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Fierté & Humilité (PV Fiadh)

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Fierté & Humilité

Ft. Fiadh



Il pleuvait légèrement sur le chemin vers Vigsoneigad, mais un peu plus d'humidité dans les marais, est ce que cela faisait vraiment une différence ? Marchant tranquillement sur les chemins, empruntant parfois des raccourcis que je connaissais bien à travers les bourbiers, on aurait pu croire que j'étais une personne du village. Il faut dire que tous ces cycles passés, presque une dizaine maintenant, j'avais régulièrement fait le chemin pour rejoindre le village d'Aedan, mon minundhanem. Cela faisait cinq cycles à présent qu'il était mort lors d'un accident de chasse, mais cela n'avait pas arrêté mes relations amicales et mes visites aux autres personnes du village. Et c'est d'ailleurs pour cela que je m'y rendais aujourd'hui.

J'arrivais au village, la fine pluie cessant de tomber, et me dirigeais par habitude vers la hutte de la famille de mon défunt promis. Il avait un frère et une soeur, tous deux chasseurs comme il était. Je m'entendais avec la plupart des gens du village, ayant même de bonnes conversations avec le doneigad de Vigsoneigad, mais je préférais de loin voir en premier si je pouvais ceux qui auraient pu devenir ma famille et qui étaient devenus mes amis. En arrivant à la hutte, c'est avec un sourire franc et les yeux pétillants que je vis la soeur en train de réparer au dehors ses flèches.

"Nimuë ! Je suis heureuse de te revoir ! "

Je l'avais interpellé avec chaleur, celle-ci levant les yeux et répondant avec autant de joie. Nous nous prenions dans les bras, demandant chacune des nouvelles de l'autre, si tout allait bien pour la famille, si j'avais fait bon voyage. Aux exclamations deux autres personnes sortirent de la hutte, à savoir le frère et la mère. De nouvelles embrassades, du babillage joyeux et l'invitation à venir manger avec eux. Je devais saluer avant le doneigad du village, mais leur promettais de venir en effet plus tard. Nimuë proposa de m'accompagner, devant demander au Doneigad de toute façon une préparation de plantes pour la respiration de sa mère, qui avait une légère toux. Nous marchions toutes les deux côte à côte, souriant et discutant de tout et de rien. Mais soudain, alors que nous nous approchions de la hutte du doneigad, des exclamations de voix se firent entendre.

"Qu'est ce qui se passe ?"

Je jetais un regard à Nimuë, qui semblait à la fois peu étonnée et gênée. Cela n'avait pas l'air nouveau et elle n'avait pas l'air plus alarmée que ça. Est ce que cela pouvait être... Le nom d'une personne me vint à l'esprit, sans doute l'une des seules à oser hausser la voix contre son doneigad. Les choses n'allaient pas être très jolies à voir...

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"Tu n'as pas le droit !"

Fiadh vociférait dans la hutte d'Oisin. Ses éclats de voix étaient maintenant célèbres dans le village, et tous reconnaissaient sa voix aiguë et impérieuse. Plus personne ne s'en offusquait vraiment, comme il aurait été absurde de se plaindre de la pluie qui tombait en ce moment sur le village. La différence, c'est que la colère de la pluie n'était pas destinée à un vieux Doneigad fatigué.

"Fiadh, tu n'es pas une martyre que je force à se sacrifier pour un rituel ou que sais-je, je t'ai simplement demandé de rester au village quelques jours en mon absence."

"Ce sont tes responsabilités ! Je dois aller méditer dans les montagnes ! Sinon, comment veux-tu que je devienne une doneigad !"

Oisin ne répondit pas. Il lui avait déjà expliqué, bien sûr, qu'un doneigad n'était pas juste une personne qui méditait et communiait avec la nature, qu'elle avait des responsabilités envers son clan, et que sa place était auprès de lui... Il lui avait expliqué que c'était au contraire en prenant ses responsabilités qu'elle deviendrait doneigad, pourtant, la jeune femme refusait de l'entendre. D'un geste de la main, il lui fit signe de s'écarter de l'entrée de la hutte pour passer, et finit par forcer le passage en la bousculant.

Et évidemment, elle le suivit dehors pour continuer ses frasques.

"Oisin ! Tu sais à quel point les montagnes sont importantes, pour moi ! Tu ne peux pas m'abandonner ici !"

Elle ne semblait plus en colère. Plus vraiment. Plus aux yeux d'Oisin. Il la connaissait plus encore que ses propres enfants. Il savait qui elle était et ce qu'elle ressentait, et c'était cela, qui lui rendait ses crises le plus douloureux. En se retournant, il décela les subtils indices.

L'angle de ses sourcils, la façon dont sa mâchoire était crispée, son poing fermé remonté sur son médaillon.

Il n'y a rien de pire pour un guérisseur que d'être incapable de soulager un blessé.

Il se détourna en soupirant et prit la route. Vaincue, trahie, Fiadh rentra dans la hutte et s'assit contre un pilier en fermant les yeux. Une fois de plus, les autres ne comprendraient rien. Ils verraient simplement un caprice de plus, ils verraient le soupir d'Oisin comme de l'agacement, alors qu'elle savait tout ce qu'il voulait dire. Le vieux Doneigad était peut être un ignorant, un rustre, mais Fiadh savait qu'il était le seul à même de la comprendre.

Si seulement elle avait compris qu'il ne se lançait dans ces voyages que pour la forcer à endosser son rôle, à prendre conscience de son rôle dans le clan. Mais tout cela, emprisonnée dans sa cage de rancœur, de honte et de solitude, elle ne pouvait le voir.

Dans quelques minutes... Dans quelques minutes, elle se relèverait et ferait de son mieux pour s'occuper du village.

Le premier sanglot secoua doucement ses épaules, mais comme toujours, elle n'émit aucun bruit. Elle n'était pas inquiète. Même si quelqu'un entrait, l'obscurité dissimulerait ses larmes.
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Nous nous rapprochions, et les échos de la dispute ne furent pas très difficiles à comprendre. Soudain le doneigad Oisin sortit de sa hutte, l'air autant exaspéré que triste. Sa Voglendaig Fiadh, que je connaissais pour avoir au final suivis l'apprentissage en même temps qu'elle, le suivait avec d'âpres paroles. Je n'intervenais pas, restant en retrait. Même si c'était triste à voir, c'était un conflit entre le mentor et son apprentis. Peu d'apprentis auraient osés parler ainsi à leur doneigad, de peur d'être rejeté. Mais pas Fiadh. Elle savait sans doute qu'elle n'aurait pas de punition par la suite.

J'observais leur fin de dispute avec une certaine tristesse. Les deux semblaient désemparés, l'une parce qu'elle n'obtenait pas ce qu'elle voulait et l'autre parce qu'elle ne comprenait pas l'intention louable dans l'ordre donné. Je n'avais croisé que quelques fois Fiadh, mais surtout entendu parlé d'elle. Fière, ambitieuse, immature malgré son âge, tout le monde savait qu'elle souhaitait devenir doneigad, mais pas pour des raisons aussi nobles que les autres. Le fait qu'on l'ait laissé faire m'avait toujours étonné, car jamais dans notre clan un tel comportement aurait été accepté. Elle aurait été écartée définitivement de l'apprentissage. Mais ici c'était différent, leur histoire était la leur. J'avais cependant de la peine pour eux. Fiadh était rentrée dans la hutte, toujours aussi contrariée, et Oisin était là, sans doute à espérer de meilleurs jours. Je m'avançais vers lui, le saluant et joignant sa peine à la mienne.

