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La Rose de Thélème [RP Solo]

Alphonse Fléchard
A bord d'un navire naute, en vue de l'île
Alphonse Fléchard
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Pièces d'or : 922
Messages : 157
Congrégation Marchande : 6
Natifs : 3
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Citation : Beware of an old man in a profession where men usually die young.
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Reput
L'avantage d'être au cinquième étage, c'était que les odeurs des cadavres brûlés et de la putréfaction de la ruelle en contrebas ne parvenait pas jusqu'à son petit appartement : il pouvait donc cuisiner les fenêtres ouvertes, et ça c'était un luxe.

En cette fin de soirée, le soleil couchant qui rougeoyait à l'horizon laissait passer sa lumière dans toute la pièce. C'était son moment préféré de la journée. Un bon cigare aux lèvres, à préparer ses pommes de terre, le chant des mouettes en fond sonore. Il avait fini d'écailler et de vider son poisson, l'avait placé dans un plat en terre cuite et mis au four avec ses ingrédients secrets : une pincée de gros sel marin, un filet d'huile, et surtout des herbes séchées récupérées lors de ses déplacements en tant que Garde.

Mais désormais à la retraite, plus le temps passait, et plus sa réserve s'amenuisait. Et les prix pratiqués sur les épices du Marché le décourageait à y faire ses emplettes, sans compter que sa pension était bien maigre.

Heureusement, Alphonse avait toujours eu le nez pour trouver ce qu'il lui manquait, d'une façon ou d'une autre. Il finit de placer les pommes de terres épluchées dans l'eau bouillante, lorsqu'on frappa trois coups à sa porte. Il fronça les sourcils, non sans avoir roulé les yeux avant, et en quelques enjambées, alla ouvrir la porte à celle qu'il savait déjà être derrière.

"Dame Isabelle Maret. C'est toujours un plaisir de vous rece..."

La petite dame, ayant dépassé les quatre-vingt ans, ce qui était un petit miracle dans une ville comme Sérène compte tenu de son effroyable caractère et du nombre de gens prêts à tuer pour un repas chaud, entra dans la pièce comme si elle en était la propriétaire. Ce qu'elle était.

"...voir." termina Alphonse, gardant toutefois la porte ouverte dans l'espoir que ça fasse partir plus vite la vieille femme.

"Votre chien a encore fait du bruit. C'est la troisième fois cette semaine."

Alphonse tourna un regard vers le gros coussin au sol, sur lequel était allongé Angelo, un vieux Terre-Neuve au pelage noir, qui n'avait pas plus bronché lorsqu'on avait toqué à la porte que lorsque la propriétaire était entrée. De temps en temps, il relevait la tête et aboyait, sans aucune raison apparente - peut-être juste pour vérifier qu'il savait toujours le faire, puis se remettait en place, et ronflait comme un docker, lâchant de temps à autres un gaz sonore.

Alphonse se demanda dans un premier temps s'il fallait mettre en cause l'âge avancé du chien, mais commencer sa phrase par "Vous savez, les vieux..." ne lui semblait pas des plus avisé.

"Allons, ma bonne Dame Maret. Vous savez, les chiens...ils font toujours un peu de bruit, mais je veille à ce qu'il n'en fasse pas plus que de raison, et surtout qu'il n'en fasse pas à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit."

"C'est déplaisant." ajouta-t-elle, avant d'observer les alentours de la chambre et de la cuisine, de son oeil scrutateur, pour finalement s'arrêter sur le coin de la bouche d'Alphonse. Merde, se dit-il.
"Tout autant que l'odeur de cigare ! Je vous avais prévenu de ne plus fumer ici. Un de ces jours, vous allez finir par mettre le feu à tout l'immeuble."

Pas que l'idée ne lui soit jamais passée par la tête...au moins n'aurait-il plus à subir les intrusions de sa voisine.

"Vous exagérez, ma douce Dame Maret." lui répondit-il, se targuant d'un sourire. "Je fais attention à toujours fumer les fenêtres ouvertes, comme vous pouvez le constater."

C'était évidemment un mensonge, mais cela allait au moins apaiser la harpie.

