Rosmunda Fornaro - Congrégation Marchande - Domestique et Espionne

Vous voulez en apprendre plus sur moi ? Vous êtes gentil. Mais vous savez, m'sieur, y'a pas grand chose à dire. J'suis né à Sérène comme beaucoup de gens par ici. C'est joli Sérène, ça oui. Puis je suis née là-bas, j'y repense de temps en temps. Mais les usines, la fumée, ça vous encrasse le gosier, c'est pas bon ça. Puis ma mère elle était comme qui dirait pas bien lotie. Notre père c'était un débardeur sur les quais. Ouais, notre père. J'ai un petit frère vous savez. Francis, qu'il s'appelle. Oh, lui, il est resté là-bas. Je suis la seule à être partie.

Pourquoi je suis venue ici ? Oh, vous savez, jusqu'à mes dix-sept ans j'étais à Sérène, et j'étais bien. Notre mère avait ramassé un petit pécule à force de servir comme bouchère dans le quartier et elle m'en a donné une partie quand j'ai eu dix-sept ans. L'autre partie c'était pour Francis. Au départ je devais utiliser cet argent pour me payer un mariage ou du matériel de couture ou de quoi réparer les bijoux des marchands. Comme ça j'aurai eu du travail. Bah vous savez quoi, mon bon monsieur, j'ai rien fait de tout ça. Oh non.

Vous vous doutez bien, j'ai rencontré un gars. Un aventurier, comme qui dirait. Rusticello. La peau bronzée, le sourire franc, pelage soyeux et tout ce qui brille. Un fils d'une famille pas très argentée, mais qui comptait bien se refaire sur cette île justement, et le fiston partait les aider. Et à dix-sept printemps, mon pauvre... Enfin, je vais rien vous apprendre, on en fait tous des âneries quand on est jeune. Après quelques semaines de bonheur, il était sur le départ. Je le savais, il le savait, depuis le début. Pourtant me voilà sur Teer, je l'ai suivi, mon bon monsieur. Et le pécule de ma bonne mère a servi à payer le voyage, parce que Rusti pouvait pas vraiment m'aider.

La traversée, j'peux vous le dire que je la referais jamais dans l'autre sens. C'est triste, je pense, mais c'est vrai. Même si on a pas eu de malichor à bord, j'ai été très malade pendant un moment. Même que j'ai cru comprendre qu'on envisageait de m'jeter par dessus bord, haha. Passons. On est finalement arrivé ici, à la Nouvelle-Sérène et je pense que comme tout le monde j'étais la plus heureuse des femmes. Bien sûr. J'ai envie de voir les marmots qui sont nés ici devenir adulte, j'suis sûr qu'ils se plaindront de la situation, comme beaucoup. Et là les gens comme toi et moi on pourra leur dire qu'ici, comparé à là-bas, c'est un sacré paradis.

Mais paradis ou pas, fallait bien que y'ait un problème quelque part. Mon bon Rusti, en arrivant, a trouvé sa famille complètement ruinée, à la rue. Et il leur ramenait son beau sourire et une bonne femme. Oh j'peux vous dire qu'ils ont pas rigolé beaucoup. Rusti a bien essayé de leur expliquer, de les convaincre. Ah, monsieur, vous auriez vu comme il était gentil avec moi. Mais c'est fini ça, ils ont menacé de le bannir de la maison si je fichais pas le camp. Alors, bah, je suis parti. Oh vous savez, je me plains pas, je suis pas resté dehors très longtemps. Un vieux monsieur, Luciano, qui faisait son argent dans l'ameublement, m'a récupéré. J'étais logée, nourrie, blanchie, en échange de quoi je devais travailler comme domestique. Oh ça consistait surtout à faire le ménage et les repas, Monsieur n'ayant plus d'enfant à charge depuis longtemps ! J'ai travaillé comme ça un moment, quand un jour Monsieur... Oh je sais pas s'il faut que je vous le dise.

Aller si, Monsieur Luciano nous a quitté il y a deux ans maintenant donc je ne lui porterai pas préjudice. Approchez. Un jour, Monsieur m'a confié une tâche spéciale. Il devait payer un type qui lui vendait du bois précieux d'la forêt, à Wenshaveye. Et il m'a demandé d'aller lui donner une lettre d'échange pour pouvoir retirer son argent à la banque. Et il m'a aussi demandé de... de bien ouvrir les oreilles, comme qu'il dirait. Il se méfiait pas mal de son fournisseur, il disait qu'il lui vendait trop cher, je ne sais pas très bien. Donc j'y suis allé, j'ai donné le papier et... j'ai entendu des choses. Résultat, Monsieur était bien content et m'a donné un petit bonus. J'étais bien contente. J'espère que Monsieur Luciano repose en paix, il le mérite.

Maintenant ? Oh je travaille dans une autre maison. J'vous aime bien monsieur, mais j'vais pas vous le dire. Je risquerai d'avoir des soucis, même si je reste rarement au même endroit. Peut-être que quand je poserai mes valises ailleurs je vous raconterai. C'était un plaisir, monsieur, j'espère vous revoir un autre soir. Oh, et c'est moi qui offre ! Vous m'avez écouté, c'est la moindre des choses !

Oh ? Vous voulez vraiment que j'parle de moi, encore ? Monsieur, si j'avais encore dix-huit ans je dirais que je vous intéresse... Mais faisons ça. Après ce sera à vous de parler, hein ! Je veux tout savoir ! Eh bah, par où commencer... Je vous l'ai déjà dit, moi je travaille comme domestique. J'aime bien c'que j'fais. J'ai jamais eu de patrons farfelus ou trop sévères, mais je sais que c'est pas pareil partout ! Quand on entend les bruits qui courent... Y'en a même qui racontent qu'une vieille femme d'armateur bat sa gouvernante si elle met trop de poivre sur son repas ! Vous vous rendez compte ? Heureusement, moi je vis pas ça. En général les gens sont satisfaits de mon travail. C'est ma mère qui m'a appris à coudre, je vous ai déjà parlé d'elle. La cuisine, par contre, c'est moi qui ai appris toute seule ! Et je suis plutôt douée, qu'on me dit ! Après y'a d'autres petits à-côté comme reclouer une semelle, faire les lits, astiquer la vaisselle, c'est toujours pratique de savoir ces choses-là, monsieur, je vous le promets.

Mais j'ai pas que mon travail dans la vie ! Ah ça non ! Sinon je ne serais pas là ! C'est vrai que j'aime bien passer mes soirées à la taverne. Je gagne bien ma vie alors je peux me l'autoriser. Mais attention, ça ne veut pas dire que je suis dépensière ! J'économise tant que je peux, j'aimerai ouvrir mon propre établissement à terme. Pourquoi ? Oh, vous le savez, monsieur... On en a déjà discuté. J'aime juste écouter ce que les gens ont à dire !Écoutez, monsieur, vous avez juste devant vous une honnête travailleuse, comme j'vous le dis. J'ai été abandonné sur cette île et même si je l'aime énormément c'est difficile d'être seule. Alors je vais ce qu'il faut pour m'en sortir, c'est tout.

Pour résumer : Travailleuse – Aimable – Discrète – Espionne – Cherche à ouvrir sa propre taverne pour espionner encore mieux – Pragmatique – De souche populaire – Curieuse – Mélancolique sur les bords.