"Beurd tír to mad, Oisin. Je vois que les choses sont toujours houleuses avec ta Voglendaig..."

Ces mots avaient été dit avec douceur et compassion, sans aucun sarcasme ni moquerie. Il n'y a rien de plus difficile que de soulager les mots de la tête et du coeur, et je savais qu'Oisin essayer de traiter ces maux chez Fiadh depuis plusieurs cycles sans doute. Cela me peinait que lui même soit tourmenté ainsi, voulant toujours s'accrocher à l'espoir que la Voglendaig comprenne un jour ce qu'est vraiment une doneigad. Par affection je lui pris les mains, posant sur lui un regard compatissant.

"Souhaites tu que je lui parle ? Je ne suis pas du village, mais cela peut peut-être marcher."

Je n'aurais pas proposé cela en temps normal, mais Oisin était un bon ami et mentor que je connaissais depuis que j'avais suivis mon propre doneigad, Cormac. Je connaissais ses difficultés, et même si j'étais venue moins souvent depuis que j'étais devenue doneigad il y a cinq cycles de cela j'en savais assez sur le caractère de Fiadh pour le plaindre sincèrement.

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"Beurd tír to mad, Oisin. Je vois que les choses sont toujours houleuses avec ta Voglendaig..."

Oisin redressa la tête. Le visage compatissant d'Elatha lui tira un sourire navré. Il prit ses mains avec chaleur, et ne les lâcha pas.

"Souhaites tu que je lui parle ? Je ne suis pas du village, mais cela peut peut-être marcher."

"C'est parce que tu n'es pas du village, que ça pourrait marcher. Fiadh n'est pas une mauvaise fille, Elatha... Une fois qu'elle aura trouvé la paix, elle sera une excellente Doneigad. Mais peut être ai-je fait tout ce que je pouvais, et cela ne suffit pas. Je pensais l'emmener à Vighulsgsob, à mon retour. Peut être est elle atteinte d'une affection ou de quelque chose troublant sa pensée."

Il la saisit par l'avant-bras et l'attira vers elle pour reprendre à voix plus basse, de sorte que nul ne l'entende.

"Depuis son rituel, je ne l'ai jamais vue sourire... Elle dépérit ici, et les choses ne font que s'aggraver. Ses crises sont de plus en plus fréquentes, et je m'inquiète pour elle. Mais ce n'est pas par indulgence que je la traite avec autant de patience. Lorsqu'elle sera prête, elle sera une meilleure doneigad que moi. En on mil frichtimen la teste, et je crains qu'elle ne tienne plus guère longtemps... Alors si tu peux l'aider, peu importe comment, fais le. C'est une demande d'un doneigad à un autre."

Il lui tapota doucement l'épaule en souriant, toujours d'un air désolé. Avec une démarche lente, comme si tout le poids du monde était sur son dos, il s'éloigna, saluant d'une main ou d'un mot ceux qui lui souhaitaient bon voyage.

Avec ironie, il songea que son voyage était peut être le dernier qu'il ferait en ayant une voglendaig.
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Le brave homme fatigué agrippa ma main avec chaleur, exprimant ensuite son désarroi et son envie d'aider sa jeune apprentie. Il disait qu'elle n'était pas une mauvaise fille, pourtant elle montrait ici une bien vilaine image d'elle même auprès de sa communauté. Je me demandais s'il elle était faite pour être une doneigad vu son tempérament, mais me gardais bien de lui faire remarquer. Il pensait qu'elle était peut être malade, que quelque chose l'avait affecté. Je poussais un léger soupire, ayant vu ce genre de chose dans mon village.

"Je crains que ce ne soit une affection qu'elle ne s'inflige à elle même, mais de toutes elles sont les plus virulentes et difficiles à soigner."

Ce que j'avais soigné ne s'était pas montré aussi virulent que pour Fiadh, mais il est clair que lui mettre simplement des épreuves n'était pas suffisant. Ou ce qu'il fallait. Oisin me prit l'avant bras, puis se mit à chuchoter à mon oreille. Ha... Je comprenais mieux. Mon rituel du lien n'était pas si éloigné que cela, et j'avais un très vif souvenir de l'évènement. Vertigineux, effrayant aussi d'une certaine façon. Peut être que c'est de là que la chose est venue. Ce sera à creuser.

Il avait de l'espoir en elle, beaucoup, et je me posais la question si cela n'était pas l'une des raisons pour laquelle la jeune femme avait de telles réactions. Elle voulait à tout prix devenir doneigad, mais est ce pour elle ? Pour les autres ? Ou parce que les autres lui disent qu'elle doit le devenir ? Beaucoup de questions tournaient dans ma tête, et bien qu'il m'ait donné un précieux indice en parlant de ce qu'il s'était passé après le lien, je savais que je ne pourrais rien avancer sans avoir parlé à Fiadh et m'en être fait une idée. J'ochais de la tête, lui murmurant également à l'oreille :

"Et j'accepte de t'aider du mieux que je peux, d'une doneigad à un autre ... mais aussi d'une amie à un autre."

Nous nous séparions ensuite sur des sourires entendu et des regards tout aussi compatissant. Je regardais d'un oeil attristé Oisin prendre le chemin en dehors du village, alors que mon amie du village nous observait en silence. Je jetais un coup d'oeil sur la hutte du doneigad, pensive, puis me tournais vers mon amie avec un doux sourire qui demandait un geste de discrétion de sa part.

"Nimuë, je pense qu'il est préférable que tu viennes chercher le remède plus tard... Mais ne t'inquiète pas, je reviendrais manger avec vous. Et si tu peux dire aux autres de ne pas venir nous déranger pendant un moment, ce serait vraiment gentil de ta part."

Nimuë hocha de la tête, me serrant l'avant-bras avec affection avant de repartir vers sa maison, non sans jeter un rapide regard sur la hutte d'Oisin. Bon, à moi maintenant. Je n'avais aucune idée de ce que cela allait donner, mais parfois il faut savoir prendre l'andrig par les cornes. J'avais comme objectif de faire parler Fiadh, qu'elle puisse délivrer tout ce qu'elle avait sur le coeur sans avoir peur d'être jugée par une personne de sa communauté. Mais comment y arriver ? Là était le vrai souci... De plus, même si elle me connaissait un peu je savais qu'elle ne me portait pas vraiment dans son coeur, s'étant montré souvent jalouse plus petite et voulant me bousculer quand je n'étais qu'une voglendaig. Mais c'était le passé à présent, j'étais une doneigad et devait l'aider. D'un pas calme je m'approchais de la hutte, ouvrant les pans d'un geste du bras avant d'y entrer. Il y faisait sombre, mais il n'était pas difficile de voir où se trouvait la voglendaig, assise sur le sol.

"Beurd tír to mad, Fiadh. Il semble que j'arrive à un moment peu opportun."

J'avais dit cela pour la prévenir d'une certaine façon que j'étais là, mais même si le moment n'était pas "opportun" je ne m'en allais pas pour autant. Au contraire, d'un pas décidé je rentrais dans la hutte, m'installant tranquillement en face d'elle, à quelques pas. Assise en tailleur, je la regardais de mes yeux clairs mais perçant, essayant de choisir les bons mots. Je finissais par m'exprimer.

"Pourquoi rester dans le village t'attriste autant ? C'est pourtant une grosse responsabilité et une marque de confiance d'Oisin, voir du village. N'est ce pas ce que tu souhaites ?"

Bon, j'allais droit au but. Mais connaissant Fiadh qui était autant franche qu'impulsive, tourner autour du pot ne ferait que la braquer. Si elle voulait s'énerver, crier, elle pouvait le faire. J'étais là pour écouter.