"Hm ! Je vous préviens, quand je vais récupérer votre chambre, si l'odeur de chien et de cigare est toujours présente, il y aura un supplément pour le nettoyage."

Parce qu'elle comptait vivre plus longtemps que lui ? Allons donc.

"Soyez rassurée, je vais faire le nécessaire pour que tout soit impeccable, et pour que mon chien ne vous dérange plus."

Tu parles, elle n'avait rien à faire de ses journées à part coller l'oreille aux murs, si dès que le chien pète elle rapplique...

"Je vous prends au mot, messire Fléchard. Que cela soit la dernière fois que j'ai besoin de passer..."
Et, aussi digne qu'une princesse marchande, elle quitta la pièce par la porte toujours ouverte.

Refermant la porte tout en résistant à l'irrépressible envie de la claquer, Alphonse réalisa que déménager serait une bonne chose. Dès que la prochaine pension tomberait, et que son "petit extra" aussi, il envisagerait sérieusement de prendre ses affaires et son chien, et de trouver un autre immeuble où loger. Bon, même s'il avait ses habitudes dans le coin, son marchand de poisson pas loin, sa taverne à l'angle de la rue d'en bas, qu'être au cinquième avait tout de même ses avantages...

Il envisagea l'espace d'un instant de balancer Madame Maret par la fenêtre, mais quitte à déménager autant que ça ne soit pas pour la prison la plus proche.

On frappa de nouveau à la porte. Deux coups secs, un coup long, puis de nouveau deux coups secs. Alphonse sourit. Ce code-là, il le connaissait, et ce n'était pas une vieille logeuse aigrie. Il ouvrit la porte à un vieil homme mince, dont le visage s'ornait d'une belle moustache grise, et les mains d'une belle bouteille de vin.

"Vitiano ! Entre donc, vieille fripouille." lui intima Alphonse, non sans lui avoir donné l'accolade au passage. "J'ai préparé un merlu aux pommes de terres au beurre, tu vas m'en dire des nouvelles."

"Du moment que tu nous sors deux verres pour qu'on descende celle-là, vieille canaille." lui répliqua son ami, posant la bouteille sur la table, avant de se tourner vers Angelo. "Et comment il va, le toutou ?"

Pour toute réponse, le chien battit mollement de la queue, qui heurta le mur à trois reprises. Encore quelque chose que Madame Maret allait lui reprocher, ça...

Ils se mirent à table, partagèrent un bon repas, une bonne bouteille, et un bon cigare, les fenêtres fermées - il faisait froid dehors, diantre. Les choses sérieuses pouvaient alors commencer.

"Bon." lança Alphonse. "Qu'est-ce que tu as pour moi cette fois ?"

"Franchement ? Une broutille. Un truc que n'importe quel bleu pourrait accomplir, et pourtant ils ont demandé le meilleur - et sont prêts à mettre le prix qu'il faut pour l'avoir."

Le soixantenaire fronça les sourcils.

"Ça a l'air trop beau pour être vrai. Soit les clients sont des excentriques trop précautionneux, soit..."

"...soit la marchandise est très précieuse, oui." confirma le moustachu. "Mais attends, tu sais pas tout. Ils ont fait une demande particulière, une seule. Il ne faut pas ouvrir le sac."

"Le sac ?"

"Oui, le sac. Peu importe ce qu'il se passe, il ne faudra pas l'ouvrir. Résister à la tentation d'être curieux. Tu penses que c'est dans tes cordes ?" lui demanda-t-il, d'un ton railleur.

"Je sais être professionnel." se contenta de répondre Alphonse avec flegme. "Mais ça fait beaucoup de mystères, même pour moi. La paie est de combien ?"

Le montant annoncé manqua de lui faire recracher son vin.

"Ha oui ! Ils veulent vraiment leur sac, et ils veulent vraiment pas qu'je l'ouvre."

"Tu en penses quoi ?"

"Que pour ce prix, je me fiche bien de savoir ce qu'il y a dedans. Donne-moi l'heure, et l'endroit." conclut-il en vidant son verre.
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Se frottant les mains l'une contre l'autre, Alphonse souffla dedans à plusieurs reprises. Voilà un moment qu'il poireautait sur le port à présent et il commençait à sérieusement regretter de ne pas avoir emmené ses gants. Il se faisait vieux, faut-il croire. L'air marin était glacial, et quand bien même il s'était trouvé une petite planque dans une ruelle étroite, rester sans rien faire à attendre n'arrangeait rien.

