Lucius - Thélème - Théologien

Lucius est originaire d’un petit village dans un recoin sordide de Thélème, loin de la guerre qui fait rage entre les croyants et les savants. Une existence bucolique, régit par les saisons, les travaux agricoles, et les différents sermons et offices religieux de la paroisse du village. Une existence paisible et monotone dans laquelle Lucius trouvait un ennui mortel dès son jeune âge. Une vie qui ne lui était cependant pas réservé, son potentiel magique jugé prometteur par le prêtre local aura entraîné une lettre adressé au couvent le plus proche. Et bien vite, on vient pour déraciner Lucius à son petit village, faisant la fierté de sa famille.

Cependant le couvent ne fût pas un cadre dans lequel Lucius se retrouva prisonnier par de stricts enseignant. Ce fût plutôt une découverte, un moyen pour lui de s’épanouir, de se plonger entièrement dans l’étude la foi, et de développer ses compétences magique. Ses connaissances des textes et sa mémoire des versets faisaient la fierté de ses instructeurs, c’était là son plus grand atout, sa magie fleurissant plus lentement, plus finement. Ses talents naturels s’arrêtaient cependant à ces deux champs d’expertise, et si la magie était une arme, mettre une épée entre les mains de Lucius était une toute autre histoire. Certes, il était capable d’asséner un coup, mais il n’y avait là aucune grâce, aucune subtilité, aucun art ni passion. Pour résumer, il était parfaitement inutile pour se battre de manière conventionnelle. Mais là ou il manquait de talents, il pouvait toujours le compenser en amis et camarades de confiance. L’un de ses camarades les plus proches nommé tout simplement Alexandre compensait les faiblesses de Lucius. Et en retour, Lucius était doué là ou Alexandre pêchait.

Mais au fur et à mesure que les années passent, les jeunes mûrissent, les réflexions s’en retrouvent exacerbées, les intérêts divergent. Lucius continue son étude des textes sacrés de Thélème, c’est là son intérêt, sa vocation. Mais dans le même temps, ses questions grandissaient incessamment. Il questionne le cœur du dogme thélémite, pas par malice ou par défiance, mais par curiosité. Ses questions irritent, on lui dit de suivre le dogme, que ceux qui le précédaient savaient mieux que lui. Ces réponses ne satisfont pas Lucius, et le jeune thélémite continue de questionner secrètement, sans livrer ses pensées à quiconque, et s’enfonce lentement dans une forme de cynisme acide. Comme on le lui avait enseigné, trop questionner le cœur du culte du lumineux était la porte ouverte à une visite de l’Ordo Luminis, et la vie était une chose bien trop précieuse à perdre pour une langue bien pendue.

Ses secrets il les livre cependant à son camarade Alexandre, qu’il voit comme un frère à part entière. Mais si les années avaient changé Lucius, elles en avaient fait de même pour Alexandre. Plus rigoureux, plus strict, plus étroit dans ses croyances. Alexandre voit d’un mauvais œil les interrogations de Lucius, mais ne dit mot de sa désapprobation. Il se fît plus distant, évitant son ami comme la malichor. Jusqu’à ce qu’un jour ce dernier ne confronte son ami de toujours, et qu’une rixe éclate. Les causes de cette rixe étaient fort simple, il s’agissait de deux jeunes gens convaincus que chacun était dans son bon droit, et étaient toujours animé d’une certaine passion. Cela commença par des cris qui alertèrent les responsables du couvent sans qu’ils n’arrivent sur place à temps, et sans trop qu’on ne sache comment, le premier projectile magique fusa. Et la situation empira. Les braseros ornant la pièce furent torpillés, renversés par les projectiles. Alexandre fît preuve d’une adresse dans la magie que Lucius ne lui connaissait pas, et sa surprise se transforma en défaite. Un projectile le heurta, le déstabilisa, et il ne pût rien faire d’autre que tomber à terre sur les braises encore chaude étalés sur le sol.

La suite était pour Lucius un souvenir embrumé, juste une sensation qui l’étreignit. Une douleur vivace, une brûlure qui occupait chaque recoin de son esprit. Lorsqu’il reprit ses esprits, il gisait dans un lit, fébrile et faible, la respiration lourde du choc qu’il avait vécu et ressentit. Cet affrontement avait laissé des traces, physiquement, et mentalement. Les religieux l’avaient soigné du mieux qu’ils le purent, mais il demeurait marqué par le feu, défiguré. Mais il vivait. Que cela soit une preuve de la grâce du Lumineux, ou un tour cruel du destin, il vivait, et continuerait à vivre.

Alexandre serait puni pour ses actions, et transféré dans un autre couvent, ou il recevrait une éducation plus stricte. Mais le mal était fait, plus que les blessures qu’il avait reçu, sa déception envers son ancien camarade rendait Lucius amer. Et son amertume n’était supplanté que par une série de questions. Pourquoi ? Qu’est-ce qui avait poussé Alexandre à commettre une faute pareil ? Quel événements avaient mené à ce dénouement ? Plus qu’étudier les textes religieux, Lucius découvrit alors un autre sujet sur lequel il se pencherait avec un intérêt tout aussi prononcé : l’étude des gens et de leur parcours.