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"Beurd tír to mad, Fiadh. Il semble que j'arrive à un moment peu opportun."

Fiadh ne releva pas la tête, mais s'évertua à calmer ses tremblements et ses sanglots. Elle connaissait cette voix. Elatha. Une doneigad d'un autre clan. Il y'a longtemps, la jeune femme l'avait bien aimé. Ou peut être qu'elle aurait aimé bien l'aider. Il était trop tard pour s'en souvenir, tout était déjà confus... Une grande inspiration pour se calmer, tout allait bien se -

"Pourquoi rester dans le village t'attriste autant ? C'est pourtant une grosse responsabilité et une marque de confiance d'Oisin, voir du village. N'est ce pas ce que tu souhaites ?"

"Je n'ai pas besoin de leur confiance !"

La réponse était vociférante, sifflante. Elle n'était qu'un murmure, et pourtant, ce murmure contenait toute sa rage, toute son impuissance. Au fond de son être, elle sentit quelque chose se contracter, en un nœud serré, qui la blessait. Et cette brûlure libéra un peu plus de ce venin qui coulait dans ses veines. Elle avait redressé la tête pour parler, et son regard était celui d'un animal acculé. Rempli de combativité et de haine, mais surtout désespéré.

Un nouveau sanglot la prit, mais elle le ravala. Elle ne devait pas perdre le contrôle. Son poing se resserra sur son amulette, alors qu'elle reprenait la parole.

"Evidemment qu'il me fait confiance, qu'ils me font confiance ! Je sais tout ce qu'il sait, j'ai guéri chacune des personnes ici, je n'ai plus rien à apprendre ici ! Ils m'emprisonnent, ils m'empêchent de vivre ! Mais tu ne peux pas comprendre, toi... Toi, tout le monde te voit comme une gentille fille, tout le monde t'adore.

Retourne avec eux. Je ferais mon travail ici, je n'ai pas besoin de toi."


Elle enfouit sa tête dans ses bras croisés sur ses genoux, en espérant qu'elle l'écouterait. Qu'on la laisse seule. Qu'on arrête de lui parler. Elle avait besoin de méditer.
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Sa réponse, ses premiers mots, me frappèrent de plein fouet. Mon visage restait impassible, à l'écoute pour ne pas l'influencer ni la bousculer. Pourtant, il n'avait fallut que cette phrase pour comprendre ce qu'il se passait. Elle avait rompu le lien avec sa communauté, les rejetait. Les choses firent sens à présent. Pourquoi Oisin la forçait à rester au village, pourquoi elle demandait autant à aller méditer dans la nature. Elle avait peur, sans doute, ou ne supportait plus le fardeau qu'on voulait lui mettre sur le dos.

Je l'écoutais me dire qu'elle savaient qu'ils avaient confiance car elle savait tout faire, et une fois de plus je sentais qu'elle n'était plus avec sa communauté. Est ce que la confiance passait simplement par ce que l'on savait accomplir ? Les doneigada sont bien plus que cela, et Fiadh ne semblait plus avoir la moindre empathie pour son clan, comme si quelque chose s'était rompu. Pas étonnant qu'En Ol Mil Frichtimen la mette ainsi à l'épreuve. Mais lui faire comprendre la chose allait être compliquée. Vraiment compliqué. Elle avait son caractère, sa fierté, se sentait trahie et blessée. Elle n'avait pas confiance en eux et rejetait ce qui normalement faisait partie intégrante du rôle d'un doneigad.

Le problème, c'est que lui dire ne servirait à rien. Tant qu'elle n'avait pas compris d'elle même cette partie de son rôle, que son coeur autant que son corps n'étaient pas en accord avec, En Ol Mil Frichtiment le sentira et ne l'acceptera pas. Je sentais que cette conversation risquait d'être longue et que j'allais sans cesse devoir marcher sur des oeufs. Mais soigner les maux de l'âme, n'est ce pas ce que dois faire une doneigad ? Elle me priait de partir et de la laisser seule, ne voulant pas que je fasse le travail à sa place. Mais imperturbable je restais là où j'étais, sans bouger.

"Je ne suis pas ici pour faire ton travail, loin de là Fiadh. Je suis là pour écouter, car il semble tes appels à l'aide restent sans réponse pour toi."

C'est bien ce qu'il en était, du peu que j'avais écouté. Elle avait demandé des explications, une raison pour laquelle on ne lui laissait pas faire ce qu'elle voulait. Mais le silence d'Oisin, que je pouvais comprendre par ce que cela faisait partie de l'apprentissage du voglendaig que de comprendre certaines choses par eux-même. Pourtant ici il allait droit au mur, sa pupille n'étant plus réceptive, et sans doute détournée de la façon dont un apprenti doit réfléchir et se comporter. Serait elle capable de revenir sur le droit chemin ? Peut être... Peut être pas... tout dépendait d'elle. Mais elle semblait tant renfermé sur elle même, pleine de rancoeur et sans aucun doute perdue. Il fallait crever l'abcès, mais pour cela il fallait qu'elle accepte de parler. Je tentais donc une première approche.

"Je sens ta douleur et ta peine, ta frustration. Tu dis qu'ils t'emprisonnent et ne te laisse pas vivre. Qu'est ce que tu aurais envie de faire, pour 'vivre' ? Pour être heureuse et te sentir bien ? "

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"Je ne suis pas ici pour faire ton travail, loin de là Fiadh. Je suis là pour écouter, car il semble tes appels à l'aide restent sans réponse pour toi."

La douleur se suspendit un instant. Comme à chaque fois qu'une nouvelle personne lui disait cela... Et comme à chaque fois, le ressac serait plus cruel encore. Fiadh ne prit même pas conscience que sa respiration s'était accélérée. Elle relâcha son pendentif, et vint poser son front sur ses genoux, se roulant en boule. Elle ne voulait pas qu'on l'écoute, elle ne voulait pas qu'on lui parle. Elle voulait simplement rester seule.

"Je sens ta douleur et ta peine, ta frustration. Tu dis qu'ils t'emprisonnent et ne te laisse pas vivre. Qu'est ce que tu aurais envie de faire, pour 'vivre' ? Pour être heureuse et te sentir bien ? "

Sans qu'elle puisse le réprimer, un nouveau sanglot la secoua. Elle n'en savait rien. Elle n'en avait jamais rien su. En ol mil frichten lui avait retiré toute certitude, tout espoir. Avec une vitesse terrible, le monte autour d'elle disparut. Elle était abandonnée, et ne pouvait se raccrocher qu'à ce souvenir. Ce panorama, cette vision, cette chaleur. Cette compréhension. Et tout cela, son comportement actuel n'en était pas digne. Elle le savait, et cela ne faisait qu'accroître son désespoir. Du fin fond de son obscurité, elle prit à nouveau la parole, d'une voix si faible qu'Elatha dut tendre l'oreille pour l'entendre.

"Donne moi quelques instants... Je t'en prie..."

La jeune femme plongea dans ses ténèbres. Comme à chaque fois que le désespoir prenait cette ampleur, elle faisait de son mieux pour se raccrocher à ce qu'on lui avait donné. Petite fille effrayée, elle repensait à sa mère avant tout ça, qui l'accueillait toujours lorsqu'elle rentrait de promenade, avec un grand sourire, à Oisin qui lui contait des histoires, aux jeux avec Merryn et Elowen dans les marécages, et aux sermons qu'elles recevaient lorsqu'elles revenaient couvertes de boue.

