[Mission] Grand-mère Nádaig

Alors qu’Adelyna était à la chasse, un Natif éperdu est sorti des fourrés sans crier gare. Eperdu, il regardait en tout sens comme une biche égarée. En avisant une membre de son peuple il s’est approché d’elle, en répétant dans leur langue commune :

- As-tu vu un enfant ? Pas plus grand que ça, et les cheveux jaunes !

Aucun enfant n’a pourtant perturbé Adelyna durant sa chasse ou n’a été vu sur les terres où son clan a l’habitude de cueillir et de guetter le gibier. Les forêts profondes et impénétrables feraient de bien sinistres pièges pour un marmot si jeune, et le Natif semblait en avoir conscience.

Il s’est présenté sous le nom d’Alwyn. Il vient du clan de Vígnámrí où il est artisan et élève seul son fils. Ce dernier, qui répond au nom de Donal s’est vu conter pour la première fois la vie de sa grand-mère, une doneigad qui a répondu à l’appel d’En on mí frichtimen pour devenir Nádaig frasamen. Donal a posé de nombreuses questions dont Alwyn n’avait pas les réponses. Il lui a conseillé d’aller voir un doneigad pour en apprendre plus, quand il serait un peu plus grand peut-être. Et sa grande erreur a été de répondre quand Donal a demandé où se trouvait maintenant sa grand-mère « Quelque part dans les bois ».

A la suite de cette conversation, l’aube n’était pas encore levée que Donal était déjà parti en direction, selon toute vraisemblance, de la forêt, la même qu’arpente Adelyna en ce moment.
Alwyn, éperdu, prie la guerrière de bien vouloir partir à la recherche de son fils, prêt à lui indiquer précisément le lieu où sa trace a été perdue.

Un peu intimidé par les manières d’Adelyna Alwyn baisse légèrement la tête.

- Je suis désolé de te déranger dans ta chasse. Je te donnerai quelque chose pour te compenser.

Assure-t-il, d’un ton saccadé. Il porte une main à sa poitrine quand Adelyna lui dit qu’elle va le suivre.

- Merci. Merci infiniment.

Il ouvre la route d’un bon pas.

- Tu es de quel village ?

Demande Alwyn alors qu'il traverse les bois. Il ne les connaît pas aussi bien qu’Adelyna mais s’y faufile sans heurts. La forêt est capricieuse, les branches éraflent les flancs et font trébucher, les ronces pullulent dans l’humidité du printemps. Un banc de champignons émet un nuage de spores peu auspicieux et Alwyn prend garde à en faire le tour loin pour ne pas les respirer.

Alwyn n’est pas pataud mais il n’a pas la discrétion d’Adelyna. Peut-être est-ce pour cela qu’ils ne croisent pas de gibier supplémentaire, si ce ne sont des oiseaux de peu d’intérêt qui piaillent dans les frondaisons. Il y a cependant des traces dans la terre meuble entre les troncs : Adelyna pourra repérer celles d’un sanglier mais aussi de quelque chose de plus gros. Probablement un Ulg.

Les arbres deviennent progressivement épars ; Adelyna quitte le territoire de son clan pour émerger dans une prairie. A la lisière entre celle-ci et les bois, Alwyn désigne la zone approximative où la trace de son fils a disparu. On voit en effet une trainée à travers les hautes herbes qui commencent à disparaître tandis qu’elles se redressent avec le soleil. Des petits pieds ont piétiné avant de pénétrer dans la forêt, visiblement le petit a hésité mais il s’est lancé.
Alwyn scrute Adelyna d’un air anxieux pour aviser si elle trouve quoi que ce soit.

Si la native fait preuve de patience et scrute toute la scène avec minutie, elle pourra repérer que les traces continuent en réalité dans les bois, mais qu’un animal est passé sur cette piste et a presque effacé les pas du petit : il s’agit, encore une fois, d’un ulg selon toute vraisemblance. Peut-être un vaileg.

- Bien. Très bien.

Alwyn semble un peu rasséréné qu’Adelyna soit d’une meilleure humeur sur le reste du trajet et le nom du village lui amène un peu d’apaisement : lui-même n’est probablement pas chasseur, et la réputation des guerriers de Vighulgsob n’est pas usurpée ; Alwyn semble avoir foi dans le fait qu’Adelyna connaisse parfaitement l’environnement autour de son village. Une fois arrivé dans la plaine, il la laisse faire son office sans la déranger et ne lui répond que quand elle lui adresse directement la parole.

- 8 ans.

Il soupire. Visiblement, penser à son petit lui pèse.

- J’aurais dû attendre qu’il en ait 10 pour lui parler de tout ça.

Il s’enquiert avec curiosité :

- Tu as des enfants ?

Quand Adelyna lui instruit de se faire discret, malgré tous les efforts de la native, Alwyn ne peut s’empêcher d’avoir l’air inquiet. Il opine pourtant du chef pour marquer son assentiment, et, le cou rentré dans les épaules, il suit Adelyna.

Alwyn garde le silence. Il avance avec une absolue précaution, faisant visiblement confiance à Adelyna. Malgré tout, il adresse à un moment de la traque une prière à En on míl frichtimen.

Les bois sont frais, la terre est meuble, boueuse par endroits. Effectivement la piste de la créature piétine celle de l’enfant d’Alwyn, mais on aperçoit les traces de petits pieds par endroit malgré tout. En les examinant, Adelyna pourra déduire que la piste de la bête est bien plus fraîche que celle du petit garçon. Ce dernier a probablement plusieurs heures d’avance sur la chasseresse et son père. L’animal, en revanche…

Les frondaisons sont si épaisses qu’il fait carrément sombre, comme si un drap couvrait le soleil, en plus des nuages épais qui s’y accumulent. Avec un peu de malchance, il va pleuvoir, et la piste deviendra un mélange de glaise impossible à lire.

A la gauche d’Adelyna, à travers les arbres, se dresse petit à petit une falaise qui, d’abord lointaine, se rapproche. Et, tandis qu’un souffle de vent tire un murmure à la forêt, que les branches s’entrechoquent, la chasseresse peut percevoir devant elle un bruit de fourragement. Pas de trace de sang, ni rien de sordide ; si c’est la bête qu’Adelyna suit qui est devant elle, alors elle n’a pas mis les griffes sur l’enfant, en tout cas pas encore. Alwyn semble avoir entendu aussi. Il est devenu immobile, et semble retenir son souffle, attendant la réaction d’Adelyna.

Cette-dernière, si elle s'approche, peut discerner une forme qui se meut entre les troncs. Adelyna en sait assez pour le reconnaître d'un regard : un ulg solitaire, inhabituel pour un membre de son espèce qui préfère chasser en meute. La présence de grottes tout près pourrait être le repère du reste de ses congénères...