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Promenons-nous dans les bois...

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A bord d'un navire naute, en vue de l'île
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« Buros ! Lève-toi donc ; il est temps de bouger tes guiboles et de quitter ton refuge. »

C’est par ces mots peu respectueux des conventions d’intimités que mon cousin peu aimé fit irruption en ma chambrée. Tranquillement installé sur une chaise en osier situé au coin de la cheminée, je me réchauffais auprès de l’âtre où se consumait le bois crépitant. Plongé dans ma lecture d’un livre de facture moyenne, qui décrivait avec une rigueur peu scientifique les terres explorées de Teer Fradee (mais néanmoins recommandé par les autorités de la Nouvelle-Sélène comme un « guide essentiel » à tout nouvel arrivant sur l’ile), je n’avais point entendu, depuis le couloir, le pas précipité et abrupte de l’impromptu intrus. Lorsqu’il passa fièrement le seuil de la porte, bombant le torse comme un coq, je remarquais immédiatement que le bellâtre s’était fait beau : ses boucles blondes et sa fine moustache venaient d’être toilettés ; il avait revêtu les habits d’un grand seigneur prêt à partir à la chasse, coiffé d’un large chapeau à plumes et chaussé de bottes de cuir hautes ; il dégageait une odeur parfumée horripilante, trop agressive pour mes délicates narines.

« Bouger ? Pour aller où ? » l’interrogeais-je, d’un ton cachant mal mon dédain.

« Nous partons en expédition. J’ai négocié avec les autorités gouvernementales l’autorisation d’inspecter des parcelles de terres aux alentours. Nous remonterons vers le nord-ouest, à la lisière de la zone d’influence de la Congrégation. Il est possible que nous tombions sur des sauvages belliqueux ou de ces créatures étranges peuplant cette île de malheur ; c’est pourquoi nous serons escortés d’une légère troupe armée. Des mercenaires, vétérans des conflits en Gacane, et habitués à traiter avec les locaux. Tu devrais être heureux de pouvoir enfin sortir, toi qui es resté cloitré ici depuis notre arrivé ! »

En effet, j’étais demeuré enfermé à huis clos dans l’auberge dans laquelle nous séjournions depuis notre débarquement à la Nouvelle-Sélène, tant notre arrivé fut pour moi une véritable douche froide. Rêvant de quitter le Vieux Monde pour l’exotisme lointain de Teer Fradee, quelle ne fut pas ma surprise lorsque nous accostâmes dans un port misérable, dans une ville en tout point semblable aux bas-quartiers des grandes métropoles de Gacane ! De la majestueuse Sélène, la colonie n’avait de semblable que le nom ; la puanteur, la saleté, la grisaille, l’entassement, dans les rues, de cette foule miséreuse en quête d’un nouveau départ, me mirent en effroi. Un épouvantable vertige métaphysique me prit alors au cœur. La Misère, la Maladie et l’Infamie avaient fait la traversée avec nous ; nous amenions en cette terre nouvelle les corruptions de l’Ancien Monde, monde malade et mourant.

Mais entendre mon cousin parler d’aller au-delà de ce lieu infâme me mit en joie ; entendre parler du « risque » (qui est pour moi une chance) de faire la rencontre de « sauvages » ou des « créatures étranges » peuplant l’île éveillèrent ma grande curiosité ; enfin, l’Aventure me tendait les bras et ne m’avait pas oublié !

Ni une ni deux, je pressais mon cousin de sortir, lui promettant que je serai sur pied sous peu. Je m’habillais expressément, revêtant mes plus beaux habits (car pour moi, jeune âme pleine d’exubérance, partir en expédition s’apparentait à aller à un bal grandiose) et rejoignait à l’extérieur de l’établissement mon cousin d’un pas maladroit et excité.

Celui-ci m’attendait en compagnie d’une troupe d’une demi-douzaine d’hommes et de femmes en armes à la mine sombre et renfrognée. Leur visage, carré et froid, n’inspirait guère la sympathie ; les balafres parsemant leur faciès trahissaient leur condition passée de soldat. Coiffés d’un morion et vêtus d’une cuissarde, portant piques et épées, ils semblaient partir à la guerre ; ils y étaient en tout cas bien plus préparés que moi. Était-ce moi qui prenait notre expédition à la légère, ou étaient ceux eux qui s’imaginaient partir au front ?

L’un d’eux se démarquait dans le lot : plus élégamment vêtu, une cape rouge de bonne manufacture étant accroché à son armure, il semblait plus âgé que les autres. Son allure martial et austère, traits de caractères d’un commandant de la soldatesque, laissait penser qu’il était le meneur de cette troupe d’individus puant le sang et le meurtre.

