You don't get what you don't go after [ft. Cerys]

Vaast ne saisissait pas tout, mais il lui semblait bien que Cerys n’était donc, en fait, qu’apprentie. Apprentie à un rôle important, probablement. Un soigneur était toujours bien vu, non ?

-Je vous propose de vous rendre à San-Matheus dans deux semaines. Nous aurons eu le temps de faire les préparatifs d’ici là. Donc environ quatorze jours ! Oh, attendez…

Juliette se mit à écrire frénétiquement sur une autre feuille, signa, et tendit le papier à Cerys.

-Il s’agit d’une lettre que vous pourrez montrer aux gardes à l’entrée.

La précaution n’était pas inutile. Il n’y avait certes pas d’ordres officiels pour tenir les Natifs à distance de la ville mais on ne savait jamais ce qui pouvait traverser l’esprit des gardes, et ruiner leur réputation auprès de Cerys en les laissant la malmener n’était pas une perspective plaisante.

Juliette remercia Cerys quand celle-ci promit de parler d’eux à son chef, puis la Native partit comme elle était venue, et les missionnaires restèrent seuls.

Vaast eut droit à huit secondes de bienfaisant silence avant que Marisa ne se tourne vers lui.

-Est-ce que maintenant, on peut parler de ce qui vient de se passer ? Je peux savoir ce qui vous a pris de me soulever de terre comme ça et de me traîner ? De fiche en l’air mes tentatives ? Et vous, sœur Juliette, vous venez vraiment de le choisir lui pour accueillir Cerys après tout ce qu’il a fait ? Sans parler de tout ce qu’il n’a pas fait ! Il se réveille enfin après des mois passés à être inutile et soudain le voilà récompensé ?

-Je vous ai mise derrière moi parce que je pensais que Cerys allait frapper ! Vous n’avez pas vu son expression ? Elle a détesté que vous…

-Oh, je vous en prie ! Vous croyez qu’elle a apprécié quand vous avez parlé des animaux dangereux et quand vous avez demandé depuis combien de temps ils vénèrent ce démon ? Ne faites pas comme si vous aviez…

-Assez !

Juliette s’avança entre eux et les repoussa chacun d’une main sur l’épaule. Elle n’avait plus du tout l’air aimable et Vaast se mordit la joue pour se retenir de répliquer.

-Sœur Marisa, faites preuve d’un peu plus d’humilité. Vous et frère Vaast avez tous deux démontré que vous aviez encore beaucoup à apprendre, si vous voulez mon avis. Quant à la personne choisie pour accueillir Cerys, j’ai fait preuve de pragmatisme. De toute évidence, vous n’avez pas sa confiance.

-J’aurais pu me rattraper, il suffit de…

-Il y aura bien d’autres occasions pour vous de guider les âmes sur la voie salvatrice. Vous acharner sur Cerys ne mènera à rien.

-Vous auriez pu nommer Lisandro !

Vaast ne put retenir une exclamation méprisante.

-Vous auriez pu nommer un païen, sœur Juliette ! fit-il en imitant le ton de Marisa. Au moins ce ne serait pas Vaast !

Juliette le foudroya du regard.

-Je ne veux plus entendre un mot à ce sujet pour l’heure qui vient, prévint-elle. Je vous recommande de vous mettre en prière pour que le Lumineux vous pardonne vos enfantillages !

Vaast retira lentement l’anneau qu’il portait, le rangea dans une poche intérieure, et partit s’asseoir sous sa tente. Il entendit Marisa rentrer sous la sienne et se mettre à pleurer. De rage, sans doute.