Enfin, il vit le signal. Une lanterne s'alluma, s'éteignit, se ralluma et s'éteignit de nouveau. Quittant sa ruelle, non sans avoir au préalable vérifié que la Garde ne surgirait ni de sa gauche, ni de sa droite - quand bien même il avait fait le nécessaire pour mettre la main sur les plans de leur patrouille de la soirée - il s'avança rapidement.

Deux types, grands manteaux de cuir, chapeaux vissés sur le crâne, col relevés. Trop peu de lumière pour distinguer leurs visages dans le détail. Le plus grand des deux, plutôt costaud au demeurant, portait sur l'épaule un large sac en toile, fermé solidement par une épaisse corde.

"Ne pas ouvrir le sac." se répétait Alphonse, tandis qu'il approchait, saluant de la tête les gaillards.
Le plus petit des deux haussa légèrement la voix. "C'est assez près." dit-il, l'air de reculer très légèrement dans la pénombre, faisant au passage un signe de la main à son comparse. Ce dernier s'avança, et déposa le sac avec plus de précautions que l'on ne l'en aurait cru capable.

"Vous pensez que vous arriverez à le faire sortir de la ville ? Les Gardes ne doivent ni vous voir, ni savoir ce que vous transportez."

"Je sais ce que je fais." rétorqua un Alphonse se voulant rassurant, non sans penser "...Blanc-bec."

Il chargea le sac sur sa propre épaule. Diantre, cela pesait son poids. L'individu dans l'ombre reprit la parole.

"Alors ne vous faites pas repérer. Amenez ce sac - sans l'ouvrir - jusqu'au point de rendez-vous, à l'extérieur des murs...et vous êtes un homme riche."

"Échouez, et vous êtes un homme mort." se contenta de conclure le grand type.

"Charmant." dit en repartant l'ancien Garde, qui tout expérimenté qu'il était, savait très bien que ce n'étaient pas des menaces en l'air. Ces types ne plaisantaient pas. Peu importe ce qu'il y avait dans ce sac, il ne fallait surtout pas que les autorités tombent dessus, et ils voulaient que le moins de monde possible soit au courant du contenu. Intéressant...

Alphonse savait résister à la tentation, mais il est vrai qu'elle était grande. Empruntant les ruelles qu'il connaissait bien, patientant de temps à autres dans un recoin sombre que les badauds avinés au sortir des tavernes ou que les brutes de quartiers en attente d'un mauvais coup passent leurs chemins, il progressait à un bon rythme.

"Tac."

Le sac venait de lui donner un coup de pied.

Marquant un temps de pause dans sa progression, Alphonse mit quelques secondes à réaliser. Le sac venait littéralement de lui donner un coup de pied. Quoi, il y avait...quelqu'un à l'intérieur ? Non, vue la taille du sac, ce devait être un petit animal, quelque chose d'exotique sans doutes. D'où la prudence ! S'il l'ouvrait, et que c'était un oiseau qui s'envolait à tire d'ailes, il aurait l'air malin, perché sur trois tonneaux en équilibre, à essayer de le récupérer sur une corniche.

"Tac."

"Allez. On ne l'ouvre pas." se répéta-t-il. "On sait très bien qu'il ne faut pas, que ça va t'attirer que des emmerdes. C'est un oiseau, il va s'envoler. Ou pire ! Un gros lézard venimeux, qui va te cracher dans les yeux, et tu seras aveugle pour ce qu'il te reste de jours à vivre, et..."

Le sac pleurait.

Que ça soit la curiosité ou la compassion, Alphonse l'ignorait. Mais il ouvrit le sac.

"Oh...merde..."

Une petite fille de six ou sept ans. Les yeux rougis par les larmes qui coulaient sur ses joues, dont l'une s'ornait d'une marque verte.

Le sac contenait une gosse.
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Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? Bien sûr que c'était trop beau pour être vrai. Personne n'était prêt à débourser autant d'argent dans la contrebande juste pour un bête sac d'herbes séchées ou de cornes en poudre...ça puait depuis le début, cette histoire !