« Buros ! », s’exclama mon cousin à ma vue, tout en venant m'asséner une claque virile dans le dos, « je te présente le capitaine Dominico, ancien capitaine des forces armées de Thélème, aujourd’hui pionnier dans l’exploration de Teer Fradee. Lui et ses braves nous escorterons jusqu’à destination. »

Le capitaine, de son regard torve et sévère, me tendit sa main sans dire mot. Je répondais à son salut en serrant à mon tour la main tendue, constatant au passage la fermeté de sa poigne. Cet homme était incontestablement une brute épaisse, dont les mains ne furent pas durcies par la charpente ou le travail dans les champs, mais par le maniement de l’épée et du fouet. Un frisson parcourut mon échine : cette aventure pleine d’allégresse risquait de se transformer en cauchemar.

« Eh bien, en route, mauvaise troupe ! La conquête de l’île n’attend pas. »

***

Marchant à travers champ depuis une petit heure, je sentais mes membres engourdis. N’ayant plus l’habitude d’ainsi user de mes jambes, une pointe de honte m’envahit : qu’il était beau, l’aventurier téméraire !

Nous n’échangions que peu de palabres entre gens de notre troupe ; une ambiance morne et austère s’était imposée. Je savais que ces hommes et femmes de guerres n’avaient que mépris pour les précieux des Cités de la Congrégation que nous étions, moi et mon cousin, qui n’avons jamais connu le combat. Ils ne se vendaient à nous que parce que nous étions riches. Néanmoins, mon cher cousin, joyeux luron, ne se rendait visiblement pas compte de l’animosité de la soldatesque, tant il tentait d’égayer l’austère compagnie de jeux de mots piquants ou d’histoires sans intérêts.

« Regarde un peu ces terres, Buros ! s’exclama-t-il soudainement, alors que nous approchions de la lisière de la forêt. Je sais que tu es intrigué par ces sauvages en pagne, comme tu me l’as maints et maints fois conté. Mais je dois te dire une chose : il est criminel qu’un peuple occupant des terres au sol riche en matériaux n’en fasse rien. C’est agir contre le genre humain que d’agir de la sorte. Imagine donc, Buros, ce que recèlent ces terres insondées ; leur exploitation assurera la prospérité non pas seulement à notre famille, mais à toute la Nouvelle-Sélène, au peuple sélénois resté en Gacane ! Pense à toute cette miséreuse populace, qui réclame du travail ! Ouvrons des mines, des boiseries, des scieries ! Mettons-les au travail ! C’est une mission d’intérêt supérieur, presque divine, qui nous échoit !

« Allons bon, te voilà à jurer au nom du Lumineux ? Je ne te savais point religieux, cher cousin », dis-je d’un ton sarcastique, ne sachant que répondre à son intarissable logorrhée ; je n’avais en effet point envie de me lancer dans un énième débat à l’issu connue d’avance.

« Je vois que tu te moques ; mais l’affaire est sérieuse. Un jour, nous aurons la force suffisante pour revendiquer ces terres sans maîtres. »

« Mais au nom de quel dieu ? De quel roi ? De quel droit ? », objectais-je timidement.

« La force l’emporte sur le droit en toute mesure », tonna soudainement la voix rauque du capitaine Dominico ; c’était là le premier mot qu’il avait prononcé depuis notre départ. Une seule question s’impose devant une nouvelle race d’indigènes : sommes-nous plus fort qu’eux ? »

Même mon cousin n’eut pas la volonté de fanfaronner, bien que le capitaine appuyât, par ses propos sentencieux, ses dires. Je sentais à la tension soudaine se lisant sur son visage crispé qu’il s’était rendu compte du zèle et du fanatisme dangereux de l’homme en armes.

C’est alors que je sentis soudainement l’étrange impression d’être observé ; nous nous approchions de la lisière des bois, qui revêtait un caractère sacré, mystérieux, caractère mystique décelable même par les brutes en armures qui nous escortaient, au vu de l’inquiétude se lisant sur leur visage pourtant si neutre d’expression. Quelque chose, homme ou bête, semblait nous épier dans la pénombre des arbres…
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:copyright: Arrogant Mischief sur Never Utopia
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Ft. Buros de Pontblanc



Le temps se réchauffait agréablement avec l'arrivée du printemps, et la nature se parait non seulement de ses nouveaux atours mais aussi chantait de plus belle. J'aimais à me promener dans les forêt et les clairières, à écouter le renouveau par le chants des oiseaux, l'activité des prédateurs et des proies réchauffés par l'air plus doux, le bruissement des feuilles qui remplaçait petit à petit les craquements des branches dénudées. C'était aussi une bonne période pour récolter des ingrédients pour refaire le stock de soin pour Wenshaveye. Il fallait s'écarter des chemins habituellement empruntés, aller là où les prédateurs ou des nadaigs gardaient farouchement leur territoire. Je craignais moins ces habitants de l'île, mon Lien me permettant de les sentir au loin, de connaitre leur état d'esprit. S'ils sont agités il m'est facile de les contourner, et sinon j'étais en capacité de leur faire sentir que j'étais ni ne menace ni une proie.

