Luis - Relations [En construction]

Entrée n°1

J’écris les premières lignes de ce journal, témoin de mon séjour à Teer Fradee, dans mes quartiers du bateau qui me mène à Hikmet. J’avoue au début avoir été sceptique lorsque l’un de mes confrères, Hakim, me conseilla de consigner mes pensées du quotidien tout au long de mon périple. Maintenant je me décide enfin à poser mes impressions sur ces pages, je commence à en trouver le sens.

Ce voyage changera ma vie à jamais, c’est inévitable. Après tout, chaque jour nous change. Celui que j’étais hier est mort pour laisser place à celui que je suis aujourd’hui, qui laissera place à celui que je serai demain. Ainsi, la cause de chacune de ces morts est une nouvelle pensée, une nouvelle expérience ou encore un nouveau savoir. J’en viens également à me dire que ce journal pourra également me servir de repère moral afin d’éviter de sombrer dans ce manque d’éthique qui semble étreindre, inlassablement, les plus grands esprits de l’Alliance, dans une vaine recherche du pouvoir pour écraser Thélème ou dans un élan désespéré pour soigner la Malichor. Mais en vérité, je pense qu’ils sont tous aveugles. Notre vocation est le progrès, mais le progrès est sensé empêcher les bains de sang, pas les entretenir en trouvant de nouveau moyen pour massacrer autrui ou sous couvert de la recherche d’un remède. Nous nous perdons tous, nous nous éloignons de qui nous sommes. La seule véritable solution à nos problèmes est d’enterrer la hache de guerre, de trouver un accord diplomatique à nos différends et nous unir pour combattre ce mal insidieux qui ravage nos terres. Mais non, ils préfèrent continuer à dédaigner la vie et étendre cette épidémie née de la mort et de la destruction.

Mais je m’égare, une fois encore, à étaler ces pensées pessimistes, tandis que je fais face au tournant le plus majeur de toute mon existence. Je veux poser sur ces pages tout mon optimisme et toute ma soif de savoir qui me mènent vers ces lointains rivages.

Une nouvelle civilisation m’attend et, sur ses terres, les témoins d’un passé encore inconnu, resté vierge de toute forme d’étude. Des bulles figées dans le temps qui, je l’espère nous apporteront bien des réponses. Parfois, la nuit, allongé sur ma couchette, je viens à rêver que je pourrai peut-être trouver la solution contre l’épidémie parmi les savoirs que les anciens ont entreposés quelque part dans des ruines. Ce serait tout simplement prodigieux ! Notre monde retrouverait alors un peu de sa splendeur et les générations futures se souviendraient alors de Luis, cet archéologue qui, contre vents et marées, sauva des milliers d’âmes. Quelle plus belle récompense que de passer à la postérité, écrire l’histoire et en faire partie?

Et puis les Natifs, ces hommes et ces femmes ayant vécu à l’écart de nos civilisations pendant des siècles, voire des millénaires ! Je peine à comprendre l’attitude de l’Alliance à leur égard. Nous nous sommes dressés contre Thélème pour défendre qui nous sommes et ce que nous pensons et aujourd’hui, nous voyons ces gens comme des barbares superstitieux. La vie a parfois un humour bien cruel. Si mes expéditions sont couronnées de succès, avec l'appui et la confiance des Natifs, je pourrai leur montrer que l’on peut cohabiter avec eux dans le respect mutuel. Et puis ils ont inévitablement des choses à nous apprendre, et inversement, que ce soit au niveau de la philosophie, de la médecine ou que sais-je encore.

Luis, si un jour tu relis ces lignes, rappelle-toi de ton optimisme, de tes espoirs et de qui tu es. Ne laisse jamais personne te dicter qui être ou quoi penser et reste cet homme qui veut changer le monde.