Alphonse faisait dorénavant les cents pas dans son petit appartement. D'aussi loin qu'il le sache, c'était un endroit sûr, que seuls ses amis proches connaissaient. La gamine n'avait pas dit un seul mot de tout le trajet.

Il avait d'abord songé à la remettre dans le sac, bien sûr, et à poursuivre la livraison, comme s'il n'avait rien vu. Mais il se connaissait trop bien pour savoir que sa conscience, pourtant pas si prompte à l'empêcher de faire des âneries, l'aurait tiraillée jusqu'à la fin de sa vie. Oh, ça, il en avait vu et il en avait fait, bien plus que sa part pour ne rien cacher.

Mais là, il ne s'agissait pas de voler des poules ou de trousser la femme du sergent en cachette dans la grange...c'était une gosse, bon sang.

Une gosse qui, en dépit de son mutisme, avait sacrément faim. Elle avait englouti ce qu'il lui restait de patates et de merlu, et deux parts de gâteaux aux raisins. Où est-ce qu'elle pouvait bien mettre tout ça ?

Plus Alphonse la regardait, plus il se demandait d'où elle pouvait bien venir, avec sa drôle de marque sur la joue, ses grands yeux rougis, et ses cheveux courts en pagaille. Sûrement pas la fille d'un noble ou d'un marchand. Alors, quoi...? Une histoire de vengeance ? Du chantage ?

La fillette bailla, très certainement épuisée. Et il se passa alors quelque chose qu'Alphonse n'aurait pas pu prévoir : Angelo se leva de son coussin et, de son pas lourd, vint coller sa grosse truffe contre la gamine. Elle se mit à rire, au contact froid et humide du chien, puis se colla tout contre lui. L'animal ne broncha pas. Sa grosse queue seule, battait la mesure dans l'air.

"Ha bah ça..." dit le retraité à voix haute, sans même s'en rendre compte. L'enfant se rendit alors sur le lit du vieil homme, tira la couverture sur elle, et en tapotant du plat de la main dessus, fit comprendre au Terre-Neuve qu'il pouvait monter se coucher à côté d'elle...ce qu'il fit le bougre.

La stupeur venait d'empêcher Alphonse de se rendre à l'évidence à temps : on était en train de lui piquer son lit. "Eyh là, doucement matelot !" commença-t-il à braire, s'avançant avec la ferme intention de les déloger tous les deux de là.

Cependant, il fut interrompu dans sa charge vengeresse par trois coups frappés à la porte. Il roula des yeux, conscient qu'à cette heure avancée de la nuit, sa logeuse allait probablement lui passer un sacré savon. Mais il n'était clairement pas d'humeur, et qu'elle aille se faire cuire un œuf, cette vieille peau.

Il ouvrit la porte à la volée, bien décidé à...

Ce n'était pas Madame Maret. C'étaient les deux gaillards du port, flanqués d'un Vitiano qui n'en menait pas large, et d'un quatrième type qu'Alphonse n'avait encore jamais vu, mais dont l'armure et les emblèmes qui l'ornaient ne laissaient aucun doute : il y avait un Inquisiteur de Thélème sur le pas de sa porte.

"Mes salutations, Monsieur Fléchard. Pardonnez notre intrusion à cette heure avancée de la nuit, mais j'ai cru comprendre que vous aviez quelque chose qui m'appartient. Et je souhaite le récupérer."

La voix était suave, l'homme était poli. Mais quelque chose dans le ton, autoritaire, fit immédiatement comprendre à Alphonse que cette fois, il ne s'en tirerait pas à si bon compte. Sa seule monnaie d'échange pour se sortir de ce pétrin, c'était de rendre l'argent, et l'enfant avec ça. Baste, qu'ils reprennent même le sac et la corde, et le laissent lui reprendre sa petite vie tranquille. Il ne voulait pas d'ennuis, il avait passé l'âge depuis longtemps.

"Euh...oui, bien sûr. Entrez, je vous en prie..." dit-il en s'écartant de la porte, non sans lancer un regard noir à Vitiano, tandis que ce dernier entrait à son tour à la suite des trois hommes, penaud. Il le retenait, celui-là...