J'avais d'ailleurs ce matin là évité une agitation inutile. Alors que je cherchais des bourgeons d'un buisson qui ne poussait que dans cette zone spécifique de la forêt, j'avais senti au loin une meute d'ulgs. En pleine période de reproduction, les mâles étaient en pleins émois et particulièrement agressifs pour protéger leur cheptel et leur femelle alpha. Même si j'étais doneigad, il était préférable de les contourner et de ne pas me manifester. Je contournais la clairière où la meute se trouvait, d'ailleurs on pouvait facilement entendre les grondements et jappements ce qui facilitait la tâche pour les localiser. Je marchais tranquillement sous le vent, m'éloignant de leur territoire avec mon butin dans ma besace. Cependant, alors que je m'étais éloignée à peine d'une centaine de mètres d'eux, j'entendis des bruit. Celles de voix qui ne semblaient avoir cure d'être discrètes dans la forêt, des pas lourds et le bruit de métal qui s'entrechoque. Je me figeais, interdite. Il était évident que c'étaient des renaigses, mais qu'ils viennent aussi loin ici, c'était... étrange.

Poussée par la curiosité, je m'approchais avec prudence du groupe. Assez aisément je restais à l'abri de leurs regards, conservant une certaine distance mais suffisante pour les entendre et les observer. Certains avaient l'air d'être des lugeid blau vu leurs habits et leurs accent, et il y avait aussi des bod airnis. L'un d'entre eux cependant me fit penser à un saul lasser. Etrange groupe. Mais leurs paroles l'étaient plus encore. J'arrivais au moment où ils parlaient de "mission presque divine", me faisant un moment me demander s'ils n'étaient pas au final des saul lasser déguisés. Je les écoutais, attentive, me faisant mon propre avis sur leurs paroles. Celui dont les habits étaient terriblement peu discrets semblait être mû par une énergie et une excitation propre à celle d'un enfant qui découvre un nouvel environnement. Une innocence apparente, car de ce que je comprenais de son idée de "revendiquer" cela était loin d'être un concept pacifique. Je soupirais intérieurement. Encore un renaigse qui croit que le moindre sol qu'il foule est à lui de son plein droit, sans considérer ceux qui sont déjà présents. Son comparse en revanche, un peu plus sobre, semblait plus dubitatif et réfléchit. Ou du moins dans une réflexion qui me plaisait bien plus. Ce n'est cependant guère suffisant, car le saul lasser lui parla comme tout saul lasser le fait le plus souvent, et avec encore plus de violence.

J'avançais en même temps que leur groupe, revenant au final un peu sur mes pas. Je continuais de rester dissimulée, bien qu'à un moment j'aurais juré le lugeid blau retourner mon regard. Il semblait avoir de l'instinct. Mais je n'avais guère envie de me montrer pour l'instant. Ce groupe m'avait l'air bien dangereux, surtout avec ces bod airni et ce saul lasser qui n'a l'air de jurer que par la force. Pour autant, le temps passant je me retrouvais face à un dilemme. Ce groupe se dirigeait vers la meute d'ulg, et voyant le type de personnes qui composait le groupe de renaigse on ne pouvait craindre que le pire. Violence, confrontation, blessés et morts inutiles. Mon souhait d'harmonie intelligente me poussait à éviter la confrontation, qui ici ne pouvait être que préjudiciable aux deux ensembles. Les ulgs allaient attaquer si on tentait de leur faire face, et ces renaigses ne semblaient pas vraiment du genre à vouloir s'en aller pour éviter un bain de sang. Songeuse, je pesais le pour et le contre, et surtout le danger pour moi. J'étais doneigad d'un des rares villages qui restait neutre dans la situation. S'en prendre à moi ne serait qu'augmenter les tensions et aller à l'encontre de ce que la Mal de Nouvelle-Sérène souhaitait pour son peuple ici. Ils se rapprochaient dangereusement, il restait un peu plus de cinquante mètres, à peine. Je finissais par prendre une décision, sortant discrètement ma dissimulation. J'apparaissais un peu derrière eux, toujours à une distance raisonnable réduite à une dizaine de mètres. Ils ne me virent pas au début, et ne m'avaient sans aucun doute pas entendu non plus. D'une voix claire et calme, je leur parlais dans leur langue, avec ce léger accent roulant des r.

"Je n'irais pas par là si j'étais vous, renaigses...."

Ma voix avait été suffisamment forte pour que tous puissent m'entendre, sans avoir à crier pour autant. En se retournant pour me faire face, ils pouvaient me voir les surplombant légèrement, les observant de mes yeux lilas calmes et sereins. Mon expression était neutre et froide, légèrement méfiante. Ce groupe était dangereux après tout, je n'avais pas vraiment envie de me montrer courtoise et avenante plus de raison. Mais ma nature à éviter le conflit m'obligeait à les prévenir. Pointant alors la direction dans laquelle ils se dirigeaient je les prévenais du danger.

"Une meute d'ulgs se trouvent plus bas, vous pourriez les contourner facilement par l'ouest."

Est ce qu'ils allaient m'attaquer à ma simple vue, ou bien juste m'écouter ? Qui sait. Je n'allais pas les forcer ni trop insister, tout dépendra de leur attitude après-tout. S'ils se montrent prêts à écouter, alors peut être, peut être pourrions nous éviter que le sang ne coule inutilement.

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