Officiellement, il avait pardonné à Alexandre ses actions. Le pardon était une vertu cardinale après tout, et elle témoignait de la grandeur d’âme de Lucius. En vérité, ce dernier accueillait la distance qui le séparait désormais de son ancien ami avec un certain détachement. La vie suivait  son cours, et les chemins qu’ils avaient décidés d’empruntés divergeaient, c’était ainsi fait.

A sa sortie du couvent, paré d’un masque cachant sa difformité, Lucius entra tout naturellement dans les ordres, et il fût envoyé à San Aurelius afin de parfaire son éducation. Là-bas, il se plongea pendant de nombreuses années dans les textes précieusement conservés, sous la tutelle d’un futur garant. Ce dernier élargissait les horizons de Lucius, lui présentant les différents courant de pensées et ordre de la foi du Lumineux, du plus strict au plus obscur des ordres religieux. Lucius piochait ça et là, étudiant l’histoire des différents ordres, de leur fondation à leur évolution, la nature de leur mission, la manière dont il interprétaient la foi. Un puits de connaissance sans fin dans lequel Lucius se plongeait à bras le corps. Et aucune information ne pouvait étancher sa soif.

Alors lorsque la nouvelle atteint San Aurelius, lorsque Lucius eût vent de l’existence de Teer Fradee, il ne pût faire autrement que de se joindre à ceux qui firent voile vers l’île. Son but n’était pas de convertir les populations natives de l’île à la foi du Lumineux. Lucius voyait la mission des missionnaires avec un certain cynisme, ils tenteraient inlassablement de convertir les natifs de l’île, qui refuseraient d’abandonner leur histoire, leur culture, pour s’abandonner entièrement à la foi de Thélème. Et ceux qui refusent d’embrasser le Lumineux subissent les foudres des croyants, il fallait simplement jeter un coup d’œil à Gacane pour s’en rendre compte. L’inimité entre Thélème et l’Alliance en était une preuve assez éloquente. Alors que se passerait-il lorsque des missionnaires échoueraient ? L’Ordo Luminis serait envoyé ? L’inimité serait indubitablement embrasée.

Non, l’intérêt de Lucius résidait dans le fait que l’île était probablement celle ou San Matheus aurait achevé son pèlerinage. Une joyau de connaissances, de possibles textes qu’il fallait découvrir, et préserver. Pendant un temps, il laissa les missionnaires et autre religieux se préoccuper des natifs, mais il commença lui aussi à s’intéresser à la population locale. Leur histoire, leurs traditions, leur art, leur philosophie. Le dialogue était plus naturellement initié avec ces connaissances, et il ne doutait pas qu’elles seraient précieuses pour en savoir plus sur l’histoire de l’île elle-même.

A bien des égards, Lucius est considéré par ses pairs, et par ceux qui le côtoient quotidiennement comme un homme froid et distant. Passant au naturel plus que de temps auprès des textes et des livres, il ne réserve que peu de temps à ses pairs, ou à tout autre individus. La chaleur dont certains prêtre peuvent faire égard l’évite entièrement, amplifié par la parure inanimée qu’il porte pour cacher son visage. Piètre orateur, Lucius n’a jamais eu un grand amour pour proclamer des sermons. Il aurait endormi n’importe quel ouailles avec sa voix basse et douce, à peine plus qu’un chuchotement. Son intérêt ne réside pas dans la conversion, ou encore dans les discours religieux adressés aux citoyens de Thélème. Il réside dans les détails, les faits, les écritures. Lui demander de proclamer un sermon vaudra un service froid, point dénué de foi, mais dont la passion manque franchement. En revanche, le questionner à propos d’un sujet précis sur les textes, ou même sur l’origine d’une procession obscure a le don d’attirer son intérêt et de délier sa langue par la même occasion. Le religieux est une bibliothèque qui peine à ouvrir ses portes aux autres, méfiant, distant, craignant de livrer trop d’informations concernant ses propres doutes vis-à-vis du dogme régissant la vie de Thélème.

Ses doutes prennent la forme d’une distance qu’il garde avec quiconque, nombreux sont ceux qui ont été livré à l’Ordo Luminis après avoir révélé ses secrets à un proche, et Lucius ne souffrira pas d’un tel sort. Même ceux qui sont proche ne sont pas dénué d’une ferveur brûlante, et pourraient considérer de tels doutes comme un manque de foi manifeste pour un religieux.

Étant un amateur fervent de connaissances, Lucius possède une maigre bibliothèque personnelle, ainsi qu’une légère collection d’objets artistique des différentes cultures de Gacane, et plus récemment, quelques objets provenant des villages natifs. Des objets symbolisant les différentes croyances de ceux peuplant l’île, une base sur laquelle commencer ses études, tout particulièrement sur les natifs. Teer Fradee présente un ensemble de nouvelles possibilités pour Lucius, des possibilités qu’il va s’empresser de saisir.