Courrier de Aelina

Campement de Wenshaveye

Lysha

Ecris-moi tant que tu veux, cela ne me dérange nullement. Au contraire.

Je ne sais pas si cela doit te rassurer ou t’effrayer mais j’ai entendu parler de toi. Tu as frappé un thélémite, n’est-ce pas ? Bien joué. Si tu lui as mis une droite, j’espère que tu as bien mis le pouce en dehors de ton poing serré, autrement c’est la façon idéale de se le casser !

Je ne crois pas que tu en ais trop fait. Je ne crois pas que quiconque présent ce soir-là pourrait être accusé d’en avoir trop ou pas assez fait. Tout était tellement confus.

Tu as fait de ton mieux et tu es en vie, et de cela je m’en réjouis.

Fariz parle trop pour son propre bien mais oui. J’étais à la fête de l’équinoxe. Moi, je t’ai aperçu. J’ai aussi vu beaucoup de sang. J’ai été poursuivie par un ulg. C’était très folklorique.

Je suis revenue au campement, maintenant. J’ai fait une méchante infection, on m’a ordonné le repos, et je tente de m’y contraindre. Peut-être allons-nous revenir à Hikmet dans quelques temps. Je pourrai venir alors. Je me rends compte que je n’ai jamais vu ta boutique de mes yeux, même si Hassan en a parlé.

L’évènement m’a marqué aussi. La soudaineté, notamment. Tout peut partir à volo sur un simplement malentendu…

Je crois que tu te sens coupable, Lysha. C’est simple à dire quand on est dans ta position mais tu n’as pas à l’être. Tu n’aurais rien pu faire pour sauver cette femme. En rendant ton analyse, tu as fait beaucoup pour elle : tu as rétabli la vérité sur son sort.

J’ai un frère jumeau, resté au continent. Il est ce qui m’est le plus cher au monde. Il était difficile de ne pas penser à lui en voyant la sœur pleurer la sienne, sa victime.
C’était un beau bordel.

Si nous revenons à Hikmet, tu n’as qu’à rejoindre la bande. Je connais Mitra, Basir, Fariz et Isa depuis les bancs de l’académie. Nous ne sommes plus de jeunes étudiants mais nous savons encore nous amuser. A ton âge, tu ne devrais pas vivre une vie de recluse à ne t’occuper que de ta boutique. Sors avec nous, un soir ! On oubliera tout : cette histoire sordide, nos recherches…

Il ne serait pas affamant que tu prennes quelque chose pour aider ton sommeil. Tu mérites des nuits sans avoir à te battre contre les cauchemars. Il n’y a qu’une façon de gagner contre eux : les ignorer. A les craindre, on souffre deux fois. Et, c’est effectivement, à nouveau quelque chose de plus simple à dire qu’à faire.

J’ai quitté ma bicoque à Nouvelle-Sérène mais si j’y retourne, ma porte t’est ouverte. Ma boîte aux lettres également.

Campement de Wenshaveye

Lysha,

Nous allons rentrer à Hikmet. Je te donnerai mon adresse alors. Tu pourras aisément nous contacter.
Tu as bien fait de le frapper, cela lui a probablement remis les idées en place. Il a dû être un rien secoué, c’est tout. Tu n’as pas à te justifier. Te connaissant, il faut mériter tes claques pour s’en prendre une.

Mais oui, j’ai entendu parler de ton témoignage et de ton altercation. Je doute que tout Hikmet se fasse passer le mot, peut-être n’est-ce plus qu’une vague rumeur maintenant : la fille qui a frappé le thélémite. Pour certains ce doit probablement être une sorte de victoire sur notre ennemi.

Je n’ai pas eu si peur que cela, ou tout du moins je n’ai pas eu le temps d’y penser sur le moment. Je suis simplement contente d’être en vie. Ca fera une bonne histoire à raconter à tous les petits-enfants que je ne compte pas avoir.

Merci pour le baume. Je l’ai mis, il fait du bien. Tu sais t’y prendre ! La fleur, également, j’en ai utilisé dans ma semoule et dans mon lait. Je me sens flattée d’obtenir un échantillon gratuit de ta boutique et y viendrai avec plaisir. Je n’aurais pas grand-chose d’autre à faire une fois enfermée en ville. On dit que toutes les expéditions doivent rentrer, que le Gouverneur est incapable d’assurer notre protection au-dehors.

J’aurais bien tenté ma chance. Tant pis.

Si ça avait été toi, tu n’aurais pas agi comme l’a fait cette femme. Tu n’aurais probablement pas poussé ta sœur.

Comment s’appelle-t-elle ?

Dès que nous serons dans l’enceinte de la ville, nous t’adopterons officiellement dans nos rangs. Je connais Fariz, Basir et Mitra depuis les bancs de l’Académie. Nos fêtes sont plus sages qu’elles ne l’étaient à l’époque.

N’arrive-tu à te faire aucune connaissance à Hikmet ? La solitude grêle le cœur.

N’existe-t-il aucun remède à tes cauchemars ? As-tu essayé de danser jusqu’à en tomber de fatigue ? D’aucuns te conseillerais l’alcool. Je ne serai pas de ceux-là.

Nouvelle-Sérène est une ville exaltante, tout est encore à faire. Un jour, je te ferai visiter avec plaisir. Je connais la tenancière de la taverne du Denier local, et c’est une sacrée bonne femme. Je te joins mon adresse juste ici. J’habite près du port, la cité n’est pas grande, mais ce n’est pas très bien indiqué.

Je saurais te rendre tous tes gentils cadeaux.