Chacun de ces souvenirs l'aidait à repousser l'ombre, mais ils étaient de plus en plus distants, de plus en plus altérés. L'obscurité les grignotait, les étiolait, fil par fil. Bientôt, il ne resterait plus d'eux que son amertume actuelle. En ol mil frichten, pourquoi lui infligeais tu ça ? Non, elle ne devait pas tomber dans ce piège. Elle n'en avait pas le droit. Elle n'en avait pas le droit. Elle devait se relever, pour eux.

Elle avait si peur.

Un gémissement quitta ses lèvres alors que les sanglots secouaient violemment ses épaules.

"Je suis désolée..."
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Sa réaction fut des plus... déconcertante. Je m'attendais à de nouvelles vitupérances, à un nouveau refus violent de parler et de se confier, ou alors au mieux à des remontrances pleine de bile contre son village. Mais à la place Fiadh se roula en boule, comme une enfant qui cherche à se protéger du monde. Sa respiration était saccadée, et elle pleurait. J'étais surprise par ce soudain élan de panique de sa part, et je m'avouais pendant un instant être perdue. J'avais beaucoup de peine pour elle mais je ne savais pas comment l'aider dans cette circonstance. Il faut dire que cela ne m'étais jamais arrivé.

Elle me demanda dans un souffle de lui laisser un moment. Bon, au moins, elle ne rejetais pas vraiment mon aide, et me demandait tout simplement d'attendre. Je ne répondis donc rien, attendant comme elle me le demandait. J'espérais sincèrement que personne ne viendra venir nous déranger, mais quoi qu'il arrive j'étais prête à endosser la responsabilité de leur montrer la porte de façon sévère et directive. Ma patiente avait besoin de mon aide, et je n'allais pas la trahir en refermant la porte qu'elle venait juste d'entre-ouvrir. J'attendais, observant et écoutant. Les pleurs, qui étaient jusqu'à présent plutôt retenus, finirent par se manifester de façon plus violente. Et d'un coup elle parla dans un souffle entrecoupé de sanglots, s'excusant. Je n'étais pas certaine de savoir vraiment ce à quoi elle faisait référence en demandant pardon. Pardon de pleurer ? De paniquer ? De ne pas être ce que les autres veuillent qu'elle soit ? Il y avait bien des façons d'interpréter la chose, mais n'ayant pas son histoire je partais pour ce qui était le plus utile pour le moment.

"Ne le sois pas... Si tu dois pleurer pour soulager ton coeur, alors fais le. Comme la pluie qui doit tomber pour apaiser les nuages, emporter ce qui est mort ou mauvais pour ne laisser qu'une terre lavée et sereine..."

Laisser la rivière de sa peine déferler pour rendre plus léger son coeur et son esprit. Peut être que ce n'était pas exactement ce qui lui fallait, mais au moins je lui laissais libre cours à ce dont elle pensait. Peut être que cela lui parlera ou pas, mais je lui laissais le loisir de prendre les choses en main.

Les secondes, longues, passaient. Il régnait dans la hutte un étrange silence, comme si les sons extérieurs ne passaient plus. On entendait que le craquement du feu au centre de la hutte, et les quelques sanglots étouffés de la jeune femme. Je lui laissais un peu de temps, mais je savais que si pleurer pouvait faire du bien, s'y accrocher pouvait également être néfaste. Il fallait qu'elle retrouver un appui, quelque chose sur lequel se tenir pour sortir la tête de l'eau et respirer. Je repensais à mes propres techniques de méditation, ou du moins de l'époque où j'étais voglendaig et que j'étais en proie au doute. Peut être que cela marchera pour elle. Ma voix s'éleva, douce comme un murmure et pourtant présente.

"Je me souviens, que dans mes moments de doute et de panique je pensais à la mer... A l'eau chantante des vagues, au roulis apaisant et au vent qui apporte les embruns... Cela me calmais, et me calme toujours. Pour toi c'est la montagne, n'est ce pas ? Penses y, et écoute la..."

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Les mots d'Elatha glissaient autour d'elle, à l'instar des gouttes de pluie dévalant le toit de la hutte. Elle ne comprenait pas, mais elle essayait, au moins. Elle faisait ce qu'elle pouvait. Comme Fiadh elle même. Dans son obscurité, elle prit doucement appui sur ce qui l'entourait. Elatha avait raison, c'étaient les montagnes qui accueilleraient son coeur, mais c'était les marais qui l'avaient vu naître et grandir.

Tout autour d'elle, elle sentait la vie parcourir le village. Les pleurs d'un bébé, le corps endolori d'un vieil homme, les animaux à l'agonie entre les grifes et les crocs de plus grand, mais aussi... Mais aussi les rires d'une mère aux bêtises de son enfant, le sommeil chaud et doux de deux amants entrelacés, la découverte enthousiaste d'un nouvel environnement... Elle n'avait aucune importance, dans l'entièreté du monde, ne serait-ce que sur l'ile. Même si elle s'effondrait, dans cinq, dix, peut être vingt ans, le monde ne changerait pas.

Et pourtant, comme tous les autres, elle était irremplaçable. Son rôle au sein du marais, au sein du clan, au sein de l'île... Tout était à sa place, et son état actuel n'était qu'une étape. Le rôle qu'elle avait actuellement était nécessaire, pour une raison ou une autre. Elle pouvait avoir confiance. En En ol mil frichti, en son clan, en Elatha, en Oisin et en elle même.

Doucement, sa respiration s'apaisa.

"Merci... Je ne veux pas qu'on me voie comme ça. Les autres ne comprendraient pas. Tu m'as demandé ce que je voulais, c'est ça... ?

J'aimerais quitter cette phase de ma vie, où je suis constamment fatiguée et isolée... Je ne demande rien d'autre..."


Elle laissa doucement retomber son menton sur ses genoux, rapprochant les jambes d'elle pour se redresser. Si toute tension n'avait pas quitté son corps, elle semblait à nouveau composée. Peut être même qu'elle ressemblait, en cet instant, à celle qu'Oisin avait vue en en faisant sa voglendaig.
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Je n'avais aucune idée de si mes paroles avaient été entendue, ou comprise. Mais peu à peu la respiration de Fiadh se calma. Sa crise de panique semblait être passée, ou du moins apaisée pour le moment. Elle parla de nouveau, mais d'une voix plus distincte et posée que précédemment. Elle semblait avoir repris conscience de ce qui l'entourait, de ma propre présence. Elle me remercia, appuyant le fait qu'elle ne voulait pas qu'une autre personne la voit dans cet état. Elle n'avait rien à craindre là dessus, car ce qui lui arrivait était l'affaire des Doneigada, aussi à part Oisin il n'y avait personne d'autre à qui je souhaitais en parler. Et même cela, je pense qu'il y a des choses qui doivent rester secrète même entre un doneigad et son voglendaig.

Je l'écoutais donc simplement, alors qu'elle reprenait une position un peu moins isolée et me faisait enfin fac. Elle m'expliqua ce qu'elle voulait, mais je sentais que ce n'était que la surface du problème. Pour autant, elle avait au moins conscience qu'il y avait un problème et elle voulait s'en sortir. C'était un bon début. J'hochais de la tête, saluant sa prise de conscience.

"Mh... C'est une bonne volonté. Mais nous savons que rien n'est facile, surtout quand c'est En Ol Min Frichtimen qui nous confronte à nous même."

