Yndris - Thélème - Démonologue

Certains naissent dans la poussière, d’autres dans la soie. Pour autant, cela ne remplit pas leur cœur. Ce fut le cas pour Yndris. Laissez-moi donc vous raconter ce que j’en sais…

La rencontre entre le Cardinal Berius Liraweth et la bénisseuse Mava Rionil - pourvue d’une riche dot - n’avait rien à voir avec le fruit du hasard. Nul ne se faisait d’illusion, il s’agissait là d’un mariage arrangé mais tous en conclurent une chose : Il fut plus que bénéfique. Pour leurs familles respectives mais aussi pour la descendance à venir.

Le désir brûlant de Monsieur Liraweth était d'avoir un fils. Malheureusement pour lui, chaque tentative depuis des années était un échec. Quatre filles naquirent, l’une après l’autre, pour son plus grand désarroi. Cependant, toutes portent l’espoir d’un avenir prometteur, ce qui allégerait la peine de Berrius et ferait sa fierté.

La première, Laurelin, se révéla être une jeune femme responsable, sur qui l'ont peut toujours compter. Elle ne dédaignait jamais donner de sa personne, prenait ses responsabilités et endossait sans broncher celle des autres. Elle était combative et résiliente. Sa carrière dans la milice était toute tracée.

La seconde, Nessa, brillait par son intelligence et sa droiture d'esprit. Elle était amenée à faire de grandes choses, ou tout du moins de grandes études. Sans doute finirait-elle historienne, avocate ou encore conseillère, le choix semble vaste mais à la portée de ses doigts.

La troisième, Saegie, était espiègle, malicieuse mais particulièrement inventive. Son esprit était sans cesse en mouvement et tout ce qu'elle créait était digne d'intérêt. Un don, disait-on, révolutionnaire. Savante, inventrice, elle fera des merveilles.

La quatrième, Tissaïa, était d'une douceur inégalée, d'une gentillesse à toute épreuve. Sa beauté était sans pareille, tout autant que ses paroles étaient poésie. Elle savait ensorceler le cœur de ces damoiseaux mais aussi gérer d'une main de fer les affaires urgentes. Qu'elle soit une femme de pouvoir n'étonnerait personne.

Enfin, il y a eu Yndris. Née quelques minutes après Keran, un fils. Le fils prodige tant espéré. A côté de lui, la jeune fille passait totalement inaperçue. Effacée, toujours collée à ses aînés, son père ne la considérait pas, bien trop occupé à faire de son fils son digne successeur. Yndris se retrouvait alors bien désœuvrée ainsi entourée de prodiges qui faisaient tant la fierté de ses parents. Elle développa bien vite un complexe d'infériorité et cherchait sans cesse l'approbation de son géniteur, prenant exemple sur ses aînés mais ce n'était jamais suffisant. Pire, elle était l'enfant décevant, qui ne brille dans aucun domaine, qu'on ne remarque pas.

Et puis… Il s'est avéré que cette jeune fille pourrait bien briller dans un domaine finalement : la magie. Elle n'avait de fait pas le choix, c'était la seule des enfants à en avoir la capacité. C'était donc tout réfléchi : Yndris irait au couvent. Là bas ils pourraient la modeler pour en faire une enfant pieuse, utile à la nation. L’enfant était heureuse à l’idée de s’y rendre car son Père pourrait enfin la regarder avec la même approbation que ses aînées. Pauvre enfant… Elle n'eut même pas un au revoir, pas un geste, pas un regard. Seule sa mère s’était approchée d’elle, déposant un baiser sur son front en guise de bénédiction.

Qu’à cela ne tienne, la jeune Yndris était de ceux qui n’abandonnent jamais. L’enfant se plongea dans les études avec un acharnement tel qu’elle prenait à peine le temps de se sustenter ou de se reposer. Au fil du temps, la jeune fille se renferme sur elle-même. Elle interagissait de moins en moins avec les autres enfants si bien qu’elle resta ce qu’elle avait toujours été : Une ombre, présente mais parfaitement invisible.

