n'est pas vraiment le même boulot que de rester à monter la garde devant une porte que d'être envoyé au front à tuer d'autres soldats. Il est cependant relativement chanceux, évitant bien souvent une blessure fatale lors des conflits de justesse. Se sentant plus coupable que verni, il se fait un devoir de remonter le moral de ses compagnons blessés, et quoi de mieux pour ce faire que d'en revenir aux bonnes vieilles méthodes de braconnage ?

Trouvant à chaque fois un moyen de s'acoquiner avec le soldat responsable des patrouilles, il mets la main sur les plans et les horaires de ces dernières, afin de toujours garder un œil sur sa marge de manœuvre. Il quitte son poste ou le dortoir, sous couvert de la nuit, afin d'aller récupérer prises de collets, lignes de pêches, ou quelques vieilles bouteilles laissées par les anciens occupants dans les habitations abandonnées près du front. Si chacune de ces sorties est potentiellement le risque d'une sacrée punition, voire d'un renvoi, chacun de ses larcins profite à tous ses collègues du régiment, qui couvrent leur bienfaiteur de toutes les façons possibles.

Ce manège continuera jusqu'à sa retraite, Alphonse se faisant tout au long de sa carrière de très nombreuses relations, mais seulement quelques véritables amis, qu'il considère d'ailleurs comme sa réelle famille. Logé à Sérène dans un appartement au cinquième étage, sa solde de retraité ne lui garantit pas le confort auquel il s'attendait une fois sortie de la Garde. Alors, il reprend les affaires, par-ci par-là, faisant jouer ses relations pour améliorer son quotidien.

Jusqu'au soir où l'une de ces affaires se termine très mal. Un de ses amis meurt, ainsi que trois autres personnes, dans un affrontement dans son appartement, auquel il finira par devoir mettre le feu pour effacer sa trace. Il doit quitter Sérène précipitamment, emmenant avec lui Angelo, son vieux chien, et Rose, une jeune enfant de six ou sept ans.

À l'heure qu'il est...il ne devrait plus trop tarder à débarquer au port de Nouvelle Sérène, sur l'île de Teer Fradee.

La moindre des choses qu'on peut dire d'Alphonse, c'est que c'est quelqu'un de débrouillard. Il a appris avec les années qu'il suffit bien souvent de savoir où regarder pour trouver ce qu'on cherche...quitte à parfois apprendre à revoir ses objectifs à la baisse et à s'adapter.

Bricoleur, il peut avec quelques bouts de bois et de la ficelle confectionner aussi bien un collet qu'un filet de pêche. Patient, il sait que se presser ne sert à rien, et que tout vient à point à qui sait se montrer assez malin pour pas se faire choper.

Car Alphonse est très attaché à sa liberté, mais bien plus encore à son confort. Son enfance difficile lui a très tôt donné la peur de manquer, aussi se rattrape-t-il de son mieux quand il s'agit de manger comme de boire. Pour autant, loin de lui l'idée de se goinfrer comme de boire sans soif : il a le palet fin, et apprécie les bonnes choses, celles qui prennent du temps ou qui valent cher. Un repas, comme la vie, se doit d'être savouré.

De fait, l'argent est un souci souvent en tâche de fond chez le soixantenaire. Il faut savoir bien le dépenser, mais il faut surtout en gagner assez pour ne manquer de rien. Cela a plus d'une fois poussé Alphonse à prendre des risques, mesurés selon lui, afin d'améliorer un peu son quotidien.

Néanmoins, l'homme n'a pas un mauvais fond. S'il a déjà tué par le passé, ce n'était pas de gaieté de cœur. Il était Garde, et s'il devait parfois faire un choix entre un homme inconnu d'un pays lointain, et son frère ou sa sœur d'armes...autant dire que c'était vite vu. Il lui arrive encore de se réveiller en sueur la nuit, cauchemardant sur cette ancienne vie laissée derrière lui, même si tout n'était pas si noir en comparaison d'autres gardes moins chanceux.

Alphonse est loyal en amitié, pour peu qu'on la gagne, et c'est bien souvent "à la vie, à la mort". Peu de personnes finalement comptent réellement pour lui, mais celles qui font partie de ses amis sont considérées comme sa famille. Il serait prêt à se battre, à tuer, à mourir pour elles.

En amour, le vieil homme a "ses habitudes", allant de temps en temps folâtrer au bordel avec quelques concubines, ou auprès de vieilles rombières qu'il connaît bien si les fins de mois sont difficiles. Il n'a jamais senti l'envie de s'établir en famille ou d'avoir des enfants, préférant de loin gâter ceux des autres.

Les responsabilités ne sont pas vraiment son point fort...mais qui sait, peut-être l'homme peut-il encore apprendre.