Et le souci avec ce genre d'épreuve, c'est que c'est différent pour chacun de nous, et que l'on ne peut pas faire les choses à leur place. Elle devra trouver la solution toute seule, ou du moins sous le conseils et indices que lui laissaient son doneigad. Il fallait que j'en fasse de même, bien que l'exercice de réalisation n'était pas aussi simple qu'il n'y paraissait. Lui dire où était le problème ne voudrait pas dire qu'elle en prendra réellement conscience. Comme dire à un chasseur qu'il doit ressentir le bon moment pour tirer, mais ce n'est pas pour autant qu'il saura le faire sans pratique et l'avoir lui même essayé ou intégré dans sa chair et son âme. Arriver à ce point était critique pour Fiahd, et j'essayais du mieux que je pouvais de lui indiquer des pistes. Déjà, en remontant à la source.

"Oisin m'a fait comprendre que tu as changé depuis que tu as effectué le rituel du Lien. Est ce que tu peux m'en dire plus ? Qu'as tu ressenti ?"


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"Mh... C'est une bonne volonté. Mais nous savons que rien n'est facile, surtout quand c'est En Ol Min Frichtimen qui nous confronte à nous même."

Le silence retomba un instant dans la hutte après ces mots. Un court instant, Fiadh fut troublée par ces mots, Elatha semblait croire qu'En ol mil frichten était responsable de son état. Ce n'était pas tout à fait vrai. En ol mil frichten l'avait placée dans une certaine situation, et c'était elle qui était responsable de sa détresse actuelle, parce qu'elle n'avait pas les épaules pour supporter tout cela.

Elle ne mentait pas, elle voulait que cela se termine au plus vite, mais elle ne blâmait personne d'autre qu'elle même.

"Oisin m'a fait comprendre que tu as changé depuis que tu as effectué le rituel du Lien. Est ce que tu peux m'en dire plus ? Qu'as tu ressenti ?"

"Le rituel du lien est la solution, pas le problème...

Lorsque nous sommes arrivés sur la montagne, j'ai senti qu'elle m'appelait... Pas la montagne, l'île. J'avais l'impression de sentir... une odeur, d'entendre un appel, la chaleur m'entourer... C'était flou et étrange, mais je n'avais aucun doute. J'ai couru jusqu'au site du rituel, et j'ai su que c'était là que je devais me lier.

Dans les jours qui ont suivi, j'avais bien plus de compréhension de tout. Je savais où était ma place, je comprenais l'île, les relations entre toutes les espèces, je voyais tous les abris qu'elle fournissait à toutes les créatures. Je comprenais l'équilibre. Mieux, je le vivais. Je ressentais chaque bourgeon, j'entendais les animaux s'appeler, s'avertir de dangers ou de ressources, je pouvais même sentir leurs émotions. Et chacun d'eux m'observait avec bienveillance.

J'étais unie à la nature, plus profondément que je n'ai jamais été unie à qui que ce soit.

Et quand je suis redescendue au village, tout ça a disparu très vite. Je suis revenue à la normalité, je n'entendais plus, ne sentais plus. C'est comme si un jour, tu te réveillais, et tu étais aveugle et sourde. Et c'est comme si tout le monde te disait que c'était normal et que tu devais juste attendre. Mais tu ne peux pas être sûre que tu vas guérir un jour..."
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Ft. Fiadh



Fiadh s’exprima, assurée et calme. Pourtant dès sa première phrase je pouvais de nouveau ressentir un certain malaise. Ce décalage dont elle ne semblait pas avoir pris conscience, ou peut être qu’elle ne voulait pas. Elle expliqua ce qu’elle avait ressenti pendant son lien, et à son expression ainsi qu’à sa voix je pouvais facilement comprendre la profonde impression que cette expérience avait laissé sur elle. Si profonde et puissante qu’elle semblait en avoir oublié tout le reste. J’avais entendu parlé en discutant avec quelques doneigada de ce que nous avions chacun ressenti ensuite. Si certains comme moi avaient ressenti une certaine appréhension voir crainte de toute cette connaissance et lien avec Tir Fradi, d’autres en voulaient plus et le continuer. Fiadh était dans cette dernière catégorie, mais à un extrême qui l’avait complètement séparé du lien qu’elle devait avoir avec sa communauté. Lui faire comprendre cela n’allait pas être aisé, du moins pas sans la brusquer. Enfin, il faut bien se lancer. Je souriais doucement, allant dans un premier temps dans son sens.

"Oui, cette sensation enivrante et profonde n’a pas d’équivalence, c’est un aperçu de ce qu’est l’île et En Ol Mil Frichtimen. Cependant nous ne sommes pas lui, et il nous a honoré d’une telle vision. C’est avec humilité que nous devons la recevoir, et accepter de la laisser partir. Car elle n’est qu’une partie de la réponse."

Nous n’étions pas le grand esprit de l’île, et il fallait se le rappeler. Vouloir à tout pris l’être n’était pas la nature d’un doneigad, ni même d’un nadaig. Le plus important à présent cependant était de la réconcilier avec le lien communautaire, et qu’elle prenne conscience qu’il ne pouvait pas être négligé pour quelque chose qui la rassure, la contente et l’emplie de puissance. Pour cela, j’en appelais à sa mémoire et à la base de tout apprentissage.

"Dit moi à présent, qu’est ce qu’un doneigad pour toi ? Et quel est le genre de doneigad que tu souhaites être ?"

Sa réponse allait pouvoir m’aiguiller sur la façon dont elle pouvait se fourvoyer sur sa mission de doneigad, et voir comment tourner ces informations pour lui faire rendre compte qu’elle n’était pas sur le bon chemin. Peut être que ce n’était pas grand-chose pour qu’elle ait le déclic, ou peut être qu’il faudra un travail plus poussé et profond. Mais au final, tout allait dépendre d’elle.

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"Oui, cette sensation enivrante et profonde n’a pas d’équivalence, c’est un aperçu de ce qu’est l’île et En Ol Mil Frichtimen. Cependant nous ne sommes pas lui, et il nous a honoré d’une telle vision. C’est avec humilité que nous devons la recevoir, et accepter de la laisser partir. Car elle n’est qu’une partie de la réponse."

Une partie de la réponse... C'était idiot. Elatha ne comprenait pas. Fiadh ne prétendait pas être En ol mil frichten, elle ne prétendait même pas être une partie plus importante que les autres de lui. Une étincelle de fureur brilla un court instant, mais elle l'apaisa. Elle ne faisait qu'essayer de l'aider, elle n'avait pas compris le problème, mais Fiadh pourrait réessayer. La doneigad finirait bien par comprendre.

"Dit moi à présent, qu’est ce qu’un doneigad pour toi ? Et quel est le genre de doneigad que tu souhaites être ?"

"Je ne suis pas une idiote, Elatha."

Les mots avaient fusé, avec hargne. Cette fois, l'étincelle avait eu le temps d'embraser une partie de son cœur. Avec regret, elle ferma les yeux pour essayer de se calmer. Elle devait répondre à sa question, sinon, elle ne pourrait pas la comprendre. Elle devait...

Non...

Elle n'avait pas envie de répondre. Parce qu'elle savait qu'elle avait raison. Elle savait qu'elle était dans son rôle. Qu'elle agissait comme il le fallait. Tout ça avait un sens, et douter aurait été trahir. A regret, mais avec colère, elle rebâtit ses murs. Lorsqu'elle redressa la tête pour fixer Elatha, une profonde rancoeur y brillait, mais ses mots semblaient calmes, presque trop.