Seuls ses résultats attiraient l’attention. Yndris était perfectionniste, acharnée et persévérante. A l'entraînement d’escrime. Elle pouvait bien échouer un nombre incalculable de fois au combat à l’épée, elle se relevait, comme habitée par la simple force de sa volonté. Elle passait des nuits entières le nez dans les livres à apprendre par cœur les textes sacrés et faisait preuve d’une concentration et d’une finesse sans borne dans le maniement délicat de la magie.

Au fil des semaines, des mois, des années, la jeune fille persévéra dans cette quête de la perfection. Elle désirait ardemment être la meilleure élève jamais connue, la plus douée, celle que l’on envie et respecte à la fois. Nul ne connaissait la raison d’une telle abnégation. Yndris était toujours seule, jamais personne ne l’avait vue sourire ne serait-ce qu’une seule fois et lorsqu’on la croisait elle ne faisait que s'entraîner ou étudier. Elle s’y adonnait corps et âme dans le seul but de parvenir à être assez bien pour qu’Il prête attention à elle. Lui. Ce père absent qui jamais ne vint lui rendre visite ou ne serait-ce que lui envoyer une lettre. A tort, Yndris était persuadée de ne pas être à la hauteur, pas encore, pas assez. Elle y parviendrait.

Lorsqu’elle sortit du couvent, elle fut naturellement envoyée à Saint-Aurelius afin de parfaire son apprentissage au sein de l’ordre. Là-bas, étrangement, la jeune femme commença à montrer des signes d’épanouissement, peut-être, sans doute, car elle était entourée de personnes aussi talentueuses qu’elle-même. Elle fut plus fortement incitée à se mêler aux autres, ne serait-ce que lors de débats théologiques.

Très vite, Yndris se spécialise dans la maîtrise de la magie dite de l’ombre et se trouve une fascination débordante pour la démonologie. Malgré cette atypique vocation, Yndris se révéla être bien moins seule qu’au couvent car elle partageait cette même passion avec un autre mage et petit à petit à force de débattre sur le sujet, ils finirent par se lier d'amitié. Quelques ragots sur un possible rapprochement plus poussé ont d’ailleurs circulé mais je ne saurais dire s’ils étaient fondés ou non. En tout cas, lorsqu’ils n'étudient pas, ils passent leur temps ensemble ou à se battre en duel. Et il en ressortait une certaine alchimie.

L'idylle, si tant est que cette relation en fut une, se termina lorsque l'on donna l’opportunité à Yndris de se rendre à Teer Fradee afin d’étudier de plus près les Démons étranges existants sur l'île. La jeune femme n’hésita pas un instant et embarqua vers ce mystère qu’elle comptait bien étudier de près, ce qui coupa court à la seule relation positive qu’elle avait jusqu’alors partagée. La perspective de combattre la noirceur en ces terre et prouver ainsi sa valeur était non négociable pour la jeune femme.

Voilà où s'arrête mon récit, le reste ne dépend que de votre écriture.

La perfection absolue. C'est le but que Yndris tente depuis sa naissance d'atteindre. Un désir irréalisable qui la plonge dans une mélancolie tragique. C'est ce besoin irrationnel de reconnaissance qui l'a poussée à un tel niveau d'exigence.

Malheureusement, cela s'accompagne d'un tas de problèmes relationnels. Yndris vous semblera froide, distante voir hautaine. Elle est tellement fermée aux autres qu'on peut tout à fait la qualifier d'insensible. Difficile de s'imaginer qu'elle se sent en réalité inférieure aux autres, pas assez belle, intelligente ou encore moins digne d'intérêt.

La jeune femme parle peu, va a l'essentiel. Il est possible d'interagir avec elle mais il faut attirer son attention, ce qui n'est pas chose aisée. Celle-ci passe le plus clair de son temps un livre entre les mains ou sans cesse en activité. Quand dort-elle ? Mystère. En tout cas, si elle ose s'adresser à vous, ne soyez pas étonné par sa grande franchise. Elle dit ce qu'elle pense sans détours inutiles.

Yndris est une femme calme de nature. Lorsque sa voix se fait entendre, elle est étonnement douce et basse, rarement irritée. Elle est patiente, réfléchie, posée. Loin d'elle l'idée de se montrer intrépide, en revanche elle est aussi imperturbable qu'un roseau. Yndris peut ployer mais personne ne l'a vu se rompre. Elle est persévérante, opiniâtre. Autant dire qu'elle ne lâche jamais le morceau.