"Haaa...la voilà."

L'Inquisiteur aperçu l'enfant, qui s'était recroquevillée dans le coin de la pièce, s'emmitouflant dans la couverture comme dans un bouclier de fortune. Ses yeux, terrifiés, allaient certainement hanter longtemps Alphonse.

Le religieux prit un moment pour la détailler, puis il se tourna vers le locataire des lieux.

"Vous avez du mal à suivre une consigne simple ? Notre demande était-elle trop compliquée pour vous ?"

Aïe. L'Inquisiteur avait beau avoir au moins vingt ans de moins que lui, il parlait avec cette passion, cette ferveur qui animait ceux se vouant corps et âmes au Lumineux. Sa voix était autoritaire, tranchante, et l'espace d'un instant Alphonse eu envie de ranger sa chambre.

Il devait se ressaisir, avant que la situation ne lui échappe complètement.

"Il y a eu...des complications, vous comprenez ?" tenta-t-il, un peu maladroitement. Il était décidément rouillé.

"Oh, vraiment ? J'ai hâte d'entendre lesquelles."

Tu veux pas que je me confesse non plus...se dit pour lui-même Alphonse, avant de reprendre.

"Le sac était humide. Je me suis dit qu'il était possible qu'il y ait une fuite à l'intérieur, et que vous seriez très certainement fort mécontents si la moitié du contenu du sac se dispersait à travers la ville, tandis que je vous le ramenais. Comprenez-moi bien...je n'avais aucune intention de vous nuire. Je voulais juste faire mon boulot correctement."

L'Inquisiteur plongea ses yeux dans ceux d'Alphonse. Il n'avait pas l'air de gober ça.

"Et quand vous vous êtes rendu compte que ce n'était pas une gourde trouée que vous transportiez...vous avez pris la décision de rentrer chez vous. Pourquoi ?"

Là, il était mal. Ce n'était clairement pas un débutant en face, et s'il s'enfonçait encore dans le mensonge, il n'allait pas s'en tirer. Alors, il fit le choix de dire la vérité.

"Parce que j'ai...eu peur. Comprenez, c'était une enfant que j'avais dans mon sac. Je n'allais décemment pas..."

Face à lui, l'Inquisiteur sourit. Il leva sa main, pour la poser sur l'épaule d'Alphonse, qui n'aimait pas du tout ce contact, pas plus que cette proximité.

"Je comprends...c'est là que vous avez fait une erreur, Monsieur Fléchard. Car voyez-vous, ce n'est pas une enfant."

D'accord, donc c'était un cinglé. Il pensait que c'était quoi, un bibelot en fonte ?

"Ha...ha bon ?"

"Non. Ce n'est pas une enfant. C'est une épreuve. Une épreuve que le Lumineux m'envoie. Ma chance de démontrer à toutes et à tous que la Foi...est tout ce dont nous avons besoin pour unir tous les peuples, de ce continent...ou de l'autre. Vous comprenez ?"

De quoi est-ce qu'il parlait ? L'autre continent ? Cette grande île dont il avait entendu parler...la gamine était de là-bas ? Il décida de jouer le jeu.

"Ha oui. Ha, ça, totalement. La Foi....pfff...c'est...c'est ce qui fait tourner le monde, pas vrai ?"

"Exactement."

C'était un cinglé. Et d'un geste, ce cinglé fit signe aux deux types qui l'accompagnaient d'aller se saisir de l'enfant. Ils s'avancèrent comme un seul homme, pour finalement se figer à un mètre de la fillette.

Angelo venait de se lever. Les babines retroussées, dévoilant ses crocs, bavant à inonder le plancher, il grognait, un grognement sourd, terrifiant. Il se plaça entre l'enfant et ses ravisseurs. Alphonse connaissait son chien depuis des années. Et pourtant il ne l'avait jamais vu comme ça.

"Et si vous disiez à votre animal de s'écarter ? Vous ne voulez pas que quelqu'un soit blessé, Monsieur Fléchard ?"

La voix de l'inquisiteur était tout aussi menaçante que la magie qu'il maniait certainement. Alphonse aurait dû être terrifié. Il aurait dû tout faire pour que la situation cesse de dégénérer, pour que tout rentre dans l'ordre. Il aurait dû rappeler son chien, le prendre par le collier et le traîner dans un coin, les laisser emmener la gosse et ne plus jamais y penser.