"Tout comme il existe différents environnements, différents peuples, les doneigad ne sont pas identiques. Je ne suis pas Oisin, tu n'es pas Oisin. Nous n'avons pas les mêmes pouvoirs, pas les mêmes devoirs. Nous ne sommes pas le même Aspect. L'humilité est d'accepter de souffrir pour la plus grande cause, quelle qu'elle soit, quand bien même on marche dans le noir. Je marche dans le noir, depuis des cycles, en attendant que mon rôle soit révélé, que ma place vienne. Que les événements pour lequel j'ai été préparés surviennent. Peut être ton rôle inclue t'il de m'aider, peut être dois-tu passer ton chemin. Je l'ai dit, l'humilité, c'est d'accepter de servir son peuple, quoi qu'il en coûte, peu importe la souffrance.

Et j'ai largement ma part."
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Ft. Fiadh



Fiadh avait retrouvé son calme, et parlait avec une froide retenue. Mais tous dans ses mots, acerbes et plein d'une glaciale colère, montraient à quel point elle n'était pas prête. Pas assez mature, pas capable de voir ni de prendre du recul. Je la laissais parler, hochant de la tête, écoutant et me faisant ma propre idée de la situation. Quand elle eu fini, je me rappelais pendant quelques secondes ses mots les plus importants, et ne pouvais m'empêcher de sourire légèrement à sa première phrase.

"Se rappeler ce qu'est d'être un doneigad n'est pas une action d'ignorant. C'est la sagesse de retourner à la source et de prendre du recul, pour s'assurer que l'on ne dévie pas du droit chemin. Tout comme un mal doit se rappeler ce qu'est vraiment la position de chef, pour repenser à ses droits et ses devoirs autant envers lui même qu'envers sa communauté."

Ce n'était pas un sourire pour me moquer d'elle, mais plutôt un sourire d'amusement à l'idée que jamais en étant avant une voglendaig je n'aurais songé que les doneigada aient besoin parfois de se le rappeler. Cormac cependant me l'a enseigné par la suite, et je ne pouvais qu'approuver cette sagesse. En revanche, Fiadh était loin de posséder cette sagesse, étant plus tumultueuse qu'une tempête et inflexibles comme un roc. C'était donc à moi, sans doute, d'essayer qu'il fallait voir plus loin que cela.

"Il existe en effet plusieurs façon d'être doneigad, comme autant de paysages sur notre île. Pourtant, les doneigada ont tous les mêmes racines et point commun, la même ligne conductrice qui nous lie tous."

Mon regard se posa alors sur elle, un peu plus dur et froid. Il fallait à présent que je parle de choses moins heureuse et philosophique, qui sans doute allaient la mettre en colère, la vexer ou bien la choquer. Pourtant, vu qu'Oisin n'en semblait pas capable étant donné son affection pour elle, il était de mon devoir à présent de la mettre devant ses fautes, sans essayer d'en adoucir les rebords. Telle une lame qui coupe dans le vif, et qui n'adoucit par la douleur avec quelques mots d'encouragement comme un baume réconfortant.

"Tu parles d'humilité, et pourtant dans ta voix et tes paroles je n'entends que rancoeur cachée dans l'ombre envers ceux que tu dois aider. Considérer ta communauté et l'aide que tu leur apportes comme un fardeau, les fuir et les percevoir comme s'ils t'étaient inférieur par ce que tu les aides n'est pas un acte d'humilité. C'est de l'arrogance."

C'était quelque chose que sans doute on ne lui avait jamais dis dans le village, de peur de la braquer. Pourtant, c'était quelque chose que tout le monde sentait, et même si Oisin m'en avait plus ou moins fait allusion lors de nos conversations les saisons passées, l'écouter il y a quelques instants était une révélation suffisante. Et je n'en avais pas fini avec elle. Je reprenais, un peu moins dure et accusatrice.

"Tu cherches ta place, mais est elle vraiment celle vers laquelle tu te diriges ? Il est clair que tu as de l'ambition, mais elle ne semble pas être pour vouloir servir et aider ton peuple. Tu as plus la fougue et les aspirations d'un guerrier, ou même d'un mal."

Sa fougue n'était pas en soit une mauvaise chose, à partir du moment où elle était canalisée et orientée vers ce que tout doneigad doit : les autres. Pour elle cependant, elle n'avait l'air que de penser à sa propre position et non à celle des autres. Comprenait elle qu'elle mettait également son clan dans l'embarras, dans la peine de ne pas savoir quoi faire pour l'aider ?

"Un doneigad peut en effet avoir ce genre de motivation, mais pas pour lui même, pour sa communauté. Or tu les fuis, tu les rejettes, et rejettes la faute de ton immobilité sur eux alors que l'épreuve à laquelle te soumet en ol mil frichtimen ne concerne que toi."

Je poussais un léger soupire, n'aimant pas ceux qui cherchent des excuses pour ne pas regarder leurs propres fautes dans les yeux et les accepter. Je ne lâchais pas les choses pour autant, continuant de parler même si mes mots pouvaient lui paraitre cruels.

"Si tu souhaites uniquement le lien avec l'île, la nature qui nous entoure, soit. Mais ce n'est pas cela être un doneigad, pas uniquement. Ceux qui s'incarnent totalement en ce désir ne sont que les ermites ou bien l'un des milles visages de tir fradi, les nadaig."

Son attachement à vouloir absolument être en communion avec la nature était une bonne chose, et pouvait s'accorder avec une autre "place" pour elle sur l'île. Pourtant ce qu'elle vise n'est pas en accord avec ce qu'elle est à présent. Je la fixais, pensive quelques secondes. En temps normal un doneigad ne doit pas donner toutes les réponses à son voglendaig pour devenir un doneigad. C'était à lui de trouver son propre chemin, de trouver les réponses et les comprendre par lui même pour les faire siennes. Mais dans le cas présent cela n'avait pas marché, et puis... Fiadh n'est pas ma voglendaig, alors pourquoi pas ? Je prenais une inspiration, retournant à l'assaut de cette boule de ressentiment qu'elle était en lui dévoilant de façon crue sa situation.

"Je vais être franche, car il semble que ton esprit est trop embrouillé dans ses propres ombres pour réussir à prendre du recul. En l'état actuel, tu ne peux pas devenir une doneigad. Et dans n'importe quel autre village, le mien très certainement, tu ne serais plus une voglendaig depuis plusieurs cycles vu ton comportement. Si tu l'es encore, c'est uniquement grâce à l'affection de ton village et d'Oisin envers toi."

A Wenshaveye, même si nous étions plusieurs doneigada, cela ne voulait pas dire pour autant que nous étions plus laxistes et acceptions avec moins d'exigence les candidats. Au contraire, en tant que guérisseur nous n'étions pas à vouloir d'esprit trop belliqueux et égoïstes, et cela ne servait à rien de s'acharner. Fiadh aurait sans doute été destituée à partir du moment où sa trop grande ambition se serait vue, et qu'elle se braque contre les gens du village. Elle avait de la chance, en un sens, d'être dans ce village qu'elle semble pourtant d'une certaine façon haïr. Mais sans doute qu'elle avait aussi ses raisons, des origines que je ne connaissais pas. Elle avait du potentiel, peut être, mais n'est ce pas un poids également qui pouvait faire plus de mal que de bien ?

"Leur amour et leurs attentes peuvent être un fardeau, j'en conviens. Mais Oisin essaye désespérément de te montrer le chemin, de te donner l'occasion de renouer le lien qui te manque pour devenir une doneigad. Pourquoi sinon te laisserait il dans le village ? Le lien avec la communauté est important, et ce n'est pas juste apporter des remèdes et accomplir les rituels."

