Victor - Alliance du Pont - Garde

Qui diable s'arrête ici ? Non, sérieusement, on utilise encore cette réplique ? Il est grand temps de rafraîchir nos méthodes d'interpellation. Mettons de côté tout ce jargon militaire désuet et concentrons-nous sur l'essentiel de mon histoire.

Mes vieux, deux fermiers décontractés, proprios d'un petit coin de paradis à Serène. Rien de trop extravagant, juste de quoi vivre peinards. Pas de tragédie héroïque, pas de maman veuve, juste une rencontre, un amour, et hop, me voilà. Un vrai casse-pieds pour eux, entre mes cascades, mes frasques et mon aversion notoire pour les études. À l'extérieur, j'étais rapide, espiègle, charmeur, et surtout, le gars qui attire les ennuis comme un aimant. Et pourtant...

... Moi, ce qui me bottait vraiment, c'étaient les histoires. Les civilisations, les mondes, et tout ce qui les relie. Apparemment, d'après mon paternel, mon papy était du même acabit. Un voyageur passionné par les récits. Un type super, mais le Malichor a décidé qu'il serait la tête d'affiche de son festin, avant que mon père ne prenne en charge les funérailles.

Je me souviens finalement assez peu de lui. Est-ce une bonne chose ? Aucune idée. Pas sûr que ça vaille la peine de se prendre la tête avec ça. Tout ce que je savais, c'était qu'il fallait que je largue les amarres. Gacane m'appelait. Tout à fait honorablement, bien sûr.

Prendre la tangente. Se faire la belle. Loin, toujours plus loin. C'était et c'est encore mon leitmotiv. Peut-être aussi... fuir. Me dire que la maladie, les guerres, les tourments du monde, ce n'est pas exactement l'ambiance que je recherche. Ni les regards déçus de mes parents, les jugements et les moqueries des camarades me classant dans la catégorie des incorrigibles. Prisonnier de ma condition, les journaux de mon grand-père et les bibliothèques pleines d'histoires m'ont servi d'échappatoire. Oublier que j'étais le garnement bruyant, la déception ambulante. Assez bon à l'école pour me permettre de lire et m'évader.

Prendre son envol. S'élancer comme un aigle. Là-haut, dans mon esprit.

Mais errer ainsi, ça a un prix, tôt ou tard. Après quelques remontrances bien senties de la part du paternel, maman décide de me foutre dehors. Presque un homme à ce moment-là, un sac, un morceau de pain, des fringues que je garderai sur le dos un bon moment, me voilà sans toit et sans le sou. Dans la panade jusqu'au cou. Pas le dernier dans ce genre de situation, il me restait plus grand-chose, si ce n'est offrir mes services à toute institution qui accepterait un beau gosse comme moi. Mais, rien ne se profile concrètement comme je l'imaginais.

Et puis, je rencontre Altaïr. Un Garde originaire de l'Alliance. Pas n'importe quel garde. Un garde neutre. Un garde qui peut aller partout. Un garde de Denier. Ce matin-là, je n'étais qu'une larme. Une simple larme, désormais transformée en torrent. Cet homme venait de me donner le billet pour dominer le monde, pour scruter l'horizon. Du moins, c'est ainsi qu'il me l'a présenté. Une voix sage, humble, un regard habité par une longue expérience, un homme complexe et nuancé. Il était là pour le recrutement, mais je n'avais pas encore réalisé que c'était bien plus qu'un engagement... c'était une adoption.

Notre première conversation se déroulera dans l'une de ces tavernes du Denier, et j'ai vite compris que je ne partais pas pour une soirée crêpes. J'allais en baver, pleurer, et sûrement le regretter. Mais, pour effleurer mes ambitions, il fallait que j'essaie.

Eh bien, pas grand-chose à décoder ici, si ce n'est que tout tourne autour du service et du fric. C'est l'heure de dire adieu aux alliances figées, de s'apprêter à être dans tous les coups pour le meilleur profit possible. La liberté, la vérité, la justice, l'indépendance... Faut choisir : être libre ou avoir une conscience morale. Jusqu'à présent, j'ai réussi à rendre service aux bonnes personnes et à berner les mauvaises. Mais, invariablement, je n'ai qu'un seul boss : le fric. Et ça, je ne peux pas le maîtriser, ni décider où il veut bien aller. Mais revenons à notre cher Victor qui vient de s'engouffrer dans un sacré bourbier sans en connaître la profondeur.

Pour que mon mentor me sculpte en Garde de Denier, j'ai dû payer le tribut d'un entraînement, une expérience aussi traumatisante que formatrice. J'ai pleuré, hurlé de rage, rigolé comme un dément, perdu pied, sué des litres dans mon plumard, hanté par mille cauchemars. J'ai vu mon corps se métamorphoser, devenir quelque chose qui me foutait les jetons mais qui me réconfortait dans ma quête d'apprentissage : une arme. Une lame, discrète ou bruyante, adaptable à bien des situations. Une lame qui peut se glisser sous différentes bannières, mais qui ne coupe qu'à la promesse d'une rémunération séduisante. La présence d'Altaïr a été cruciale, surtout au début de l'entraînement. M'habituer aux règles strictes, aux pratiques et à la culture de la Garde. Il a également joué un rôle dans le développement de ma loyauté envers la faction, m'a fait comprendre les enjeux, l'importance des liens qui dépassent les simples conflits d'intérêts et les guerres.

Puis, le petit Victor devient grand.

Quelques années à escorter des convois, soutenir le front, et, mes préférés, aider les particuliers. Altaïr m'a toujours dit de suivre ma propre voie, mais en restant loyal envers mes supérieurs. Trahir la Garde, c'est s'attirer la punition et le jugement. Pas vraiment mon truc. Maintenant, en quête de missions, je tombe sur un marchand bien fortuné. Monsieur Kamil me met face à une rencontre aussi délicieuse qu'enivrante. J'ai jamais été fan de la surveillance rapprochée, mais cette mission va changer la donne.

Shayda.

Belle, c'est un euphémisme. Mais mystérieuse, c'est bien plus juste. Une jeune femme avec des idéaux humanitaires, riche à craquer, et une réputation si solide que presque personne ne fait attention à moi quand je traîne à ses côtés. Certes, j'ai essuyé quelques râteaux. Mais la coller comme une ombre, c'est pas seulement pour le job – Kamil reste mon boss et je suis fidèle à ma mission. C'est aussi parce que, bon sang, elle est canon. Bien plus sympa que de rendre service à une poissonnière en pleine ménopause, et je vous assure, j'ai essayé et j'ai passé mon chemin ! Et, troisièmement, c'est une femme qui bouge. Et s'il y a bien quelque chose que je souhaite ici bas...

C'est le mouvement, dans tout Teer Fradee.

Et ma mission n'est pas terminée.