Alors pourquoi, et surtout, par quel réflexe idiot venait-il d'envoyer son poing dans le nez de l'Inquisiteur ?

"Ha bah...trop tard." grimaça Alphonse, tandis que l'homme face à lui venait de chuter au sol, se tenant des deux mains son visage qui déjà se couvrait de sang.

Le plus grand des deux types tira une lame de sous son long manteau. C'était tout ce qu'attendait Angelo pour se ruer sur lui, et refermer sa mâchoire sur son bras. Poussant un cri de douleur épouvantable, l'homme lâcha son arme et tenta tant bien que mal de desserrer l'emprise de la bête.
Son comparse à son tour sortit une arme, à feu cette fois, de sous son manteau, et visa le chien. Mais un plat en terre cuite lancé par Vitiano venait de s'écraser contre sa tempe, et il s'effondra sur le sol.

Dans tout ce foutoir, l'Inquisiteur se relevait déjà, et d'une main hâtive, il usa de sa magie pour lancer un sort. Sa vision n'eut-elle pas été brouillée par le coup porté au nez, Alphonse se le serait pris en plein torse. Il eut à peine le temps de se jeter à plat ventre derrière le comptoir, tandis que les ustensiles de sa cuisine volaient à travers la pièce.

Le chien et l'homme poursuivaient leur affrontement, tandis que l'Inquisiteur se rapprochait dangereusement, ses mains luisant sous l'effet de la magie. C'est un violent coup de tabouret qui l'accueillit, pas assez fort hélas pour le mettre définitivement hors d'état de nuire. Le sort fût lancé. Vitiano le prit en pleine poitrine. Ses yeux se voilèrent, et il tomba tête la première au sol.

Un coup de feu retentit. Alphonse avait fait le tour, en rampant, et récupéré la pistole que le plus petit des deux gaillards avait lâché. L'Inquisiteur s'effondra, la balle ayant traversé l'arrière de sa tête pour ressortir par son œil droit.

Au sol, le combat entre Angelo et le grand type prit fin. Le molosse était parvenu à coucher l'homme à terre, et à le mordre à la gorge. La quantité de sang aux alentours ne laissait planer aucun doute quant à ses chances de survie : elles étaient nulles.

Alphonse siffla. Le chien, dressé, releva vivement la tête, et aboya, fier, avant de s'asseoir et de se tenir bien droit.

Le calme était revenu. Il y avait au moins trois morts dans la pièce. On frappa alors trois coups timides à la porte, et une voix feutrée lui parvint de l'autre côté.

"Monsieur Fléchard...vous faites beaucoup de bruit là quand même..." se plaignait Dame Maret, la voix tremblante.
Alphonse Fléchard
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Le calme revenait dans la pièce, malgré les corps étendus sur le sol, le sang qui maculait la gueule de son chien, la gamine terrorisée sur le lit et blottie dans sa couverture, et sa logeuse qui tapait à la porte.

"Jeee...j'organise une petite fête ma bonne dame Maret !" fut la première chose qui lui vint à l'esprit. C'était totalement idiot.

"Vous êtes sûr ? J'ai entendu quelque chose se casser...et un coup de feu, bon sang !" lui fit la voix feutrée de la vieille femme, depuis l'autre côté de la porte.

"C'était un pétard ! On a voulu jouer un peu trop fort, vous savez comment on est, nous, les jeunes..." dit Alphonse, tout en se précipitant sur Vitiano pour prendre son pouls. Mort. Son vieil ami avait cassé sa pipe, et l'avait entraîné dans ses combines foireuses pour la dernière fois.

"Si vous pouviez faire moins de bruit ! Il y a des gens qui dorment dans l'immeuble. Je ne veux pas qu'ils viennent me dire que j'héberge quelqu'un de malpoli chez moi !" le gronda Dame Maret, qui reprenait du poil de la bête.

"On s'est tous couchés, vous en faites pas !" et pour le coup, c'était plutôt vrai. Il patienta, le temps d'entendre les grommellements de sa logeuse s'éloigner de sa porte, puis il souffla un bon coup.