Ce lien dont je parlais, et que Fiadh semblait dépourvue à présent, avait plus à voir avec l'empathie et le véritable désir d'aider sa communauté, d'en faire partie. Les écouter réellement, entendre leurs peines et les faires siennes pour les y aider. Peut être qu'en Wenshaveye nous étions un peu extrêmes sur cet aspect, mais un doneigad ne peut exister sans ce lien avec son peuple, tout comme sans le lien avec la nature. Mais le dire est une chose, le comprendre et le ressentir dans son être en est une autre. C'est là que le bat blesse pour Fiadh.

"C'est ça, ton épreuve. Et c'est pourquoi essayer de retourner de façon désespérée à la nature ne sera jamais ta solution. Une échappatoire pour te réconforter, oui. Mais pas ce qu'il te faut si tu souhaites vraiment devenir une doneigad."

Je terminais mon long monologue ainsi, espérant ainsi l'avoir un peu secoué pour qu'elle cesse de rejeter la faute sur les autres et qu'elle puisse mettre des mots sur ce qu'Oisin avait espéré lui faire comprendre. Que cela ait marché par contre, rien n'est moins sûr...

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"Se rappeler ce qu'est d'être un doneigad n'est pas une action d'ignorant. C'est la sagesse de retourner à la source et de prendre du recul, pour s'assurer que l'on ne dévie pas du droit chemin. Tout comme un mal doit se rappeler ce qu'est vraiment la position de chef, pour repenser à ses droits et ses devoirs autant envers lui même qu'envers sa communauté."

Cela encore, combien de fois elle l'avait entendu. Elle n'avait qu'une envie, c'était de sortir de cette hutte pour faire autre chose. Pour penser à autre chose. A quoi Elatha pensait donc que Fiadh méditait ? La méditation n'était pas un acte d'isolement, mais de communion. Elle n'était pas un acte d'isolement, mais d'ouverture. Et il y'avait une chose que Fiadh n'oubliait pas : son village faisait partie de l'île aussi surement que n'importe quelle plante, rocher ou animal. En communiant avec son île, elle communiait aussi avec eux.

"Il existe en effet plusieurs façon d'être doneigad, comme autant de paysages sur notre île. Pourtant, les doneigada ont tous les mêmes racines et point commun, la même ligne conductrice qui nous lie tous.

Tu parles d'humilité, et pourtant dans ta voix et tes paroles je n'entends que rancoeur cachée dans l'ombre envers ceux que tu dois aider. Considérer ta communauté et l'aide que tu leur apportes comme un fardeau, les fuir et les percevoir comme s'ils t'étaient inférieur par ce que tu les aides n'est pas un acte d'humilité. C'est de l'arrogance."


Son regard froid était à l'opposé du sien, brûlant. Une ironie qui lui échapperait sûrement. Pourtant, il n'y avait plus de flamme en Fiadh. Une tempête peut aviver un brasier, mais un crachin ?  Les vagues de ses reproches se brisaient sur la jeune femme, la laissant trempée et tremblante, mais sans qu'elle décide d'agir. Elle la laisserait parler. Elle avait remarqué que certaines personnes mettaient du temps à arriver à leur propos, et lui laisserait donc le bénéfice du doute. En cet instant, pourtant, elle se sentait plus incomprise et honteuse que défiée ou insultée.

"Tu cherches ta place, mais est elle vraiment celle vers laquelle tu te diriges ? Il est clair que tu as de l'ambition, mais elle ne semble pas être pour vouloir servir et aider ton peuple. Tu as plus la fougue et les aspirations d'un guerrier, ou même d'un mal.

Un doneigad peut en effet avoir ce genre de motivation, mais pas pour lui même, pour sa communauté. Or tu les fuis, tu les rejettes, et rejettes la faute de ton immobilité sur eux alors que l'épreuve à laquelle te soumet en ol mil frichtimen ne concerne que toi."


Fiadh ne pouvait nier qu'Elatha était une femme de conviction, et qu'elle savait défendre sa cause. Elle la respectait pour cela. Mais que cela devait être facile, quand ses convictions étaient celles transmises depuis des centaines de cycle, et qu'on refusait de voir plus loin... Oh, Fiadh ne pensait pas révolutionner la nature du lien des doneigada, pas plus qu'elle ne voulait changer le système de vie des natifs, mais elle avait un sentiment. Peu importe ce qu'amènerait les débarquements récents de Renaigse, les clans auraient besoin d'esprit fort, en plus des doneigada. Au sein des doneigada.

Perdue dans ses pensées, elle rata une partie du discours d'Elatha.

"Je vais être franche, car il semble que ton esprit est trop embrouillé dans ses propres ombres pour réussir à prendre du recul. En l'état actuel, tu ne peux pas devenir une doneigad. Et dans n'importe quel autre village, le mien très certainement, tu ne serais plus une voglendaig depuis plusieurs cycles vu ton comportement. Si tu l'es encore, c'est uniquement grâce à l'affection de ton village et d'Oisin envers toi.

Leur amour et leurs attentes peuvent être un fardeau, j'en conviens. Mais Oisin essaye désespérément de te montrer le chemin, de te donner l'occasion de renouer le lien qui te manque pour devenir une doneigad. Pourquoi sinon te laisserait il dans le village ? Le lien avec la communauté est important, et ce n'est pas juste apporter des remèdes et accomplir les rituels.

C'est ça, ton épreuve. Et c'est pourquoi essayer de retourner de façon désespérée à la nature ne sera jamais ta solution. Une échappatoire pour te réconforter, oui. Mais pas ce qu'il te faut si tu souhaites vraiment devenir une doneigad."


Quelques secondes passèrent, et Fiadh fixait Elatha. Il n'y avait pas de haine dans son regard, pas même de rancoeur, mais un avertissement. Avec une voix claire et basse, elle reprit la parole.

"Ne prétends jamais que je ne me soucie pas d'eux."

Elle se déplia pour s'asseoir en tailleur, comme elle le faisait pour méditer, révélant son visage entier à Elatha pour la première fois de la discussion. Sa mâchoire était serrée, et ses poings fermés, mais elle semblait plus froide que réellement en colère.

"Ton village n'est pas le mien, et il ne t'appartient pas de juger si je suis digne d'être doneigad ou non. Mais tu es en droit d'en penser ce que tu veux, cela ne concerne que toi. Oisin est notre doneigad, et c'est sa sagesse que nous écoutons. C'est sa sagesse que j'écoute. Tu sembles croire que je n'écoute rien, que je ne veux rien comprendre. Tu sembles croire que je le méprise.

Pire, tu penses que je déteste les miens, que je les vois comme une gêne. Ce que j'aimerais que tu aies raison, parfois. Ce que j'aimerais ne pas vouloir les écouter, me moquer de leurs regards, de leurs murmures. Tu penses que, parce qu'ils me font du mal, je les hais ? Parce qu'ils ne me comprennent pas, je me désintéresse d'eux ?

Sais-tu à quel point il serait facile de partir de ce village, d'aller voir les Renaigse et de refaire ma vie là bas ? J'en ai rencontré, la vie ne serait pas facile, mais elle le serait sans doute plus. Mais je reste. Mon ambition n'est pas le pouvoir, Elatha, elle ne l'a jamais été. Mon ambition est de servir. Que ce soit en tant que voglendaig, que doneigad, que tierna harh cadachtas, ou en quittant le village...

Ce serait mentir que de dire que je n'ai jamais envisagé de partir, de rejoindre un autre clan, ou même les renaigse. Evidemment que j'y ai songé, que j'en ai rêvé. Pourquoi rester, si tout le monde pense comme toi, qu'Oisin me méprise ?

Notre lien est plus complexe que tu ne le comprends."


Elle s'arrêta pour reprendre sa respiration et réorganiser ses pensées. Elle exhala un long soupir, plus pour se calmer que pour exprimer une quelconque déception.

"En prétendant qu'Oisin me garde en tant que voglendaig alors que je ne le mérite pas, par affection, ce n'est pas moi que tu insultes, c'est lui. Je me sens honteuse que tu l'insultes par ma faute, mais ce n'est pas ainsi que tu me feras évoluer. Comprends une chose, cependant.

Si je m'exile, ce n'est pas parce que je les déteste, mais parce que je les aime, et que si je ne peux me protéger, me ressourcer, j'ai peur de vraiment les détester. Le jour où je resterais au village à endurer leurs doutes et leurs attentes sans rien dire, où je serais une bonne petite voglendaig bien dressée, c'est le jour où je n'en aurais plus rien à foutre, et le jour où je ne mériterai plus d'être doneigad.

Certains me détestent sans doute, oui. Certains ne comprennent pas la décision d'Oisin, et, je le crains, c'est les personnes que j'aime le plus avec lesquels je suis la plus dure. Parce que plus on aime, plus il est dur d'endurer l'incompréhension qu'on lit sur le visage des autres.

Je ne suis pas une voglendaig de Wenshaveye, et je ne serais peut être jamais digne d'y être doneigad. Parce que je suis rancunière, que j'ai besoin de solitude, parce que je suis trop ambitieuse, parce que je peux être froide, ou même parce que ma dévotion va à mon île avant d'aller à mon clan. Mais ne prétends jamais que j'aime moins notre peuple que toi, que je n'aime pas ma famille, mon vilage."


Elle se doutait que ces mots éveilleraient encore plus d'ire et de déception chez Elatha, mais les mots avaient coulé naturellement. C'était la première fois qu'elle s'exprimait ainsi, et au fur et à mesure, sa voix s'était faite moins froide, plus animée. Pour la première fois depuis plusieurs cycles, son coeur battait sans envoyer ce liquide noir et acide dans ses veines. La surprise due à ses propres mots s'effaça doucement de son visage, et un sourire doux prit sa place, le premier depuis longtemps.

"Cette réponse ne te satisfait peut être pas, mais je crois que c'est cela qu'Oisin a vu en moi, et que j'ai enfin réussi à exprimer. Je ne vais probablement pas rentrer dans le rang grâce à notre seule discussion, mais... J'ai pu dire ce que j'avais sur le coeur et qui m'empoisonnait. Pour cela, je te remercie, Elatha. J'ignore si tu m'as fait changer, mais je ne suis plus... autant en colère après le monde entier. Je crois."
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Fiadh parla enfin. Et beaucoup. Comme je m'y attendais un peu, elle ne prit pas bien tout ce que je venais de dire. Cependant, au lieu de faire la démonstration d'une colère explosive et de fuir, elle parla avec calme et sérieux. Bien entendu tout ce qu'elle avait à dire n'était guère positif sur ma personne, mais en un sens... on s'en fiche non ? Même si pendant qu'elle parlait je gardais un visage neutre, intérieurement j'étais heureuse qu'elle se confie autant, ou plutôt parle avec raison. Ce que je lui avais dit n'était pas plaisant, et à dessein. Le résultat était bien meilleur qu'escompté. J'oubliais totalement toute réprimande qu'elle pouvait faire à mon encontre. Au contraire, je ne notais que ce qui était positif. Elle n'avait pas la réponse à son problème, mais au moins elle en avait conscience et semblait vouloir s'améliorer. Certes elle se donnait des excuses pour le fait de s'isoler, mais au moins elle dit de vive voix qu'elle ne détestait pas le village. Quand elle conclut d'une façon plus positive et même par des remerciements, je lui souriais avec douceur, la regardant des yeux plus chaleureux.

"Si tu te sens mieux, c'est tout ce qui compte. Et comme tu dis, cela ne regarde que toi et Oisin."

Même si tout n'était pas résolu, je sentais cependant que j'avais accompli ma promesse auprès de celui-ci. Maintenant, tout était entre leurs mains.

"Je ne sais ce que tu as réalisé, cependant... sache tout de même que t'exiler n'est pas la solution. Sinon Oisin t'aurait laissé faire. La réponse est ailleurs, mais ça il faut que tu le trouves par toi même."

J'aurais bien voulu lui conseiller de parler un peu plus à Oisin du sujet, mais cela serait sans doute aller trop loin. Il y avait déjà du progrès, et je pouvais sentir que Fiadh était plus en paix avec elle. La remettre face à une autre potentielle difficulté n'était pas souhaitable. Une chose à la fois en un sens. pour l'instant c'était suffisant et je n'avais plus grand chose à lui demander. C'est pourquoi j'ouvrais la discussion, avant de prendre potentiellement congé.

"Je ne vais pas te déranger plus longtemps, tu as sans doute fort à faire ou à méditer à présent. Sauf si tu as des questions, j'y répondrais comme je le peux. "


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"Je ne sais ce que tu as réalisé, cependant... sache tout de même que t'exiler n'est pas la solution. Sinon Oisin t'aurait laissé faire. La réponse est ailleurs, mais ça il faut que tu le trouves par toi même."

Fiadh eut envie d'éclater de rire, sans bien savoir si c'était un reste d'exaltation lié à son épiphanie, de joie qu'Elatha ne l'ait pas rejetée, ou d'amusement du fait qu'elle ne semblait toujours pas réellement comprendre sa consoeur. Elle se retint pour ne pas la vexer, et aborda un air grave de circonstance. Elle avait raison, après tout. Fiadh n'avait pas encore toutes les réponses, loin de là. Il n'y avait cependant pas de mal à exulter un peu.

"Je ne vais pas te déranger plus longtemps, tu as sans doute fort à faire ou à méditer à présent. Sauf si tu as des questions, j'y répondrais comme je le peux. "

"Je me doute que tu n'es pas venue dans ce village juste pour me voir... J'ai des remèdes à préparer, alors si tu veux revenir me tenir compagnie, n'hésite pas, mais je vais en profiter pour réfléchir. A plus tard !"

Elle se releva, et se dirigea vers son plan de travail, à côté de celui d'Oisin, bien plus encombré. En souriant, elle commença à le dégager, chose qu'elle aurait du commencer à faire il y'a bien longtemps.
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J'avais envie de lui dire qu'en fait je n'étais pas venue au village pour elle, mais je me retenais. Après tout, est ce que cela avait la moindre importance qu'elle le pense ou non ? Elle avait l'air plus ouverte que tout à l'air et moins à me voir comme une nuisance, ce qui me satisfaisait amplement. Je souriais avec sincérité à son invitation de venir la voir plus tard.

"Je repasserais à l'occasion. Je serais à la hutte des Menuwë si jamais tu me cherches. Nimüe passera sans doute pour le remède de sa mère avant, elle devait venir le chercher plus tôt. Je lui dirais de repasser plus tard. Kwa awalem seg."

Sur ce je sortais de la hutte, sous le regard de certains villageois qui se demandaient sans doute ce qui avait pu se dire dans la hutte du doneigad. Mais mon expression détendue et mon regard calme (et sans doute le fait qu'il n'y avait plus de cris) semblaient rassénérer tout le monde. Ils s'en vaquèrent à leurs occupations sans venir me poser de question. Il n'y avait que Nimüe qui vint vers moi, légèrement inquiète. Mais d'un sourire je la rassurais, lui disant qu'elle pourrait venir prendre les soins pour sa mère plus tard. Je l'accompagnais jusqu'à la hutte familiale, gardant pour moi ce qui avait été discuté avec Fiadh.

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