Il était vraiment dans la merde. Il fallait partir, et surtout ne rien laisser derrière lui qui permettrait de le retrouver. Partir...pour aller où ?

Il se tourna vers son chien, toujours assis, la gueule ensanglantée, qui attendait sagement les ordres de son maître. Il observa la gamine, qui n'avait toujours pas dit un mot. Il soupira. Récupérant un linge tombé à terre, il essuya le museau d'Angelo. Une fois propre, l'animal remua la queue, puis se tourna vers la fillette. Cette dernière tendit les bras dans sa direction, et il alla lui léchouiller le visage, ce qui la fit rire.

C'était bien là le plus joli son qu'Alphonse avait entendu ce soir.

"Bon..." dit le vieil homme à la petite fille. "Est-ce que...est-ce que tu as un nom, petite ?"

L'enfant le fixait de ses grands yeux, en silence.

"Est-ce que tu sais qui c'étaient, ces types...?" lui demanda-t-il, pointant les hommes à terre du doigt. Nouveau silence.

Qu'est-ce qu'il avait dit, déjà, cet Inquisiteur...la gosse venait de l'île ? Après tout...c'était pas un endroit pire qu'un autre pour aller se planquer le temps que les affaires se tassent...et il connaissait déjà quelqu'un, là-bas. Quelqu'un qui allait être plutôt surpris de le voir débarquer.

"Et bah on va faire nos affaires."

Tirant une malle de sous son lit, il l'ouvrit, et récupérera deux armes à feu, qu'il plaça dans sa ceinture, ainsi qu'une besace en cuir, assez grande, contenant des affaires de rechange, un nécessaire de toilette, des provisions, une boîte d'allumettes, une corde et une bourse. Il déplaça ensuite sa table de chevet, tira une latte du plancher - ce qui aurait fait bondir au plafond Dame Maret - et plongea la main dans l'interstice, en tirant trois autres bourses, qui tintèrent tandis qu'il les plaçait dans la besace.

Se relevant, il récupéra dans la pièce quelques souvenirs éparpillés. Une montre ancienne, quelques lettres, un fusil de chasse, une boîte de cigares entamée, un couteau dans un étui de cuir...tout cela lui avait pris moins de cinq minutes, et il était pratiquement prêt à partir.

Puis, il revint vers la petite, toujours accrochée au gros chien.

"On va aller faire un voyage, tous les trois. Tu veux bien ?" avec autant de douceur dont il était capable, Alphonse tendit la main à l'enfant. Elle le fixa. Elle devait avoir compris que ce vieil homme et ce gros chien ne lui voulaient pas de mal, aussi mit-elle sa main dans la sienne, et se leva.

"Et va falloir qu'on t'habille mieux que ça..." dit-il le sourcil froncé en observant la tenue en peau de bête que la gamine portait. "Ha, une dernière chose à faire."

Il prit une grande inspiration, avant de récupérer une bouteille d'alcool, et de la renverser intégralement aux alentours. Grattant alors une allumette, il la jeta dans la pièce, qui commença à s'enflammer.

"Allez, on file ! " il emmena avec lui la fillette et son chien à sa suite, ouvrant puis refermant la porte, se retrouvant dans le couloir, sur le départ, le pied en suspension juste au-dessus de la première marche de l'escalier, lorsqu'il s'arrêta soudainement, à la pensée de l'autre résidente de cet étage.

Roulant des yeux, poussant un long soupir, faisant demi-tour, il vint frapper à la porte de la chambre de Dame Maret, qui lui ouvrit, vêtue de sa grande robe de chambre et de son bonnet assorti.

"Dame Maret !" lui lança-t-il, sur un ton enjoué. "Je crois bien que j'ai commis une maladresse avec un cigare, et que l'appartement est en feu."

"...quoi ?"

"Oui oui ! Il faut sortir, maintenant. Allez."

En dépit de sa stupeur et de ses protestations, la petite femme fut emmenée par les épaules jusqu'en bas de l'immeuble où, selon la légende, elle serait toujours, à hurler à l'encontre de son ancien locataire fumeur et fugueur, parti en courant avec un chien et un gosse.
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